02/04/2016
Une soirée à Neuves-Maisons, en compagnie d'Alex Beaupain
La pensée du jour : "J'ai été un enfant, je ne le suis plus et je n'en reviens pas". Albert COHEN
Il a quelque chose d’enfantin dans le visage. De blessé aussi. Quand on parcourt du regard les photos de jeunesse qui se trouvent sur la pochette de l’album Loin, on s’aperçoit qu’il n’a pas tellement changé. Un fil invisible le relie encore à l’enfance, semble-t-il, et c’est peut-être la raison pour laquelle il se sent souvent gêné aux entournures dans sa peau d’adulte (« si jeune et déjà vieux »).
Il arrive sur scène, frêle, légèrement dégingandé comme tous ceux qui doutent sans arrêt d’eux-mêmes. Il nous interprète Je suis un souvenir. Mieux : il nous en fait cadeau. Après cette entrée en matière un brin mélancolique, il s’amuse de lui-même et de son univers pas toujours jouasse ! C’est vrai, son répertoire évoque bien souvent les tempêtes tonitruantes plutôt que les suaves éclaircies, les amours naufragées, patraques, malmenées en haute mer, au bord de la noyade, plutôt que celles qui naviguent paisiblement sur des flots que ne torture aucun remous. Alex Beaupain n’est pas un marin d’eau douce, il a tremblé plus d’une fois en traversant le cap Horn, il ignore les bercements, il ne connaît que les tangages extrêmes qui vous secouent violemment de gauche à droite, de long en large et en travers ! Ses chansons déplorent d’irrémédiables absences, elles détricotent d'impossibles histoires. Qu’on était bien sous les couvertures chaudes de l’enfance, quand on ne se demandait pas encore dans quel foutu sens il fallait tourner la langue en embrassant ! Qu’il était bon de délirer dans nos fièvres hallucinées, auréolées de tendresse maternelle ! Les chansons d’Alex Beaupain ne sont pas faites pour les « petits joueurs » que rien ne secoue, je crois qu’elles s’adressent, comme tous les « chants désespérés », à ce qu’il y a d’irréversiblement déchiré en nous. Mais n’allez pas croire pour autant que le concert d’hier n’ait été que mélancolie ! Non, on a beaucoup ri aussi. Parce qu’Alex Beaupain est un maître de l’autodérision, parce qu’il se marre tout en contemplant les désastres qu’il dépeint. La tristesse qui se dégage de certains morceaux est élégamment contrebalancée par l’humour de cet éternel môme ébouriffé ! Il sourit lorsqu’il présente une chanson dans laquelle semble poindre, dit-il, une légère lueur d’optimisme ! Ce matin, au réveil, il était presque aphone et, pour un peu, il aurait donné raison à l’ami farceur qui a voulu me faire croire que le spectacle était annulé (premier avril oblige) !! Il a dû se bourrer de médocs pour pouvoir venir jusqu’à nous. Si sa voix déraille par moments, elle n’en est que plus émouvante. Après tout, quoi de plus naturel que les déraillements pour cet homme à qui les tracés linéaires et les promenades de santé ne disent rien qui vaille ! Lui, ce qu’il aime, c’est arpenter les zigzags, couper les virages, jouer à la marelle au bord des précipices !
Et que dire des musiciens qui l’accompagnent ? Leurs instruments habillent d’un gant de velours la broderie délicate des textes. Plus que tout m’émeut le violoncelle, choyé par une certaine Valentine Duteil, dont le nom est à lui seul un poème sucré !
La dernière chanson évoque le parc de la Pépinière de Nancy, Alex Beaupain l’a choisie rien que pour nous ce soir. Elle raconte la morsure d’un hiver glacial (lorrain, quoi !) et celle d’une absence qui fait que tout semble vide jusqu’au vertige.
Les lumières se rallument, il faut quitter le cocon. Après le concert, Alex vient flâner du côté du bar, se baladant tranquillement, une bière à la main. Je suis tétanisée lorsque je lui tends un CD pour une dédicace. C’est que j’ai conscience de me trouver en face d’une immense sensibilité. D’un poète, tout simplement. De près, on voit sur son visage le souvenir entêté d’une enfance espiègle, que les ridules au coin des yeux ne font que souligner. Il remercie les rares personnes qui sont encore là, et il s’en va, à la fois fragile et tout-puissant. Un poète, quoi ! Il s’en va rejoindre ses démons. Plus tard, dans la solitude étroite d’une chambre d’hôtel, ils lui inspireront sûrement des textes qui nous feront vibrer, encore et toujours.
