08/05/2022
Des pâmoisons qui tombent en pluie : après Thionville, Neuves-Maisons !
"Par parti pris je ne crois en rien; par expérience en moins que rien". Pierre AUTIN-GRENIER
Alignement des planètes, conjoncture favorable, tarots bienveillants : ça continue, que c'en est même affolant. Dans ces cas-là, je me demande toujours quelle entourloupe la vie me prépare. C'est l'expérience qui parle, sans doute. Mais non, pour une fois, tentons de nous abonner (essai gratuit) à l'optimisme et remâchons bien fort les mots de Romain Gary : « Il paraît qu'il ne faut pas avoir peur du bonheur. C'est seulement un bon moment à passer ». Oui, enfin, c'est le même Romain Gary qui écrivait aussi : « Comme quoi parfois tout finit bien. Je le dis vite en passant, car lorsque les choses s'arrangent, j'en ai de l'angoisse, je me demande toujours ce que l'avenir a en tête ».
Bref... « Couchée, mon âme ! ». Et toi, mon esprit tortueux, lass mich in Ruhe ! Plutôt que de me demander ce que l'avenir a en tête, je voudrais me poser ce matin pour me demander ce que le bel hier avait dans les tripes !
Revivons donc le concert de Neuves-Maisons, et l'avant, et l'après. Parce que tout cela vaut son pesant d'or aussi. Et me voilà confrontée à la question que secrètement, avant ce week-end, j'espérais pouvoir me poser sans être capable d'y répondre : « Alors, le meilleur concert, c'était Thionville ou Neuves-Maisons ? ». Ben voilà, je ne sais pas ! Les deux, mon camarade ! Et attendez, ce n'est pas tout : hier matin, j'avais déjà un pied dans la tombe de la nostalgie, je me disais « ça y est, ce soir, tout sera fini ». J'ai refusé cette fatalité. Et je me suis pris un billet pour Sausheim. Une folie de plus ? Oui, sans doute, mais pas de quoi en faire tout un plat non plus : ce n'est rien qu'à deux heures et demie de route de la maison, et c'est à 18 heures. Je serai rentrée vers 22 heures, comme une fifille bien sage. Une petite pilule pour dormir et au lit ! Interdiction de me demander lequel des trois concerts avait le plus d'allure et pourquoi. On se posera la question demain. En pleine redescente, la larme à l'œil !
Neuves-Maisons, donc. Forte de ce que j'y avais vécu en février pour le concert de Birkin, je me suis dit qu'il fallait arriver bien plus tôt hier. Pour Jane, j'avais trouvé une place de parking in extremis et j'avais dû courir comme une dératée jusqu'à la salle pour ne pas louper le début. Pas question de vivre ça avec Hubert. Jamais je ne suis arrivée en retard à un seul de ses concerts. C'est le genre de truc que je ne peux concevoir. Donc, à 19 heures, je me garais devant la salle. À côté de ma voiture, un autre fan de Thiéfaine, que je connais bien. On peut appeler ça un splendide hasard, comme dans la chanson de Michel Berger. Nous voilà papotant dans la belle lumière de mai. Je mange vite fait mon sandwich et nous nous dirigeons vers la salle. Et là, qui vois-je débarquer ? Un autre fan, que je n'avais pas revu depuis des années. Celui-là même qui, en 1998, m'avait proposé de m'emmener voir Thiéfaine à Bercy avec lui. Et moi, grande gourdasse impardonnable, j'avais dit non. Parce que le concert avait lieu un vendredi soir et que je travaillais le samedi matin ! J'avais peur. Je crois rêver. Je suis plus déraisonnable à 48 ans que quand j'en avais 25, si c'est pas misère (je pique ce « si c'est pas misère » au groupe Machin). Ce rendez-vous manqué, c'est un des drames de ma vie. Carrément ! Quand je pense à tout ce que j'ai pu faire par la suite pour aller voir Hubert, quand je pense aux montagnes que j'ai abattues pour lui, le faisant passer avant tout le monde ou presque ! Même, une fois, avant un amoureux qui m'en tint rigueur de longues semaines durant. Les circonstances ? Je revenais d'un séjour de neuf jours en Allemagne et Hubert chantait à Amnéville le soir de mon retour. Rentrée de Germanie, j'avais posé ma valise en catastrophe dans l'appartement et j'étais repartie illico. Ben ouais, mec, si tu choisis de vivre avec moi, il faut également accepter d'héberger ma passion pour HFT. Sinon tu t'exposes à de régulières déconvenues qui te feront dire « mais merde, on dirait bien que je suis moins aimé qu'Hubert ». Hé hé, qui sait ?!
