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14/08/2006

Un extrait d'Hypérion (Hölderlin) : d'abord en allemand, ensuite en français

Encore un extrait d’Hypérion. Je le mets d’abord en allemand, puis en donnerai la traduction. Si vous ne souhaitez pas lire Hölderlin dans le texte, rendez-vous directement à la traduction, ne passez pas par la case départ et ne touchez pas … c’est combien maintenant ? euh, ben, je ne sais pas, alors ne touchez pas 20 000 francs !

 

 

 „Ich habe nichts, wovon ich sagen möchte, es sei mein eigen.  

 

Fern und tot sind meine Geliebten, und ich vernehme durch keine Stimme von ihnen nichts mehr. Mein Geschäft auf Erden ist aus. Ich bin voll Willens an die Arbeit gegangen, habe geblutet darüber, und die Welt um keinen Pfennig reicher gemacht. Ruhmlos und einsam kehr ich zurück und wandre durch mein Vaterland, das, wie ein Totengarten, weit umher liegt, und mich erwartet vielleicht das Messer des Jägers, der uns Griechen, wie das Wild des Waldes, sich zur Lust hält.

 

Aber du scheinst noch, Sonne des Himmels! Du grünst noch, heilige Erde! Noch rauschen die Ströme ins Wasser, und schattige Bäume säuseln im Mittag. Der Wonnegesang des Frühlings singt meine sterblichen Gedanken in Schlaf. Die Fülle der allebendigen Welt ernährt und sättiget mit Trunkenheit mein darbend Wesen.

 

O selige Natur! Ich weiß nicht, wie mir geschiehet, wenn ich mein Auge erhebe vor deiner Schöne, aber alle Lust des Himmels ist in den Tränen, die ich weine vor dir, der Geliebte vor der Geliebten!

 

Mein ganzes Wesen vestummt und lauscht, wenn die zarte Welle der Luft mir um die Brust spielt. Verloren ins weite Blau, blick ich oft hinauf auf den Äther und hinein ins heilige Meer, und mir ist, als öffnet’ ein verwandter Geist mir die Arme, als löste der Schmerz der Einsamkeit sich auf ins Leben der Gottheit.

 

Eines zu sein mit Allem, das ist das Leben der Gottheit, das ist der Himmel des Menschen. Eines zu sein mit Allem, was lebt, in seliger Selbstvergessenheit wiederzukehren ins All der Natur, das ist der Gipfel der Gedanken und Freuden, das ist die heilige Bergeshöhe, der Ort der ewigen Ruhe, wo der Mittag seine Schwüle und der Donner seine Stimme verliert und das kochende Meer der Woge des Kornfelds gleicht.

 

Eines zu sein mit Allem, was lebt. Mit diesem Worte legt die Tugend den zürnenden Harnisch, der Geist des Menschen den Zepter weg, und alle Gedanken schwingen vor dem Bilde der ewigeinen Welt, wie die Regeln des ringenden Künstlers vor seiner Urania, und das eherne Schicksal entsagt der Herrschaft, und aus dem Bunde der Wesen schwindet der Tod, und Unzertrennlichkeit und ewige Jugend beseliget, verschönert die Welt.

 

Auf dieser Höhe steh ich oft, mein Bellarmin! Aber ein Moment des Besinnens wirft mich herab. Ich denke nach und finde mich, wie ich zuvor war, allein, mit allen Schmerzen der Sterblichkeit, und meines Herzens Asyl, die ewigeinige Welt, ist hin; die Natur verschließt die Arme, und ich stehe, wie ein Fremdling, vor ihr, und verstehe sie nicht.

 

Ach! Wär ich nie in eure Schulen gegangen! Die Wissenschaft, der ich in den Schacht hinunter folgte, von der ich, jugendlich töricht, die Bestätigung meiner reinen Freude erwartete, die hat mir alles verdorben.

 

Ich bin bei euch so recht vernünftig geworden, habe gründlich mich unterscheiden gelernt von dem, was mich umgibt, bin nun vereinzelt in der schönen Welt, bin so ausgeworfen aus dem Garten der Natur, wo ich wuchs und blühte, und vertrockne an der Mittagssonne.

 

O ein Gott ist der Mensch, wenn er träumt, ein Bettler, wenn er nachdenkt, und wenn die Begeisterung hin ist, steht er da, wie ein missratener Sohn, den der Vater aus dem Hause stieß, und betrachtet die ärmlichen Pfennige, die ihm das Mitleid auf den Weg gab“.

 

 

 

 

 

« Je n’ai rien dont je puisse dire : ceci est mien.

Lointains et morts sont ceux que j’ai aimés, et aucune voix ne me les fait plus désormais entendre. J’ai achevé ce que j’avais à faire ici-bas. Je me suis mis au travail avec toute ma volonté, j’y ai saigné et je n’ai en rien enrichi le monde.

Sans gloire et solitaire, je reviens et parcours ma patrie, qui, tel le jardin des morts, s’étend autour de moi et peut-être m’attend le couteau du chasseur qui prend son plaisir à nous autres Grecs comme il fait du gibier de la forêt.

Mais tu brilles encore, soleil du ciel ! Tu es toujours verte, terre sacrée ! Les fleuves murmurants se jettent encore dans la mer et les arbres ombreux bruissent encore à midi. Les chants de joie du printemps endorment mes pensées mortelles. La plénitude du monde qui est toute vie nourrit et comble d’ivresse mon être misérable.

