17/02/2008
L'esprit de solitude
En ce moment, je lis L’esprit de solitude, de Jacqueline KELEN. Très beau livre dans lequel l’auteur déclare que la solitude choisie, loin d’être un enfermement, peut être source de plénitude, permettre une vie intérieure riche et créative.
Comme il y a, dans ce livre, un chapitre dans lequel il est question d’auteurs chers à Thiéfaine, je ne résiste pas à la tentation de vous en livrer quelques passages :
« Un véritable poète persiste à créer, à chanter même dans les temps difficiles, même quand sa vie est en jeu. Ainsi de Charles d’Orléans, fait prisonnier en 1415 à la bataille d’Azincourt et emmené en Angleterre où il restera captif pendant vingt-cinq ans. Loin de récriminer, ce noble jeune homme fait face à son destin avec la seule arme qui lui reste, celle de la plume. La solitude s’avère toujours féconde voire heureuse pour qui l’honore au lieu de la fuir. Durant sa longue captivité, Charles d’Orléans compose ballades et chansons, il célèbre l’amour, le rêve, l’attente et la vaillance, la dame et la mélancolie ».
« Il est d’autres lieux d’enfermement que la prison où peut s’affirmer une solitude rebelle et créatrice : le bagne, pour Dostoïevski, le goulag, pour Soljenitsyne, les camps de concentration, pour Primo Levi ; l’asile pour Gérard de Nerval (« le rêve est une seconde vie ») et pour Antonin Artaud (« je suis celui qui connaît les recoins de la perte ») ; la tour où le poète Hölderlin, jugé fou, termine son existence – et le menuisier Zimmer qui en a la garde raconte : ‘Ses pensées, on dirait un vol de colombes qui tournoient autour de la girouette du toit’ ».
Plus loin encore, on trouve ces mots d’Hölderlin : « Si riches soyons-nous, ce qui nous appauvrit, c’est l’impuissance à être seuls ».
Enfin, voici une photo de la tour dans laquelle fut enfermé Hölderlin, à Tübingen (encore une ville où je me dois d'aller un de ces jours !) :
15:09 | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Voilà un livre qui me tente bien !
Merci pour ces extraits, Katell!
Il a raison Hubert : "La solitude n'est plus une maladie honteuse"...
Écrit par : Evadné | 17/02/2008
Très beau livre, en effet. Beaucoup de passages font penser à Thiéfaine. J'en mettrai encore d'autres sur ce blog. Il y a des lignes intéressantes sur Diogène, par exemple.
Écrit par : Katell | 18/02/2008
, connaissez-vous la solitude ?...
Écrit par : Le Doc. | 18/02/2008
merci pour ce sujet Katell et aussi pour ces infos sur Charles d'Orléans...la solitude,comment parler d'une amie si proche...difficile mais je vais tenter d'apporter ma contribution en tentant un hommage à cette compagne si indissociable de mon "aventure terrrestre"...en modérant mes propos car je ne voudrais pas envahir et monopoliser des blogs ou sites par des interventions systématiques et donc lassantes...la rareté comme la discrétion sont des vertus qu'il est important de ne pas brader afin de pouvoir toujours etre entendu et remarqué lorsque par un sursaut d'inspiration,nos pensées se matérialisent en écritures,peintures,bref en "arts".
Je ne parlerai pas de la solitude subie,celle qui est le triste résultat d'une fatalité sociologique mais plutot de la solitude recherchée,enrichissante et féconde au parfum de malheur indispensable...
La fin de mon adolescence fut marquée par un désir de solitude intense de part mon inaptitude au monde.Ce sentiment d'exil fut traduit par des voyages toujours plus nécessaires afin de m'enfoncer à la rencontre de mes secrétes blessures.Certains disent qu'en partant loin ça ne sert à rien car on emméne avec soi ses tourments,je ne peux etre d'accord avec ça:confronté au bush australien ou aux terres mouvantes islandaises j'ai pu mesurer la petitesse de ma condition et tutoyer la dimension quasi mythique permettant la vraie écoute de soi.Avec le recul j'ai constaté que mes destinations révélaient souvent ce désir de solitude et se rapprochait ainsi du sens étymologique latin:solitude conjugait un paysage et un sentiment.Le désert nait peut-etre aussi avant tout d'une impression d'abandon...
Quoi de plus révélateur qu'une percussion face à un paysage insoupçonné,un désert infini, des aurores boréales insaisissables ou un coucher de soleil des antipodes ensanglantant le firmament de blessures vermeilles...et tout cela dans le silence et la solitude...plénitude atteinte par une existence ressentie plus forte,passeport pour l'ouverture vers les autres...
J'adore quand Thiéfaine chante ou évoque la solitude car c'est toujours pour réhabiliter ce sentiment,et dans cette société érigée en corporations,partis,associations,eglises, et patries c'est bigrement rafraichissant et jubilatoirement incorrect...
A la solitude
Fidélement...
Écrit par : alfana | 21/02/2008
Oui, connaissez-vous la solitude ? La vraie ? La tortureuse ?
Je ne pense pas qu'il existe de solitude "choisie". La solitude résulte forcément d'un ensemble de facteurs, dont les plus influents sont "imposés". Par l'inconscient, les circonstances, la maladie, le mal-être...
Dire que l'on vit une solitude choisie, c'est se mentir, se trouver de faux prétextes...
Écrit par : Tommie | 10/03/2008
Il me semble (et c'est un lieu commun) que de toute façon, chaque homme est seul face à son destin et que chacun doit porter sa croix (tout le monde a la sienne, non?) seul, à bout de bras... Malgré tout, il me semble aussi que la solitude, celle qui est réellement choisie à certains moments (je décide de m'isoler pour lire ou écrire) peut être source d'enchantement. Non? L'artiste qui crée dans la solitude éprouve des moments d'intense bonheur.
L'autre solitude, que tu qualifies joliment de tortureuse, Tommie, tout le monde y est confronté un jour ou l'autre. Peut-être tous les jours, même. Et plus encore la nuit, au coeur des insomnies qui rendent la vie si pesante et si angoissante... Enfin, vaste sujet ! Et chacun restera sur son quant-à-soi car tel est le lot de tout un chacun aussi, la difficulté à communiquer avec l'autre...
Écrit par : Katell | 11/03/2008
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