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18/12/2011

Autoroutes jeudi d'automne ou le concert de Rouen raconté par Aclh

Ce soir, place à la jolie plume d'Aclh, qui nous raconte le concert de Rouen :

 

Autoroutes jeudi d'automne

13h : je quitte le bureau sous le regard incrédule d’une collègue qui se demande pourquoi je prends mon après-midi pour me rendre à un concert d’un type qu’elle trouve triste… Enième tentative pour lui faire comprendre que Thiéfaine ce n’est pas ça, énième échec. Tant pis.

 

 Je rentre chez moi, prépare mes affaires avec l’idée de partir vers 14h. Mais je traîne, je traîne…

 

15h et quelques, je décolle enfin. Une fois dans la voiture, je branche le GPS direction le Zénith de Rouen, il planifie 1h30 de trajet. « Votre itinéraire comporte des péages, souhaitez-vous continuer ? » Oui mais… j’ai oublié ma carte bleue, et ma tête aussi semble-t-il ! Retour à la case départ, encore 15 bonnes minutes de perdues… et je repars.

 

Je suis enfin seule dans ma voiture, sur l’autoroute, nous sommes un jeudi d’automne. Le lecteur CD avale celui du Scandale Mélancolique Tour, l’artiste démarre en nous proposant une bonne gamme de tranquillisants… puis enchaîne avec le Cabaret Ste Lilith. J’enchaîne les autoroutes, nombreuses dans ma région et j’ai de la chance : tout est bouché dans l’autre sens, mais pas vers la Normandie. Il bruine, un vrai temps automnal. Peu à peu j’essaie de réaliser : ce soir je retourne prendre l’ascenseur HFT, celui qui nous emmène dans les nuages dès les premiers mots prononcés.

 

17h tapantes, j’arrive sur le parking du Zénith, quasi désert. Je rejoins les quelques courageux qui sont là, pour certains, depuis 14h. Nous ne sommes même pas une dizaine ! Les gens arrivent au compte-gouttes, 1 ou 2 personnes par heure. Certains doutent : c’est bizarre, il n’y a personne… d’autres disent qu’ils auraient dû arriver plus tard… Mais je ne regrette en rien cette attente dans le froid, oh que non ! L’ambiance est bonne, différente de celle de Bercy où j’avais passé des heures à discuter sagement en écoutant deux étudiants égrener des perles à la guitare. Ici on papote un peu, les gens semblent plus réservés mis à part un Thiéfainiste un tantinet survolté mais franchement rigolo, qui sort 1000 conneries à la seconde.

 

19h, les portes s’ouvrent, encore un peu d’attente avant de foncer au chaud dans la fosse. Les deux heures dans le froid ont payé : je trouve ma place face à la scène, au 1er rang. Je serai donc quasiment en face de M. Thiéfaine, avec en prime une vue du tonnerre sur Alice Botté. C’est la place dont je n’osais rêver, les portes du rêve commencent à s’ouvrir.

 

Une amie et son mari me rejoignent, nous ne nous sommes pas vus depuis longtemps. La salle se remplit timidement, les gens arrivent surtout dans le dernier quart d’heure.

  

20h30, les lumières s’éteignent. La voix de Thiéfaine (préenregistrée, dommage car c’en est impersonnel) annonce Jean-Marc Poignot en première partie. Katell en a parlé sur son blog, je vais donc m’en faire mon idée en live. L’homme arrive, seul avec sa guitare. Ce qu’il nous chante vient de ses tripes et cela se sent, je me dis qu’il est presque dommage de découvrir les textes ce soir. Il aurait fallu les lire avant pour s’en imprégner davantage. La dernière chanson, dédiée à sa maman partie sur son nuage de folie, dans « La Bulle » qu’elle s’est construite, me fait de drôles de choses à l’intérieur. Pendant sa prestation, un homme vient se poster juste sous le nez de Poignot, à peine déstabilisant pour le chanteur avec une affiche « Je t’aime » scotchée sur le torse ! Inattendu.

