Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/02/2010

"Thiéfaine en concert volume 2" (deuxième dissection)

La pensée du jour : "On nous montrait les ortolans, on nous dissimulait, au seuil de notre vie, toutes les grisailles, tous les regrets, tous les renoncements. Ceux-là ne se hasarderaient qu'au moment de l'addition, beaucoup plus tard. Elle serait salée, comme on dit. De larmes, comme on ne dit pas". René FALLET.

 

Suite et fin de cette dissection, donc.

Chanson n°6 : « Un vendredi 13 à 5h ». J'aime bien cette précision quasi mathématique chez Thiéfaine : « L'ascenseur de 22h43 », « Enfermé dans les cabinets (avec la fille mineure des 80 chasseurs) », «Chambre 2023 et des poussières », et tant d'autres. Les dates, les heures, les saisons, tout compte !

« Un vendredi 13 à 5h », donc. Ici, Thiéfaine parle de la mort. De sa mort. « Et les anges de la dernière scène viendront s'affronter à ma trouille ». Un peu comme Brel qui voulait qu'on rie et qu'on danse quand on le mettrait dans le trou, HFT souhaite que l'on « paie à tous les traîn'bars la der des ders de ses tournées ». Un autre souhait ? Oui, et pas des moindres : qu'on oublie de le réincarner ! Une vie lui aura suffi, rien que le fait de respirer lui aura toujours collé des crampes dans le sternum. Donc, non merci, pas de nouveau petit tour sur la terre, il sort d'en prendre... Le passage où il parle à son âme (« couchée, mon âme, au pied, tranquille ») me rappelle toujours les mots de Baudelaire s'adressant à sa douleur : « Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille ». En tout cas, HFT a beau ne pas s'intéresser outre mesure à la vie, il n'est pas non plus tout à fait certain de ne pas flipper le jour où il faudra en découdre avec la camarde. On en est tous là, non ? « Plutôt souffrir que mourir ». Très belle chanson, en tout cas. Et des images superbes : « nuage glacé à fleur de peau dans l'étrange ivresse des lenteurs », «les anges de la dernière scène ».

Ensuite, on retrouve notre Hubert « taxiphonant d'un pack de Kro »... C'est pas la joie non plus. « Allô S.O.S. Amitié »... Tiens, oui, c'est vrai, je veux depuis longtemps consacrer une note à S.O.S. Amitié, « va falloir qu'j'm'en occup'» ! C'est dans cette chanson que Thiéfaine dit : « la vie c'est pas du Bubble-gum et rien qu'le fait de respirer ça m'fout des crampes dans le sternum ». Le voilà « dans un train-fantôme, bloqué sur une voie de garage ». Le coeur au bord des lèvres : « La famille Duraton veut m'obliger à finir mon tapioca alors que ça fait bientôt 2 000 ans que j'ai plus faim »... Cette chanson-là, je la trouve mortelle, sans vouloir faire un mauvais jeu de mots ! Le début est affreux (« si j'peux encore vous causer c'est qu'mon pétard est enrayé »), la fin est terrible : à défaut de te faire sauter la cervelle avec un pétard, mon brave, tu n'auras qu'à utiliser la corde, lui répond-on, en substance, au bout du fil. « Vous êtes branché sur un répondeur automatique et vous avez trente secondes pour vous pendre ». Visionnaire, le père Thiéfaine ? Maintenant que les boîtes vocales ont pris le pouvoir, comme les médias, y a-t-il encore vraiment quelqu'un au bout du fil quand on appelle S.O.S. Amitié ?!!!

Puis, c'est « Autoroutes jeudi d'automne » ou « Mathématiques souterraines n°2 ». Une chanson qui me bouleverse systématiquement, pas vous ? Je lui ai déjà consacré une note, peut-être même plusieurs, je ne sais plus. « Je balance mes buvards et tire sur la ficelle pour appeler le dément qui inventa l'ennui ». Tiens, c'est vrai, ça, il se trouve où, ce con ?!!

