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12/04/2006

"Ils croient voir venir Dieu ils relisent Hölderlin"

Johann Christian Friedrich HÖLDERLIN :

Poète allemand. Né le 20 mars 1770 à Lauffen-sur-le-Neckar, dans la douce campagne souabe, à deux heures de marche de Marbach, patrie de Schiller; mort le 7 juin 1843 à Tübingen dans cette tour dominant le Neckar où, en 1806, il avait été enfermé à la suite d'une crise de folie. Elevé et pieusement éduqué par sa mère et sa grand-mère -son père était mort en 1772-, Hölderlin fréquenta d'abord le lycée de Nurtingen, puis les écoles conventuelles de Denkendorf et de Maulbronn; enfin, à 18 ans, il entra au séminaire de Tübingen pour étudier la théologie (sa mère désirait le voir devenir pasteur); il s'y lia d'amitié avec les poètes Ludwig Neuffer et Rudolf Magenau et eut pour camarades Hegel et Schelling. Il en sortit en 1792. Déjà, sa raison était ébranlée. Caractère essentiellement mystique mais d'une religiosité tournée vers l'univers, matérialisée par le rêve d'une humanité rachetée, revenue au divin, Hölderlin ne fut pas pasteur protestant; il devint l'apôtre d'une poésie qui n'est, et ne prétend être qu'un chant religieux annonciateur d'une ère nouvelle. Les Hymnes ont été composés sous le coup de l'espérance et de l'enthousiasme suscités par la Révolution française; ils exaltent la liberté, le génie, l'amitié, la jeunesse et se ressentent encore de l'influence proche de Schiller tout en laissant percer, sous le voile d'un langage philosophique étrange sous sa plume, le grand poète hymnique que l'inspiration portera vers les sommets du chant. A Stuttgart, où en 1793 il passa les derniers examens devant le Consistoire royal pour le pastorat, Hölderlin rencontra Schiller qui le prit sous sa protection et lui procura l'emploi de précepteur à Waltershausen, chez Charlotte Kalb, l'amie qu'il avait chantée dans Intrigue et amour, publiant aussi dans sa revue La Nouvelle Thalie quelques-uns de ses poèmes et une partie de son roman Hypérion ou l'ermite en Grèce. Il existe divers fragments de ce roman sous des versions différentes dont l'une en vers est une autobiographie du poète dans sa jeunesse.

Hölderlin voyait dans le poète un missionnaire aux dons prophétiques et rêvait d'un retour, non seulement à l'art grec, mais encore à l'authentique civilisation hellénique envisagée comme une heureuse harmonie entre le peuple, la nature et la divinité. C'est ce monde idéal disparu qu'Hypérion chercha vainement à faire renaître de la Grèce moderne.

Le rêve semblait pourtant prendre corps aux yeux de Hölderlin lorsqu'en janvier 1796 il accepta, à l'instigation de Hegel, l'emploi de précepteur du fils du banquier Gontard à Francfort-sur-le-Main. Il y resta jusqu'à l'été 1798 et ce fut le temps de son grand et fatal amour pour la mère de son élève, Suzanne Gontard (Diotima). A cette période aussi remonte le projet de son drame la Mort d'Empédocle qui fit l'objet de plusieurs rédactions entre 1798 et 1799 : c'est la tragédie humaine, considérée comme l'antithèse du drame divin, tragédie vécue par une humanité qui devra périr pour que le divin s'actualise et qui dans la majesté de la mort seulement peut révéler la noblesse, la divinité de sa nature (ce que symbolise le suicide d'Empédocle qui se jeta dans le cratère de l'Etna). Contraint entre-temps de quitter Francfort pour rompre tous liens avec Suzanne, Hölderlin mena une vie inquiète, en perpétuelles allées et venues entre Homburg vor der Höhe, où l'avait recueilli son ami Sinclair, Nurtingen où vivait sa mère, Stuttgart et Hauptwyl en Suisse. Irrémédiablement seul désormais et l'âme toujours illuminée du souvenir de Diotima qui survit idéalisée dans Hypérion, Hölderlin rechercha une consolation dans une communion extatique avec la vie divine de la nature et ses éléments sacrés : l'éther, le soleil, l'océan, la terre, les fleuves, forces fabuleuses dont lui, le poète, se croit le messager et le prophète. Les Odes, les Elégies, les Hymnes pleurent un monde abandonné par les dieux et témoignent d'une foi profonde en leur retour : le "jour" éblouissant qui fera suite à la longue "nuit".

De décembre 1801 à mai 1802, Hölderlin est à Bordeaux, précepteur chez le consul d'Allemagne; c'est sa dernière tentative de s'insérer dans un monde qui diffère trop de son idéal. Les signes manifestes de sa folie se firent jour au cours du voyage à pied qu'il entreprit (mai-juin 1802) pour regagner sa patrie; sa raison ne tarda pas à sombrer à la suite d'accès de plus en plus fréquents. Pourtant il donna encore les Derniers Hymnes (Späthymnen); à travers une accumulation d'obscurités dues au désordre dans lequel se trouvait son esprit, on y trouve des éclaircies inattendues et des témoignages bouleversants d'un entretien ininterrompu, mystérieux, avec les dieux. Hölderlin fut transporté à Tübingen en 1806, interné d'abord à la clinique du docteur Autenrieth, puis le menuisier Zimmer lui donna l'hospitalité dans une tour, sur le Neckar. Durant les trente-sept années pendant lesquelles Hölderlin se survécut à lui-même, il se fit appeler Scardanelli.

Sergio Lupi, dans Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays, Robert Laffont, octobre 1990.

 

"En fondant de nouveau l'essence de la poésie, Hölderlin commence par déterminer ainsi un temps nouveau. C'est le temps des dieux enfuis et du dieu qui va venir. C'est le temps de la détresse, parce que ce temps est marqué d'un double manque et d'une double négation : le ne plus des dieux et le pas encore du dieu qui va venir". Martin Heidegger

"Hölderlin est peut-être le seul des poètes de ce temps qui ait eu le sens intime du mythe, le sens des dieux, à ce point que les hommes avaient pour lui moins de réalité que les figures célestes". Albert Béguin

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