O bienheureuse nature ! Je ne sais ce qui m’arrive lorsque j’élève mes yeux devant ta beauté : toutes les joies célestes sont dans les larmes que je pleure devant toi, moi l’aimé devant l’aimée.

Tout mon être fait silence lorsque les tendres vagues de l’air jouent autour de ma poitrine. Perdu dans les immensités bleues, je lève souvent mon regard vers l’éther, je le baisse vers la mer sainte et il me semble qu’un esprit proche du mien m’ouvre les bras et que les souffrances de la solitude se dissolvent dans la vie de la divinité.

Ne faire qu’un avec le Tout, telle est la vie de la divinité, tel est le paradis de l’homme. Ne faire qu’un avec tout ce qui vit, retourner dans le Tout de la nature et y trouver le bonheur de l’oubli de soi, telle est la plus haute des pensées, la plus haute des joies, c’est le sommet sacré de la montagne, le lieu de l’éternel repos où le midi perd ses orages et le tonnerre sa voix, où la mer bouillonnante ressemble aux vagues d’un champ de blé.

Ne faire qu’un avec tout ce qui vit. A ce mot, la vertu dépose sa cuirasse de colère, l’esprit de l’homme dépose son sceptre et toutes les pensées s’estompent devant l’image du monde éternellement un, comme s’estompent aussi devant son Uranie les lois imposées à l’artiste qui lutte et le destin d’airain renonce à la maîtrise du monde et la mort s’éloigne de l’alliance des êtres et une union parfaite et une jeunesse éternelle comble le monde de félicité et de beauté.

Je me tiens souvent sur ces sommets, cher Bellarmin ! Mais un moment de réflexion me jette à terre. Je songe et je me retrouve seul, comme je l’étais auparavant, avec toutes les douleurs de l’être mortel et le refuge de mon cœur, le monde éternellement un, s’enfuit ; la nature me ferme ses bras et je reste devant elle comme un étranger et ne la comprends pas.

Ah ! Que je regrette d’avoir écouté vos enseignements ! La science que j’ai suivie jusque dans ses profondeurs, dont j’attendais, fol adolescent, la confirmation de mes joies pures, la science m’a gâté toute chose.

Je suis devenu si parfaitement raisonnable grâce à vous, j’ai appris à me distinguer si profondément de tout ce qui m’entoure et je suis maintenant isolé dans ce monde si beau, je suis exclu du jardin de la nature où je croissais et m’épanouissais et je me dessèche au soleil de midi.

Oh ! L’homme est un dieu lorsqu’il rêve, un mendiant lorsqu’il pense et, lorsque l’enthousiasme s’est enfui, il ressemble à un fils chétif que le père a chassé de la maison et il contemple les misérables pièces de monnaie que la pitié lui a données pour sa route ».

Commentaires

... Merci à Catherine pour ce texte :

"Oh ! L’homme est un dieu lorsqu’il rêve, un mendiant lorsqu’il pense et, lorsque l’enthousiasme s’est enfui, il ressemble à un fils chétif que le père a chassé de la maison et il contemple les misérables pièces de monnaie que la pitié lui a données pour sa route »".

... Et bien non Cath. Dimanche à Crozon il n'a pas plu mais il est vrai que je ne suis arrivé qu'à 17 heure 30' , j'avais 750 kms de route à faire et même en Clio III la distance reste la même ( je ne vois pas pourquoi seuls les festivals bretons seraient gâchés par les intempéries!!! )

Lorsque je rêve je ne suis pas un dieu , ni un mendiant quand je pense et il n'y a pas de place pour moi pour l'enthousiasme car mon père ne m'a pas chassé de la maison directement car il n'y était pas et mes pièces de monaies me sont données en partie pour la paix sociale , à moi le fouteur de merde. Donc je ne remercie personne pour ce fait

... Mon seul merci va à toi Cath. pour m'avoir donner à découvrir ce texte.

* et je ne remercie pas mon père de m'avoir donné la vie , lui qui est ou ne va pas tarder à mourir , mais de cela je ne lui en tiends aucune rigueur car nous avons toute la mort pour nous renconter. Je continue de terminer mon polissage et celui de ma fille avant de le rejoindre. Ma mère ( pas Noël.. ) est déjà patie , soit patiente j'arrive...

Écrit par : Le Doc | 16/08/2006

Coucou Doc,

Tes mots me vont droit au coeur, vraiment. Ils me font un peu penser à la chanson "Vierzon", d'Yves Jamait, artiste que j'ai découvert il y a peu. Dans ce texte, Jamait évoque son père, avec l'absence duquel il a fallu composer. C'est une chanson très émouvante... Ton dernier commentaire me touche de la même façon.
Pour ce qui est d'Hölderlin, moi, je suis assez d'accord avec lui : dès qu'on se prend la tête entre les mains, dès que l'on pense à notre condition, nous ne sommes plus que des mendiants... Mais dès que nous ouvrons une petite fenêtre sur le rêve, tout est à nouveau badigeonné de lumière...
Prends soin de toi!
Cath

Écrit par : Katell | 16/08/2006

Merci Cath pour ce superbe texte et sa traduction ! Décidément , j'adore Hölderlin ! Et je n'ai pas souvent l'occasion de le lire en allemand ! Je me répète le dernier paragraphe à voix haute et en allemand : quelle musicalité ! Et quelle adéquation à mon état d'esprit ....

Écrit par : Evadné | 16/08/2006

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