 

21h, nouvelle attente : Thiéfaine tarde à venir. Le public, un peu mou, l’appelle. « Hubert ! » ; « Félix !! ». De ma place je vois bien les côtés de la scène. J’aperçois, sur la gauche, Lucas Thiéfaine et Alice Botté. Pendant de nombreuses minutes j’observe ce guitariste de génie s’échauffer les doigts… il les agite en tous sens pour, j’imagine, les détendre au maximum, les rendre fluides. Une annonce est faite : l’utilisation de flashes est interdite pendant le concert. C’est mieux de le dire avant, au moins cela ne nous ruinera pas de chanson… Certains irréductibles flashent quand même, ils sont vite « matés » avec un laser vert qui les fixe tant qu’ils n’arrêtent pas. Bien trouvé !

 

Puis, enfin, la salle plonge dans le noir et les musiciens s’avancent les uns après les autres, Hubert-Félix Thiéfaine en dernier, jouant les premiers accords d’Annihilation. On se laisse embarquer par les premières notes d’harmonica… Quelle entrée en matière bon sang, cette chanson est une vraie claque, une perle noire qui vous prend et vous embarque je ne sais où. C’est bon, c’est très, très bon, et c’est un sacré cadeau de nous faire ça d’entrée de jeu. Le son est impeccable, plus rock qu’en début de tournée. Puis Thiéfaine remercie le public : « merci, merci d’être là, merci de votre fidélité ». Quelques chansons plus tard viendra même un « vous êtes beaux » ! Je ne me rappelle pas avoir entendu ces mots-là à Bercy.

 

Question interventions, il est plus détendu qu’à Paris : même si globalement il nous raconte la même chose, le ton employé est différent. Les 12 minutes de show « propre et net » sans alcool (grondement dans la salle, ponctué avec malice d’un « ah… je vois que nous sommes en Normandie »), sans drogue, sans sexe, sans Dieu (majeur levé… l’artiste n’a rien perdu de son irrévérence) et sans mort (majeur en direction du sol cette fois), et l’aveu qu’on va finalement faire comme d’habitude. On sent Thiéfaine serein, heureux d’être sur cette tournée. La voix est claire, sonne toujours juste, le coffre est impressionnant, le regard habité.

 

Les chansons défilent : Fièvre résurrectionnelle, Lorelei, Soleil cherche Futur, Infinitives Voiles… L’harmonica revient avec Petit matin. Ce texte vous serre le cœur, impossible pour moi d’articuler les paroles en même temps alors que je la connais par cœur. J’observe Lucas, tapi dans l’ombre côté coulisses, et qui regarde son père placer ces mots si durs les uns à côté des autres. Je n’aime pas entrer dans l’intimité des artistes et de leur famille, mais ne peux m’empêcher de me demander ce que ça lui fait, à lui son fils, d’entendre son père parler ainsi de mort, de ce suicide qu’il a frôlé.

 

Le concert continue, tour à tour l’émotion transperce la salle (l’Etranger dans la glace), puis le son très rock revient plus fort que jamais : Solexine et Ganja et son intro piquée aux rockers barbus, une 113ème cigarette qui fait un petit tour « en Enfer » (paroles là aussi modifiées, je confirme !), un Narcisse très en forme.

 

Alice Botté enlève le blouson de cuir dans lequel il était engoncé jusqu’ici. Je découvre son tee-shirt qui me fait tilt : c’est le visage peint à la bombe sur le pignon du Tacheles, ce grand squat berlinois dont je parle dans l’un de mes derniers articles ! Ce visage est-il connu, représenté ailleurs dans le monde ?

 Alice justement, parlons-en, de ce génie: il vit son art le bougre, on le sent habité par les cordes de cette guitare devenue une extension de lui-même… L’instrument et le musicien ne font qu’un, on les sent partis tous les deux dans une extase sans fin, l’homme et son visage taillé à coups de serpe, tendu à l’extrême et commandant à ses doigts de faire tant de merveilles avec les cordes dont il fait ce qu’il veut. Impossible à décrire, il faut le voir ! Je remarque que lorsqu’Alice Botté part dans de magnifiques impros, Hubert lui laisse le champ libre : il se tourne, se met en retrait, partage son public avec ce génie et on l’en remercie.

