05/07/2007
"Gauguin sans toile et sans pinceau revisité en Bardamu"
Je sais, je sais, Céline a écrit des trucs vraiment pas catholiques, on peut même le haïr pour cela, histoire de lui donner une bonne leçon, on peut refuser de lire une seule ligne de ce méchant monsieur… Pour ma part, je reste admirative malgré tout de l’œuvre de celui qui donna vie au personnage de Bardamu.
Et voici donc :
« On est puceau de l’Horreur comme on l’est de la volupté ».
« C’est vrai aussi ce qu’elle disait que j’avais bien changé. L’existence, ça vous tord et ça vous écrase la face. A elle aussi ça lui avait écrasé la face mais moins, bien moins. Les pauvres sont fadés. La misère est géante, elle se sert pour essuyer les ordures du monde de votre figure comme d’une toile à laver. Il en reste ».
« Mais il était trop tard pour me refaire une jeunesse. J’y croyais plus ! On devient rapidement vieux et de façon irrémédiable encore ».
« La ville cache tant qu’elle peut ses foules de pieds sales dans ses longs égouts électriques. Ils ne reviendront à la surface que le dimanche. Alors, quand ils seront dehors, faudra pas se montrer. Un seul dimanche à les voir se distraire, ça suffirait à vous enlever à toujours le goût de la rigolade ».
« La mort court après vous, faut se dépêcher ».
« Tant qu’il faut aimer quelque chose, on risque moins avec les enfants qu’avec les hommes, on a au moins l’excuse d’espérer qu’ils seront moins carnes que nous autres plus tard ».
« Les gens se vengent des services qu’on leur rend ».
« A mesure qu’on reste dans un endroit, les choses et les gens se débraillent, pourrissent et se mettent à puer tout exprès pour vous ».
« On finit par se réjouir de pas grand-chose, du très peu que la vie veut bien nous laisser de consolant ».
« Je n’arrivais jamais à me sentir entièrement innocent des malheurs qui arrivaient ».
« Il me semblait qu’il n’y avait rien pour lui sur la terre, même dans Montaigne. C’est peut-être pour tout le monde la même chose d’ailleurs, dès qu’on insiste un peu, c’est le vide ».
Bon, il ne faudrait pas croire comme ça, mais il y a aussi des passages tordants chez Céline. Je me souviens de m’être payé des fous rires à la lecture du Voyage au bout de la nuit ou de Mort à crédit ! Si ! Parce que tant de noirceur, ça finit par être drôle, non ?!!! Et puis, quand vous êtes vraiment mal, Céline, cela vous donne, pour reprendre ses mots, une sorte de "courage comparatif", on se dit : "Bof, finalement, ça va, je vais déjà mieux que lui, en tout cas" !!
D’ailleurs, voici quelques mots du père Hubert à propos de Céline :
« Après, j’ai croisé la route de ceux qui m’ont vraiment bousculé. Céline d’abord. D’autant plus que c’est quelqu’un d’ambigu, et que j’ai toujours aimé l’ambiguïté ; ça pousse à se poser des questions. J’ai toujours été attiré par ce qui n’est pas très clair, car il n’y a pas que le noir et le blanc dans la vie ».
Et, pour en revenir à « Gauguin sans toile et sans pinceau revisité en Bardamu », j’aimerais savoir ce que vous pensez de la chanson « Errer humanum est ». Moi j’adore !
11:47 | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
Bof, moi j'aime pas trop cette chanson, et puis l'ami Hub... sérieusement, il commence à me plaire !
hihi lol !
Ce que je pense de cette chanson, ben je ne sais pas trop. Plutôt sympa non ?
Écrit par : petit-jour | 05/07/2007
magnifique construction cette chanson avec le rapprochement "errer" et "errare humanum est"...cette chanson aussi ressemble à son auteur et ...en toute modestie à votre serviteur:avec ce refrain aux relents d'étendard ("toujours plus loin à fond la caisse et toujours plus d'ivresse,oh yes always,on the road again man ")pour tous ceux ou celles qui,comme moi, aiment la route solitaire qui seule permet une vraie découverte de soi-meme pour un devenir plus lumineux...
