10/09/2020
Il était une voix... (un texte de Seb)
Ce soir, premier texte d'une série que j'espère longue. Cependant, comme cela ne se bouscule pas au portillon, j'ai des doutes. Vous savez, en août, je vous avais demandé si vous étiez d'accord pour parler ici de votre "thiéfainite", aiguë ou pas. Seb s'est proposé et m'a envoyé un texte aujourd'hui. Je vous laisse le découvrir.
Il était une voix…
Planète Finistère. Été 89. 16 ans.
Petit hardos aux jean’s moulants (frôlant chaque jour la mort par strangulation), j’évolue dans un univers peuplé de guitares saturées et de cheveux longs. Déjà, de fait, en retrait de la masse bêlante…
C’est les vacances. Mon pote Eric vient me rejoindre pour quelques jours. Avant cela, il était en camp de vacances (Stalag #?). Dans son bagage, une K7. Noire, anonyme..
Anonymat qui participera de la magie à venir. Pas de photos, pas d’influence visuelle. Du son et des mots. De drôles de mots. Et une ambiance…
Allez… >> PLAY >> EN CONCERT.VOL.1 >>
Et là, dans la chaleur de Breizh, le charme opère :
Des gens qui sifflent, qui gueulent (« hé, asseyez-vous devant ! »), un orgue fiévreux, la batterie arrive, on applaudit, puis c’est la basse qui nous guide vers les dingues et les paumés, mélopée égrenée d’une voix d’outre-tombe… Ta voix. Le sabbat débute.
Défileront alligators immatriculés, pauvre petite fille et autres putes infirmières… Des mots que je comprends sans toutefois… comprendre. Qu’importe : j’accroche. Je connais ton monde. Il est dans mes gènes. Nous sommes programmés pour nous rencontrer. Nos synapses sympathisent.
Ce que je ne savais pas encore, c’est que tu serais la bande-son de ma vie, me suivant des gouffres amers aux pics ensoleillés.
Longtemps, tu n’auras pas de visage. Tes textes, par moi, approximativement compris. Il faudra l’achat d’un premier album (Dernières balises…) pour identifier l’ovni. Et encore !
Voilà, rétrospectivement, l’idée que je me fais de notre première rencontre. Idéalisée, fantasmée, certes : la K7 était-elle chargée correctement ? Face A engagée dans la chambre ? Les dingues et les paumés, dans le canon ? La scène se perd dans les années.
Quoi qu’il en soit, plus de 30 ans ont passé et ce live a toujours, sur moi, un effet particulier. Comme j’aurais voulu y assister ! Il est, à mon sens, fondateur du Thiéfaine post-folk (extrait de mes directives de fin de vie, Chapitre 27, alinéa VI : « En cas de fin du monde, merci de diffuser le final d’Alligator 427 - En concert, vol.1 - en synchro avec le flash irradiant»).
Mais, un autre album me tient lieu de madeleine imbibée : Alambic Sortie Sud et son ambiance « néon-périph’ ». De mon Walkman jusqu’à l’iPod, des banlieues traversées clandestinement aux trottoirs luisants de la ville, combien de fois ai-je emprunté la Nyctalopus Airline ?
Cette fois, la pochette a tenu lieu de support à mes songes. Encore aujourd’hui, le 33 tours encadré veille sur mes nuits. Hypnose sonore autant que visuelle.
Présentée telle quelle, notre relation peut sembler idyllique et sans failles. La réalité diffère peut-être. Je ne t’ai pas été toujours fidèle. J’avoue, il y a des périodes durant lesquelles, j’étais presque clean. Sans pour autant décrocher totalement. Mais, pas longtemps, c’est vrai. Et qu’elles qu’aient été mes infidélités, mon penchant pour toi était toujours là, en filigrane. Avec un goût de reviens-y. Il y avait toujours une 113ème cigarette…
Jusqu’à ce soir, où tous les éléments étaient de nouveau réunis : Planètes bien alignées, bien rangées comme il faut. Etat d’esprit en mode Mélancolie numéro 6. Automne. Nuit. Reflet des feux sur les pavés. Passé dans le dos. Dragons domptés. Âme rincée, lavée, décapée. Je te retrouvais…
Puis, agoraphobie en sourdine, j’accompagnai mon pote Sylvain en concert : la claque ! Je connaissais les gestes, la liturgie, les psaumes ! Depuis, chaque fois, c’est à genoux que je me traîne pour communier avec les ombres (qu’en sera-t-il désormais dans ce « monde d’après » ?).
Alors, est-ce que je te prête ?
Mmmm… Ben…Disons que Loreleï Sébasto Cha échaudée craint l’eau froide…
Au début, au bahut, oui. Nous étions quelques-uns à nous passer le relais. Formant ainsi un clan d’initiés. Puis, les années passant, les rangs se clairsemèrent. Nombreux, ceux qui tombèrent au champ de normalitude.
Mais je me souviens de chaque passeur croisé sur la route. Ce couple de vieux (« au moins 30 piges ! »), rencontrés grâce à toi. Cette fille, dans un bar, qui vantait « la fille…» à la patronne, ce voisin qui faisait péter le son dans la cour de l’immeuble… Et bien entendu, tous ceux qui m’ont glissé quelques cassettes dans l’magnéto !
Puis, après quelques remarques sarcastiques, dédaigneuses, hargneuses voire haineuses (« Ah oui, la fille du…, t’écoutes ça, je vois… »), et n’ayant pas la parade à ce genre de répliques, c’est « vivons heureux, vivons cachés ». Finalement avec toi, c’est tout blanc, tout noir… ou tout gris ! On t’aime, on te déteste, ou on ignore ton existence.
Mais, de ci de là, il y a toujours quelques surprises (mes cousins, des collègues te citant – Maison Borniol !-,…).
Même avec mes amis proches, et fans (ou fans et proches ?), je préfère une écoute en solo (ma compagne seule « profitant » de mes vocalises). Sauf aux concerts, ça va de soi…
Quant à ce que tu m’as apporté ?
Une présence, du réconfort. La force d’affronter l’absurde. D’accepter d’être bancal, parfois. Ah, et bien sûr, Léo Ferré !! Comment l’occulter ? Merci…
Peut-être aussi m’as-tu appris la tolérance ? Je ne juge pas (plus) le fan de Michaël Jackson, Claude François, ou Carlos. Chacun sa came, chacun sa religion…
Voilà, j’arrête car je n’ai plus de mots assez durs…
Si ! Juste te dire que tu as l’âge de mon père mais que je te considère comme mon frère…
Allez… >> PLAY >> EN CONCERT.VOL.1 >>
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