 Les autres musiciens assurent aussi, entre Jean-Philippe Fanfant tout sourire mais diablement efficace derrière sa batterie, le bassiste Marc Perrier et son calme olympien, un sourire discret de temps en temps affiché sur son visage. Christopher Board est d’un sérieux à toute épreuve derrière ses murs de claviers, stoïque, légèrement surélevé et droit comme un I lorsqu’il passe à la guitare. Un poil surréaliste même.

 Comme à Bercy, nous avons droit à la venue du fiston sur Mathématiques Souterraines, accolades avec le paternel… Tout cela sent le déjà vu pour moi, mais je retiens une bonne tranche de rigolade entre Alice Botté et Lucas, très complices. Leur position aussi : chacun sur une chaise, entourant HFT dans une belle symétrie de guitares sèches, Lucas étant droitier et Alice gaucher.

 Hubert semble parfois possédé, son regard illustre terriblement bien le Chant du Fou, mais pas seulement. Il passe souvent sa main dans ses cheveux, en résulte à un moment une crinière de lion qui lui donne l’air encore plus allumé !

 

Une forme d’amanite découverte il y a peu vient nous rejoindre, c’est la Vamp Orchidoclaste… Les yeux rouges d’Alligators 427 sont terrifiants sur les escabeaux métalliques, réutilisés pour le premier rappel : c’est vrai qu’il est également question de reptiles dans les Ombres du Soir. Puis vient l’éternelle Fille du Coupeur de Joint, et le 2nd rappel : Les Filles du Sud, magnifique et inédit en live pour moi… et la fin programmée illustrée par Lobotomie Sporting Club, au terme de laquelle Hubert nous fait son désormais classique strip-tease.

 

Une grosse bousculade s’ensuit et mes deux voisins de gauche tombent violemment sur le sol, en arrière : c’est à ce prix que ma voisine aura ce qu’elle semble considérer comme un graal : le tee-shirt plein de sueur. Elle aura sûrement récolté quelques gros bleus au passage, je lui laisse volontiers le tout !

 

Fin du concert, les lumières se rallument. Il est déjà temps de reprendre la route. Je salue Le Doc avant de partir (au Doc si tu me lis, as-tu retrouvé l’origine de cette image d’insolente ?), je mange un morceau dans ma voiture, il est déjà minuit.

 

Mais je remonte mon col, j’appuie sur le starter et je vais voir ailleurs, encore plus loin, ailleurs… Bourlinguer sur cumulo-nimbus en attendant le prochain ascenseur !

 

Commentaires

Toutes mes félicitations, aclh! Très joli style, tout en émotions, avec une petite pointe d'humour qui n'est pas pour me déplaire. Encore bravo.

Écrit par : Monsieur Müller | 09/12/2011

alors comme ça, Thiéfaine était encore bien décoiffé, cool !
Rouen, c'était pas loin pour moi non plus... mais bon dans la vie faut faire des choix. Je crois quand même que je vais me débrouiller pour Amiens en février... je bave trop quand je vous lis tous.
bisous Cath !!

Écrit par : nath | 09/12/2011

Merci pour le compte rendu, on a vraiment l'impression de t'avoir accompagnée tout au long de la journée !!

Écrit par : Arnaud | 09/12/2011

Merci Aclh pr ce joli compte rendu. Il me fait revivre mes 2 derniers concerts avec ce brin de frustration de ne pas pouvoir me déplacer plus souvent. La captation vidéo se fait à Nantes et j'ai bien hâte de sa sortie, comme vous tous, je pense !

Écrit par : brigitte | 09/12/2011

Concernant le " Je t'aime " inscrit sur le torse du mec, 7 ou 8 personnes du staff Thiéfaine était devant la scène à Besançon pour brandir des écriteaux de cette inscription durant la prestation de J. Marc Poignot. Ce mec avait il assisté au concert de Besançon ? !! ...

