10/05/2012
Suite de l'interview parue dans MOJO
La pensée du jour : "Parfois on croit que l'on ne fait rien, ne produit rien... mais j'ai appris que c'est durant cette période que s'élabore ce qui va naître". Charles JULIET
Le rock'n'roll, comment l'avez-vous rencontré ?
Au début, j'ai rencontré les yéyés, qui traduisaient un peu ce qui se passait aux Etats-Unis. Un jour, à la fin des années 50, j'étais tout jeunot, on m'a prêté un 45 tours de Dalida, mais en fait à l'intérieur, il y avait un disque de John Lee Hooker. C'est là que j'ai découvert le "boom boom". Et ça m'a bien frappé ! Au début des années 60, on trouvait, en France, des disques "Festival Folk'n'blues", issus de festivals où se côtoyaient du folk, du blues et du country. Et puis il y a eu le Swinging London vers 65-66. J'étais comme tous les mecs de mon âge, à devenir cinglé des Stones, des Animals, Yardbirds ou Them que j'adorais particulièrement.
Quels ont été les plus grands chocs ? Dylan ?
J'ai surtout accroché au Dylan rock Highway 61 Revisited, puis Blonde On Blonde. Et puis il y a eu Aftermath, le chox absolu. En écoutant des trucs comme "Going Home", ej suis devenu fou; 1966, c'est ma grande année du rock, Blonde On Blonde, les débuts de Hendrix, ça tombait du ciel !
Vous en avez vu certains sur scène ?
J'étais en province, je n'avais pas d'argent. J'ai vu Antoine - avec Les Problèmes - qui était sans doute le plus proche de tous ces gens-là. Plus tard à Londres, j'ai vu des groupes formidables : Fairport Convention, Yes, Patto dont le chanteur est mort ensuite, et surtout Peter Green, qui m'a vraiment bien éclaté. Et en 70, je suis allé au festival de Wight, j'ai vu défiler les Doors, Jimi Hendrix, toute la bande-son de l'époque.
Ces auteurs rock'n'roll, comme Morrison ou Dylan, ont directement influencé votre écriture ?
C'étaient mes années lycée et malheureusement, j'étudiais l'allemand en première langue, donc on me traduisait des bouts de chansons et j'imaginais le reste. Je me suis d'ailleurs aperçu après que ce que j'imaginais n'était pas forcément très éloigné de la réalité. J'ai appréhendé le rock anglo-saxon de cette manière, ça me permettait de me barrer où je voulais, je n'étais pas obligé de suivre le texte comme en français. Cela devenait interactif, j'entendais un mec chanter et j'imaginais, je devenais le chanteur, en fait. Toutes ces sonorités du rock anglo-saxon m'ont apporté autant d'idées musicales que de textes.
L'autre grosse influence, c'est Léo Ferré...
Léo Ferré entre dans ma vie à la fin des années 60, avec son disque blanc, L'Eté 68. A Paris, j'étais un peu plus "riche", je pouvais aller aux concerts, j'avais plus d'opportunités. J'ai pu voir Léo, Barbara, Félix Leclerc et le Nougarou période Paris mai, qui était d'une puissance rare. A l'époque, on avait une émission de radio exceptionnelle, Campus, avec Michel Lancelot. Il y avait de la place pour tout ce qui était beau dans la musique : un peu de classique, du jazz, de la chanson française et tout le rock naissant. Le tout animé par un lancelot brillant, passionnant. Quand on rentrait dans nos chambres à la cité U, le soir, on se précipitait pour écouter Campus.
C'est en mixant le son rock à la poésie de Ferré que vous trouvez votre voie ?
C'est un moment où, pour moi, plein d'influences se bousculent ou se croisent. Donc, j'essaie de digérer tout ça. Concernant Ferré, l'influence est également très musicale : je suis un mélancolique et sa musique est d'une mélancolie inouïe, on trouve dans ses arrangements, souvents réalisés par Jean-Michel Defaye, des orchestrations déchirantes. J'adore cette période qui correspond à Amour Anarchie et Léo Ferré chante Verlaine et Rimbaud, une bénédiction qui nous a fait redécouvrir ces deux poètes. Je n'arrive plus à mettre la main sur mon album, d'ailleurs, et quand je vais chez les disquaires, ils ne l'ont jamais ! Le Léo de la fin des années 60 est ma plus grande influence, j'ai moins écouté le Ferré des débuts. A l'aube des seventies, je m'en imprègne d'autant plus que je vis à ce moment-là des choses dramatiques, comme le décès de ma mère et mon arrivée à Paris en zonard. D'ailleurs, pendant deux ans, mon écriture est un peu du sous-Léo.
09:35 | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Merci pour cette suite! Heureux d'apprendre qu'il adore Them!
Écrit par : Monsieur Müller | 10/05/2012
Merci beaucoup d'avoir mis la suite ! J'imagine comme ça doit être long à copier mais en tout cas, c'est passionnant à lire =)
Écrit par : Acetylleucine | 10/05/2012
Encore merci Katell.
Écrit par : alfana | 10/05/2012
Voici une partie bien intéressante, même si je ne suis pas très connaisseuse en musique des années 60 !
On notera le cadeau à faire à Hubert : l'album Verlaine-Rimbaud de Ferré que le pauvre ne trouve jamais chez les disquaires ;-) ...
Écrit par : Aska | 11/05/2012
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