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17/03/2013

Alexis HK à L'Autre Canal hier soir

 

La pensée du jour : « Où que j'aille souvent

J'entends battre le cœur

De ceux qui m'ont aimé

Et sont partis ailleurs

De ceux qui m'ont donné

Les belles années de mon enfance ». Alexis HK

 

Il y a quelques mois, j'avais voulu consacrer, sur ce blog, une note à quelqu'un que j'ai réellement découvert grâce au fabuleux Pont des artistes : il s'agissait d'Alexis HK. Je ne dirai jamais assez quelles découvertes je dois à cette grande dame qu'est Isabelle Dhordain ! Les dernières en date : Salomé Leclerc, Lisa Leblanc et Kent, que je connaissais de nom bien sûr, mais dont j'ignorais qu'il adorait Berlin et mettait même de l'allemand dans ses chansons ! Je vais d'ailleurs me procurer son dernier album dans les meilleurs délais !

Mais pour l'heure, Alexis HK, donc... Déjà, depuis longtemps, ma fille aînée, du haut de ses petits huit ans, sait chanter à tue-tête La maison Ronchonchon ! D'une traite et sans un accroc ! Je connaissais également Les affranchis, mais je n'étais pas allée plus loin (honte à moi).

Et puis il y a eu cette claque monumentale dans ma voiture, un samedi soir de septembre 2012. Alexis passait au Pont des artistes. Une révélation pour moi. La semaine suivante, je fonçais acheter l'album Le dernier présent. Je l'ai énormément écouté durant l'automne, saison qui lui va comme un gant...

« Que pourrais-je bien te raconter

Pour rassurer tes yeux

Ombrageux ? » C'est sur ces mots que s'ouvre Le dernier présent. Consacrer la première chanson de l'album à une possible fin du monde, quelle audace ! A quoi bon écrire et composer encore si le ciel doit s'abattre sur nos têtes un certain 21 décembre ?! A quoi bon les neuf autres chansons de l'album alors ? C'est un cadeau, un dernier magnifique présent qu'Alexis HK, dans sa grâce immense, vient déposer à nos pieds. Tout l'album est une série de joyaux : Fils de et son phrasé presque rap, César, tout en finesse, en émotion, et qui n'est pas sans rappeler Le grand chêne de Brassens, Je reviendrai qui me touche profondément à un moment de ma vie où moi aussi je reviens me lover dans les racines et les souvenirs, Son poète dont je retiens particulièrement ces mots sublimes : « avant que la mort ne nous taise ». Et cette Princesse de papier dont, sans vergogne, on déballe la vie dans Voici, dans Gala. Charité populaire aussi, où un homme de « culture populaire » s'en va, bon prince, courir la gueuse des beaux quartiers pour lui apprendre les bonnes manières. Une noble pas loin d'être ignoble, tout comme ce type dont il est question deux chansons plus loin (Ignoble noble, j'adore : un texte suranné sur lequel s'abat d'un coup, sublime anachronisme, le mot « cougars » !!) On peut apprendre regorge de drôleries. Entre autres : « On peut apprendre à un taxi

A devenir aimable

Je ne dis pas que c'est facile

Je dis que c'est faisable », tout cela sur un air de banjo enjoué et entraînant.

La dernière chanson s'intitule La fin de l'empire, et j'en connais d'autres, des fins d'empire, et pas des moindres... Ici, il s'agit, si j'ai bien tout pigé et si j'ai bien tout lu Freud, de la fin de l'empire des sens. Après une nuit « pleine de grâce », le voyage sensuel s'achève au petit matin, tout le monde regagne ses pénates et la fin de ses illusions. J'adore encore !

