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01/04/2018

Un bréviaire un peu particulier...

"Il est toujours surprenant d'entendre quelqu'un exprimer ce que l'on pense, ou que l'on ressent, surtout lorsqu'il s'agit de pensées ou de sentiments obscurs, de sensations, de répulsions si bizarres qu'on les croit uniques". Hector BIANCIOTTI

 

Je ne sais pas si vous êtes aussi barges que moi avec Hubert-Félix Thiéfaine. Toutefois, si je puis me permettre, la petite lueur que je perçois bien souvent dans vos commentaires me laisse entendre que si ! Nous avons donc un grain de folie commun, qui a poussé sur le même terreau ! Aujourd'hui, je veux vous parler de ces phrases « coups de poing » qui jaillissent souvent dans les chansons de Thiéfaine, et qui semblent aller flirter du côté des Syllogismes de l'amertume, de Cioran. Enfin, dans ces eaux-là, quoi. Ce sont des aphorismes qui ne prétendent pas l'être. Ils parsèment sans le savoir toute l'œuvre de Thiéfaine. J'en ai fait comme un bréviaire (le mot me fait rire en contexte thiéfainien !). Ce sont mes petits adages personnels, ils m'accompagnent sur les chemins rocailleux de la vie, ils me viennent comme ça, à tout bout de champ, ils me réveillent de mes somnolences, ils habillent mon quotidien d'un flamboiement mystérieux, comme un truc qu'on se refilerait sous le manteau ou que seuls pourraient déceler et comprendre quelques initiés. Trêve de blabla ! Je m'explique : presque chaque situation importante de ma vie me ramène, par un fil invisible, à l'œuvre d'Hubert. La vue d'une gare n'a plus le même sens pour moi depuis Des adieux et Libido moriendi. Tout à l'heure encore, j'écrivais un texte sur la douceur de ces week-ends prolongés où la laideur du travail ne vient pas vous oppresser. Je pensais à mardi, à la nécessité d'aller bosser quand même. Alors qu'on n'en a aucune envie. Alors qu'il y aurait mieux à faire. Et tant de livres à lire, à écrire peut-être, et dont la nécessité de gagner sa croûte nous prive. C'est perdre sa vie à la gagner, comme disait, il y a bien longtemps, un de mes amis. Bref... Pensant à mardi, une seule phrase m'est venue : « Mais le jour s'lève pas toujours au milieu des dentelles ». Je sais, je tire ces mots si beaux de leur contexte, j'en fais tout à coup autre chose, mais c'est ça, la manie dont je veux vous parler depuis le début. Régulièrement, à propos de tout, de rien, me viennent des mots de Thiéfaine. Ce sont comme des petits cailloux que je sèmerais sur mon chemin, pour ne pas me perdre. Ils me rassurent. Je me retourne et ils sont là, derrière, pas loin. Je peux donc avancer. Il y en a comme ça toute une ribambelle. Un flot interminable. « La Terre est un Mac'Do recouvert de Ketchup où l'homo cannibale fait des gloupses et des beurps ». « Le jour où les terriens prendront figure humaine j'enlèverai ma cagoule pour entrer dans l'arène ». « Les morts parlent en dormant et leurs cris oniriques traversent nos écrans ». Ailleurs, « ils pleurent sous leur dalle de granit ». « Nous rêvons d'ascenseur au bout d'un arc-en-ciel où nos cerveaux malades sortiraient du sommeil ». Et tant et tant de mots encore qui peuplent l'horizon, l'agrandissent, l'embellissent même, quand pour d'autres, ils paraissent bien sombres. C'est comme si la poésie d'Hubert entretenait d'énigmatiques liens avec la voix profonde qui cogne dans ma poitrine. Et je me sens moins seule, et je traverse la vie un peu moins lourdement, de me savoir entourée de tant d'échos qui réchauffent !