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04/01/2012

"Elle dort au milieu des serpents"...

La pensée du jour : "Tout ce qui s'abîme est préface à la mort". Louis CALAFERTE

 

Avant le concert de Besançon, un journaliste de France3-Franche-Comté, s'adressant aux doux dingues qui se trouvaient dans les premiers rangs des impatients (doux dingues impatients dont, une fois encore, j'étais ce soir-là !), un journaliste, donc, fit remarquer que l'album Suppléments de mensonge signait un véritable retour aux sources. Exemples : l'évocation de la ruelle des morts de Dole et celle de la Vouivre. La Vouivre, mais oui ! Entre la femme qui dort au milieu des serpents dans Les ombres du soir et la figure comtoise, le lien est évident ! Sauf que de moi-même, je n'y aurais jamais pensé !!

 

Par chance, j'adore Marcel Aymé et possède chez moi son roman La Vouivre. Je l'ai lu en 1999, il m'a donc fallu me rafraîchir la mémoire. Dès les premières pages, on pense aux Ombres du soir ! Jugez plutôt :

« Vers huit heures du matin, Arsène Muselier aiguisait sa faux lorsqu'il aperçut à quelques pas de lui une vipère glissant sur l'herbe rase entre deux andains. Un frisson lui passa sur l'échine et son cœur se serra d'une légère angoisse, comme il lui arrivait parfois dans les bois lorsqu'il entendait le bruit d'un remuement dans les branches profondes d'un buisson. A l'âge de cinq ans, un jour qu'il cueillait du muguet, il avait mis la main sur un serpent et l'aventure lui avait laissé l'horreur des reptiles. La vipère filait comme un trait, le corps à peine ondulant, sa tête plate immobile, surveillant le garçon de son petit œil au regard prompt comme celui d'un oiseau. Plein de haine et d'indignation, Arsène avait lâché sa pierre à aiguiser. La faux bien en mains, il fit un bond en avant et, d'un mouvement court et précis, estoqua au ras de l'herbe. La bête avait vu venir le coup et s'était mise hors de portée » (...)

 

Apparition d'une autre vipère page 10 :

 

« Il marchait depuis quelques minutes, et il vit, presque sans émoi, déboucher une vipère sur un croisement de sentiers. Plus longue et plus fine que celle du pré, elle rampait sans hâte, le col dressé, l'allure provocante. Elle tourna vers lui sa tête plate, comme pour le toiser, et Arsène, en découvrant sous la mâchoire de la bête un coin de peau tendre et molle, sentit renaître en lui une indignation panique. Il n'eut d'ailleurs pas le temps de s'y laisser aller. Derrière la vipère apparut une fille jeune, d'un corps robuste, d'une démarche fière. Vêtue d'une robe de lin blanc arrêtée au bas du genou, elle allait pieds nus et bras nus, la taille cambrée, à grands pas. Son profil bronzé avait un relief et une beauté un peu mâles. Sur ses cheveux très noirs relevés en couronne, était posée une double torsade en argent, figurant un mince serpent dont la tête, dressée, tenait en sa mâchoire une grosse pierre ovale, d'un rouge limpide. D'après les portraits qu'on lui en avait tracés et qu'il avait crus jusqu'alors de fantaisie, Arsène reconnut la Vouivre.

 

Vouivre, en patois de Franche-Comté, est l'équivalent du vieux mot français « guivre » qui signifie serpent et qui est resté dans la langue du blason. La Vouivre des campagnes jurassiennes, c'est à proprement parler la fille aux serpents. Elle représente à elle seule toute la mythologie comtoise, si l'on veut bien négliger la bête faramine, monstre certainement très horrifique, mais dont la forme et l'activité sont laissées au caprice de l'imagination. Sur la Vouivre, on possède des références solides, des témoignages clairs, concordants. Dryade et naïade, indifférente aux travaux des hommes, elle parcourt les monts et les plaines du Jura, se baignant aux rivières, aux torrents, aux lacs, aux étangs. Elle porte sur ses cheveux un diadème orné d'un gros rubis, si pur que tout l'or du monde suffirait à peine à en payer le prix. Ce trésor, la Vouivre ne s'en sépare jamais que pendant le temps de ses ablutions. Avant d'entrer dans l'eau, elle ôte son diadème et l'abandonne avec sa robe sur le rivage. C'est l'instant que choisissent les audacieux pour tenter de s'emparer du joyau, mais l'entreprise est presque sûrement vouée à l'échec. A peine le ravisseur a-t-il pris la fuite que des milliers de serpents, surgis de toutes parts, se mettent à ses trousses et la seule chance qu'il ait alors de sauver sa peau est de se défaire du rubis en jetant loin de lui le diadème de la Vouivre. Certains, auxquels le désir d'être riche fait perdre la tête, ne se résignent pas à lâcher leur butin et se laissent dévorer par les serpents ».

