21/11/2009
Méthode de dissection : "Défloration 13" (2ème partie)
La pensée du jour : "Nous ne savons jamais si nous ne sommes pas en train de manquer notre vie", Marcel PROUST.
Oui, je disais donc qu'avec « Joli mai mois de Marie » s'ouvrait ma partie préférée de l'album « Défloration 13 ». Déjà, « joli mai » est une chanson que j'adore ! Musique, texte, tout me plaît. J'aime bien cette idée selon laquelle « c'est toujours au mois de mai qu'on a envie de se pendre » ! De jolies trouvailles encore dans ce texte : « Les grapheurs fous sixtinent la zup » (« sixtiner », quel verbe magnifique !) ou encore : « les tapons ricanent dans les bois » (avec cette note explicative au bas des paroles : « héron héron petit pas tapon » !!!).
« Camélia : huile sur toile » est une chanson dédiée à Charles Belle (voir image insérée ci-dessus, mais aussi et surtout : http://www.charlesbelle.com/). J'aime beaucoup "Camélia : huile sur toile". Il se dégage de ce texte et de cette musique une profonde mélancolie (« camélia et brumes hivernales
vers ce vieux Nord toujours frileux
exil blême et sentimental
dans la tristesse des soirs pluvieux »,
ou encore :
« camélia et rature finale
sur l'agenda des mots perdus
lèvres glacées masque animal
au carnaval des coeurs déchus »).
Ensuite, c'est « Parano-safari en ego-trip transit ou comment plumer son ange gardien ». Chanson rock pour un texte pas bien gai. L'histoire de quelqu'un qui passe toutes ses nuits « à s'attendre jusqu'au matin » et « la moitié de son ennui à s'estropier dans les blizzards ». Quelqu'un qui, désabusé, préfère les marshmallows aux biodolls « programmées pour une heure » qui sont censées lui permettre de « rincer sa libido ». Seuls les charmes d'une Lara Croft virtuelle semblent pouvoir le troubler et le mettre sur « danger d'amor », c'est dire !!
Viennent ensuite mes trois chansons préférées. Ah oui, vraiment, je les mets au-dessus de toutes les autres de l'album « Défloration 13 » !
« Eloge de la tristesse », d'abord, nous balance en pleine face son refrain vidé de toute illusion :
« apprends donc à tenir ta laisse
t'es pas tout seul en manque de secours
la tristesse est la seule promesse
que la vie tient toujours ».
Mélancolique ritournelle d'un qui a trop vécu et qui, rompu aux bassesses de l'existence, n'espère plus rien . Genre « qu'importe le soleil ? Je n'attends rien des jours », façon Lamartine. Même l'amour, qui semblerait être la clé de la rédemption, nous joue un tour bien foireux :
« Peut-être qu'un jour chez Norauto
tu verras ta reine arriver
au volant de la stéréo
d'un tuning-car customisé
mais l'amour s'use à la lumière
et les louttes sont toutes un peu louffes
elles te feront jouer du somnifère
dans un HP avec les oufs » (tiens, subitement, comme ça, cela me rappelle la fin de « L'agence des amants de madame Müller » !!!!!).
Même le succès tourne au vinaigre : « mais d'applauses en salamalecs
de backstages en mondanités
la réussite est un échec
pour celui qui veut plus danser ».
Faut-il voir là un lien avec la chanson précédente ? Les « biodolls le font danser », mais pas la peine de s'esquinter, laissez tomber, il ne veut plus, je vous dis !
« Roots et déroutes + croisement » est une chanson surprenante. La musique, surtout, est très particulière. Clin d'oeil à Robert Johnson, clin d'oeil dont il fut question ici il y a fort longtemps. « Le diable en personne », vous vous souvenez peut-être ?
Une chanson sublime vient assurer brillamment la fermeture de cette défloration vertigineuse : « Les fastes de la solitude ». A mes yeux, un des textes les plus aboutis de Thiéfaine ! A chaque fois que j'écoute « Les fastes de la solitude », je me prends en pleine face la beauté de ces mots qui s'emboîtent si magiquement les uns dans les autres. Rien que le début :
« Les fleurs de rêve obscur sécrètent de noirs parfums
dans la féerie marbrée des crépuscules forains
théâtre d'harmonie panorama lunaire
aux délicieuses lenteurs de cortège funéraire
où les âmes nuageuses nimbées de sortilèges
s'évaporent dans l'ivresse glacée d'un ciel de neige » (ces mots me reviennent à l'esprit à chaque fois que l'hiver nous offre un ciel de neige, d'ailleurs).
