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02/05/2007

Topo du 31 mars 2007

La pensée du jour : "Commencer en poète et finir en gynécologue! De toutes les conditions, la moins enviable est celle d'amant".
A votre avis, qui a bien pu écrire une chose pareille? Il n'y en a qu'un, non, pour oser tout massacrer ainsi en deux temps trois mouvements? Ben oui, c'est Cioran! Personnellement, j'adore!

 

Je vous propose de découvrir le topo que j'avais présenté le 31 mars à Paris lors de notre petite réunion consacrée à Hubert. J'avais choisi de dire, dans leurs grandes lignes, la vie et l'oeuvre de Thiéfaine. Voici donc le début :

 

Si l’on en croit Hubert-Félix Thiéfaine, cela fait « deux cent mille ans déjà qu’il zone sur la terre dans le grognement lourd des groins qui s’entrechoquent ». Il est né, comme il le dit lui-même dans une de ses chansons, « d’une vidange de carter séminal dans le garage intime d’une fleur sentimentale ». C’était le 21 juillet 1948, à Dole, dans le Jura, cette petite ville dont l’artiste ne dira pas que du bien dans sa chanson « Villes natales et frenchitude »… Selon lui, il ne s’y passe rien, il ne faut pas rêver d’une tornade dans ce lieu qui est à Thiéfaine à peu près, semble-t-il, ce que Charleville était à Arthur Rimbaud…

D’avant la naissance, Thiéfaine garde cette image de lui-même ayant essayé d’assassiner son double dans le ventre de sa mère… La naissance apparaît comme un traumatisme, qui nous mène loin de « la chambre des éprouvettes » et du « rougeoiement des planètes »… « La vie c’est pas du Bubble-gum », chante Thiéfaine, il paraît même que « rien que le fait de respirer lui fout des crampes dans le sternum »…

Ces quelques mots donnent déjà une idée, je crois, de l’univers dans lequel évolue l’artiste. Toute son œuvre porte le sceau d’une profonde mélancolie et d’une certaine incapacité à être heureux, sans doute parce que ce mot est embarrassant, rempli de trop d’images négatives pour Thiéfaine. A propos du bonheur, il dira :

« ça fout la trouille, parce qu’on a toujours peur de le perdre. Quand on est désespéré, on n’a rien à perdre ». Ou encore : « Le bonheur, ça ne peut pas fonctionner dans mon monde. Je ne peux pas le chanter. (…) Chaque fois que je pense bonheur, je vois un vieux bourgeois assis dans un fauteuil. Ça, je ne peux pas ».

Où faut-il chercher l’origine de cette fêlure intime ? En partie dans l’enfance, peut-être. Cette période de sa vie, Thiéfaine la passe dans le Jura. Son père, Maurice Thiéfaine, travaille dans une imprimerie. Hubert-Gérard-Félix Thiéfaine est le cinquième enfant qui naît de l’union de Maurice et d’Alice.

L’enfance de Thiéfaine est assez marquée par le catholicisme. Alice, sa maman, fait le catéchisme aux enfants du village. « Des prêtres passent régulièrement à la maison », comme l’écrit Jean Théfaine dans la biographie qu’il a récemment consacrée à l’artiste. D’ailleurs, un des frères de Maurice était curé. Thiéfaine ne tentera-t-il d’ailleurs pas lui-même de se convaincre (et de convaincre son entourage) qu’il a la vocation pour la religion ?!

De son enfance, Thiéfaine dit : « Jusqu’à sept ans, j’ai été heureux ». Ensuite, c’est la déchirure avec l’entrée dans le système scolaire. Thiéfaine va être plusieurs fois ballotté entre l’école laïque et l’école libre. A chaque passage d’un monde à l’autre, on fera sentir sa différence à Thiéfaine. Face à la cruauté ambiante, il va se créer son propre univers et se retirer dans cette vie intérieure. Au petit séminaire, ce sera son échappatoire. Qui sait si son imagination, à ce moment-là, ne lui a pas déjà fourni le terreau sur lequel pousserait ensuite cet univers lunaire qui lui est propre ?

« Les surveillants fouillaient dans nos placards, dans nos pupitres, lisaient nos lettres. Bref, le dernier endroit intime qui me restait, c’était ma tête. Là, les pions ne pouvaient pas entrer. Seulement, avec toutes les tensions, les humiliations et les injustices, j’avais toujours peur que mon crâne n’explose, fallait trouver un exutoire, quelque chose pour faire baisser la pression, et c’est là que j’ai commencé à écrire mes premières chansons », expliquera Thiéfaine en 1983 dans le journal Le Monde.

C’est ainsi qu’en cinquième, Thiéfaine signe sa première œuvre, « Merda zuta twist », une critique plus ou moins voilée du petit séminaire. Il travaille également l’harmonium, le piano et le chant.