Quant à Céline ce serait top facile que tant de génie cotoie une personnalité lisse et humainement irréprochable.Je partage l'avis d'Hubert,les avis trop blancs ou trop noirs ne m'attirent pas vraiment,les gens contradictoires ou attitudes paradoxales suscitent davantage mon interet,bref je fuis la démagogie bon marché , les pseudos bons sentiments qui rameutent les "troupes"et les pensées uniformes... cela me rappelle une phrase de O.wilde "quand je suis d'accord avec les autres j'ai l'impression d'etre dans mon tort..."
Par contre s'il ne faut pas confondre l'artiste avec son oeuvre (les artistes créent souvent des chansons ou des écrits plus grands qu'eux) il ne faut pas etre dupe de certaines choses...citer Céline oui mais sans oublier qu'il faisait partie de ces petits bourgeois bavards,baveux occupés à écrire les chefs d'oeuvre de lettres de dénonciation dont parle HFT dans "coupable"...aller pour finir un extrait de Céline proche de ce que je ressens parfois lorsque le blues m'inonde de son voile inexplicable :
"c'est l'age aussi le traitre qui nous menace du pire.On n'a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie...toute la jeunesse est allée mourir déja au bout du monde dans le silence de vérité.Et ou aller dehors dés qu'on n'a plus en soi la somme suffisante de délire ?Il faut choisir,mourir ou mentir.Je 'ai jamais pu me tuer moi..." gai ,non ?
merci pour votre tribune...
amicalement
Alfana
Écrit par : alfana | 05/07/2007
Ah, Petit-Jour, tu me taquines! Bien sûr que tu adores cette chanson!!
Alfana, merci de tes interventions (toujours riches) sur ce blog. Les mots que tu cites (ceux de Céline et ceux d'Oscar Wilde) font également partie de mes références. C'est amusant! La personnalité de Céline est d'une grande complexité, j'ai lu à plusieurs reprises qu'il était du genre à soigner gratuitement les pauvres dans son activité de médecin. Apparemment, ceux qui se sont penchés sur son "cas" sont sortis de là avec mille interrogations dans la tête, notamment : pourquoi de tels dérapages chez un homme de cette trempe? Un jour, par curiosité, j'ai lu des passages des horribles écrits de Céline. C'est effectivement à vomir. J'ai du mal à comprendre comment fonctionnent certains êtres. Je pense également à Verlaine, dont la personnalité me débecte au plus haut point. Ouais, "c'est quand même un des leurs qui fournissait les armes", comme dit l'ami Hubert. J'essaie de dissocier oeuvre et homme. Ou plutôt : quand je lis du Céline, je lis du Céline, point, je ne pense pas aux côtés sombres de sa personnalité. De toute façon, même un Romain Gary, qui disait que les grands écrivains, sous prétexte qu'ils mettent de beaux sentiments dans leurs écrits, se sentent quittes et se permettent d'en faire fi dans leur vie privée, même un Romain Gary m'énerve sur certains points... Un génie reste un homme, avec tout ce que cela implique de ténèbres aussi... Et je suppose que les grands artistes ont parfois tellement de choses à régler avec leur complexité qu'ils ne sont pas toujours à même de rester lisses dans leurs relations à autrui. C'est pourquoi je me méfie même de Thiéfaine!!! Je m'abreuve de ses mots et de sa musique, cela me convient bien, mais je n'en fais pas mon maître à penser. Bref, je m'égare!
Écrit par : Katell | 05/07/2007
Merci pour cette note si passionnante qui réveille en moi des tonnes de souvenirs, et un grand coup de chapeau à Alfana pour cette superbe dissertation....
"La conscience n'est dans le chaos du monde qu'une petite lumière, précieuse mais fragile."
"Le peuple, il n'a pas d'idéal, il n'a que des besoins."
"Ce monde n'est qu'une immense entreprise à se foutre du monde."
"La merde a de l'avenir. Vous verrez qu'un jour on en fera des discours."
Écrit par : nicohiva | 05/07/2007
J'adore cette chanson d'Hubert!
C'est une chanson taillé pour la scène!
Il faudrait que j'la reprenne un de ces jours!
Écrit par : Yoann | 06/07/2007
Alors là, Yoann, si tu reprenais cette chanson, tu m'en verrais ravie!!! Je te vois bien l'interpréter!
Nicohiva, quel plaisir de te retrouver ici!
Écrit par : Katell | 06/07/2007
Que dire de plus qu'Alfana...
bourlinguer, errer...
Écrit par : Tommie | 11/07/2007
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