Audacieux, surprenant, riche et généreux, donc, Le dernier présent. Tout comme cette entrée en scène d'Alexis HK hier soir, à L'Autre Canal (Nancy). Ce sont d'abord les musiciens qui se sont installés un à un sur la scène pour un premier morceau instrumental, le chanteur de cette belle équipe n'arrivant qu'après. Il est comme ça, Alexis : il sait rendre hommage à ceux qui l'accompagnent, et cela n'exclut pas les taquineries en tous genres : « Vous aurez sans doute remarqué que la moyenne d'âge du groupe n'est pas de 24 ans. On est obligé de se trimbaler dans un véhicule médicalisé parce que la route, ça nous fatigue ». « 13 heures, c'est l'heure de la Suze, ensuite on a le Scrabble ». Ah la Suze, parlons-en ! Dans le public, un joyeux luron osera la blague « Suze-moi », et Alexis dira, avec son air de ne pas y toucher, qu'on a trouvé le relou de service et qu'il en faut un, c'est la règle. Tout au long de la soirée, on aura senti une grande complicité entre cet Alexis plein d'espiègleries bon enfant, jetées comme ça, toujours l'air de rien, et un public attentif, réceptif et réactif. Je suis sortie de là, comment vous dire ? Scotchée. Avec l'envie de remercier le monde de n'avoir pas pris fin le 21 décembre 2012 !!!

 

PS : Désolée, je n'ai pas mentionné ci-dessus la belle performance dont Alex Toucourt nous a gratifiés hier en première partie d'Alexis HK. Une première partie qui seyait à ravir à ce qui allait suivre. Humour, tendresse, textes chiadés, tout cela ouvrait royalement la voie à une soirée d'une beauté infinie. Merci à vous, les deux Alex, et au plaisir.

09/03/2013

Room in New York

La pensée du jour : "Le destin, avec ce côté vache qui le caractérise". Romain GARY

 

Je continue la série d'articles sur les tableaux d'Edward Hopper. Cette fois, c'est Alice Ferney qui laisse parler son imagination en regardant le tableau Room in New York :

 

Une chambre à New York

 

Et voilà ! Il s'est installé ! Le journal, son cul dans le fauteuil, un sourire, et il lira les nouvelles pendant que je prépare son dîner, léger s'il te plaît. Quel ennui ! Quelle tristesse ! Pourquoi les hommes finissent-ils dans cette routine égoïste ? Dieu qu'ils sont insupportables avec leurs chemises blanches, leur gilet et leur cravate, et cet air important qu'ils promènent partout et qu'ils assoient encore le soir en face de leur femme ! Ils sont gonflés de leur importance : ils connaissent, ils commandent, ils font le marché, ils ont des clients, des fournisseurs, des secrétaires ! Tout leur est dû de la part des femmes, et que donnent-ils en échange ? Ils disparaissent dans l'édition du soir ! En seront-ils plus intelligents pour autant ? Pensez-vous ! Même si physiquement ils prennent soin d'eux-mêmes, ils oublient de sentir, d'exprimer, ils sont anesthésiés par les poses qu'ils prennent. Ils sont intellectuellement amollis.

Elle pense : Je prodigue une affection sans bornes à une personne qui n'en vaut pas la peine ! Le silence lui pèse, comme ce train-train quotidien dont le journal est devenu le symbole. Dans cinq minutes, elle le lui arrachera des mains ! Voilà ce qu'elle fera. Et elle lui dira comme elle s'ennuie avec lui et se désespère qu'il manque à ce point d'attention pour elle, et de fantaisie pour eux. Leur beau couple, qui croyait que vivre à New York serait trépidant !

Cet après-midi, elle a rencontré un homme, il flânait derrière elle dans une galerie qui exposait Hopper. Fallait-il vraiment qu'elle fût malheureuse pour avoir osé s'adresser à un inconnu ! Un parfait inconnu qui s'intéressait aux mêmes choses qu'elle. Elle y pense en ouvrant un tiroir, visualise son intérieur, le fauteuil de cuir, la table ronde, ce confort douillet dans lequel se côtoient deux solitudes : on se croirait dans Une chambre à New York. Elle pense : Amusant.

Je m'ennuie avec toi, dit-elle.

A-t-il levé les yeux de l'article qui le captive tellement ? Non !

