31/12/2013
Hommage à Jean-Louis Foulquier
La pensée du jour : "Six milliards d'individus hurlant 'Je suis seul !', ça fait une jolie musique aux oreilles de Dieu". Brigitte FONTAINE
En ce dernier jour de l'année 2013, impossible de ne pas rendre hommage à Jean-Louis Foulquier, qui sut toujours faire un excellent accueil à des artistes comme Thiéfaine, Leprest, et bien d'autres... Je me souviens aussi de sa belle interprétation de "Tout c'qui est dégeulasse porte un joli nom"...
J'ai trouvé l'article suivant, signé Valérie Lehoux, sur Télérama.fr, je l'ai recopié intégralement :
Jean-Louis Foulquier s'est éteint ce mardi 10 décembre 2013, à l'âge de 70 ans. Animateur emblématique de France Inter et fondateur des Francofolies de La Rochelle, il laisse la chanson française orpheline.
Une image : la grande scène de La Rochelle, au soir du 17 juillet 2004, quand il tira sa révérence après vingt ans de Francofolies, entouré pour l'occasion de Renaud, Véronique Sanson, Alain Souchon, Zebda, Zazie, Voulzy, Kent, Maurane, Juliette, entre autres.
Une musique : Europa, par le saxophoniste argentin Gato Barbieri, qui servit 24 ans durant de générique à son Pollen.
Une voix : la sienne, aux profondeurs chaleureuses et aux tutoiements faciles, qui résonna sur France Inter pendant une quarantaine d'années.
Pour deux générations, au moins, Jean-Louis Foulquier aura été l'incarnation parfaite du « Monsieur chanson française ». Celui qui fit découvrir au grand public la scène bouillonnante, et turbulente, de l'après-rive gauche – les Higelin, Renaud ou Lavilliers qui, au mitan de la décennie 70, réinventaient la chanson française en la gorgeant d'impertinence, de rock ou de musqiues latines. Celui, aussi, qui savait transmettre aux plus jeunes l'amour des monstres sacrés nommés Ferré, Barbara ou Brassens, dont il connaissait les répertoires par cœur, et dont il soulignait sans cesse l'importance nonobstant les modes du moment. Celui, encore, qui aura accompagné les talents émergents durant des décennies, autant sur les ondes que sur le festival qu'il avait créé, dans son port natal de La Rochelle.
Brassens, Mouloudji, Aznavour, Barbara...
C'est donc là que l'histoire commença, en juin 1943. Est-ce parce qu'il avait grandi dans les embruns de l'Atlantique, qu'il aura toujours gardé une allure de marin – mâtiné de titi parisien ? Toujours est-il que Foulquier n'a pas 20 ans lorsqu'il ose larguer ses amarres rochelaises, pour tenter sa chance dans la capitale. Déjà, la chanson le titille. On le croise à L'Echelle de Jacob ou à La Villa d'Este, où se produisent Caussimon, Mouloudji ou Aznavour. Il enregistre même plusieurs 45 tours. Mais les temps sont aux yéyés, et la voix du jeune homme peine à percer. Le hasard et le besoin de gagner sa vie vont alors prendre des allures de destin : en 1965, il entre à France Inter en tant que ... standardiste. Peu à peu, il collabore à plusieurs émissions, ne s'imaginant pas encore dans la peau d'un animateur. Jusqu'à ce que la direction de la chaîne lui propose un créneau nocturne, entre 2 et 3 heures du matin.
En 1975, Foulquier s'y installe, et crée Studio de nuit. « Je voulais en faire le dernier cabaret de Paris. J'invitais de jeunes chanteurs que personne ne connaissait encore, et qui venaient avec leur guitare. » Un soir, l'animateur a la surprise d'y croiser Brassens, auditeur fidèle, venu incognito accompagner l'un de ses amis chanteurs. La rencontre est fondatrice : les deux hommes sympathisent ... tant et si bien que Brassens reviendra lors de chaque nouvelle saison, pour lancer l'émission, à la stupéfaction totale des animateurs « installés » de France Inter. « Pour moi qui n'étais encore qu'un débutant, ce fut essentiel. Brassens m'a donné la confiance qui me manquait. »
Suivront bien sûr d'autres rencontres (notamment avec Barbara, qui le marqua fortement), et d'autres émissions : Saltimbanques, Bain de minuit, Y a d'la chanson dans l'air... Et Pollen. Lancée en 1984, elle fut longtemps l'un des piliers des grilles d'Inter, et le rendez-vous incontesté de tous les amoureux de la chanson. A l'instar d'un José Artur, Foulquier s'impose alors chaque soir en « passeur » d'exception. Bon vivant, bon buveur (un peu trop, de son propre aveu), il a le don d'instaurer de la convivialité autour de son micro. Il aime les artistes, et cela s'entend. Il réalise souvent son émission en public, et hors les murs, dans un restaurant parisien proche de l'Olympia, au Théâtre du Sentier des Halles, au Palace, au Passage du Nord Ouest, au Divan du monde...
Higelin, Thiéfaine, Nougaro, Indochine...
En 1985, nouveau pas, et cette fois de géant : Foulquier crée les Francofolies dans son fief de La Rochelle. Higelin, Thiéfaine, les Rita Mitsouko, Diane Dufresne ou Zachary Richard sont de cette première édition. Nougaro, Sheller, Souchon, Renaud, Couture ou Indochine sont de la deuxième... Rien ne semble résister à Foulquier. Il fédère et a du flair. Il demande à Didier Varrod, alors au début de sa carrière, de l'épauler. Bien vu. Au fil des ans, son festival prend de l'ampleur. Tout en restant centré sur la chanson, il s'ouvre au hip-hop et s'aventure sur les terres de l'électro. Il essaime même à l'étranger, Bulgarie, Québec, Belgique, Argentine, Suisse, Allemagne – de ses tentatives étrangères, ne subsistent aujourd'hui que les Francos de Spa et celles de Montréal.
Pour Foulquier, l'aventure Francofolies durera 20 ans – il passe la main à l'issue de l'édition 2004. Sa vie à la radio se poursuit encore quelque temps. Pollen ayant adopté un rythme hebdomadaire à la fin des années 90, il lui adjoint en 2003 une courte quotidienne, Tous talents confondus, consacrée aux débutants. C'est son dernier fait d'armes sur France Inter. A la rentrée 2008, la station, alors dirigée par Frédéric Schlesinger,décide de mettre un terme à leurs 43 années de vie commune.
L'homme s'est donc retiré, à regret. De-ci, de-là, on le voyait encore faire l'acteur : sur les planches, dans une adaptation de La première gorgée de bière, ou devant les caméras, dans la série Xanadu – depuis les années 80, il avait régulièrement endossé de petits rôles pour le cinéma et la télévision. On l'entendait parfois pousser des coups de gueule (contre Ségolène Roayl, par exemple). On le savait également appliqué à peindre, ce qui l'apaisait, et à exposer des toiles aux couleurs vives. Mais c'est encore et toujours dans le monde de la chanson que, même absent, il restait le plus présent. Le 8 décembre 2013, lors du grand concert Inter-Générations célébrant les 50 ans de la station, plusieurs artistes avaient tiré leur chapeau à celui qui les avait soutenus dès leurs débuts. Quelques jours plus tôt, il nous avait raconté ses propres premiers pas à la radio, avec une reconnaissance mêlée de pudeur. Souvenirs d'un authentique passionné, qui aura su transmettre sa flamme.
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