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26/05/2010

"Apprends donc à tenir ta laisse"...

La pensée du jour : "Nous sommes las d'avoir fauché tant de désirs dans le beau champ de notre amour". Jules RENARD.

 

 

« Tu vides des packs de mauvaise bière

bercé par France télévision

qui t'offre ses documentaires

sur les stations d'épuration

même l'été sous la canicule

t'as froid dans ton Thermolactyl

et tu pleures au milieu des bulles

de ton sushi rayé des îles

 

apprends donc à tenir ta laisse

t'es pas tout seul en manque de secours

la tristesse est la seule promesse

que la vie tient toujours

 

t'as pas appris dans ton enfance

l'amour la joie ni le bonheur

t'as juste étudié l'arrogance

dans l'angoisse, la honte et la peur

ton fax fixe un démon qui passe

à l'heure où tout devient trop clair

où tu contemples dans ta glace

une certaine idée de l'enfer

 

apprends donc à tenir ta laisse

t'es pas tout seul en manque de secours

la tristesse est la seule promesse

que la vie tient toujours

 

peut-être qu'un jour chez Norauto

tu verras ta reine arriver

au volant de la stéréo

d'un tubing-car customisé

mais l'amour s'use à la lumière

et les louttes sont toutes un peu louffes

elles te feront jouer du somnifère

dans un H.P. avec les oufs ».

 

 

Dans « Eloge de la tristesse », , HFT s'adresse à on ne sait trop qui, un autre être avec qui il est à tu et à toi. Peut-être que cet autre est tout simplement lui-même ? D'où la rudesse du propos. Il se malmène, se réprimande... « Apprends donc à tenir ta laisse

t'es pas tout seul en manque de secours », scande-t-il dans le refrain.

Le tableau qui s'offre à nous d'emblée dans cette chanson n'est pas des plus reluisants : on imagine un type vautré sur son canapé, vidant des packs de bière (de mauvaise qualité, de surcroît !), suivant d'un œil hagard un programme télé pourri !!! Pas de quoi se réchauffer l'âme avec ce déferlement de documentaires sans intérêt. D'où cette froideur persistante, même en plein été, sous la canicule, avec un Thermolactyl appelé à la rescousse ! L'impression de froideur est renforcée ici par l'usage des consonnes dentales, qui ne sont pas réputées pour être douces (« t'as froid dans ton Thermolactyl »).

Dans le deuxième couplet, HFT revient sur l'enfance de l'individu à qui il s'adresse. Une enfance pas vraiment joyeuse non plus. Ce qu'il en reste ? Une impression d'angoisse, de honte et de peur. Deux registres s'opposent ici : d'un côté, « l'amour, la joie, le bonheur », qui ont cruellement fait défaut, et de l'autre, « l'arrogance, l'angoisse, la honte et la peur », qui ont constitué le lot quotidien de notre bonhomme.

Dans une autre chanson de Thiéfaine, « un ange passe, équipé d'un treuil ». Ici, c'est un démon qui passe. Renversement des images habituelles. L'heure a sonné où « tout devient trop clair », où la lucidité vient cramer les miroirs pour laisser l'homme nu face à son triste destin. « Une certaine idée de l'enfer », voilà tout ce qui lui saute à la figure quand il se regarde dans la glace. Ailleurs encore, ce sera un étranger qui viendra perturber le reflet contemplé...

On serait en droit, tout comme notre homme, d'attendre une lueur d'espoir dans ce tableau chargé d'ombres... On croit que cette lueur va surgir tout au bout du tunnel, tout au bout de la chanson puisque « peut-être qu'un jour chez Norauto tu verras ta reine arriver ». Notons le joli contraste entre la supposée reine et le cadre dans lequel tout est censé se dérouler. Norauto, il y a mieux comme endroit pour entamer une idylle, n'est-ce pas ?! Et le carrosse de Cendrillon n'est guère poétique : non, il s'agit d'un tubing-car customisé, on imagine avec quel ridicule !!! Qu'importe, l'idylle est de toute façon vouée à l'échec. Total et sordide. Une fois encore, comme dans « L'agence des amants de madame Müller », on flirte dangereusement avec la folie : «Et les louttes sont toutes un peu louffes

elles te feront jouer du somnifère

dans un H.P. avec les oufs »...