Le petit séminaire, même si ce n’est pas l’enfer absolu, ressemble trop à un carcan aux yeux d’Hubert. Lorsqu’un jour un camarade lui reproche de ne pas agir en conformité aux préceptes de la Bible, il répond : « La Bible, je l’ai au cul ! ». On somme Thiéfaine de finir sa seconde et de quitter ensuite l’établissement. A partir de septembre 1965, il va aller chez les jésuites, à Dole.

L’écriture commence à faire partie intégrante du quotidien du jeune Hubert. Au lycée, il rencontre Claude Mairet, qui sera son guitariste de 1979 à 1989.

L’année durant laquelle il redouble sa terminale va marquer une étape importante de sa vie, puisque c’est à ce moment-là qu’il découvre les surréalistes. Ensuite, il s’inscrit à la faculté de droit de Besançon. Mai 68 fait rage, Thiéfaine a vingt ans. Il n’adhère pas au mouvement de révolte étudiante, loin s’en faut. Plus tard, dans la chanson « 22 mai », il dira assez clairement le fond de sa pensée : un séminariste percute de plein fouet un pylône (garé en stationnement illicite !), et « ce fut sans doute l’événement le plus important de ce mois de mai » !! De même, les études ne sont pas la préoccupation principale de Thiéfaine : aux cours de droit, il préfère les Doors, les Pink Floyd, Jimi Hendrix, les Who, Bob Dylan, ou encore Léo Ferré ! Il avouera plus tard avoir fait la connaissance de certains profs le jour de l’examen !

Après cet essai peu concluant, Thiéfaine s’inscrit en faculté de psychologie. En 1969, Claude Mairet resurgit dans sa vie.

Abandonnant une bonne fois pour toutes ses études, Thiéfaine quitte le Jura pour Paris. Il y arrive le 17 novembre 1971. Pour tout bagage, il a un peu plus de vingt ans, une guitare et un sac à dos ! C’est alors que commence, pour reprendre ses mots, une période de dèche et de twist… Il dort parfois sous les ponts, il souffre d’une carence en vitamines. A la même époque, sa mère meurt.

A la fin des années 70, Machin, un groupe de « folk déconnant », fait son apparition dans la vie de Thiéfaine. Tony Carbonare, un des membres du groupe, saura imposer son ami à Hervé Bergerat, producteur à qui il dira, en gros et en détail : « Si tu veux le prochain album de Machin, tu prends celui de Thiéfaine ».

Le tout est mis en boîte en cinq jours. Ce sera « Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir », album dans lequel on trouve déjà l’écriture Thiéfaine, à nulle autre pareille. « J’arriverai par l’ascenseur de 22h43 », chante-t-il en ouverture. D’emblée, on pénètre dans un univers légèrement surréaliste, où l’on est « invité à laisser l’Etat dans les WC où on l’a trouvé en entrant ». On rencontre déjà certains des personnages qui vont être comme les emblèmes de l’œuvre de Thiéfaine : le surveillant général qui vient de sortir de son laboratoire, Borniol, un fou qui a chanté 17 fois et qui a fini par mourir de désespoir, et l’incontournable fille du coupeur de joints ! Sous les accents un peu loufoques, on sent poindre une certaine tristesse. C’est sur cet album, par exemple, que l’on trouve la majestueuse chanson « La dèche, le twist et le reste ».

« Tous les deux on pousse nos haillons

dans un igloo à bon marché

sous les toits d’une masure bidon

en compagnie des araignées »…

« Moi je bricole et je fabrique

des chansons qui sont invendables »…

En 1979, les choses s’accélèrent. Claude Mairet refait surface. En février, le deuxième album de Thiéfaine, « Autorisation de délirer », est sorti. Là encore, on croise des personnages qui vont devenir totalement emblématiques de l’univers thiéfainien : la vierge au dodge WC 51, la môme kaléidoscope qui habite rue des amours lynchées, par exemple. Et l’album s’achève sur le puissant « Alligators 427 » « aux ailes de cachemire safran », vision apocalyptique d’un monde ravagé par le nucléaire. 

 

Suite au prochain numéro! 

 

 

Commentaires

Ca fait plaisir de ré-entendre ton topo que j'ai beaucoup aimé ! Vivement la suite ...

Écrit par : Tommie | 03/05/2007

+1 Katell, j'me suis revu au 31 pendant un temps!

Écrit par : Yoann | 03/05/2007

Wouah ! Super Katell, Merci ! C'est cool de lire ce topo. J'ai hâte de connaitre la suite.

Merci encore

Écrit par : petit-jour | 03/05/2007

"Pour tout bagage, il a un peu plus de vingt ans, une guitare et un sac à dos !"

En lisant ce passage, j'ai eu une pensée pour la chanson de Ferré...

Écrit par : Mélusine | 03/05/2007

Mélusine, c'est précisément à Ferré que je pensais en écrivant ces mots!!

Écrit par : Katell | 03/05/2007

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