09/03/2013
Room in New York
La pensée du jour : "Le destin, avec ce côté vache qui le caractérise". Romain GARY
Je continue la série d'articles sur les tableaux d'Edward Hopper. Cette fois, c'est Alice Ferney qui laisse parler son imagination en regardant le tableau Room in New York :
Une chambre à New York
Et voilà ! Il s'est installé ! Le journal, son cul dans le fauteuil, un sourire, et il lira les nouvelles pendant que je prépare son dîner, léger s'il te plaît. Quel ennui ! Quelle tristesse ! Pourquoi les hommes finissent-ils dans cette routine égoïste ? Dieu qu'ils sont insupportables avec leurs chemises blanches, leur gilet et leur cravate, et cet air important qu'ils promènent partout et qu'ils assoient encore le soir en face de leur femme ! Ils sont gonflés de leur importance : ils connaissent, ils commandent, ils font le marché, ils ont des clients, des fournisseurs, des secrétaires ! Tout leur est dû de la part des femmes, et que donnent-ils en échange ? Ils disparaissent dans l'édition du soir ! En seront-ils plus intelligents pour autant ? Pensez-vous ! Même si physiquement ils prennent soin d'eux-mêmes, ils oublient de sentir, d'exprimer, ils sont anesthésiés par les poses qu'ils prennent. Ils sont intellectuellement amollis.
Elle pense : Je prodigue une affection sans bornes à une personne qui n'en vaut pas la peine ! Le silence lui pèse, comme ce train-train quotidien dont le journal est devenu le symbole. Dans cinq minutes, elle le lui arrachera des mains ! Voilà ce qu'elle fera. Et elle lui dira comme elle s'ennuie avec lui et se désespère qu'il manque à ce point d'attention pour elle, et de fantaisie pour eux. Leur beau couple, qui croyait que vivre à New York serait trépidant !
Cet après-midi, elle a rencontré un homme, il flânait derrière elle dans une galerie qui exposait Hopper. Fallait-il vraiment qu'elle fût malheureuse pour avoir osé s'adresser à un inconnu ! Un parfait inconnu qui s'intéressait aux mêmes choses qu'elle. Elle y pense en ouvrant un tiroir, visualise son intérieur, le fauteuil de cuir, la table ronde, ce confort douillet dans lequel se côtoient deux solitudes : on se croirait dans Une chambre à New York. Elle pense : Amusant.
Je m'ennuie avec toi, dit-elle.
A-t-il levé les yeux de l'article qui le captive tellement ? Non !
-On ne s'ennuie qu'à cause de soi-même...
Il se moque d'elle ! Tout est de sa faute à elle, pas vrai ?
J'ai quelque chose à te dire. Je ne sais pas trop par quel bout commencer. J'ai rencontré un homme, invente-t-elle.
Ah ! Voilà comment il faut s'y prendre pour obtenir toute son attention ! Maintenant, il écoute ! Elle rit : Ne me regarde pas avec ces grands yeux ! On dirait un de ces petits Boliviens pieds nus qui ont besoin de parents adoptifs !
Où a-t-elle entendu cette phrase ? Elle pense : Je perds la tête décidément.
Tu marches sur ton journal, remarque-t-elle.
Quelle importance, répond le haussement d'épaule.
Elle pense : Ah, le journal n'a d'importance que si la petite femme est à la cuisine, heureuse et soumise !
Je n'arrive pas à croire que tu as rencontré quelqu'un que tu préfères à moi, lance-t-il.
Tu as raison, ça n'est pas encore le cas, je voulais t'obliger à me regarder.
Tu es jolie dans cette robe, dit-il en ramassant le journal.
Que cache la paix domestique ?!
10:24 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Comme un T.A T !
Écrit par : passager | 09/03/2013
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