03/11/2010
"On pleure pas parce qu'un train s'en va"... Pensées éparses autour de "Libido moriendi"...
La pensée du jour : "Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs". Stéphane MALLARME.
L'album « Scandale mélancolique » s'ouvre sur une chanson splendide, « Libido moriendi ». D'entrée de jeu, le ton est donné : la faucheuse fait une irruption fracassante dès le début de l'album, son ombre planera au-dessus de presque toutes les chansons...
« On pleure pas parce qu'un train s'en va (bis)
on reste là sur le quai
on attend ».
Ainsi commence la chanson. Un train qui s'en va : je ne peux m'empêcher de voir là l'image du grand départ, le définitif, celui pour lequel on a pris un billet-aller, sans le billet-retour. Ceux qui restent sur le quai attendent, pétrifiés. Et qu'attendent-ils ? Leur départ définitif à eux. « Et ça sent le sexe transi sous le rose de nos ecchymoses ». Même sous les blessures, les preuves les plus sûres de notre existence (comme chantait Renaud : « La souffrance, c'est très rassurant, ça n'arrive qu'aux vivants »), même sous les blessures, se cache déjà l'éternelle immobilité qui viendra nous piéger. « Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs », comme l'écrivait Stéphane Mallarmé . Eternelle immobilité au boulevard des allongés. Le sexe transi. Engourdi de froid. A jamais figé.
On attend que s'abatte « l'ouragan de nos souvenirs » sur « nos boîtes crâniennes en délire ». Ne dit-on pas que lorsque l'on s'enfonce dans la mort, on voit défiler le film de notre vie entière ? Plus loin, dans le texte, les images de mort se font plus précises. « On attend l'ange inquisiteur ». Du latin « inquirere », « rechercher ». L'ange inquisiteur, encore un oxymore sous la plume de Thiéfaine. Etre à la fois ange et inquisiteur, ce n'est pas commun, si ? Le voilà donc, l'ange qui nous recherche. Il se pointe dans « le calme froid de l'aurore ». Parmi les aboiements des chiens qui « flairent l'odeur sucrée de la mort »... Ne dit-on pas que parfois, les chiens hurlent à la mort ? Qu'ils sentent souvent des trucs qui nous échappent ? « L'odeur sucrée de la mort » : cette image ne cesse de me poursuivre. A chaque fois que j'écoute « Libido moriendi », je me la prends violemment en pleine face, j'imagine une odeur lourde, écœurante, qui planerait dans les airs comme un oiseau de mauvais augure...
Dans le dernier couplet, la mort vient asseoir sa présence de façon plus lourde encore. Elle est « l'ultime prédatrice ». Celle qui gagne toujours à la fin. A la fois vamp et araignée. Il y a là deux forces qui s'opposent : la vamp, c'est la femme fatale. De prédatrice, la mort se fait séductrice. Mais il ne faut pas oublier que « vamp » est l'abréviation de vampire. Et que si elle est là, cette charmeuse, ce n'est pas pour une partie de rigolade. De toute façon, elle est également araignée, ce qui ne laisse rien présager de bon !!! Mais je ne suis pas objective sur ce point : je suis une grande arachnophobe, une vraie, et ne peux donc associer des images positives au monstre velu ! Pourtant, je lis à l'instant dans mon livre Symboles et signes que l'araignée est chargée de symboles positifs dans certains pays : au Cameroun, elle représente l'assiduité et la sagesse. En Chine, une araignée au bout de son fil est un symbole de chance. En tout cas, pour moi, une prédatrice qui est un mélange de vampire et d'araignée suscite l'effroi ! C'est elle qui viendra déposer un dernier baiser sur nos peaux transies... Encore une fois, on est ici à la fois dans la séduction (le baiser) et dans la répulsion (l'acier du lady-smith). Dans « lady-smith », il y a « lady ». Beaucoup d'images féminines pour symboliser la mort : la camarde, la faucheuse (et je note ici que le mot allemand « Tod » est masculin, tout est question de langue !!). Une séductrice qui vous attend au tournant.
Les images de mort, de froid, d'effroi se multiplient dans ce texte soigneusement ciselé... Le froid est partout : dans le « sexe transi » du premier couplet, dans l'aurore, dans l'acier de l'ultime caresse...
L'album « Scandale mélancolique » est à mon sens celui qui empoigne le plus le thème de la mort. Se bat en duel avec lui. « Sich mit etwas herum=schlagen », dit-on en allemand, et je ne trouve pas d'expression assez forte en français pour dire cela... « Libido moriendi » n'est que le début d'une lente descente vers la « soufflerie où se terre le mystère inquiet »...
J'ai écrit ce texte après avoir accompagné mon père à la gare, ceci expliquerait-il cela ? Sans aucun doute ! Moi, quand un train s'en va, je pleure ! Et je pense à cette chanson. Thiéfaine m'habite, me hante, me poursuit ! C'est grave, docteur ?!!
09:35 | Lien permanent | Commentaires (9)
Commentaires
Mais j'y pense : aujourd'hui, nous sommes le 3 novembre ! Bonne fête Hubert !
Écrit par : Katell | 03/11/2010
... Ce n'est pas grave.. même les animaux pleux peurent, il est vrai que seul 0,002 % de notre génome nous sépare de notre cousin le plus proche à savoir le bonobo, surnommé injustement chimpanzé nain, il pourrait nous retrourner le compliment car nous sommes encore des nains dans notre humanité.