-On ne s'ennuie qu'à cause de soi-même...

Il se moque d'elle ! Tout est de sa faute à elle, pas vrai ?

J'ai quelque chose à te dire. Je ne sais pas trop par quel bout commencer. J'ai rencontré un homme, invente-t-elle.

Ah ! Voilà comment il faut s'y prendre pour obtenir toute son attention ! Maintenant, il écoute ! Elle rit : Ne me regarde pas avec ces grands yeux ! On dirait un de ces petits Boliviens pieds nus qui ont besoin de parents adoptifs !

Où a-t-elle entendu cette phrase ? Elle pense : Je perds la tête décidément.

Tu marches sur ton journal, remarque-t-elle.
Quelle importance, répond le haussement d'épaule.

Elle pense : Ah, le journal n'a d'importance que si la petite femme est à la cuisine, heureuse et soumise !

Je n'arrive pas à croire que tu as rencontré quelqu'un que tu préfères à moi, lance-t-il.

Tu as raison, ça n'est pas encore le cas, je voulais t'obliger à me regarder.

Tu es jolie dans cette robe, dit-il en ramassant le journal.

Que cache la paix domestique ?!

02/03/2013

Daniel Darc : une grande âme se taille...

"Je suis né en mai

C'est moi le printemps

D'un ventre épais

J'ai foutu le camp

Né scarifié

Né en pleurant

Né sacrifié

Né en passant". Daniel DARC

 

« Quand je mourrai, j'irai au paradis

C'est en enfer que j'ai passé ma vie

Quand je mourrai, j'irai au paradis

... J'ai gâché ma vie ». Daniel DARC

 

Depuis quelques années, une voix fluette nous envoyait régulièrement des messages d'outre-tombe, des cris de détresse comme autant de cartes postales du fond de l'asile. Daniel Darc, toujours sur le fil du rasoir, les doigts dans la prise, à deux doigts de se taillader les veines. Une âme délicate vient de nous quitter. Il était de ceux qui, dès le départ, l'ont avalée de travers, cette âme qui pèse comme une enclume et dont la taille immense ne fait aucun doute... « Sans le punk et l'écriture, je serais forcément mort ou en prison, parce que rien d'autre ne m'intéresse. Il n'y a qu'avec ça que j'arrive à me débarrasser un peu de tout ce qui me fait chier », disait Daniel Darc. Le punk, l'écriture, les drogues. Un cocktail explosif pour échapper à la pesanteur du monde, et qui l'en blâmerait ? Daniel était plus qu'un écorché vif, il se trimbalait la tripaille à l'air, les yeux dans le vague, en quête d'un absolu qui sans cesse se dérobait. Les tatouages comme une armure, pour masquer la fragilité.

C'est en 2004 que j'avais découvert Daniel Darc par hasard et pas rasé sur France Inter. Je n'avais pas tout de suite fait le lien avec Taxi Girl. J'avais été bouleversée par ce filet de voix, par ce petit quelque chose aussi qui rappelait Gainsbourg. J'avais foncé à la FNAC pour y acheter Crève Cœur. Depuis, je guettais les sorties d'album, les concerts. Je n'en aurai pas fait un seul, pas eu l'occasion, et merde.

Ce matin, je lisais un article sur l'exposition que le Musée des lettres et manuscrits va consacrer aux œuvres que Verlaine a écrites en prison. Jean-Pierre Guéno, commissaire de l'exposition, définit Verlaine comme un « encagé permament », « simultanément crucifié par la tentation de l'enfer et par celle de la grâce, éclairé par Dieu mais toujours sensible au Diable », et j'ai pensé que ces mots auraient très bien pu s'appliquer à Daniel Darc aussi, autre pauvre Lelian dans son genre. Qu'il aille donc rejoindre, l'âme légère comme une plume cette fois, les autres poètes maudits de sa noble espèce, les Verlaine-Rimbaud-Gainsbourg-Leprest et tant d'autres...