Écrit par : brigitte | 09/12/2011

Merci à tous pour vos commentaires !
Nath, au début Thiéfaine est coiffé (ça fait déjà un peu lion d'ailleurs...) mais au fur et à mesure du concert ça part en vrac, vu qu'il se passe très souvent la main dans les cheveux. A un certain moment ça faisait vraiment une drôle de crinière, je me demande d'ailleurs si ce n'était pas pendant le chant du fou, auquel cas c'était vraiment de circonstance.
Si des concerts vous sont accessibles, même si assez loin de chez vous, il faut foncer : c'est vraiment une belle tournée, la set-list est terrible et les musiciens très bons. C'est mieux qu'au début, c'était bien mieux que Bercy que j'avais pourtant aimé. Il ne faut pas s'en priver, surtout pas !!
Brigitte : aucune idée si ce type était à Besançon... en tout cas chapeau à JM Poignot qui n'a pas cillé, concentré à fond qu'il était !

Écrit par : aclh | 10/12/2011

Tu es chanceuse! J'aurais tant aimé que Poignot fasse la première partie à Lille!

Écrit par : Monsieur Müller | 10/12/2011

- cit. d'aclh " (au Doc si tu me lis, as-tu retrouvé l’origine de cette image d’insolente ?) "

, pas encore alch car je suis un peu fatigué par ce début de tournée ;-)

- cit.de Brigitte " Ce mec avait il assisté au concert de Besançon ? !! ...

, il fait patie du staff d'Hubert Brigitte !...

Écrit par : Le Doc. | 10/12/2011

J'oubliais alch : superbe compte rendu, en te lisant j'avais l'impression d'y être ?...

Écrit par : Le Doc. | 10/12/2011

2 fois, j'oubliais : mééééé j'y étais !...

:-)

Écrit par : Le Doc. | 10/12/2011

Le Doc : Mais oui tu y étais, pas loin de moi en plus : le 4ème en partant de ma gauche !
Fatigué tu m'étonnes, changer de ville comme ça toutes les deux secondes... mais tu dois passer de sacrées soirées au moins ;-)
Bon repos en attendant la suite de la tournée.
Pour l'insolente, vraiment je suis intriguée !

Monsieur Müller : oui j'ai de la chance pour Poignot, c'est exactement ce à quoi j'ai pensé quand j'ai entendu l'annonce d'Hubert ! Tu auras peut être la même chance lors d'un prochain concert, qui sait ?

Lorelei : merci pour le lien !

Écrit par : aclh | 10/12/2011

Pour le Doc, repos jusqu'au mois de février !

Écrit par : Katell | 10/12/2011

Merci aclh, pour ce compte-rendu riche de détails et d'émotions! Moi aussi, je m'y revois... A Rennes samedi dernier, et Nantes hier. Mais nous n'avons pas eu la chance d'avoir Poignot en première partie... et Hubert ne nous a pas dit qu'on était beaux ! ;-)

Écrit par : Evadné | 10/12/2011

un très beau résumé, qui fait que je regrette de ne pas avoir vu Monsieur Poignot, mais encore Archimède à Lille.
Un très bon concert d'ailleurs.

Écrit par : lilith051 | 11/12/2011

super compte rendu! quel plaisir de lire tous ces détails, je m'y suis cru ! J'ai eu les mêmes réflexions que toi concernant la crinière (au concert de Montpellier) et à nous non plus il n'a pas dit qu'on était beaux!

Écrit par : Nostalgic_Banshee | 16/12/2011

La beauté semble être le privilège des Normands ;-) Tout comme le fait d'avoir eu la chance d'écouter JM Poignot en première partie.
Vraiment ce concert, c'était une folie pour moi mais j'ai été bien inspirée d'y aller !
Merci pour vos commentaires, je suis vraiment contente si mon compte-rendu vous donne l'impression d'y être...

Écrit par : aclh | 16/12/2011

Les commentaires sont fermés.