... Sacandale Mélancolique, voici l'album qui annonçait le soir du 23 août 2008 .. mais pour quoi vous dire .. !...
... Les gens, qui me connaissent, savent que je n'utilise pas de mouchoirs alors pas de rituel supplémentaire pour cette fête du patron des chasseurs, mon médiateur fait le nécessaire et à la question récente que je lui posais :
LD : - nous pensons à Hubert ! et Hubert pense-t-il à nous ?
, elle répondait ..
Fr : - bien sûr Doc !
, mes T.O.Cs m'appellent peut-être reviendrai-je dans la journée ..
Écrit par : Le Doc. | 03/11/2010
Cette chanson est d'une profonde tristesse , elle me tire les larmes à chaque fois ...
Un album très noir ...
Écrit par : loreleï2 | 03/11/2010
, après une courte apparition dans le film " Les petits mouchoirs " Matthieu Chédid revient les bacs chez Atmosphériques avec " On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime ".
Tracklisting liste :
1. Tu peux compter sur moi
2. On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime
3. Chat noir
4. Quelle belle histoire
5. Le blues du Dimanche soir
6. Au secours !
7. A force
8. Crock-mort
9. Sans nous
10. Maman, maman
11. Voilà pourquoi
, atmosphère .. , atmosphère .. est-ce que j'ai une gueule d'atmospère ?... quoique .. , quoique .. !...
, on m'a dit ce midi que le Saint Patron pensait à vous ;-)
Écrit par : Le Doc. | 03/11/2010
Bonjour,
Merci Katell pour cette brillande analyse de "Libido Moriendi", j'adore cette chanson sans doute parce qu'elle évoque un sujet tabou, la mort, et qu'Hubert ( sans faire preuve d'une idolatrie mal placée) est tout simplement très fort pour évoquer les sujets tabous !!
Je sais, je me répète mais celle-la, je la veux dans la playlist de la prochaine tournée !!!
Les mots d'Hubert m'interpellent profondément et pas uniquement que dans cette chanson :
je me souviens lorsque j'ai quitté ma provence adorée avec mon baluchon pour venir bosser dans la capitale et ma mère qui pleurait (!!) alors que ce n'était pas si dramatique finalement, il fallait bien un jour essayer de gagner sa vie !! c'est pourquoi lorsque j'entends "on pleure pas parce qu'un train s'en va", ces quelques mots m'évoquent cet évènement dans ma vie si banale...
Un grand merci à toi Katell pour le sérieux dont tu fais preuve et pour la qualité de ton blog !!!
La bizzzzzzzzzzzzzzz, et le bonjour à Alfana, Le Doc, Boub', Lorelei2 et tous ceux et toutes celles que j'aurai oublié par mégarde, je m'en excuse !!
Bien cordialement, FRED06
Écrit par : FRED06 | 03/11/2010
Cit du Doc :
" il est vrai que seul 0,002 % de notre génome nous sépare de notre cousin le plus proche à savoir le bonobo.. "
, la même erreur à valorisé l'épinard alors qu'il ne possède que très peu de fer et le fer à six sous c'est pas cher .. ? ne m'appeller pas Popeye même si je suis un ancien de Ségolène ;-) mais avec Carlita je brunis ..
, en fait la différence est de 0,02 % mais pour la vitesse de rotation de l'hélice cela une grande différence, enfin pas pour tout le monde ..
Écrit par : Le Doc. | 03/11/2010
, le Docteur aurait dû répondre :
Voilà un intéressant T.A.T ..
Écrit par : Le Doc. | 05/11/2010
Salut, juste un petit coucou pour te dire que j'adore tes articles.
Sinon c'est impressionnant les différences d'interprétation, la ou pour toi l'odeur sucré de la mort est lourde, moi je la vois toujours légère, justement comme un sucre dissous dans un thé, sauf que le thé serait en faite l'air dans lequel le genre humain vit, et se noie *pour citer noir désir*. La ou tu l'as voyait écœurante, moi en revanche une nouvelle fois je la voyait sucré et attirante, mais planant effectivement dans les airs comme un oiseau de mauvais augure. Car certes elle serait attirante, mais la mort reste la mort, et de la se pose un dilemme : Est on prêt à prendre le risque de mourir juste pour sentir cette douce odeur si attirante et capable de nous enivré au delà de tout ? Ou doit ton resté sage et attendre patiemment se privilège qui viendra, mais qui ne nous rendra pas ?
Ps : désolé pour l'ortho.
Bonne soirée.
Écrit par : Luis Daoiz | 09/11/2010
Pour une fois j'ai dû laisser mon esprit morbide me quitter un peu.
Je vois plutôt dans ces paroles la séparation d'un couple sur le quai d'une gare. On ne pleure pas mais on est triste de ce quitter. Le couple prend une autre forme (les dieux nous métamorphosent), il y a une séparation physique (sexe transi) et ça fait mal (le rose des écchymoses). Et durant l'attente les souvenirs des petits riens reviennent (milliers de bouts d'icones) à l'esprit. On attend l'heure du départ la peur dans les yeux (chiens vitreux) et le dernier baiser froid, donné dans la retenue vu la configuration des lieux, tuant (l'acier froid du lady smith). Mais oui, partir c mourir un peu...
Écrit par : nath | 18/11/2010
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