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31/01/2015

"J'me sens coupable de ne pas être mort le 30 septembre 1955"...

La pensée du jour : "Vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre". Willard MOTLEY

 

Il n’est pas rare que mes lectures me ramènent à des chansons d’Hubert-Félix Thiéfaine. C’est devenu un tic, je n’y peux rien ! Le dernier roman de Philippe Besson ne pouvait que me faire penser à Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable. Au fil de ces 238 pages, il est question de James Dean. Quand ce n’est pas l’acteur lui-même qui se raconte, ce sont des personnes de son entourage qui livrent le bout d’histoire qu’elles ont partagé avec l’éternel adolescent tempétueux. L’écriture est sèche, saccadée, et c’est bien celle qui convient à la vie rapide de James Dean. Une vie qui ne s’embarrassait pas des scories de la lenteur, quitte à ce que mort s’ensuive. Vers la fin du roman, c’est Donald Turnupseed qui intervient. Et là, évidemment, impossible de ne pas penser à « J’me sens coupable de ne pas être mort le 30 septembre 1955, un peu après 17h40, au volant du spyder porsche 550 qui percuta le coupé ford de monsieur donald turnupseed ». Voici donc, en écho à ces mots d’Hubert, ceux que Philippe Besson prête à l’homme qui tua James Dean :

 

Je m’appelle Donald Turnupseed. Je suis l’homme qui a tué James Dean.

 

J’avais vingt-trois ans, en septembre 1955. J’avais quitté la marine pour reprendre des études à l’Institut technique de San Luis Obispo. Je rentrais chez moi, à Tulare, pour le week-end. Ma voiture était un coupé Ford Tudor de 1950, noir et blanc.

 

Au carrefour des routes 466 et 41, je devais prendre à gauche. J’ai bien vu la Spyder arriver en face, elle descendait des collines, elle avait l’air de rouler à vive allure, mais c’était comme une image imprécise, à cause de la chaleur qui vibrait. Ce qui s’est passé, c’est que j’ai eu un moment d’hésitation. Juste une poignée de secondes. Je n’aurais sans doute pas dû.

 

En fait, je me suis demandé si j’aurais le temps de tourner avant que la voiture parvienne à ma hauteur. J’ai accéléré pour prendre le virage. J’ai eu peur d’être trop court. Du coup, j’ai freiné. Peut-être trop brutalement. Ma Ford a dérapé. Et puis, je me suis dit : c’est trop bête, j’ai largement le temps. Alors j’ai accéléré à nouveau. Je ne suis pas sûr d’avoir mis mon clignotant. Et je suppose que pour le conducteur d’en face, je devais sembler hésitant. Après, ça s’est passé très vite. La Spyder m’a heurté par le flanc et m’a envoyé valdinguer dans le décor. Je me souviens parfaitement de la violence du choc. Je me suis crispé sur mon volant, j’ai rentré les épaules, fermé les yeux, j’ai pensé : je vais mourir.
Et je ne suis pas mort.

 

Quand j’ai rouvert les yeux, la Spyder était de l’autre côté de la route, écrasée contre un poteau télégraphique.

 

Moi, je saignais du nez, j’avais l’impression d’avoir la poitrine enfoncée et mon épaule gauche me faisait mal. J’ai quand même réussi à m’extraire de ma voiture. Le pare-chocs était défoncé, le moteur fumait. Je me suis éloigné, en titubant. J’ai aperçu des voitures qui s’arrêtaient. Un type a couru vers une cabine téléphonique pour appeler la police.

 

Il y avait un homme étendu sur la chaussée. Plus tard, on m’a expliqué que c’était un mécanicien d’origine allemande. Ils l’ont installé sur une civière pour l’emmener à l’hôpital de Paso Robles. Il avait du sang dans les cheveux.

 

Le conducteur, lui, était bloqué dans la carcasse.