 

La suite dans les jours qui viennent, si cela vous intéresse !

 

Commentaires

Note une nouvelle fois magnifique ,hautement intéressante et pleine d'à propos. Le lien avec " Les Ombres du Soir" est éminemment évident! En fait, dès la première écoute, j'ai pensé à la Vouivre, mais il m'était complètement sorti de l'esprit que cette légende était d'origine franc-comtoise! Pourtant, j'ai moi aussi lu le bouquin! (il y a bien 20 ans...)
Alors oui, je veux une suite à cette note!!!!!

Écrit par : Monsieur Müller | 04/01/2012

Il faut que je trouve ce bouquin, il faut que je trouve ce bouquin, il faut que je trouve ce bouquin...
J'avais entendu parler de la Vouivre je ne sais où, et j'avais bien associé le personnage à la chanson. Mais la Vouivre me fait aussi beaucoup penser à Lilith, peut-être ai-je tort, mais c'est comme ça !
Et naturellement je veux une suite ;-)

Écrit par : aclh | 04/01/2012

La journaliste de France 3 avait certainement lu, elle :
http://voyageauboutdureve.jimdo.com/discographie/supplements-de-mensonge-2011/les-ombres-du-soir/
http://voyageauboutdureve.jimdo.com/2011/09/11/la-vouivre/

Ah mais je vois que Katell l'avait lu aussi !

" Katell (jeudi, 13 octobre 2011 21:58)
Merci pour cette belle note ! J'ai lu le bouquin de Marcel Aymé, il y a bien longtemps. Je vais peut-être m'amuser à le relire ! "

Écrit par : Eurydice | 04/01/2012

Merci, Eurydice, pour ce lien vers l'excellent blog d'Arnaud ! Je me souviens effectivement d'avoir écrit ce commentaire que tu cites. Eh bien voilà, nous y sommes, je relis Marcel Aymé !

Écrit par : Katell | 04/01/2012

.. bon ben à mon tour maintenant de le relire.. ! et oui aussi pour la suite of course ;)

Écrit par : Nostalgic_Banshee | 05/01/2012

Cela dit, la vouivre n'est pas une légende 100 % franc-comtoise. En Bourgogne où j'habite, elle existe aussi. On a également la fée Mélusine, créature mi-femme mi-serpent d'eau. D'ailleurs, quand j'avais trois ans et que j'étais infernale, ma grand-mère paternelle, pour m'empêcher de plonger dans l'étang, me menaçait de la " Mère Lousine "...

Pour en revenir à la vouivre, j'ai trouvé un article intéressant sur le net dans " Terres éduennes ". Je le colle en partie ici bien qu'il soit un peu long (désolée) :

" Dans bon nombre de légendes françaises, la Vouivre ou Vivre désigne un animal fantastique, un grand serpent souterrain associé au monde des eaux. Il en existe de nombreuses variantes en Bourgogne, mais aussi en Franche-Comté, dans le Centre et en Suisse, c'est-à-dire dans les pays les plus anciennement et les plus profondément celtisés de la Gaule.
Le terme se trouve particulièrement en Bourgogne qui en concentre la plus grande part.
On a longtemps rattaché ce terme au latin vipera, la vipère, mais l'on sait aujourd'hui que Vouivre et ses équivalents remontent à un vocable celtique, wobera, lui-même issu d'une racine indo-européenne bher-, "ondoyer", "couler"...
Or, la mythologie celtique accorde une place tout à fait particulière au serpent, associé au monde chtonien (souterrain), à la terre féconde et nourricière, à ce bienfait du cosmos que représentent les eaux qui sillonnent les roches avant de jaillir et de permettre à la vie végétale et animale de s'épanouir.
De nombreux reliefs gallo-romains montrent des divinités associés à des êtres serpentiformes, dont la valeur, on l'aura compris, était bienfaitrice et protectrice. Les légendes sur la Vouivre/Vivre, spécifiques aux pays francophones de l'ancienne Gaule, sont de toute évidence un héritage de cette ancienne conception celtique du serpent, du sous-sol et de l'eau. "

Écrit par : Aska | 05/01/2012

Les commentaires sont fermés.