Avec l'ami retrouvé, nous évoquons le passé. Nous nous donnons des nouvelles mutuelles. Ce faisant, l'heure approche. La tant attendue et la tant redoutée. Tant attendue parce qu'elle signe le début d'une extase. Tant redoutée parce qu'elle s'en va déjà vers la fin de la même extase. Je suis née avec la nostalgie chevillée au corps. Une erreur de programmation dans le computer. Dommage.
Juste avant le concert, je vois encore le Doc et 655321 (c'est le pseudo qu'il utilise quand il intervient sur mon blog, mais il a quand même un vrai prénom et un vrai nom, ne vous en faites pas). Je leur explique que j'ai dégoté un billet pour Sausheim. Et le Doc de me regarder, amusé, et de s'exclamer : « C'est vrai que tu es une furieuse du Bébert ». Oui, je crois qu'on peut le dire, j'avoue ma très grande faute qui dure depuis trente ans.
Allez, on se quitte. Pour ce qui est de la très grande faute qui dure depuis trente ans, on passera au confessionnal plus tard, quand on aura le temps !
L'extase va commencer. Je suis bien installée, au bout d'une rangée, côté marches. Ça me va. Parce que je suis légèrement claustro. Et parce que je déteste ne pas pouvoir bondir vers la scène quand retentissent les premières notes de La fille du coupeur de joints. C'est le seul truc qui m'a embêtée à Thionville : j'étais coincée entre deux personnes !
À Neuves-Maisons, j'ai trois voisines. Elles ne débarqueront qu'en plein milieu de La ruelle des morts. Je suis un peu vénère au moment où il faut que je me lève pour les laisser passer. Mais je leur pardonne vite : ce sont des furieuses, comme moi. Peut-être même plus ! Si, je vous jure ! Il y en a une qui pousse des cris à tout bout de champ. Le monsieur derrière moi finit par dire à son voisin : « C'est de l'amour ». Je crois bien. Un amour qui met dans de ces états, je vous raconte pas. Pour résumer, je dirais « pâmoison ». Ce n'est pas moi qui vais me moquer, je suis victime de la même ivresse, alors camembert ! Je suis simplement moins expansive, mais le cœur y est de la même manière !
La salle est chaude comme la braise. Difficile de dire si l'ambiance est encore plus pharamineuse que la veille. Disons que comme la salle est plus petite, les pâmoisons sont plus concentrées. Donc plus palpables.
Hubert le ressent puisqu'il nous dit que nous sommes super. Je crois même qu'il ajoute (il faudrait que quelqu'un me le confirme) qu'il va rêver de nous. Ma voisine me regarde et me lance : « Oh, il est chou ». Ce n'est pas le premier qualificatif qui me viendrait si on me demandait de définir Hubert, mais soit, pourquoi pas ? Il est chou, mettons ! Comme je ne suis pas certaine d'avoir compris ce qu'il a dit, je demande à cette même voisine : « Il a dit qu'il allait rêver de nous, c'est ça ? ». Elle a plutôt entendu « je suis bien avec vous ». Mais si Hubert a l'intention de rêver d'elle, me dit-elle, elle n'en serait pas mécontente. « On ne sait jamais, sur un malentendu », ajoute-t-elle, malicieuse !
Les morceaux s'enchaînent. Trop vite, trop vite. On arrive à Page noire et je n'ai rien vu passer. Page noire, c'est le moment critique. Hubert va saluer et ce sera presque fini. Mais bon sang, dans quelle brèche spatio-temporelle venons-nous de tomber ? Nous avons tous oublié, je crois, où nous étions, qui nous étions, et à quelle époque ! C'est vrai, ça, elles se mélangent toutes délicieusement : celle de la rue Mouffetard, celle des enregistrements à New York, celle des confinements en série. Et voilà qu'il est déjà l'heure de La queue. Alors là, on a frôlé la catastrophe : dans les premiers rangs du public, quelqu'un a osé dégainer un flash. Là, Hubert se fâche copieusement. « Arrête avec ton truc, je me le prends en pleine gueule », lâche-t-il. Deux secondes plus tard, c'est la chanson qu'il menace de lâcher. Il se contente d'en escamoter quelques strophes. « Faut pas gonfler Félix-Hubert quand il pousse la chansonnette », voilà ce qui me vient en écrivant ce matin. Façon Gérard Lambert sorti de ses gonds. Un peu plus et Hubert se barrait comme ça, sans autre forme de procès. Aïe, aïe, aïe... Vous voyez : un rien peut mettre le bonheur en péril. C'est pour ça que je m'en méfie. On ne sait jamais ce que ce saligaud cache dans sa besace.
