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07/09/2022

Mathématiques souterraines

"Écrire, c'est mettre en ordre ses obsessions". Jean GRENIER

 

C'est, à mes yeux, la plus belle chanson que la Terre ait jamais portée. Peut-être même qu'en naissant elle a fait jaillir, quelque part dans l'univers, un énorme tremblement de taille à secouer les étoiles, allez savoir. Une tectonique des plaques intergalactique, un truc de ce niveau-là.

C'est celle qui m'a fait entrer par la grande porte dans l'univers d'Hubert-Félix Thiéfaine, ce type un peu bizarre dont on parlait, dans mon entourage et depuis des années, comme d'un chanteur fait pour moi. C'est grâce à cette chanson que j'ai appris le mot « caboulot ». Premier élément d'un apprentissage qui ne faisait que commencer. C'est que j'en ai appris des substantifs sophistiqués, grâce à Thiéfaine ! Il m'a même rendue incollable sur un large éventail de MST (cf. Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable) ! C'est que j'en ai lu des auteurs, grâce à lui ! Son œuvre : une mine renvoyant à d'autres mines. De quoi y passer sa vie sans jamais se cogner à l'ennui. La classe !

C'est la chanson que ma fille Clara réclamait régulièrement quand elle était petite, l'appelant joliment « La chanson du bébé ». Dans la famille, on avait même détourné le refrain et on l'utilisait souvent en voiture afin de calmer les impatiences de la même Clara : on lui chantait « On est presque arrivés, bébé » et cela avait des vertus apaisantes sur le bouillonnement qui était le sien, à l'arrière de la voiture !

C'est la chanson que j'ai écoutée des milliards de fois je pense. Sans jamais m'en lasser. Je ne sais même pas comment une chose pareille est possible. Cela frise l'invraisemblance et pourtant il n'y a rien de plus vrai. Encore aujourd'hui, cette chanson me fout les poils ! Elle a la faculté de me propulser trente ans en arrière, dans un monde où je me sens paumée parce que j'ai 19 ans et un avenir auquel je ne sais quels contours donner. Mais voilà que ce monde s'éclaire d'une immense torche qui vient lui conférer un sens. Purée, je ne m'y attendais plus. L'avenir sera ce qu'il sera, on verra. En tout cas, je suis soudain certaine qu'il sera thiéfainien !

Cette chanson est également très ancrée dans mon présent. Elle a traversé la vie avec moi, comme tant d'autres chansons de Thiéfaine. À vrai dire comme toutes les chansons de Thiéfaine. C'est marrant comme un chanteur peut t'accompagner quand tu l'as élu entre tous et que tu t'es approprié son œuvre. Tu ne sais plus si c'est elle qui a jeté son dévolu sur toi ou l'inverse. Mais le résultat est là, indéniable et beau. Durable comme on n'aurait jamais imaginé ! Non, ce n'était pas une lubie, ce truc avec HFT ! C'était, pour reprendre les mots de Gary, une « impossibilité à respirer autrement ».

C'est la chanson qui m'aurait presque réconciliée avec les mathématiques, si entre ce domaine et moi le divorce n'avait pas pris cette fichue tournure irréconciliable dès l'école primaire.

C'est la chanson qu'aux heures un peu morbides, je commande pour mon enterrement. Ben oui, il faut penser à tout !

C'est la chanson que je vais écouter aujourd'hui encore, pour la je ne sais combientième fois, en me disant que tout est à sa place, chaque mot, chaque intonation, chaque note. Chaque escalier de service, chaque ascenseur, chaque valise. Je sais que beaucoup sont entrés dans l'univers d'HFT via Les dingues et les paumés. J'adore aussi, bien sûr, mais tout de même : Mathématiques souterraines, cette décharge électrique ! Et que dire de Mathématiques souterraines n°2, à savoir Autoroutes jeudi d'automne ? Une autre tuerie !

Et vous, par quelle porte êtes-vous entré(e) dans l'univers de Thiéfaine ?