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26/02/2012

"Je suis l'ado qui ne veut pas mourir idiot" (HFT dans Télérama n°3241, suite)

La pensée du jour : "Le ciel déjà prend goût de terre

Puisqu'on est des morts sursitaires

Tous les calculs que nous ferons

Auront une balle en plein front". Louis ARAGON

 

 

 

Pourquoi entrez-vous au petit séminaire en cinquième ?

Je ne supportais plus l'école, j'étais toujours mal, il fallait que je parte. Parallèlement, j'ai sombré dans une réflexion existentielle. J'ai fini par faire une vraie crise mystique. Je voulais devenir missionnaire, alors j'ai demandé à entrer au petit séminaire. J'y suis resté quatre ans avant d'aller chez les Jésuites pour y passer un bac philo, avec latin et grec.

 

 

A quel moment le rock entre-t-il dans votre vie ?

Dès mon entrée au petit séminaire ! A l'étude, un garçon lisait Salut les copains et possédait tous les 45 tours de l'époque : Johnny Hallyday, Les Shadows, Claude François... Il m'a initié à la musique. Une révélation. Trois semaines après mon arrivée, je montais mon groupe, Les Caïds Boys. Je chantais Kili Watch, de Johnny, et je me mettais à écrire des chansons. En quelques semaines, j'avais changé de vocation !

 

Que vous reste-t-il du petit séminaire ?

De l'autodiscipline et une forme de culpabilisation. Au séminaire, on vivait comme des moines. Lever à 6 heures, coucher à 21 heures. Le reste du temps était consacré aux cours, à la religion et à l'étude. Aujourd'hui encore, si je me lève et que je ne me mets pas au travail, je ne suis pas bien. Un comble : je n'ai pas choisi d'être artiste pour travailler quinze heures par jour, merde ! Mais je bosse toujours deux heures au réveil. Après, seulement, j'ai gagné le droit de faire autre chose.

 

 

A quel moment basculez-vous dans la carrière musicale ?

Entre 15 et 20 ans, j'ai tâté de tout : peinture, photo, théâtre, écriture de romans ou de poèmes. Au bout du compte, j'ai opté pour la musique, mais l'important n'est pas tant le choix d'une discipline, c'est ce qu'il y a avant, le désir de création. Après, une fois qu'on a choisi sa voie, il faut s'y tenir. Bob Dylan avait un titre d'album : Bringing it all back home. Moi aussi, je ramène tout à la maison. Le facteur Cheval, une de mes idoles, a mis toute sa vie dans son Palais, c'est un peu ce que j'essaie de faire. Pourquoi m'éparpiller, alors que je peux tout mettre dans quelque chose que je commence à maîtriser ?

 

 

 

Vos albums sont nourris de références littéraires. Vous avez plongé dans la lecture dès l'école ?

Non, je n'ai lu que deux livres dans toute ma scolarité. Le goût de la lecture m'est venu plus tard, au milieu des années 1970, quand je me suis installé à Paris. On m'avait prêté une chambre dans laquelle traînait un seul livre, La République, de Platon, en latin. Je m'ennuyais, alors j'ai passé des heures à le traduire. A cette époque, je crevais de faim, et j'ai répondu à une annonce de Gallimard qui cherchait des vendeurs. On m'a fait passer un examen, j'ai été d'une nullité crasse. J'étais tellement vexé de mon inculture que j'ai commencé à dévorer Faulkner, Henry Miller... Mais ce n'est pas tout à fait un hasard. A l'école, j'avais quand même découvert l'existence de Baudelaire, Rimbaud, Villon, Verlaine, et même de poètes grecs ou latins, comme Ovide. A l'époque, ça me suffisait pour écrire. Je m'essayais à la rédaction de chansons comiques, mais c'était franchement dramatique ! C'était le début des années 1960, on baignait dans le yéyé. En 1963, les Beatles ont débarqué, puis le Swinging London. J'ai commencé à me nourrir des textes de Dylan ou des Stones. Dylan a été une révélation. Il y a d'abord eu Like a rolling stone, puis l'album Blonde on Blonde que j'écoute encore aujourd'hui. C'est au-delà de la musique. Et puis Jacques Brel et surtout Léo Ferré sont entrés dans ma vie. Et avec eux, le français. Adolescent, j'avais deux cahiers : un où j'écrivais des poèmes, l'autre où j'écrivais des chansons. Avec Ferré et Dylan qui avaient déjà bien taillé la route, je n'ai plus fait qu'un seul cahier.

 

 

C'est avec la chanson L'Ascenseur de 22h43 que vous dites avoir trouvé votre style...
Au début des années 1970, je suis sous l'influence de Ferré, je tente de l'imiter, et ça me gêne même si j'ai déjà des moments d'illumination à la Thiéfaine. En 1973, je décide d'arrêter tous les petits boulots et de ne plus me consacrer qu'à la chanson. Je réussis à décrocher des passages le soir dans des cabarets. Je ne sais plus où loger, je n'ai pas vraiment à bouffer, alors je m'annihile dans l'écriture. Sur scène, je teste L'Ascenseur de 22h43, mais je ne la sens pas encore aboutie. Un jour, je prends un café en terrasse en bas du Sacré-Cœur, et je réalise ce qui ne va pas dans la chanson. Je la corrige, le soir même je la joue, et le public marche. Je sais désormais où je vais.

 

 

 

Commentaires

Merci Cath pour ce partage !! Je ne suis pas un valétudinaire de l'acquisition d'articles de presse mais je crois que je vais céder à la tentation (et me délivrer du mal) ;-)

Écrit par : Arnaud | 26/02/2012

Merci d'avoir pris le temps de recopier et du nous faire partager cette itw !

Écrit par : Nostalgic_Banshee | 26/02/2012

J'dis Amen, à la fin de "délivrer nous de tous mal"... (reflex)

Sinon en apparté: Katt, dis moi pas que tu te retapes manuellement le double page ?
Dans l'affirmative, si -et seulement si- tu as un scanner sous le coude, je t'invite à googoliser de toute urgence OCR...

Bonjour chez vous...

OCR: logiciel de reconnaissance de caractère qui suivant celui choisi économise entre "énormément" à "pas mal" de temps...

Écrit par : Neverbeen | 27/02/2012

Si, je retape tout comme une barge (que je suis) ! Ce n'est pas grave, j'aime bien, cela me permet de m'imprégner à fond de l'interview.

Écrit par : Katell | 27/02/2012

Les commentaires sont fermés.