11:28 | Lien permanent | Commentaires (22)
Commentaires
Citation de Cath " il ne connaît que les tangages extrêmes qui vous secouent violemment de gauche à droite, ... "
Le tangage est un mouvement de rotation du bateau sur son axe longitudinal de gauche à droite, ou de bâbord sur tribord.
Écrit par : qui suis je | 03/04/2016
Qu'en pense la mousse ?
Écrit par : Marie Christine Boudou | 03/04/2016
Ouais Johnny Johnny fais-moi mal :-) La mousse pense à ta panse !
Le tangage est un balancement avant arrière (axe transversal) : tu piques du nez & tu lèves la queue puis tu lèves le nez & tu baisses la queue et ainsi de suite...
Le mouvement gauche droite pour un bateau ou un avion c'est le roulis !
Par contre pour le train on appelle ça le tangage...
Écrit par : Laetitia | 03/04/2016
@ Laetitia :
... Tu as parfaitement raison pour les notions de tangage et de roulis, on roule bord sur bord et on tangue Aniqua.
On ne guérit pas des blessures de son enfance dit le mangeur de cassoulet !...
Écrit par : Le Doc. | 03/04/2016
Bonsoir à vous, je vais rectifier alors ! Pourtant, avant d'écrire ce billet, j'ai vérifié dans le dictionnaire, mais comme je ne pige rien à la marine, je n'ai pas vu le problème !!! Je ferais honte à mes ancêtres bretons !! Merci pour votre lecture attentive !
Écrit par : Katell | 03/04/2016
Ça passe très bien dans le texte Katell ;-)
Écrit par : Laetitia | 04/04/2016
, ha.. que voilà du lèche bottes-blues !...
Écrit par : qui suis-je | 04/04/2016
Sinon, je propose d'employer "roulis". Dans ce cas, je ne l'associe plus à "extrêmemes", mais à "interminables" (question de "musique" pour moi). Ou alors il y aurait " les tangages extrêmemes qui vous secouent en tous sens". C'est possible, ça ?
Écrit par : Katell | 05/04/2016
... Pour avoir passé le Horn deux fois, navigué sur presque tous les océans, et pendant trois ans effectué du sauvetage en haute-mer, en pleine tempête on ne ressent pas la mer comme tu l'écris Cath.
... Il est vrai que tu n'écris pas la mer, il m'est arrivé lorsque que cette dernière était très agitée de continuer à travailler sur ma planche à dessins.
https://www.youtube.com/watch?v=-PIOd5ay_6M
... Je ne connaissais pas cet artiste, je vais l'écouter ponctuellement ensuite je te dirai ;-)
Écrit par : Le Doc. | 05/04/2016
Extrait :
C’était comment ton enfance dans le Doubs ?
Une enfance plutôt heureuse. Un père cheminot, une mère institutrice, toujours à l’écoute, prêts à m’aider pour un appart’ à Paris quand j’ai été accepté à Science po. Ils ont toujours compris mes choix, même celui de vouloir devenir chanteur. On écoutait beaucoup de musique à la maison: Trénet, Brassens, Brel, Barbara. Ma mère jouait mal de plusieurs instruments, moi j’ai préféré jouer mal seulement du piano. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il n’y a pas eu de fêlure, il faut chercher la fêlure autre part…
, ...
Écrit par : Le Doc. | 05/04/2016
Merci pour le lien, Doc, je viens de regarder la vidéo. Décidément, j'aime beaucoup l'humour de Beaupain ! Pour le cap Horn, je crois que mon "traumatisme" me vient d'une visite du musée de la marine, à Saint-Tropez. J'y ai vu un reportage impressionnant sur le cap Horn, mais les images dataient et j'imagine que les choses ont changé depuis. Il faut donc avoir tout vécu ou presque pour écrire juste !!! Je vais m'engager dans la "narine narchande" !!!
Écrit par : Katell | 06/04/2016
Après vérification : il s'agit du musée d'histoire maritime.
Écrit par : Katell | 06/04/2016
Citation " Il faut donc avoir tout vécu ou presque pour écrire juste !!! Je vais m'engager dans la "narine narchande" !!!
... J'attendais une réponse de toi Cath, et bien non et fort heureusement pour ceux qui en ressentent la nécessité il n'est point nécessaire d'avoir etc ... Je ne suis pas un Yann Moix, ni un Patrick Sébastien.
