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14/09/2006

"J'ai appris hier..."

D'abord, avant d'aborder la vie d'Antonin Artaud, ces quelques mots de Charles JULIET :

"si dérisoire

ce qui m'est donné

au regard

de ce qu'escomptait

ma soif".

 

 

1896 : Naissance d’Antoine Marie Joseph Artaud, dit Antonin, le 4 septembre à Marseille. Durant son enfance, il est au contact des langues entendues dans sa famille : grec, turc, italien.

« Me croirez-vous, Henri Thomas, si je vous dis que je ne viens pas de ce monde-ci, que je ne suis pas comme les autres hommes nés d’un père et d’une mère, que je me souviens de la suite infinie de mes vies avant ma soi-disant naissance à Marseille le 4 septembre 1896, 4 rue du Jardin-des-Plantes, et que l’ailleurs d’où je viens n’est pas le ciel mais quelque chose comme l’enfer de la terre à perpétuité. »  (Lettre à Henri Thomas, 15 mars 1946).

 

1905 : Mort accidentelle à sept mois de sa petite sœur Germaine à laquelle il était très attaché. Ses parents auront en tout huit enfants dont trois seulement survécurent.

 

1910 : Elève au collège du Sacré-Cœur de Marseille, dirigé par des maristes. Il fonde avec des camarades une petite revue où il publie, sous le pseudonyme de Louis des Attides, ses premiers poèmes inspirés de Baudelaire et Edgar Poe.

 

1914 : Crise dépressive lors de sa dernière année de collège. Il ne se présente pas à la deuxième partie du baccalauréat, détruit ses écrits. Il est ajourné au conseil de révision. Il songe à devenir prêtre.

 

1915-1919 : Effectue plusieurs séjours dans des maisons de santé (dépressions, troubles « nerveux »). Prend pour la première fois de l’opium en 1919 pour lutter, écrira-t-il, contre « des états de douleurs errantes et d’angoisses ».

 

1920 : Il s’installe à Paris, confié par sa famille au docteur Toulouse. Il devient figurant de théâtre. Il est rapidement engagé dans la compagnie de Charles Dullin où il joue plusieurs petits rôles. Rencontre avec la comédienne Génica Athanasiou, à laquelle le lie une passion orageuse jusqu’en 1927.

 

1923 : Parution de son premier recueil de poèmes, Tric-trac du ciel.

 

1924 : Il envoie ses poèmes à Jacques Rivière ; parution de la Correspondance avec Jacques Rivière dans la NRF. Il rencontre André Breton et commence à collaborer à La Révolution surréaliste.

 

1925 : Publie dans de très nombreuses revues. Publication du Pèse-nerfs et de L’ombilic  des limbes. Début du tournage du Napoléon d’Abel Gance (rôle de Marat).

 

1926 : Parution de « Fragments d’un Journal d’Enfer » dans la revue Commerce. Publication du manifeste du « Théâtre Alfred Jarry » qu’il fonde avec Roger Vitrac et Robert Aron. En novembre, il est exclu du groupe surréaliste en même temps que Philippe Soupault.

 

1927-1930 : De 1927 à 1929 ont lieu quatre spectacles du Théâtre Alfred Jarry. Les difficultés financières et le manque de soutien le contraignent pourtant à interrompre l’expérience de ce qui fut selon Robert Aron « le seul théâtre surréaliste qui ait tenté de s’établir à Paris ». Parallèlement, il tourne dans plusieurs films.

 

1932 : Son état de santé ne cesse d’empirer : il traverse des crises aiguës de souffrance et d’angoisse qui le conduisent à prendre des doses de plus en plus importantes de laudanum. A plusieurs reprises, il tente des cures de désintoxication, essaie des séances d’acupuncture, s’adresse en désespoir de cause à des voyantes et thaumaturges divers.

 

 

1933-1934 : Rencontre Anaïs Nin pour laquelle il éprouve une brève et fulgurante passion. Publication de Héliogabale ou l’Anarchiste couronné.

 

1935 : Il prépare le recueil de ses textes sur le théâtre, Le Théâtre et son double, qui paraîtra finalement en 1938.

 

1936 : Séjour au Mexique. Il passe le mois de septembre avec les Indiens de la sierra Tarahumara ; il dira y avoir été initié au rite du peyotl.

 

1937 : Projet de mariage puis rupture avec Cécile Schramme. Il entreprend successivement deux cures de désintoxication. Depuis son retour du Mexique, il apparaît de plus en plus exalté et parle de révélations qu’on lui aurait faites sur sa vie. Il décide que son nom doit disparaître. Parution des Nouvelles Révélations de l’Etre, signées Le Révélé.

Du 14 août au 29 septembre, il effectue un voyage en Irlande à la rencontre des anciennes cultures druidiques. Il est emprisonné à Dublin sans doute pour vagabondage et trouble à l’ordre public. Rapatrié de force sur un navire, il est remis à la police du Havre et interné d’office à Sotteville-lès-Rouen.