Revenons également sur cette phrase qui me trotte souvent dans la tête : « L'amour s'use à la lumière »... Qu'est-ce à dire ? Que trop voir, trop regarder l'autre à la lumière de la lucidité et de la routine, c'est immanquablement finir par ne plus vouloir rien voir de ce qu'il est ? Le regarder jusqu'au dégoût... « Je t'aimerai, le temps de voir dans ce grain de beauté une verrue », écrivait ce grand désabusé qu'était Jules Renard...
Dans les mots d'HFT aussi, quelle lassitude ! La vie s'évertue à nous décevoir, à ne pas tenir ses promesses. Seule la tristesse est digne de confiance puisqu'elle seule s'en tient à la sagesse populaire, à savoir : « chose promise, chose due ». D'où cet éloge, je suppose. Ce n'est pas que la tristesse soit un état si agréable, c'est juste qu'au moins, avec elle, on n'est pas déçu, ce qu'on attendait finit toujours par nous tomber sur l'échine...

Nous sommes tous en manque de secours, mon cher HFT, et le « tu » que tu utilises ici est un « tu » universel, qui relie de bien triste façon tous les hommes entre eux... « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier », écrivait Stig Dagerman. Pas de salut possible ici, ni dans les piètres divertissements proposés par France télévision (étonnant, non ?!!!), ni dans le souvenir de l'enfance (mais non, elle fut malheureuse, « parce qu'on avait mal aux dents, on avait mal aux dents parce que toujours on nous obligeait à manger des sucres d'orge et qu'on n'aimait pas ça » !), ni dans l'amour (qui n'est qu'un horrible « chagrin des glandes »)... A bon entendeur salut !

 

Commentaires

L'avantage d'être pessimiste c'est qu'on est jamais déçu puisqu'on ne s'attend à rien de bien , donc chaque bonne chose qui arrive est une excellente surprise .

Écrit par : loreleï2 | 26/05/2010

La tristesse est la seule promesse que la vie tient toujours : elle me plait bien cette phrase ...

Écrit par : loreleï2 | 26/05/2010

... Hubert s'adresse à lui et à " l'autre "après avoir passé au péage des transferts minés !...

... Je ne suis pas d'acord avec toi sur ton premier commentaire Loreleï2 : le pessimisme n'existe qu'au travers d'une attente !... , toutefois une excellente surprise ne peut être que salvatrice.. Onfray veut tuer S.Freud certes, mais surtout parce qu'il a un contentieux avec lui " Michel Onfray " et cela je pourrais le développer

... Ton deuxième commentaire faisant référence à cette phrase stylistique et non stylistoc ;-) peut plaire effectivement en première mecture, mais il y a un pathos à la trouver plaisante sortie de son contexte !...

The Doc is always le Doc, I'm not sorry ;-)

Écrit par : Le Doc. | 26/05/2010

Quand à l'amour ... j'vais encore me répèter mais c'est une belle connerie que ce truc-là !
Que de malheurs à cause de l'Amour !
N'est-ce pas à cause de lui qu'Anakin a embrassé le côté obscur de la Force ... on voit ce que ça a donné ... bon d'accord ... je sors ...

Écrit par : loreleï2 | 26/05/2010

@ Doc : je n'ai pas dit qu'on attendait rien mais qu'on ne s'attendait à rien de bon

Écrit par : loreleï2 | 26/05/2010

Cit. de Loreleï2 :

1) " puisqu'on ne s'attend à rien de bien* , donc chaque bonne chose qui arrive est une excellente surprise . "

2) "
@ Doc : je n'ai pas dit qu'on attendait rien mais qu'on ne s'attendait à rien de bon* "

, une attente est une attente et la connoter* d'avance est significatif ;-)

* bien, bon..

