Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/02/2019

CharlElie Couture au Hall du Livre (Nancy), samedi 23 février 2019...

"L'inspiration, c'est presque rien. C'est un frémissement". CharlElie COUTURE

 

Samedi 23 février 2019, Hall du Livre, Nancy. C'est un moment qui ne reviendra pas, comme tant d'autres avant lui, et on ne sait combien après. CharlElie est là, de retour dans sa ville, celle où il fut enfant, celle où il bourlingua-erra parfois, celle où dorment quelques-uns de ses souvenirs. Il est là, devant nous, il sort son portable et filme ceux qui sont venus pour lui aujourd'hui. Tiens, on dirait que lui aussi aime fixer des bouts de vie et que celui-là compte pour lui comme pour nous. Il le dit, il souligne ce qu'il appelle l'importance de l'instant, et nous voilà tout chose, tous autant que nous sommes, nous qui le suivons sans doute depuis des années. Parce que CharlElie, c'est rare qu'on le découvre en 2019. Cela peut arriver, bien sûr, mais souvent, quand même, il faut le dire, si on l'écoute, si on le lit, si on s'abreuve à la source magique de son œuvre protéiforme, c'est depuis un bail et c'est qu'on n'est pas né de la dernière pluie. J'assume : j'écoute CharlElie depuis les années collège, grâce à un prof (de maths, s'il vous plaît) bien inspiré qui me mit Poèmes rock entre les mains. Mains que lesdits poèmes devaient électriser, et le cœur, et les oreilles, et le reste. Ce fut ce qu'on appelle une grande découverte. Le même prof me recommanda également Thiéfaine, la même année, je crois. Allez savoir pourquoi (je devais être bête en plus d'être jeune et sans expérience), j'écoutai vaguement les albums qu'il jugea bon de me prêter, je dis « ouais, bof » et lui rendis tout le lendemain ! Parfois, les rencontres essentielles, ce n'est pas si simple, ça doit attendre le bon moment, celui qui, entre tous, portera le sceau de l'évidence. Mais je m'égare, excusez-moi.
Donc, CharlElie est depuis quelque temps de retour en France et plus précisément quelque part à l'Est, où il est né (de ce hasard qui le parachuta ici plutôt qu'ailleurs, il a fait une très belle chanson sur son dernier album). En ce samedi 23 février 2019 qui ne reviendra pas, il est au Hall du Livre pour nous parler de poésie, en compagnie de Sarah Polacci (c'est elle qui anime l'entretien) et d'Éric Poindron. CharlElie vient nous présenter son dernier livre, intitulé La mécanique du ciel. La couverture indique que le recueil renferme 50 poèmes inchantables. Et c'est un pur enchantement que de les savoir à l'intérieur de ces pages, eux qui auraient pu dormir encore longtemps dans un tiroir ou même n'en sortir jamais. À la première question que lui pose Sarah Polacci, CharLElie répond qu'il est toujours dans l'émotion, parfois aussi dans les motions de censure. Mais passons sur ce dernier point. La plupart du temps, nous dit-il, il est tout simplement heureux d'être là, d'être en vie, comme aurait dit Higelin. Il nous raconte toutes sortes d'histoires saugrenues, de celles qui n'appartiennent qu'à lui. Je savais qu'elles peuplaient superbement ses chansons, j'ignorais qu'elles pouvaient aussi émailler ses propos et les rendre sautillants, fous, espiègles ! Il nous dit qu'il se plaît à penser que, Renaissance ou autre époque, les hommes ont toujours, à peu de choses près, éprouvé les mêmes sentiments. Et de partir dans un délire qu'on verrait bien blotti dans une chanson : un homme préhistorique se chamaille avec un autre, qui était censé lui passer la lance au moment où passait un sanglier ou un truc dans le genre. Sauf que non, la lance, eh bien, il ne savait plus où il l'avait mise, ce crétin. En réalité, le couard s'était planqué derrière un arbre parce qu'il n'en menait pas large face au gibier. On rit en l'écoutant, CharlElie, il nous berce comme des grands gosses, et le sommeil ne vient pas, c'est tout l'inverse qui nous envahit : une espèce de sentiment absolu d'être là, d'être en vie, comme aurait dit Higelin. Un réveil qui fait du bien. Nous voilà maintenus dans un état de veille émerveillée, et c'est doux, et c'est chouette. Puis, ému, il nous raconte que récemment, accompagné de son biographe (car oui, une biographie va sortir !), il est revenu dans l'appartement où il a grandi, rue de la Source à Nancy. Il y a retrouvé toutes les pièces telles qu'il les a connues, agencées comme autrefois. Emplies de souvenirs, regorgeant de madeleines qui crament le gosier. « C'est fou, je me suis revu, enfant, et j'ai regardé le chemin parcouru. Jamais je n'aurais pu rêver d'une telle vie : le succès, New York, aimer la même femme durant des années, et l'aimer encore à 62 ans ». Purée, c'est que le monsieur est romantique, en plus. Parce que tu ne t'en doutais pas un peu, toi qui l'écoutes depuis les années collège et lui trouves une classe à toute épreuve, avec son air de ne jamais toucher à rien, lui qui touche à tout ? Tu n'avais pas senti l'immense sensibilité sous le roc(k) ? Bien sûr que si, enfin !

Voilà, voilà, tout cela pour vous dire que CharlElie au Hall du Livre en ce samedi 23 février 2019 qui ne reviendra jamais plus (et là je dis que c'est quand même dommage, parce que c'était bien, parce qu'on en redemanderait volontiers une grande lampée qui déborderait de la cuillère), ça décoiffait, ça émotionnait, ça tanguait fort ! À la fin, Sarah Polacci a fait remarquer qu'Éric Poindron n'avait pas beaucoup parlé. Et CharlElie de s'ordonner à lui-même de fermer sa gueule, mais trop tard, le bien était fait, et d'ailleurs Éric Poindron, bon prince, n'était ni vexé, ni frustré, simplement heureux d'être là, d'être en vie, lui aussi, comme il m'a semblé et comme aurait dit Higelin.

Quant à moi, j'ai compris pas mal de choses en cet après-midi presque printanier (alors que, faut-il le rappeler, nous sommes le samedi 23 février 2019 !) : j'ai compris pourquoi j'aimais tant CharlElie depuis une époque lointaine, voisine de la prime enfance. J'ai compris également que si je tenais ce blog, et parfois même un autre, et parfois même encore un autre, c'était pour tenter (tenter seulement) de retenir des instants qui ne reviendront plus alors qu'ils avaient, les saligauds, un goût si sucré de revenez-y...