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28/06/2020

Paul Valet / Hubert-Félix Thiéfaine : une parenté évidente...

"Que pourrais-je vous donner 

De plus grand que mon gouffre ?" Paul VALET

 

J'ai découvert récemment un poète au subtil pseudonyme : Paul Valet. Valet parce que « pas libre d'écrire ce qu'il écrit ». Valet parce soumis à la parole, « valet de la poésie ». Beau programme ! Ce poète est thiéfainien en diable, je vous le dis ! Dès la première lecture, la parenté d'âme ou de déréliction ou de je ne sais quoi d'autre entre Paul et Hubert m'est apparue évidente. Chez Valet comme chez Thiéfaine, il est question d'impossibles ascensions qui, pourtant, seraient la clé du salut.

Comparons :

« J'ai le souffle trop court

pour escalader les nuages »

et « Nous rêvons d'ascenseurs

au bout d'un arc-en-ciel

où nos cerveaux malades

sortiraient du sommeil »...

Pour Paul Valet, les aubes sont sans réponse, et sans doute navrantes comme chez Rimbaud. Pour Thiéfaine, « les étoiles n'ont plus de discours ». Ce qui persiste, comme une rage de dent, c'est le silence des dieux. Pas très bavards selon Hubert, alors qu'il serait bon de savoir de quelle catastrophe nous venons, tout de même, merde, c'est nous que cela concerne en premier lieu. « Dieu seul se tait », écrit Paul Valet. Et aussi : « Les dieux ont soif d'impuissance ». Sans doute de la nôtre. Chez Hubert, ils « s'encanaillent en nous voyant pleurer ». Dans un cas comme dans l'autre, ils sont avares de compassion. Nos souffrances ? Ce n'est pas leur problème. Au mieux, ils s'en amusent. Au pire, ils s'en détournent dans une souveraine indifférence. Nous laissant seuls face à notre « haute dévastation » et les « voies sans issue » qui nous traversent.

Paul Valet écrit également : « D'innombrables moi m'habitent et me narguent. Une cacophonie de moi ». Là encore, je vois un parallèle avec les multiples identités d'Hubert. Est-il Hubert, Félix, Thiéfaine, ou bien HFT, ou bien encore, d'un seul tenant, Hubert-Félix Thiéfaine, ou tous ceux-là à la fois ? Porteur (sain ?) d'une identité qui fait des nœuds jusque dans les moindres recoins, il est l'insaisissable qui échappe à toute classification. Essayez de le ranger dans un tiroir après lui avoir collé une étiquette qui étrique, il en sortira, rebelle triomphant, clamant, tel Paul Valet encore, son refus d'obéissance. « Mais moi je n'irai pas plus loin, je tiens ma tête entre mes mains », nous dit-il, refusant de mettre un pied devant l'autre dans un monde que le cynisme ravage, dans « le brouillard des no man's lands ». Et que nous dit Paul Valet ? « Accepter c'est crever », ou encore : « Je refuse d'obéir au malheur d'exister – Je refuse d'obéir à l'obéissance ». Mettez Hubert en cage, il vous dézinguera tous les barreaux qui enferment, qui encerclent, qui enterrent. Refus d'obéissance, « désertion du rayon képis », et insatiable volonté de se situer toujours dans les marges, dans les confins mouvants qui permettent l'évasion, « encore plus loin, ailleurs ». « Ailleurs, toujours ailleurs : le dehors qui s'étire », écrit Paul Valet. Les marges, ces lieux qui empêchent le rétrécissement, ces lieux où ne s'aventurent que les dingues et les paumés ! Les marges, parce qu'en leur temple Hubert ne risque pas trop de se faire emmerder, parce qu'elles sont aux antipodes de l'embrigadement...

Voilà deux poètes pour qui la vie, trop étroite, mérite quelques extensions. Ils les trouvent dans les mots, dans les vastes horizons et dans le même refus de s'aplatir. Voilà deux hommes que leur identité première n'a pas contentés. Il a fallu, pour Valet, en changer, et pour Thiéfaine, en sortir, en étirant au maximum les possibilités offertes. On pourrait dire qu'ils sont tous deux des « rebelles éclatés » qui détruisent les carcans. On pourrait dire qu'ils ne brillent pas nécessairement par leur optimisme, mais que ce n'est pas grave puisque leurs paroles respectives les portent d'un rêve à l'autre. Tant pis si tous demeurent inachevés : ils n'en sont que plus déchirants... Tant mieux puisque de cette déchirure jaillissent des mots qui nous éblouissent et nous soutiennent en nos claudications !