 

1938 : Il est transféré à Sainte-Anne où il est vu, entre autres, par Jacques Lacan qui l’aurait déclaré définitivement perdu pour la littérature.

 

1939-1943 : Séjour à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, près de Paris. Considéré comme incurable, il ne reçoit aucun traitement. Il écrit de très nombreuses lettres aux médecins, à sa famille, à ses amis, à diverses personnalités du monde politique. Il se dit persécuté par les « Initiés » et réclame sans cesse qu’on vienne le délivrer. En novembre 1942, sa mère obtient, grâce à l’aide de Robert Desnos, le transfert de son fils en zone « libre », dans le service du docteur Ferdière à Rodez, où les restrictions (alimentaires, en particulier) sont moins sévères.

 

1943-mai 1946 : Séjour à l’hôpital psychiatrique de Rodez où ses conditions de vie s’améliorent. Il revient peu à peu à l’écriture littéraire. Il subit plusieurs séries d’électrochocs, thérapie qu’on supposait à l’époque d’une grande efficacité mais dont la violence le terrorise.

Dans le cadre de l’art-thérapie prôné par le docteur Ferdière, il adapte en français des textes de Lewis Carroll et d’Edgar Poe. Il écrit beaucoup et, à partir du début de l’année 1945, il commence à réaliser de grands dessins en couleurs. Il écrit et dessine tous les jours dans de petits cahiers d’écolier qui deviendront les Cahiers de Rodez, puis les Cahiers du retour à Paris - activité qui durera jusqu’à sa mort.

 

1946 : Libéré de l’asile, il arrive à Paris le 26 mai. Les amis qui ont organisé son retour l’installent à Ivry, en pensionnaire libre, dans la maison de santé du docteur Delmas.

 

1947 : Le 13 janvier, devant une salle comble, Artaud lit ses derniers poèmes, raconte sa vie d’interné, accuse la société de l’avoir envoûté.

En février, une exposition Van Gogh s’ouvre au musée de l’Orangerie à Paris. Artaud écrit en un mois l’un de ses plus beaux textes : Van Gogh le suicidé de la société.

Le 24 février, il écrivait à Jean Paulhan : « Ma vie de tous les instants est une lutte incessante contre la mort ». Il absorbe d’énormes quantités de laudanum pour soulager ses douleurs.

 

1948 : Une consultation à la Salpêtrière révèle un cancer inopérable du rectum. Interdiction le 11 février de l’émission radiophonique qu’il avait enregistrée : Pour en finir avec le jugement de Dieu.

Le 4 mars, il est trouvé mort, assis au pied de son lit, par le personnel de la maison de santé, probablement d’une surdose accidentelle d’hydrate de chloral, une drogue dont il connaissait encore mal les effets. Le 8 mars, il est enterré civilement au cimetière communal d’Ivry.

Ses restes sont transférés par sa famille en avril 1975 au cimetière Saint-Pierre de Marseille.

 

 

Tiens, dans cette biographie parue dans le Magazine littéraire de septembre 2004, il est question de Van Gogh,  de Baudelaire, d’Edgar Allan Poe, de laudanum, de Dublin ! Inévitablement, on pense au « Jeu de la folie », non?!

 

 

Pour finir, quelques mots d’Antonin Artaud :

 

« Je suis un abîme complet ».

 

« L’absurde me marchait sur les pieds ».

 

« Là où d’autres proposent des œuvres je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit. La vie est de brûler des questions. Je ne conçois pas d’œuvre comme détachée de la vie. Je ne conçois pas non plus l’esprit comme détaché de lui-même. Chacune de mes œuvres, chacun des plans de moi-même, chacune des floraisons glacières de mon âme intérieure bave sur moi. Je me retrouve autant dans une lettre écrite pour expliquer le rétrécissement de mon être et le châtrage insensé de ma vie, que dans un essai extérieur à moi-même, et qui m’apparaît comme une grossesse indifférente de mon esprit ».

 « Ma vie mentale est toute traversée de doutes mesquins et de certitudes péremptoires qui s’expriment en mots lucides et cohérents. Et mes faiblesses sont d’une contexture plus tremblante, elles sont elles-mêmes larvaires et mal formulées. Elles ont des racines vivantes, des racines d’angoisse qui touchent au cœur de la vie ».

Commentaires

A l'instar d'Antonin je pourrais reprendre à mon compte sa dernière phrase : >.

Ou le quotidien d'un névrosé-obsessionnel dont je suis et exprimé par Antonin !...

Je n'ai pas gouté au laudanum ( trop jeune ) précurseur du neuroleptique, mais à titre d'indication voilà le traitement que j'ai subi pendant de longues années :

- 300 mgr. d'Anafranil / jour( anti-dépresseur tricyclique ).