« Autoroutes jeudi d'automne » : Un paumé « traîne son ennui dans les rues de l'errance ». Mendiant « l'oxygène aux sorties des cinoches » et vendant « des compresseurs à ses ladys-bromure ». S'arrêtant ensuite pour « mater ses corbeaux qui déjeunent » et « ses fleurs qui se tordent sous les électrochocs ». Chanson plutôt optimiste quand même puisque notre errant « remonte son col, appuie sur le starter et va voir ailleurs, encore plus loin, ailleurs ». Peut-être va-t-il s'enfoncer « plus loin dans les égouts pour voir si l'océan se trouve toujours au bout », qui sait ?

Puis, on découvre une facture bien salée, avec « Femme de Loth ». « Moi qui m'croyais gazé v'là que j'déconne pour elle », encore une phrase que j'aime. Le renouveau après un long sommeil de plomb ! Et ça, donc, écoutez-moi ça : « Nous sommes les naufragés dans cet avion-taxi

avec nos yeux perdus vers d'autres galaxies

nous rêvons d'ascenseurs au bout d'un arc-en-ciel

où nos cerveaux malades sortiraient du sommeil ». Toute la tragédie de la condition humaine se trouve contenue dans ces mots. A une époque, je les avais mis en en-tête de mon papier à lettres. De quoi effrayer les destinataires de mes courriers, non ?!!!

Le tout s'achève sur quelque chose d'un peu plus léger : « Court-métrage ». D'accord, notre type se fait salement éconduire à la fin de la chanson (la femme fatale dont il est question répond « je t'emmerde » à ses « baby I love you »). Mais il y a comme un peu de légèreté dans l'air (« en croisant les jambes si haut qu'on lui voyait le bout des seins »). Un contraste marrant entre l'espèce de « rêve américain » du début ... et cette fichue réalité à la française qui, à la fin, s'abat sur notre pauvre loser !! Pas de bol, mon vieil Edgar ! Mais t'en fais pas, va, comme chantait Birkin, « si ça peut te consoler, ça n'arrive pas seulement à toi », « tu n'es pas le premier poisson qui se meurt dans un bocal d'eau, la bouche ouverte, le ventre en l'air, les yeux comme des billes de loto » !!!

 

Conclusion : sublime album live, à écouter au minimum 52 fois par an, ce qui ramène le tout à une fois par semaine. Oui, cela me semble être la dose idéale, pour une hygiène cérébrale parfaite !!!!

 

Commentaires

Concernant les précisions mathématiques ... Arnaud a fait un rapprochement tout à fait intéressant à propos de Chambre 2023 au Carrefour
S'il passe par ici , je le laisse développer

Écrit par : Loreleï2 | 08/02/2010

Taxiphonant : cette version live est extra !

Écrit par : Loreleï2 | 08/02/2010

Au fait Katell, suite à notre conversation chez toi avec 655321 (salut à toi), il semblerait que la chambre 2023 n'ait pas de rapport avec la mort de Marylin (Norma jeane serait morte chez elle et non dans un hotel).

Écrit par : RV | 08/02/2010

Mais visiblement, il va nous éclairer d'ici peu...

Écrit par : RV | 08/02/2010

Alors j'espère qu'Arnaud va vite repasser par ici, j'ai hâte de savoir quelle est son idée sur la question. En fait, RV, il s'agit d'un autre Arnaud, pas de 655321.

Écrit par : Katell | 08/02/2010

vi, en rapport avec Mojo ...

Écrit par : loreleï2 | 08/02/2010

Ah oui, intéressant. A cause des dates indiquées entre parenthèses : 1948-2023 ? Arnaud, viens vite, ne nous laisse pas dans le noir avant la fin de l'histoire !!

Écrit par : Katell | 08/02/2010

Et à propos de Wakan-Tanka ("en suppliant Wakan-Tanka d'oublier de me réincarner"), vous pouvez trouver un bel article sur le site d'Arnaud :
http://voyageauboutdureve.jimdo.com/2008/03/01/wakan-tanka

Écrit par : Katell | 09/02/2010

merci katell, la je suis en plein dans autoroutes jeudi (oui les pauvres voisins) quelle chanson, bon je vais pas partir dans mes critiques comme d'hab , mais tout de meme une concernant ton billet, 52 foix est ce suffisant ?

