04/07/2006
Malcolm Lowry encore
Voici un extrait d’Au-dessous du volcan. En lisant les premières lignes de ce passage, j’ai su que je le mettrais sur le blog, tant le style qui y est employé est puissant et beau. Comme, en plus, il est question d’Oaxaca dans ces quelques lignes, je ne vais pas me priver !
« … Nuit : et une fois de plus, le corps à corps nocturne avec la mort, la chambre trépidante d’orchestres démoniaques, les bribes de sommeil apeuré, les voix à la fenêtre dehors, mon nom répété sans cesse avec mépris par des groupes d’arrivants imaginaires, les clavecins de la ténèbre. Comme s’il n’y avait pas assez de vrais bruits dans ces nuits couleur de cheveux gris. Non tels que le fracas déchirant des villes d’Amérique, le bruit de pansements arrachés à d’immenses géants à l’agonie. Mais les chiens parias qui hurlent, les coqs qui annoncent l’aube toute la nuit, le battement de tambour, le gémissement qu’on retrouve plus tard blanc monceau de plumes sur les fils télégraphiques aux arrière-jardins, ou volaille perchée dans les pommiers, la peine éternelle qui jamais ne dort du grand Mexique. Pour moi j’aime traîner ma peine à l’ombre des vieux monastères, ma faute dans les cloîtres, au bas des tapisseries et dans les miséricordes d’inimaginables cantinas, où des clients tardifs à la triste figure et des mendiants culs-de-jatte boivent à l’aube, dont la froide beauté jonquille se redécouvre en la mort. Aussi quand tu partis, Yvonne, j’allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je, Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d’une banquette de troisième classe, l’enfant dont nous avons sauvé la vie, sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la tequila de ma bouteille, ou comment, m’en allant dans ma chambre en l’hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d’égorgement en bas dans la cuisine me chassa dans l’éblouissement de la rue, et plus tard, cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ? Horreurs à la mesure de nerfs de géant ! Non, mes secrets sont de la tombe et ils doivent être tus. Et c’est ainsi parfois que je pense à moi-même comme à un grand explorateur qui, ayant découvert un extraordinaire pays, n’en peut jamais revenir pour faire don au monde de son savoir : mais le nom de ce pays est enfer ».
Plus loin, on peut lire encore ceci : « Je me demande si c’est parce que ce soir mon âme est vraiment morte que j’éprouve pour l’instant quelque chose comme la paix ».
En fait, dans ce passage, un des personnages écrit une lettre à la femme qu’il aime. A un moment, il s’interrompt. Quand il se remet à écrire, il commence par ces mots, que l’ami Hubert ne bouderait pas, me semble-t-il :
« « Plusieurs mescals plus tard » !
Et ça, donc : « Tu vas me croire fou, mais c’est de cette manière que je bois aussi, comme absorbant un éternel sacrement ».
21:40 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Ces passages du livre sont assez parlant, et je comprends d'autant plus ton état d'esprit avant le grand départ.
Cependant, ils me donnent envie de lire le reste du livre. Tu me diras si ça vaut le coup!
Écrit par : severine | 05/07/2006
Cath,
T' as fait du bon boulot. C' est complet et intéressant à lire!
Je suis ravie de toutes les références en allemand qui y apparaissent. J' ai envie de tout lire mais je vais commencer par l' amour baroque. T' es vraiment surprenante comma nana. Je l' avais déjà remarqué à Berlin. A bientôt ma grande!
Écrit par : lhouthe | 17/07/2006
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