... Je me suis acharné - obsessionnellement & compulsivement - " à être celui qui relie* ( relit ) " depuis les années 2000 sur les réseaux dit sociaux à cause d'un médecin opportuniste ou le Poids Léger (on ) des thérapeutes comportementalistes, d'un médecin trop pressé pour poser un diagnostique, d'une rencontre avec un travestisseur de langage ( ou poète ).
* S.Freud
... Je cherche seulement à échanger juste, grâce entre autres à ma langue ou le français version C.E.P de 1962, celui-ci ne se voulant pas être moussaka. Je n'ai ni étudié le grec, ni étudié le latin et ne m'en porte pas plus mal. Toutefois j'ai fait un peu d'Allemand pour avoir compris intuitivement l'extrait du Satyros de Goethe et le pourquoi de sa citation en concert à l'époque ( merci encore pour sa traduction à ma demande ), un lettré est venu le chercher en ce lieu.
... Excuse moi la trivialité sous-tendue du commentaire qui va suivre " pour moi un lapin est un lapin et une lapine est une lapine " et n'en souffre pas plus !...
, bonne journée Cath.
JPZ/LD
Écrit par : Le Doc. | 06/04/2016
@ à mon amie Cath :
- Mais à quoi et qui donc doit servir la littérature ? -
... Reprenant ton commentaire " ... Il faut donc avoir tout vécu ou presque pour écrire juste !!! Je vais m'engager dans la " narine narchande " !!! " ( je ne corrige pas le ' n ' )
... Je connais une personne qui a fait des études en philosophie des sciences, lorsque je lui avais demandé avant qu'il ne les commence,
- mais qu'est-ce la philosophie des sciences ? et à quoi sert sert-elle ?
, il n'a pas su à l'époque me répondre !
... Heureusement avec Internet via Google et Wikipédia, YouTube j'ai pu répondre à mes questionnements, l'objectif était de donner un langage aux ingénieurs ( en raccourci .. ). Ces ingénieurs étaient-ils entrés directement en ingénieneurité sans passer par la cause école primaire ? , pour ne pas savoir s'exprimer dans le réel de la vie !
... Je connais de même quelqu'un """ qui nous est proche """ qui dérive en littérature mais qui ne parle pas ou plus, seulement après un tri sélectif de l'interlocuteur et/ou du sujet.
... La littérature aurai-elle pour finalité d'obscurcir le langage, ou de recréer des communauté de langage ?
... On se connaît depuis 2002, mon langage et ma philosophie de vie n'ont pas changés, tu es mon amie et tu le reste. Une conversation téléphonique a éclairci le texte et lorsque que je te verrai je te regarderai les yeux dans les yeux et cele fera le reste ;-)
Écrit par : Le Doc. | 07/04/2016
, absolument ...
Écrit par : . | 07/04/2016
@toutlemonde: avoir le mal de mer, qu importe la cause d ailleurs, est à peu près ce qu il y a de pire au monde avec avoir mal au dos, aux dents, et sauter du 102eme étage de la tour nord du WTC quand celui ci est en flamme suite à une grève des contrôleurs aériens!
Au fait, si vous ne l avez pas fait et que vous êtes fan de Renaud, n'écoutez pas son disque, remettez vous Germaine plutôt le chien de Mickey! Quand c'est périmé, c'est périmé!
A.
Écrit par : toine | 08/04/2016
Ne dit-on pas que l'humour est la politesse du désespoir ;-)
Écrit par : Le Doc. | 09/04/2016
, d'où la stratégie de la Renault 14 !...
Écrit par : Le Doc. | 09/04/2016
Ce matin, je réécoutais Yves Simon, souvenirs à foison et émotions adolescentes...
A.
Écrit par : toine | 09/04/2016
@ A toine :
Il te faut grandir [ et couper .. ;-) ] alors lève toi et marche :-)
p.s : 1 diabolo ça, 2 diabolo bonjour les dégâts ..
Écrit par : Le Doc. | 09/04/2016
00H18, samedi soir: mon docky, Yves Simon n'est rien d'autre que l ultime preuve de l'existence de Dieu!
A.
Écrit par : toine | 10/04/2016
, je suis à thé ou à café mais pas grâce à Catherine Ceylac !... ( cette dernière n'est qu'une polisseuse d'égo .. )
En ce qui me concerne je crois au moi que je me suis reconstruis et à ce que j'en fait au quotidien, de plus je n'ai point besoin d'adhérer au ' pari de Pascal* !...
* voir le pari de ¨Pascal
Écrit par : Le Doc. | 10/04/2016
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