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24/11/2024

Grand Corps Malade à la Rockhal hier soir : y être était une splendeur !

"J'ai atteint cet âge où je me dis que la télé c'était mieux avant... que le rap c'était mieux avant... que moi c'était mieux avant". Grand Corps Malade

 

Voilà un automne flamboyant. Moi qui hais novembre, je peux dire que celui-là dépasse toutes mes inespérances. Je n'en attendais rien et il m'offre tant... Un magnifique double CD de la tournée Unplugged, le dernier Cure, et des concerts. Sans oublier tout ce que je ne dis pas ici ! 

 

Hier, Grand Corps Malade était à la Rockhal, à Esch-sur-Alzette, au Luxembourg. Et moi aussi ! En un décor à la Soleil cherche futur : la salle de concert se trouve en effet en face de hauts fourneaux qui rappellent un jamais plus sidérurgique, comme d'autres endroits de l'autre côté de la frontière, en Lorraine. Ce n'est pas beau, et pourtant ça a de l'allure, ça a un je ne sais quoi de troublant et d'envoûtant. J'adore les lieux comme ça, âpres, pas faciles à apprivoiser. C'est mon spectaculaire à moi.

 

La dernière fois que j'ai mis les pieds à la Rockhal, c'était pour les débuts de la tournée Scandale mélancolique, d'HFT. Et je vous saurais gré de ne pas dire « voilà qui ne te rajeunit pas », ce serait pure indélicatesse (indigne de vous de surcroît). Et moi, l'indélicatesse, j'aime tellement pas ça que j'ai envie d'y coller des battes de baseball dans la tronche, non mais ! Vous n'iriez tout de même pas jusqu'à insinuer que je me fais vieille, n'est-ce pas ? D'ailleurs, Grand Corps Malade, lui, a la délicatesse de dire que c'est pas de la vieillesse, mais de la sagesse. Alors prenez-en de la graine, svp. Je trouve que je suis sacrément sage, purée, je m'épate de jour en jour avec cette sagesse qui n'en finit pas de s'étoffer !

 

Le concert est annoncé pour 19h. Or, à 18h58, nous sommes encore en train d'attendre dans le froid, mon amie Stéphanie, moi-même et quelques autres. La dame qui est dans la file derrière nous nous dit qu'elle est frigorifiée (nous le sommes tous) et que si les portes ne s'ouvrent pas à 19h tapantes, elle décédera, sans autre forme de procès, là, sous nos yeux hagards. Elle est comme une Cendrillon en mal de carrosse à l'approche de minuit. Elle me fait peur. Qu'elle décède là, sous nos yeux hagards, serait, comme dirait l'autre, ballot. Ah, ouf, les portes s'ouvrent. Il est 18h59. À 19h, Cendrillon pénètre dans le hall. Elle ne mourra pas ce soir. Je vous dis que ce mois de novembre est drôlement méritant !

 

C'est un certain Nikola qui assure la première partie de Grand Corps Malade. Il arrive sur scène à 20h. Moi qui pensais que la soirée démarrerait à 19h et qu'avant minuit j'aurais enfilé mes charentaises et descendu une petite tisane estampillée nuit calme, je remballe mes rêves de tranquillité quinquagénaire (j'avoue que j'aime de plus en plus les concerts qui commencent à 19h !). Pas grave, il y a mieux à faire que dormir en ce samedi 23 novembre !

 

Nikola a une incroyable présence sur scène. Comme Grand Corps Malade, il manie les mots avec une admirable dextérité. Sa voix est puissante, elle vous résonne dans le corps. Ses textes ne sont pas absolument jouasses, mais de ce point de vue, rien ne saurait effrayer une fan de Thiéfaine, n'est-ce pas ? D'ailleurs, je crois que j'ai un problème avec les chansons trop joyeuses. C'est comme une tisane nuit calme : c'est bien joli, mais ça ne sert pas à grand-chose. Enfin en ce qui me concerne. Chacun fait bien ce qui lui plaît.

 

Mais moi, ce que j'aime, c'est qu'on me parle de défaites plutôt que de fêtes. De flèches qui manquent leur cible. De gens qui se prennent les pieds dans le tapis et se vautrent sur le plancher. Question d'affinités. Ça ressemble plus à mon vécu.

 

Dès les premières secondes, je me demande pourquoi j'ai relégué pendant si longtemps Grand Corps Malade dans de sinistres oubliettes. J'ai parfois de ces malencontreuses infidélités... La dernière fois que j'ai vu cet artiste sur scène, c'était en 2008, et je vous saurais gré de ne pas vous exclamer lamentablement : « Voilà qui ne te rajeunit pas ». L'indélicatesse, vous savez ce que j'en fais !

