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09/01/2010

Méthode de dissection : "Méthode de dissection du pigeon à zone-la-ville"...

La pensée du jour : "Et quelqu'un pouvait encore naître quelque part à la suite d'une défaillance de l'autorité, ou d'une fissure dans l'avortoir, comme il y a deux mille ans, lorsque soudain il y eut homme". Romain GARY

 

Après avoir tant et tant de fois utilisé ici l'expression « méthode de dissection », je me devais de consacrer une note à cette chanson ! Elle se trouve sur l'album « Le bonheur de la tentation ». Lorsque ce CD est sorti, il y a quelques années déjà, j'ai d'abord été tellement fascinée par « Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable » que j'en ai zappé certains morceaux d'anthologie, comme « Méthode de dissection du pigeon à zone-la-ville ». Pour moi, cette chanson se laissait écouter agréablement, sans plus. Mélodie entraînante. Quant au texte, je n'y prêtai d'abord pas réellement attention. Honte à moi, je devrais me couvrir la tête de cendres, tiens ! Je suis quand même assez bien placée, me semble-t-il, pour savoir que lorsqu'on écoute une chanson d'HFT, il faut être attentif au moindre détail. Certaines subtilités ne m'ont sauté aux oreilles qu'au bout de mille écoutes. Et une femme avertie en vaut deux, non ? Ben non, je suis incorrigible. Je suis lamentablement passée à côté de « Méthode de dissection ». Jusqu'au jour où, causant Thiéfaine avec 655321, je m'aperçus qu'il adorait cette chanson et l'avait extrêmement bien analysée. Il m'expliqua qu'il s'agissait là d'une dissection géniale, racontant l'agonie de quelqu'un. Mais oui, mais c'est bien sûr ! Je n'avais jamais fait gaffe ! La honte !

« Méthode de dissection », donc. Rien que l'entrée en matière est grandiose. Elle fait froid dans le dos, ou plutôt dans les entrailles. Le décor est planté. Le type dont il est question aussi. Ben oui, il a dû se faire planter par on ne sait qui. Voilà, mon vieux, c'est fini pour toi, c'en est fini de toi.

 

Le type en question ne meurt pas illico. Il a le temps de se sentir glisser. Peu à peu, il « aperçoit le tunnel où brillent les immortels ». D'abord, il se demande si c'est le vent du nord qui lui fait de l'air dans le crâne. Puis, à la fin de la chanson, il ne peut plus se poser cette question, il n'est plus là. Thiéfaine livre alors la réponse : « Mais maint'nant c'est plus l'vent du nord

qui souffle dans ton crâne un peu fort

je crois que c'est l'ombre du remords

qui fait hurler les anges à la mort ».

Lorsqu'il s'enfonce dans les ténèbres éternelles, notre homme a quand même quelques hallucinations plutôt sympathiques où se mêlent un zinc, de la bière et des « secrétaires cunnibilingues ». Un genre de paradis, en somme. Espérons pour lui qu'il y soit encore, que l'hallucination n'ait pas été seulement une immense fenêtre ouverte sur le néant...

 

Le dernier couplet fait place à la camarde. Cette fois, elle est là, elle a pris possession des lieux. Enorme contradiction entre le vide et l'inaction qui habitent notre homme et l'agitation du fourgon au galop. « Adrénaline au point zéro et silence au stétho ». Un être dans lequel il ne se passe plus rien...

« Requiescat in pace vieux babe

tombé sous mes syllabes

on peut pas tous finir en nabab

dans l'gotha des macchabes ».

C'est donc un quidam, un individu lambda, qui vient de s'éteindre... Enfin, lambda, lambda, d'accord, mais quand même tombé sous les syllabes du père Thiéfaine, ce qui n'est pas rien !!

 

Encore une chanson, donc, où la mort est omniprésente et finit par flinguer son monde. Thème hautement thiéfainien que cette salope qui vient mettre le point final au bas d'une vie. Bien remplie ou pas, tant pis, il est trop tard. « L'ombre du remords fait hurler les anges à la mort ». Et j'imagine que si on a le temps de se sentir partir vers l'immense plaine inconnue, des remords, il y en a des paquets. A cause des étreintes qu'on a pas données, de celles qu'on n'a pas accueillies, des mots enfouis. « Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard », comme chante Goldman. « Ces paroles enfermées que l'on n'a pas su dire », etc. Bref, une fois de plus, le tableau n'est pas folichon, « je n'ai pas la frite, repasse me voir demain lady »... Et je note encore le lien que Thiéfaine fait presque systématiquement entre le froid et la mort : « on attend l'ultime prédatrice dans le calme froid de l'aurore »... L'acier de son ladysmith ne doit pas être des plus chauds non plus. Ici, c'est le vent du nord qui souffle. Dans « L'étranger dans la glace », où la camarde n'est pas bien loin non plus, le vent est glacé... La mort est donc présentée comme un éternel hiver, un truc glacial, qui ne donne pas franchement envie !!! Et vous, vous voyez d'autres chansons de Thiéfaine où la mort apparaît ainsi, comme une glaciale saison ?