Allez, pas grave : Hubert reprend le truc. Un peu en colère. Ça lui passera pendant La fille du coupeur de joints. 655321, qui est assis pas très loin de moi, me chope au passage. Allez, je descends de la montagne, moi aussi, je laisse mes voisines à leur pâmoison collective et je vais vivre la mienne un peu plus loin.
Voilà, c'est fini. Les lumières se rallument, la brèche spatio-temporelle nous recrache. Nous, c'est la réalité qu'on se prend en pleine gueule en cet instant cruel. Il faudra bien négocier la redescente. Ah ben non, c'est vrai, ce n'est pas pour tout de suite : il y a encore Sausheim !
À la fin du concert, je vais traîner du côté du merchandising. Très mauvaise idée qui va encore porter un coup fatal à mes finances. Je prends un tee-shirt (que je ne mettrai que deux fois dans ma vie) et une affiche (que je vais encadrer et accrocher dans mon salon). Je tends ma carte bleue au vendeur et je lui dis en riant : « Avec tout le fric que j'ai dépensé pour Hubert, je pense qu'il a pu se payer une voiture ». Et pas une sans permis, s'il vous plaît ! Mais c'est quoi, ces considérations tordues ? On s'en fout pas mal. La voiture, je m'en cogne. Ce qui compte, c'est quand même qu'Hubert m'ait aidée à traverser l'existence et que ses chansons aient accompagné celle-ci jusque dans ses moindres recoins, lui faisant une bande-son qui ne s'éteindra qu'avec moi. Oh yeah, je deviens lyrique !
Un peu plus tard, les musiciens se pointent. Grâce à Sam (un autre furieux du Bébert), qui n'a peur de rien ni de personne, une discussion s'engage avec Jean-François Assy et Frédéric Gastard. En voilà deux qui, en plus d'être incroyablement talentueux, sont incroyablement gentils. Vraiment choux, pour reprendre le terme de ma voisine. Nous sommes trois (Sam, 655321 et moi) à leur faire des compliments à gogo. Il faut dire qu'ils le méritent. Il faut dire que sur cette tournée, musique et textes s'emboîtent divinement. Là aussi, planètes parfaitement alignées, tarots bienveillants, épousailles rondement menées : c'est avec une grâce infinie que l'alchimie opère dans son petit laboratoire. Ça ne fait que des heureux, c'est vraiment la classe. À chaque fois, c'est la même joie qui s'exprime dans toutes les bouches. D'ailleurs, vendredi, j'ai emmené une de mes amies à son premier concert d'Hubert et on peut dire qu'elle en est ressortie éblouie.
Des pâmoisons qui tombent en pluie, vous dis-je ! Le bonheur servi sur un majestueux plateau d'argent. La facture sera salée, c'est sûr, les dieux n'accordent du répit à l'humanité que pour mieux frapper ensuite, j'en suis convaincue. Mais pour le moment, foin de ces considérations pessimistes : Sausheim, nous voilà !
12:35 | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Franchement, quel concert hier...
Je ne m'en remets toujours pas.
J'ai emmené ma fille Apolline qui a 7 ans, la nana assise à côté d'elle lui a dit à la fin du concert : "mais c'est dingue, tu connais toutes les paroles par coeur !"
Vraiment un super concert, une set liste où aucune chanson n'est à jeter. Bref du bonheur complet.
J'avoue que Thiéfaine ne me déçoit jamais à Nancy.
Il faut que je regarde les dates, je le vois en Juillet dans un festival mais cela ne me suffit pas, j'ai besoin de le revoir encore.
Écrit par : PK | 08/05/2022
Salut Katell
Tes billets sur tes concerts d'Hubert sont un régal ! C'est un plaisir de te lire, on s'y croirait. Mention spécial pour celui-ci ! Et quelle chance d'avoir pu discuter avec Fred Gastard et Jean François Assis !!
Et Sausheim alors ??
A te lire...
Écrit par : Bételgeuse | 09/05/2022
Ah oui !
J'en étais resté au billet sur Thionville…
On est dans la même veine, les mêmes envolées, là. Je bisque !!
Et je compatis aussi (Bercy 98...Arghhh…)…
Bis(Ter) repetita : c'est du petit lait de te lire. On est presque assis en salle…
Presque à se retenir de respirer au moment du flash…
Allez, fais-nous encore quelques conçorts :-) (et toutes les rencontres qui vont avec !!)
Salutations numériques
Écrit par : Seb | 10/05/2022
Merci beaucoup pour votre lecture (c'est parfois kilométrique, j'en conviens !) et vos commentaires ! Ah oui, Seb, le flash, c'est le truc qui fâche vraiment notre Hubert !
Bételgeuse, ça y est, j'ai mis un billet sur Sausheim !
Écrit par : Katell | 10/05/2022
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