Écrit par : tieum | 09/02/2010

Je disais "52 fois" car il y a quand même tous les autres albums à caser aussi !! En même temps, je n'ai pas de "programme" précis, j'écoute Thiéfaine quand ça me chante. Parfois, je fais même de longues pauses, on dirait pas comme ça, hein ?!

Écrit par : Katell | 09/02/2010

Quelle bonne idée d'entamer de nouvelles joutes verbales sur les prestations "live" de HFT...avec au passage des préambules citant cet écrivain René Fallet dont le "Paris au mois d'Aout" m'ébranla en pleine solitude post-adolescente...
Octobre 1985 irradié intimement par les cendres rougeoyantes d'une colére qui couvait à quelques encablures d'un départ pour un univers vert kaki que j'appréhendais mais que je finirais par abhorrer de façon irréversible,ce concert du zénith s'annonçait comme un chant du cygne...chant du cygne dans son sens sémantique originel:le cygne sentant sa fin approcher déploie alors le chant le plus beau dans une sorte de révérence empanachée...toute proportion gardée j'allais ainsi m'enivrer,m'imprégner d'émotions infinies avant de rejoindre une petite mort infame constellée non de soleils cherchant un futur,non de dernieres balises en attente de mutation ou meme de sortie sud alambiquée mais abondant de stupres, d'avanies et de vilénies rarement égalées depuis...
Ce concert du Zénith fut donc aussi la rencontre initiale avec Thiéfaine en concert.Et je ne fus pas déçu ,et je m'en suis nourri de ces riffs de guitare catapultant un flot de poésie sur 6000 personnes reprenant en choeur les refrains les plus ...alambiqués,complexes dans des échos ravageurs et régénérant aussi.
Mais finalement le souvenir le plus curieux concerne le physique de Hubert:il apparaissait diablement beau le bougre avec ses yeux si clairs qu'on pouvait y voir ses pensées (je le cite),sa silhouette svelte baguenaudant le long de la grande scéne du zénith arborée d'un pantalon en cuir noir et d'une chemise blanche accentuant cette fascination suggérée par autant d'atouts...
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le contenu,les chansons intérprétées ce soir là,mais une idée ressort en lisant ta note Katell c'est cette récurrente allusion au danger de se retourner "femme de Loth",'autoroutes jeudi d'automne",plus pres de nous "errer humanum est","eurydice.."confirmant cette harmonie entre l'artiste et son oeuvre,HFT déclarant souvent que le passé ne l'interessait pas...toujours aller plus loin,devant à fond la caisse,on the road again,n'est-ce pas ?
Félicitations pour l'article et pensées aussi à tous ces sites de quidams passionnés que je salue également pour leur enthousiasme,pour leur persévérance et quelque part pour leur altruisme car leur implication se nourrit beaucoup aussi ,je pense, de ce plaisir qu'ils offrent de nous permettre d'entretenir la flamme...

Écrit par : alfana | 09/02/2010

Cher Alfana,
Encore un commentaire enflammé, comme je les adore, et comme tu sais si bien les faire ! Merci ! Très intéressant, ce que tu écris sur le danger de se retourner. C'est vrai, ça !
Alors comme ça, toi aussi tu as été ému à la lecture de Paris au mois d'août ? Quel livre formidable ! J'adore René Fallet et son extrême sensibilité. Un homme que j'aurais aimé connaître ! J'en serais tombée follement amoureuse !!!!!!!!! Pourtant, il n'avait pas un physique mirobolant. Mais une gueule qui raconte des choses, tout comme Hubert (que je trouve plutôt beau) et Higelin (que je trouve sublime !!!!). Bon, mais je m'éloigne de mon sujet, mille excuses. Quelle chance tu as d'avoir pu assister à ce concert ! En 1985 ! Il m'aura fallu attendre 1995 pour voir enfin Hubert !
Quant à l'armée, laissons une fois de plus la parole à HFT : "Désertion du rayon képi" !!!!!!
Et tu as lu d'autres livres de Fallet ? Pour ma part, j'ai lu L'amour baroque (splendide), L'Angevine (extra), Y a-t-il un docteur dans la salle ? (magnifique), Comment fais-tu l'amour, Cerise ? (j'ai un peu moins aimé) et les Carnets de jeunesse, qui sont d'une grande beauté... Ah, René, René !!!