- Haldol ( 20 mgr./ml. ) dont je ne me souviens plus de mon dosage.. ( neuroléptique majeur ).

- Tégrétol 800 mgr./ jour ( thymorégulateur ).

- lithium ( thymorégulateur ) dont je ne souviens plus du dosage, mais contrôle sanguin toutes les semaines car en cas de surdosage = mort !...

- 15 Xanax 0,50 mgr. / jour. ( anxiolitique benzodiazépinique ).

- divers sommifères pour la nuit ( hypnotique ).

J'ai testé pour vous avant commercialisation certains psychotropes...

... et autres babiolles pour lutter contre les effets secondaires ;-(

J'ai échappé à un traitement sous L.S.D , aux électro-chocs de jutesse et à la lobotomie préfrontale encore plus de justesse, je connais bien Saint-Anne et Saint-Anne me connaït bien !...




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Écrit par : Le Doc | 14/09/2006

Alors là respect!!! Et tu es toujours vivant après tous ces essais de laboratoire? T' étais volontaire? Et quel est ton problème au juste? En espérant que tu ailles mieux à présent. De toute manière ce ne peut- être pire!
Chapeau Kat', toujours surprenante à lire. Tes références sont sensas (pour en avoir lues quelques unes, notamment R Gary, absolument passionnant et délirant de sensibilité dans "la promesse de l' aube") .
Je n' ai toujours pas de nouvelles de mon porte- feuille monogrammé!!!

Écrit par : suricate | 14/09/2006

Sarthe disait : " L'enfer c'est les autres "...

Mon problème est liè à des T.O.C dont je suis le premier à les avoir dévoilés à la télé. en 1994 dans Zone Interdite avec P.de Carolis pour la 6 ème chaîne et surtout à l'intôlérance ambiante qui m'a poussé vers le monde psy.

Maintenant je serai l'enfer pour ces autres, surtout ceux du monde psy...

... et à la fin du mois sort mon premier livre sur le sujet !

Je pense être pour beaucoup à la présence d'Antonin dans Défloration13 pour lequel j'ai servi d'égérie à Hubert !... ( dixit sa compagne Francine le jour de la sortie de l'album.. ).

Le Doc

Écrit par : Le Doc | 15/09/2006

Merci pour ta réponse franche et directe. Je n' ose pas imaginer ce que tu as du et dois encore endurer. Je lirai volontiers ton livre lors de sa sortie parce que ce monde- là m' interpelle d' une certaine manière. Bon courage! Et c' est peu dire!

Écrit par : suricate | 15/09/2006

Le destin d'Artaud est un des plus émouvant de la litterature (et pas que de la litterature).
Son rapport aux drogues licites et illicites a été déterminant sur son oeuvre et a fini par l'emporter.
sur lui, on aura tout essayé; de la psychnalyse à l'électrochoc en passant par l'insulinothérapie.
rien n'y a fait, rien n'a pu détourner son verbe-chair de sa quête d'absolu.
écoutons parler de

1) La psychanalyse

à son psychanalyste, René Allendy :
« Vous ai-je dit que les séances de psychanalyse auxquelles j’avais fini par me prêter ont laissé en moi une emprunte inoubliable. Vous savez assez quelles répugnances surtout instinctives et nerveuses je manifestais quand je vous ai connu par ce mode de traitement. Vous êtes parvenu à me faire changer d’avis » car « j’ai pu constater les bienfaits que j’en avais retirés et au besoin je me prêterai de nouveau à une tentative analogue mais du plus profond de ma vie je persiste à fuir la psychanalyse, je la fuirai toujours comme je fuirai toute tentative pour enserrer ma conscience dans des préceptes ou des formules, une organisation verbale quelconque ».

2) L'Electrochoc

« J'ai passé 9 ans dans un asile d'aliénés.
On m'y a fait une médecine qui n'a cessé de me révolter.
Cette médecine sappelle électro-choc, elle consiste à mettre le patient dans un bain d'électricité, à le foudroyer,
on le dépiaute nu
et on expose son corps aussi bien externe qu'interne au passage d'un courant venu du lieu, où on n'est pas et où on devrait être pour être là.»
...
« Celui qui est descendu dans l'électro-choc n'en revient pas, et il n'en remonte pas non plus un autre, il ne revient rien, et le corps externe achève de dévider son rouleau et c'est tout. - Et c'est 10, 15 ou 20 ans de vie qui lui ont été enlevés de fait.
Etrange manière de traiter un homme que de commencer par l'assassiner.
Et moi je dis qu'il me faudra maintenant combien de trilliards d'ans pour reprendre tout ce que l'électrochoc m'a enlevé. »

3) et de conclure

« S'iln'y avait pas eu de médecin, il n'y aurait pas eu de malade »

Écrit par : serge | 14/10/2006

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