07/08/2022
Rue barrée à Hambourg
"Je ne puis être à la hauteur de mon rêve". Fernando PESSOA
Il y a quelques mois, j'avais l'intention de faire plusieurs festivals d'été afin de revoir Thiéfaine. Histoire de patienter pas trop sagement jusqu'aux prochains concerts : Meisenthal et Saint-Dizier (en enfilade, tant qu'à faire, le premier le 11 novembre et l'autre le lendemain : on a l'habitude ici, on sait faire). Et puis, non, je me suis ravisée. Je ne suis même pas allée au Chien à plumes, qui n'aurait exigé de ma personne que deux petites heures de route. Tant pis. C'est que Thiéfaine en festival, ça ne peut être qu'un pis-aller en attendant la véritable apothéose. Le genre de poire qui ne fait que raviver ta soif au lieu de l'étancher complètement. Il y a des fois où c'est bien, et même où ça s'impose à toi. Nécessité soudaine de recoller du soleil sur tes ailes d'albatros pour pouvoir voler sans heurts jusqu'au prochain « vrai » concert.
Mais là, non, ça ne s'est pas imposé à moi. Le festival de Juvigny en mai, très bien, d'accord, mais trop court. Au bout du compte, une immense joie, doublée d'une immense frustration. Comme je suis du genre à ne voir distinctement que le côté négatif de toute chose (le positif m'apparaissant systématiquement sous des contours flous), j'ai opté pour une abstinence estivale. Ce qui m'a permis de réserver mes économies à d'autres horizons. Et c'est ainsi que mercredi je partirai pour Hambourg, ville que je n'ai jamais vue que de loin, comme ça, en passant sur l'autoroute pour me rendre ailleurs. Alors que quand tu y penses, Hambourg, c'est un incontournable quand on est à la fois prof d'allemand et fan d'HFT (et qu'à cela s'ajoute une folle admiration pour les Beatles). Au total, dans l'œuvre d'Hubert, trois allusions à cette ville : « Hambourg ou Amsterdam côté quartier dames », « rue barrée à Hambourg », sans oublier notre légendaire « Chinois de Hambourg déguisé en touriste américain ». Si je savais à quoi peut ressembler ce genre d'énergumène dans la vraie vie, sûr que je partirais avec la ferme intention d'en photographier un une fois sur place. Mais je crois que je n'ai pas l'œil pour ça. Seul Hubert est capable de repérer ce genre de détail qui se dérobe à l'observation du commun des mortels. Et puis, n'oublions pas que le 22 mai est loin déjà. Peine perdue, donc ! Le Chinois de Hambourg demeurera un fantasme.
En tout cas, en préparant un peu mon voyage, je crois avoir percé un mystère : la rue barrée de Hambourg est très certainement la Herbertstraße, haut lieu de luxure du quartier Sankt Pauli. La Herbertstraße annonce illico sa couleur : un grand panneau la barre dans toute sa longueur et elle est interdite aux femmes. Enfin, aux femmes qui ne font pas commerce de leur corps. Extrait du Petit Futé : « À Sankt Pauli, les vitrines font allègrement la promotion des plaisirs de la chair, mais la prostitution en vitrine est interdite, contrairement aux Pays-Bas. La cité hanséatique a trouvé une solution à ce problème tout en sauvant les apparences : fermer toute une rue au grand public. La Herbertstraße est une rue-bordel dont l'accès est exclusivement réservé aux hommes majeurs et donc interdit aux mineurs et aux femmes. Un portail la cache des regards des rues adjacentes, et il faut se faufiler à travers pour pouvoir y entrer ». On se doutait bien, vous et moi, qu'avec sa rue barrée, Hubert n'évoquait pas un endroit arrosé par des jets d'eau bénite. C'est qu'on n'est pas nés de la dernière pluie, n'est-ce pas, et que par conséquent on sait pertinemment que sa Lorelei à lui n'est pas du genre à fréquenter assidûment les cathédrales ! Le serait-elle, de ce genre-là, qu'elle ne nous intéresserait plus que moyennement, avouons-le !
En tout cas, pour en revenir aux festivals d'été, je les ai quand même suivis de loin. Parce que, si je veux être honnête, je dois dire que j'ai envié ceux qui ont assisté à l'une ou l'autre de ces joyeusetés dont tout le sel réside peut-être dans l'intense brièveté. Ce que je retiens, c'est qu'Hubert, quelque part, c'est un peu notre Mick Jagger national, cinq ans de moins sur le paletot et dans la tuyauterie. Ces deux-là, on dirait qu'ils ne trouvent leur raison d'être que sur scène. Les Stones viennent d'achever leur tournée européenne à Berlin. Exactement là où, en 1965, ils avaient déclenché des émeutes. Cette fois, pas de débordements, si ce n'est d'extase. Que demander de plus ?
Et c'est ainsi que les artistes sont grands.
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