 

Grand Corps Malade nous dit que nous, public, nous lui ressemblons. Que nos histoires sont un peu les siennes. Et inversement (donc, que ses histoires sont un peu les nôtres, si vous avez suivi). Que nous sommes, en quelque sorte, son reflet. Comme il est le nôtre. Nous allons être face à face comme des miroirs, le temps du concert. Oh, mais trop bien !

 

Au fil de la soirée, je redécouvre une œuvre riche, dense, multiple. Des chansons défilent où il est question du temps qui passe, de la protéiforme et cosmopolite Saint-Denis, de l'enfance. De tout ce qui constitue une vie, avec ses splendeurs et ses misères. Des frissons me parcourent régulièrement le corps. Faut dire que je suis un peu sensible. Et que le vécu de Grand Corps Malade est, en effet, comme un reflet du mien. Les enfants qui grandissent trop vite, je connais. La sagesse qui n'en finit pas de s'étoffer : même constat. L'urgence qui réside dans l'instant présent : idem. « Remettre à aujourd'hui ce qu'on pensait faire demain », chante GCM. Voilà une formule qui me sied comme un gant et que je vais faire mienne, tiens ! En fait, je l'ai déjà intégrée à ma vie depuis un certain temps, mais je n'aurais pas su le dire comme ça, si chouettement. C'est un reflet sacrément doué que j'ai en face de moi ce soir. Comme une meilleure part de moi-même. Je m'en sens grandie, carrément.

 

Là où je ne peux suivre Grand Corps Malade malgré ma bonne volonté, là où mon reflet a ses limites, si vous voulez, c'est quand il nous parle de l'amour totalement dingue qui l'unit à sa femme. 20 ans d'amour, c'est l'amour fol, chantait Brel. Bon, ben moi, déjà cinq jours, je trouve que ce n'est pas si mal. Je ne peux accompagner GCM dans ces merveilleux méandres qu'il nous dépeint, la rencontre comme une évidence, un premier baiser échangé à Deauville et dont le souvenir ricoche dans chaque nouveau baiser, oh yeah. Ouah, respect ! Je ne peux suivre, je ne peux comprendre, mais j'admire. Et, quelque part, je jalouse, je l'avoue. Comme ça doit être top d'être la femme pour qui un homme a écrit Je serai là ou Dimanche soir ! Comme ça doit être top d'être celui qui a pondu ça pour une femme ! Voilà des déclarations qui ont de la gueule ! Rien à voir avec ce triste épisode de mes années collège où mon amoureux de l'époque me remit, ému, un poème. Ça s'appelait Barbara et sortait tout droit d'un recueil de Jacques Prévert. Le mec claironna qu'il avait écrit ça pour moi. Il croyait que je n'y verrais que du feu (en plus, je ne m'appelle même pas Barbara). Je fus furax et le lui dis, après quoi je rompis. Non mais, espèce d'imposteur de mes deux si j'en avais ! Voilà le genre de déclaration que je reçois depuis l'adolescence. Ça décourage... Grand Corps Malade, dans une chanson, nous explique qu'en fait un homme, c'est toujours pris dans un triangle infernal qui cafouille pas mal : la tête, le cœur et les couilles. Ah, ben voilà le fameux mode d'emploi que je cherchais ! Ça explique bien des choses. Et bien des déconvenues !

 

Bref, pour en revenir au concert : j'en suis sortie scotchée, bouleversée, transcendée. En plus, Grand Corps Malade a beaucoup d'humour. Et des musiciens du tonnerre. Qu'il sait honorer régulièrement, comme il honore les techniciens (tout ce petit monde finira sur scène à la fin de la soirée).

 

Dans la foulée, avant de quitter la Rockhal et de rejoindre mes charentaises, j'ai acheté l'album Plus de reflets au merchandising. Parce que moi, des reflets comme ceux-là, il est clair que j'en veux plus !

Commentaires

Petite préférence pour "Ce que j'aime" (en duo avec Nikola), "Saint-Denis", "J'ai vu de la lumière", "Je serai là", "C'est aujourd'hui que ça se passe", "La sagesse", "Roméo kiffe Juliette".

Écrit par : Katell | 24/11/2024

Et aussi "Le jour d'après", qui me fait systématiquement pleurer...

Écrit par : Katell | 24/11/2024

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