« banquises phosphorescentes et bleue mélancolie
qui projette ses violons
sur d'étranges rhapsodies
aux étranges accords sous d'étranges latitudes
qui te révèlent les fastes de la solitude ». J'en suis encore époustouflée, sans voix, sans mots ! A quand le plaisir d'entendre cette chanson sur scène ?!
Les sacro-saintes références à l'Allemagne ne manquent pas ici non plus : clin d'oeil à Nietzsche avec « Also sprach Winnie l'ourson » et allusion à Dürer dans « Les fastes de la solitude ».
Bientôt, je pourrai faire un joli CQFD concernant ma « thèse » des références à l'Allemagne : il y en a dans chaque album !
PS : Un petit moment tranquille ce week-end ? Alors n'hésitez pas à écouter Rougge et à poster un commentaire au bas de la note du 17 novembre ! Ce serait drôlement sympa !
PS 2 : Bon, eh bien, certaines chansons de « Déflo » ne sont pas très gaies. Moi qui n'ai déjà pas un moral flamboyant en ce samedi d'automne, je sens que je vais passer encore une bonne partie de mon week-end à « rester assise, les poumons dans la sciure, à filer mes temps morts à la mélancolie ». Merdouille ! Oui, décidément, la tristesse est bien « la seule promesse que la vie tient toujours »...
13:32 | Lien permanent | Commentaires (9)
Commentaires
Camélia Huile sur Toile et Les Fastes de la Solitude : 2 purs chef-d'oeuvres !!!
J'avais justement Les Fastes sur les oreilles en ouvrant ta page ...
Un album magnifique que j'ai mis longtemps à apprécier et dont je ne pourrais plus me passer aujourd'hui ...
Écrit par : Loreleï2 | 21/11/2009
, on m'a proposé de me marier en " mai " ( 1971 ) et je ne n'avais pas envie de me pendre.
, heureusement le pendu est dépendu depuis fort longtemps ( 1985 ) et s'en porte bien..
Le Doc.
Écrit par : Le Doc. | 22/11/2009
Salut Lorelei, salut Doc ! Merci pour vos commentaires qui font vivre ce blog !
Écrit par : Katell | 22/11/2009
Bonne fête Catherine ;-)
Le Doc. ou l'homme aux doux yeux colorés
Écrit par : Le Doc. | 25/11/2009
Merci, cher Doc. Un peu dure, cette fête... Le 25 novembre 2008, je recevais le dernier mail de ma maman...
Écrit par : Katell | 25/11/2009
Bonjour Cath,
Bonne fête à toi et quelle analyse de "Défloration 13" !!!
Toujours aussi intéressante et pertinente !!!
Dans la chanson "Joli mai, mois de Marie", je note une nouvelle fois (ce n'est pas nouveau dans l'oeuvre d'HFT !!) une allusion aux poètes maudits et plus précisément à Gérard De Nerval qui s'est pendu... (C'est toujours au mois de mai que l'on a envie de se pendre...)
Je sais, c'est pas très gai comme commentaire, mais bon...
La chanson "Les fastes de la solitude" est un pur chef d'oeuvre ; effectivement, je suis de ton avis, Cath, l'entendre sur scène serait un réel plaisir !!
Un petit clin d'oeil également aux grands du Blues dans la chanson "Roots + déroutes + croisement".
Je ne peux pas trop m'éterniser sur ton blog, Cath et j'en suis désolé !!!
Le bonjour à Sam et à tous les autres aficionados sans oublier Alfana que j'ai eu au téléphone en début de semaine.
Portez-vous bien, amicales salutations à tous, à bientôt, cordialement Fred 06
Écrit par : Fred06 | 25/11/2009
Merci, Fred, pour ce commentaire très sympa ! Merci aussi pour les calendriers, que nous avons reçus lundi.
Écrit par : Katell | 25/11/2009
Ben moi, je ne suis pas fan de cet album. J'ai du l'écouter une ou deux fois. Faudrait peut-être que je retente le coup. Qui sait ?
Écrit par : petit-jour | 08/12/2009
Moi non plus à sa sortie je n'avait pas accroché mais un jour le déclic s'est fait ...un jour viendra Petit-jour...
Écrit par : Loreleï2 | 09/12/2009
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