, bon c'est bien tout ça car la parole une catharsis.. je pratique l'accouchement socratique avec mes t.o.c..s ;-) ou l'art de la maïeutique..

Écrit par : Le Doc. | 26/05/2010

, et moi je dis : j'péfère les marshmallows !...

Écrit par : Le Doc. | 26/05/2010

Cit. du Doc :

" , bon c'est bien tout ça car la parole une catharsis.. "

ou aussi :

, bon c'est tout bien ça, car la parole est une catharsis..

ou aussi :

, bien c'est tout bon çà, ...

;-)

Écrit par : Le Doc. | 26/05/2010

j'aime beaucoup, elle me remonte toujours le moral. c'est l'effet miroir ? bises Cath.

Écrit par : NATH | 26/05/2010

Idem pour moi, Nath. Comme de nombreuses chansons d'HFT, celle-là me fait chaud au coeur...

Écrit par : Katell | 26/05/2010

Moi elle me fait pas chaud au coeur, because c'est comme si je l'avais écrite pour moi. Bonjour l'image de ma vie !!!

Écrit par : Tommie | 26/05/2010

Lorelei c'est aussi l'amour qui ramène Vador parmi les vivants :) D'ailleurs Luke est la premier héros non-freudien puisqu'il refuse de tuer son père... :)

Encore une fois, y'a quelque chose de paradoxal dans cette chanson.. puisque si le propos est vraiment très noir et sans concession (la clarté chimique...), il n'en reste pas moins que la "vie tient toujours", toujours le même thème : "je veux vivre encore, plus ivre de cramer, je veux ronger le mal jusque dans ces recoins [...] je n'ai plus rien à perdre..." Malgré toute ces angoisses il y a toujours (et c'est ce que j'aime aussi chez lui) le point de vue du "survivant"...

"Apprends donc à tenir ta laisse" ou chacun sa croix :)


La bise, à tous
Boub'

Écrit par : boub' | 29/05/2010

Bonjour à tous et à toutes,
Ravi de ton retour parmi nous, Boub' !!
Cette chanson est un pur chef d'oeuvre avec ce magnifique refrain qui nous interpelle tous quelque part : "apprends donc à tenir ta laisse / t'es pas tout seul en manque de secours / la tristesse est la seule promesse que la vie tient toujours"...
Une sorte de consolation de ne pas être seul dans ce merdier...après le réalisme qui ressort (de mon point de vue évidemment !) de la 1ère ligne et une sorte de conclusion dans la 3e phrase sous forme de slogan...
Il y a beaucoup de phrases dans le répertoire d'HFT qui pourraient faire figure de slogan, le refrain de "Rock-Autopsie" par exemple :
"Veuillez parler à mon flipper, mon juke-box est malade oh yeah !!!"
S'il fallait les recenser, on n'est pas couchés...!!!
Portez-vous bien, bon week-end à tous et à toutes, la biz à Boub', Lorelei2 et à Katell.
A bientôt, FRED

Écrit par : Fred06 | 29/05/2010

Il y a un moment que je n'ai pas réécouté cet album, merci de m'y replonger par tes écrits Katell!!

Écrit par : Yoann | 30/05/2010

Cit. , de Boub' :

" Apprends donc à tenir ta laisse" ou chacun sa croix :) "

Voilà là un brutal raccourci ( ou chacun sa croix.. ) de la phrase du poète qui va bien au dela de l'héritage-judéo chrétien dont Hubert en porte toutefois fortement les stigmates.

D'où cette piqure de rappel de mon commentaire à propos de la poèsie :

" Pour moi, - la poèsie est un travestissement de la réalité * - "

* surtout un mécanisme de défense si cher à Sigi. , ou une autre forme de religion comme la névrose-obsessionnelle..

Écrit par : Le Doc. | 31/05/2010

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