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17/04/2006

"Ils ont cru s'enivrer des Chants de Maldoror"...

Isidore Ducasse, connu en poésie sous le pseudonyme de comte de Lautréamont, est né en Uruguay, à Montevideo, en 1846. Il fut très tôt orphelin de mère. Son père, grand séducteur, travaillait au consulat de France. Très vite, l’adolescent ombrageux déconcerte ce bon vivant aimable et frivole qui l’embarque en 1869 sur un bateau en partance pour Bordeaux … sous le prétexte de lui offrir des études dignes de son brillant esprit scientifique. Après trois années d’internat à Tarbes et Pau, le jeune homme arrive à Paris. Il a dix-sept ans.
Des sept années qui lui restent à vivre, nous ne savons presque rien, sinon qu’il a habité dans de fort modestes meublés, dont il déménageait souvent. S’est-il livré, en cette tumultueuse fin de règne de Napoléon III, à des activités révolutionnaires ? Les voisins se plaignaient-ils du tapage de son piano qui résonnait à toute heure du jour et de la nuit ? Ou bien fuyait-il la police chargée de surveiller ses fréquentations subversives ? La guerre éclate, mettant fin à ses projets littéraires. Sa santé déjà précaire ne résiste pas à la vie désordonnée qu’il mène. Il meurt poitrinaire le 24 novembre 1870, laissant planer sur sa vie un mystère qui n’a jamais été totalement éclairci.
Les Chants de Maldoror, défendus par Léon Bloy, et par Rémy de Gourmont, seront réimprimés, de façon confidentielle, en 1874 et en 1890. Et c’est Blaise Cendrars qui, au début du XXème siècle, les fera reparaître. Les Surréalistes se chargeront alors de les faire connaître et de révéler l’œuvre énigmatique de Lautréamont au grand public.

 

Sources : Le grand livre de la poésie française, Marcel JULLIAN, éditions Fixot, 1988.
Les chants de Maldoror et autres œuvres, Comte de Lautréamont, Bookking International, Paris, 1995.

 

Quelques extraits des Chants de Maldoror :
« En descendant du grand au petit, chaque homme vit comme un sauvage dans sa tanière, et en sort rarement pour visiter son semblable, accroupi pareillement dans une autre tanière. La grande famille universelle des humains est une utopie digne de la logique la plus médiocre ».

 

« Ma poésie ne consistera qu’à attaquer, par tous les moyens, l’homme, cette bête fauve, et le Créateur, qui n’aurait pas dû engendrer une pareille vermine. Les volumes s’entasseront sur les volumes, jusqu’à la fin de ma vie, et, cependant, l’on n’y verra que cette seule idée, toujours présente à ma conscience ! »

 

« Quand une comète, pendant la nuit, apparaît subitement dans une région du ciel, après quatre-vingts ans d’absence, elle montre aux habitants terrestres et aux grillons sa queue brillante et vaporeuse. Sans doute, elle n’a pas conscience de ce long voyage ; il n’en est pas ainsi de moi : accoudé sur le chevet de mon lit, pendant que les dentelures d’un horizon aride et morne s’élèvent en vigueur sur le fond de mon âme, je m’absorbe dans les rêves de la compassion et je rougis pour l’homme ! »

 

« Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau ».
 

 

Cela donne une petite idée du style (succulent) de Lautréamont !

 

 

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