Écrit par : Katell | 09/02/2010

Allez, pour le plaisir, quelques extraits de Paris au mois d'août :
"Mais pourquoi pas un second Panthéon dédié "aux petis hommes" ? Car, sans les petits, pas de guerres, partant pas de victoires, et, par voie de conséquence, pas de généraux victorieux à Wagram ou ailleurs".

"Il faut arriver à fumer le haschich sans le haschich, vous comprenez ? Il faut vivre !"

"Parce que, mon pote, faut pas jouer du tout les gros bras. Côté sentiment, tu tiens pas en l'air. Elle va te descendre en beauté. On te reconnaîtra plus qu'à tes lacets de godasse".

"Quant à l'incertitude, il y trouvait son compte également car l'incertitude est la face cachée du bonheur. Etre sûr de l'amour de l'autre, c'est déjà le perdre".

"C'est un atroce arrachement que celui des trains, le plus atroce car l'on peut, jusqu'à la dernière seconde, sauter sur le marchepied. On ne saute jamais, mais on le peut toujours".

"Faut pas vouloir la lune. D'abord, même qu'on la voudrait..."

Écrit par : Katell | 09/02/2010

wouai katell, tu fais des pauses de 10 mn, car dans ta frimousse, du moins ton cerveau ça doit etre chaud !
hubert hubert!
si tu es comme moi, genre quelqu'un te parle , te casses les roubignolles, ben je m'évade, j'ai souvent en tete ben wouai quoi mais moi je t'emmerde !
par contre la, rené merci car bien pour la drague ça, tu vas faire des heureuses !
je sais meme pas qui c'est rené !
alfana tu m'épatteras tjrs, un plaisir à te lire !
je me suis souvent demandé si tu était pas the doc jones !

Écrit par : tieum | 10/02/2010

Une fois n'est pas coutume ce n'est pas Hubert qui m'a conduit à René Fallet mais George Brassens et Renaud.Et "Paris au mois d'aout" fut le seul livre "ingurgité"en une seule traite de toute ma carriére d'assidu lecteur ,un dimanche de jalouse oisiveté...Ce fut un choc car je retrouvais le pendant populaire,en livre,des chansons de Béranger,Brassens ou des la matérialisation en écriture des photos de Doisneau...On m'a rapporté qu'une version cinématographique avait été réalisée de "Paris au mois d'aout",si quelqu'un a des renseignements supplémentaires je suis preneur !!!
Ses autres livres,ceux que tu cites ajoutés de "un idiot à Paris" et "le beaujolais nouveau est arrivé" attestent de cette sensibilité parée de tendresse bienveillante à l'égard des classes populaires,des petites gens, des amitiés viriles et de l'Amour...sacrée.A consommer sans modération pour une grande bouffée d'humanité...

Écrit par : alfana | 10/02/2010

Entièrement d'accord avec ton analyse, Alfana ! Moi, c'est Renaud qui m'a fait découvrir Fallet. "Il aime René Fallet", dit-il dans "Mon amoureux", et j'ai eu envie d'en savoir plus.
Oui, Paris au mois d'août a été porté à l'écran. C'est un film de Pierre Granier-Deferre, avec Charles Aznavour et Susan Hampshire. Je ne l'ai pas vu.
J'ai aussi Le Beaujolais nouveau est arrivé et Charleston dans ma bibliothèque, mais je ne les ai pas lus. J'ai comme ça une bonne trentaine de livres achetés, mais pas lus. Je ne me fais pas de soucis : je finis toujours par les lire, parfois dix ans après la date d'achat (que je note scrupuleusement sur tous mes bouquins, à peine maboul !!!!!)

Écrit par : Katell | 10/02/2010

Les commentaires sont fermés.