Commentaires

Salut Cath,
J'espère que tu vas bien ainsi que tout ta petite famille.
Ta dernière note sur "Méthode de dissection" est très intéressante comme toutes les autres d'ailleurs !!
Comme tu le dis très justement, le thème de la mort (même si c'est tabou mais ce n'est pas tabou pour notre poète préféré) est très présent dans beaucoup de textes de l'ami Hubert ; ça commence par "Le chant du fou" où celui-ci "est mort de désespoir dans un chant de labiales carnivores". Comment ne pas évoquer "Alligators 427" où dans le 1er Live enregistré à l'Olympia les choeurs n'en finissent plus d'entonner à l'unisson des "Vive la mort" qui font tout simplement froid dans le dos !!!
Oui, des remords, je pense que tout le monde peut en avoir surtout quand on sent que la fin est proche, et puis la nature humaine est comme ça indépendamment des personnalités de chacun... Brel disait qu'il y a deux dates importantes dans la vie d'un homme, "celle de sa naissance et celle de sa mort, tout ce qu'on a fait entre ces 2 dates n'a pas beaucoup d'importance". Ces quelques mots sont très durs, il faut sans doute les replacer dans le contexte de l'époque, c'est-à-dire à la fin de sa vie mais bon...Dans son magnifique et dernier album (qui est mon préféré) ne dit-il pas "Ils parlent de la mort comme tu parles d'un fruit, ils regardent la mer comme tu regardes un puits" ou encore d'une manière dirons nous plus humoristique "Mourir, mourir de rire, cela est possiblement vrai, d'ailleurs la preuve en est qu'ils n'osent plus trop rire"
Tu as raison, Cath, Thiéfaine emploie beaucoup la métaphore la mort/le froid.
Je ne vais pas recenser l'ensemble des textes d'Hubert qui abordent ce sujet mais c'est peut-être pour ça entre autres qu'Hubert a souvent été boudé par les médias car parler de la mort ou tout simplement l'évoquer, ça peut faire peur et accessoirement... faire baisser l'audimat !!!
Chaleureuses salutations à tous les aficionados qui viennent faire un tour par ici et... un grand clin d'oeil à Alfana !!
Je pourrai venir plus souvent sur ton blog car j'ai enfin internet !! Champagne !!
Je profite de mon passage sur ce blog pour souhaiter à tout le monde une très bonne anné 2010 et UN NOUVEL ALBUM D'HFT BORDEL !!! LE PLUS TOT SERA LE MIEUX !!! Bien cordialement, Fred06

Écrit par : Fred06 | 09/01/2010

Ah, Fred, je suis contente que tu aies enfin Internet chez toi !! Merci pour ce très beau commentaire. "Je sais que désormais vivre est un calembour, la mort est devenue un état permanent"... Très intéressants, ces mots de Brel. Il est vrai qu'il n'était pas toujours très optimiste non plus. Sans doute parce que, comme le chantait l'ami Ferré, "le désespoir est une forme supérieure de la critique"...

Écrit par : Katell | 09/01/2010

Hello Katell. Surpris je suis, de te retrouver sur Planète.
Je dois dire que cela me fait un effet assez bizarre pour l'instant.

A plus

Écrit par : Foxy | 09/01/2010

magnifique , faux que je le relise celui la !
d'autant qu' on se les pèle !

Écrit par : woua | 10/01/2010

Foxy, je dois avouer que cela me fait un effet bizarre à moi aussi. Je l'ai d'ailleurs expliqué par mail à Narcisse. Je pensais qu'il mettrait juste un lien vers mon blog et que ce serait plus discret. Peut-être trouvera-t-il quelque chose de moins voyant ? Cela m'arrangerait !

Écrit par : Katell | 10/01/2010

Merci Katell pour cette dissection! Un peu comme toi, j'avais zappé cette chanson, et je dois dire que jusqu'à aujourd'hui, je ne m'y étais pas penchée plus que ça ( en fait, pour moi elle se résumait à " je ne sais plus si c'est le vent du nord ..." que je fredonne assez régulièrement.)
La mort chez Thiéfaine? " Un état permanent", non?
Tu es sur Planète? Je croyais que c'était fermé... Par quel chemin faut-il s'y rendre pour t'y trouver ?

Écrit par : Evadné | 10/01/2010

Coucou ma chère Evadné ! Pour Planète, va faire un tour directement sur le site, tu verras...

Écrit par : Katell | 10/01/2010

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