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13/02/2013

Jane Birkin à La Passerelle hier soir

La pensée du jour : "On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné". Romain GARY

 

La dernière fois que j'ai vu ma mère chez elle et bien vivante, c'était en novembre 2008. Elle écoutait L'anamour de Gainsbourg. C'est moi qui lui avais fait découvrir cet artiste et elle l'avait tout de suite aimé. Plus encore, elle aimait Jane Birkin. Il y a 15 ou 16 ans, je crois, nous étions allées la voir en concert. Nous étions au premier rang, et je me souviens très bien que Birkin était très émue ce jour-là : sa propre mère était dans la salle. En le disant, Jane nous avait regardées, ma mère et moi, et elle nous avait fait un clin d'œil. Car le lien qui nous unissait était évident. Encore aujourd'hui, on me dit régulièrement que je suis le portrait tout craché de ma maman...

En mai 2009, ma mère devait fêter ses 61 ans et j'avais depuis longtemps une petite idée pour son cadeau d'anniversaire : un concert de Jane que j'avais repéré. Sauf que le destin devait bouleverser mes plans. En décembre 2008, ma mère tombait subitement malade. En février 2009, elle n'était plus là. Je me souviens avoir beaucoup hésité pour le concert de Birkin en mai : devais-je y aller ou non ? J'ai suivi mon instinct, j'y suis allée. La première chanson de ce magnifique spectacle ? L'anamour...

Hier, Birkin était en concert à La Passerelle de Florange. C'était un triste anniversaire : le 12 février 2009, on enterrait ma mère... Je savais que voir Jane hier allait me coller quelques uppercuts, mais j'y suis allée quand même. Il le fallait.

21 heures et des poussières. La frêle silhouette de Jane s'avance sur la scène et nous envoie le Requiem pour un con. Quelle audace de commencer par cette chanson ! Et c'est tout un feu d'artifice qui nous entraîne dans un vertige lumineux ! Je redécouvre des mélodies et des mots qui ont bercé ma jeunesse, des chansons que ma mère aimait particulièrement. Birkin souligne l'ingéniosité des mots de Gainsbourg et les fait revivre, leur donnant un autre relief encore, celui d'une tendresse mature, mais jamais usée :

« Les amours perdues ne se retrouvent plus

Et les amants délaissés peuvent toujours chercher ».

 

« Le temps ne peut-il s'arrêter

Au feu de nos passions ?

Il les consume sans pitié

Et c'est sans rémission ».

 

Pour cette tournée, Jane s'est entourée de musiciens japonais hors pair. Le show est émaillé d'audaces multiples et variées : dans Comic Strip, c'est la violoniste qui prête sa voix aiguë aux délicieuses onomatopées inventées par Gainsbourg. Et que dire des instruments majestueux (piano, trompette,  batterie et violon) qui habillent élégamment les compositions du grand maître ? Pendant qu'elle chante Mon amour baiser, Jane n'hésite pas à monter dans le public, souriant aux uns et aux autres de toute sa gentillesse. Allant jusqu'à faire se lever une rangée entière pour pouvoir passer de l'autre côté des sièges ! Que de générosité dans les gestes de Jane ! Le public désobéit à la consigne « pas de photos dans la salle », mais Jane s'en fout et se laisse photographier sans faire d'histoires ! Jamais de pose ni de caprices chez cette femme, elle est heureuse comme ça, sans chichis, et s'abandonne tout entière et en toute simplicité aux élans de son grand cœur.

Elle nous remercie pour notre curiosité, elle nous remercie d'être venus (« alors que vous avez déjà assez d'ennuis comme ça » !!), elle apprécie que nous nous soyons déplacés malgré le froid glacial et la neige. Elle nous trouve comme nous sommes depuis toujours : aguerris au froid, mais le cœur chaud comme un brasier !

Il faut se quitter et c'est un drame. Malgré le rythme sautillant et les mots souriants de La gadoue, je me sens «  le cœur sous perfusion ». Ce concert qui se meurt, c'est ma mère qui s'enfonce toujours plus loin, à pas feutrés, dans le désert, c'est un bout de ce qu'elle fut qui m'abandonne encore, et je planque comme je peux les torrents de larmes qui font rage sur mon visage... Je repars chancelante jusqu'à ma voiture et je me dis que les plus beaux mots de la littérature française, c'est sans conteste à Romain Gary qu'on les doit : « Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais ».

Commentaires

Merci pour ce très émouvant compte-rendu; j'ai les larmes aux yeux et je repense aussi à ma maman , décédée ds des circonstances très sombres !
J'ai vu aussi Jane Birkin, il y a quelques années elle était alors très impliquée ds la libération de Aung San Su Kii de Birmanie et j'avais bcp apprécié son intervention au cours de son concert ! Elle s'était aussi promenée ds le public avec son parapluie transparent qui la faisait ressembler à un petit elfe gracieux...je la reverrais avec plaisir !
Bien sincèrement.
Michelle

Écrit par : KAROLLINCA | 14/02/2013

Merci, Karollinca, pour tous ces commentaires bien sympathiques. Birkin est une femme exceptionnelle, d'une sensibilité incroyable, toujours sur tous les fronts pour défendre les opprimés.

Écrit par : Katell | 15/02/2013

Je n'ose vous dire merci pour votre si touchante note.

Écrit par : lemmy | 20/05/2013

Les commentaires sont fermés.