15/08/2011
"Je voudrais qu'on m'inhume dans mon plus beau posthume ... pacifiste inconnu"
La mort d'Allain Leprest nous laisse nus, démunis, orphelins... Cela me fait drôle de me dire que ce matin déjà, sans le savoir, je me suis réveillée dans un monde où Leprest n'était plus... C'est bizarre, je pensais beaucoup à lui dernièrement...
Bien évidemment, au journal télévisé, pas un mot au sujet de la mort de ce grand bonhomme. On préférera toujours nous parler de chiffres, de foot, nous assommer, nous abêtir...
Avec cet artiste, c'est encore un peu de poésie qui s'en va. Qui chantera encore la douceur inutile de la pluie qui tombe sur la mer ? Qui hurlera avec autant de fêlures dans la voix et dans l'âme « je ne te salue pas » à la face d'un Dieu oublieux de son œuvre, laissée en plan, en friche, en merdier ? Qui chantera encore « je hais les gosses » ? Et Rouen, et le sac à main de la putain ? Leprest, c'était une longue déchirure qui se mettait à nu dans ses textes...
Profonde tristesse ce soir... Je ne peux me consoler (c'est un bien grand mot) qu'avec la voix d'Allain.
Allez, lançons ensemble une prière à la face des cieux !
Je ne te salue pas
Je ne te salue pas
Toi qui vis dans les cieux
Athée, j'habite en bas
De ton toit prétentieux
En fumeur de havane
Gros beauf qui te pavanes
Au milieu des charniers
Avec tes dobermans
Je ne te salue pas
Toi qui te crois mon Dieu
Je ne te salue pas
Toi qui vis dans les cieux
Pacha, mauvais sherpa
Coupeur de bites en deux
P.D.G. des nuages
Vendeur de faux voyages
Dealer de poudre aux yeux
Metteur de filles en cage
Je ne te salue pas
Toi qui te crois mon Dieu
Je ne te salue pas
Toi qui vis dans les cieux
Le monde, et pourquoi pas ?
Un gosse aurait fait mieux
Fait l'amour à l'atome
Doublé la couche d'ozone
Eve aurait eu le droit
De faire des tartes aux pommes
Je ne te salue pas
Toi qui te crois mon Dieu
Je ne te salue pas
Toi qui vis dans les cieux
Je suis né à Couba
Quelque part en banlieue
Tes bourses à Washington
Ton pape et ta madone
L'univers les oublie
Et Satan les pardonne
Je ne te salue pas
Toi qui te crois mon Dieu
Je ne te salue pas
Toi qui vis dans les cieux
A mon dernier repas
Appelle-moi « Monsieur »
Pas « mon fils » ni « machin »
Un père j'en ai d'jà un
Qui arrachait les clous
Quand on clouait mes poings
Je ne te salue pas
Toi qui te crois mon Dieu
Je ne te salue plus
Toi qui vis dans les nues
Si ton plafond s'effondre
Epargne un peu le monde
Mais qu'au moins soient sauvés
Ceux qui savent leurs « Ave »
En ce qui me concerne
Je balance un pavé
Un pavé rouge et bleu
Dans la vitre des cieux
Se peut-il être sans clocher
Une insulte pour t'approcher ?
Que soient sauvés ceux qui savent leurs « Ave », certes, mais que soient sauvés aussi ceux qui, dès la naissance ou presque, ont eu mal au monde, ont noté au bas de la feuille « peut mieux faire », et ont essayé de changer les choses. Que soient sauvés les écorchés vifs, ceux que flinguent sur place la cruauté humaine et celle de la vie. Que soient sauvés les poètes, et plus encore les poètes maudits, ceux qui, en ce bas monde, ne trouvèrent pas de point d'ancrage suffisamment solide pour ne pas vaciller. Que soient sauvés les doux au cœur pur, dont Allain Leprest était. J'espère bien, tiens, qu'à son dernier repas Dieu l'aura appelé monsieur ! C'est la moindre des choses !
23:25 | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
Merci pour ce bel hommage, Cath, qui réchauffe un peu... Le silence des médias, une fois de plus, est édifiant...
Écrit par : Evadné | 15/08/2011
J'écoute Allain depuis le début de l'après-midi moi aussi. Cela ne me console pas pour autant... Ton hommage vibre des émotions que je ressens et que je ne sais exprimer. Merci.
Écrit par : Monsieur Müller | 15/08/2011
, et nous sommes aussi par le lien un peu un média ..
Écrit par : Le Doc. | 15/08/2011
http://r.orange.fr/r?ref=HPC_ihd_alaune_infocontinu_actualite&url=http%3A//actu.orange.fr/une/suicide-du-chanteur-allain-leprest-parolier-de-greco-et-admire-par-ferrat-afp_192096.html
Écrit par : Le Doc. | 16/08/2011
Merci pour ce bel hommage, merci surtout de penser à Allain.
Écrit par : Marie | 16/08/2011
"J'habite tant de voyages
De creux, de mains, de nuages
J'habite des cieux sans bornes
Rien qui n'ait vraiment de forme "
Écrit par : Loreleï2 | 16/08/2011
Très bel hommage. Merci pour lui.
Écrit par : Thefaine Jean | 17/08/2011
Pour les 10 ans d'Yves Jamait, il chantera "J'habite tant de voyages" (duo surprise), début décembre à Dijon.
Écrit par : Mademoiselle | 06/09/2011
allain Leprest, Pauvre Lelian
Il pleut, Paris fait sa Brussel
C'est la nuit, tous les chats sont troubles
Y a pas assez d'étoiles dans l' ciel
Pour ça, tu veux les boire en double
Tu titubes, vêtu faut voir comme !
Comme un as de pique, rue Descartes
Un nuage au parfum d'opium
S'effiloche dans ton écharpe
Monsieur Verlaine, un dernier blanc !
Pauvre Lelian
Plus de Verlaine, du vers cassé
À balayer côté impair
Un train à bestiaux est passé
Jeune homme déjà si grand-père
Sonné au sommet de son art
Paraît qu'on lance une battue
Au cul des derniers communards
Le train à bestiaux s'est perdu
En meuglant dans le soir sanglant
Pauvre Lelian
Verlaine aux abonnés absents
Chez lui, si l' bonheur vient frapper
Le concierge avé son accent
Dira "L' poète s'est absinthé"
Partir tousser jusqu'à la Butte
Voir un maquereau un peu bohème
Et qui sait lire et prête sa pute
Contre un lamentable poème
Garnement aux cheveux si blancs
Pauvre Lelian
Pour aujourd'hui, oh, des broutilles
Juste un baston dans les faubourgs
Un critique de pacotille
Y a des nuits où c'est pas ton jour
Demain, bah, demain y faudra
Se serrer la petite ceinture
Chez Margot, on dînera d'un rat
Tout le reste c'est garniture
Y a des jours c'en est humiliant
Pauvre Lelian
Paris, il pleut des harengs saurs
C'est toi ou le trottoir qui boite ?
Quel est cet empaffé qui tord
La rue qui paraissait si droite ?
Choisir "pas choisir" c'est un choix
C'est ainsi, se foutre à la porte
De soi-même, mourir de soi
Nom de Dieu ! Être en quelque sorte
Son premier et dernier client
Bon vent Lelian ! {x3}
Écrit par : Ali | 07/09/2011
Merci, Ali, d'avoir pris la peine de noter ici ce texte magnifique.
Écrit par : Katell | 07/09/2011
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