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26/02/2017

Vampire en pyjama

"Si je me sors de tout ça, je deviendrai un autre homme. Je sens déjà la métamorphose opérer. Moi qui ai tant rêvé de chimères, géants, monstres amoureux et autres sirènes, me voici au combat pour un retour à la normalité". Mathias MALZIEU, Journal d'un vampire en pyjama.

Et aussi : "Pendant ce temps, le printemps vient se la péter sous ma fenêtre. Le soleil offre son décolleté de lumière derrière la vitre, je peux presque le caresser. Je veux être ébloui à m'en cramer la rétine".

 

L'écriture : une torche qui fend les ténèbres. La musique : un flambeau qui les fait crépiter nerveusement. Le skateboard : une planche de salut. L'amour : un soleil guilleret qui enflamme l'horizon, même quand ce dernier semble se rétrécir. Le dernier album de Dionysos, c'est tout cela, mais plus encore, j'y reviendrai. Pour qui ne connaît pas la récente histoire du chanteur de ce groupe : en 2013, il est subitement atteint d'une aplasie médullaire. Une sombre pathologie qui le met à plat, presque à terre, et le contraint à de nombreux séjours à l'hôpital, en chambre stérile la plupart du temps. Là, du fond de son lit, il se met à rêver à la vie toute simple. A ce qu'il appelle le "normal extraordinaire", celui qui est constitué de petites choses dont l'habitude nous fait trop souvent oublier la saveur : entrer dans une librairie et y fouiner des heures durant, à la recherche du miracle qui nous explosera à la bobine (le livre fait pour nous, le livre qui changera notre vie, etc.), partager un repas avec des amis ou sa famille. Tout cela, Mathias Malzieu en est privé pendant de longs mois.

Les douze premières chansons de l'album Vampire en pyjama (à écouter, peut-être, après avoir lu Journal d'un vampire en pyjama) racontent l'étrange "odyssée" à laquelle Mathias Malzieu fut contraint suite à l'annonce de sa maladie. On retrouve, dans ces douze titres, les thèmes déroulés dans le livre. On croise à nouveau l'effrayante Dame Oclès, qui vient régulièrement traîner ses guêtres dans les parages où suffoque notre petit vampire. Le tout est raconté subtilement, sans emphase et sans apitoiement. Les belles voix si singulières de Mathias Malzieu et d'Elisabet Maistre s'épousent merveilleusement, s'entrelacent, se renvoient des ascenseurs qui nous font grimper haut dans le ciel. La musique est enjouée, accompagnée bien souvent de sifflements qui lui font comme un écrin délicat. Le premier titre, intitulé Chanson d'été, nous offre d'abord la mélancolie des vers de Chanson d'automne, de Paul Verlaine. Puis, soudain, c'est comme une chevauchée exaltée dans un western : la pluvieuse mélancolie cède la place à une folle envie d'en découdre avec les obstacles. Et voilà que Mathias Malzieu se fait la promesse de revenir à l'été, "dans la peau d'un nouveau-né". Les vers de Paul Verlaine s'en vont dans la brume, il ne reste que l'éclat étincelant d'un été synonyme de renaissance. Ou de résurrection, qui sait ? Le ton est donné : ici, c'est le triomphe de la vie, elle va nous éblouir, et pas qu'un peu ! Compris, Dame Oclès ? Rhabille-toi et va faire voir ailleurs tes sombres guenilles et ta triste tronche d'Ankou qui se serait gouré de trottoir !

Grâce à une greffe de la moelle osseuse, Malzieu a pu renaître de ses sondes. Le voilà, encore un peu pâlichon, "revenant inversé" ayant triomphé de l'obscurité qui menaçait de l'aspirer tout entier, de le sucer jusqu'à la moelle. Il est là, toujours vivant, toujours debout sur un skateboard qui défie les ombres. Et nous ne pouvons que saluer le miracle de l'avoir devant nous.

La deuxième partie de l'album, totalement cachée à l'acheteur dans un premier temps (ce n'est qu'en laissant tourner le CD que l'on se rend compte qu'il recèle ces douze autres pépites), m'a séduite tout autant. Le choix de certaines chansons me semble répondre astucieusement à la première partie, lui faisant admirablement écho. Une reprise de Bowie, l'homme aux mille visages, une autre de Nirvana, moins électrique que la version originale, mais tout aussi envoûtante. Nirvana, le groupe éternel que la mort n'a pas réussi à déboulonner du paysage musical international. Une façon de nous dire que l'art rime avec déguisements en tous genres et quasi immortalité ? Ou qu'il arrime solidement à la vie ? Je divague un peu, pardon ! En tout cas, me voilà entrée dans l'univers de Dionysos, et je pense que je n'en ressortirai pas de sitôt ! Il me prend soudain l'envie démentielle, puérile peut-être, de traverser cette œuvre sur un skateboard lâché à toute berzingue ! Moi qui, pourtant, "ne sais pas conduire, pas même un cerf-volant", comme le chante Malzieu !!!

24/02/2017

"Souvenir, souvenir, que me veux-tu ?"

"Je n'aime pas ce que j'écris. Mais j'écris". Georges PERROS

 

Mes excuses, je déserte fortement ce blog en ce moment. Mais ce soir, j'ai envie de revenir pour partager quelque chose avec vous. Oh, pas grand-chose. Il ne s'agit pas d'une trouvaille qui ferait exploser le thiéfainomètre de la toile, juste d'un poème (bien naïf, j'en conviens) que j'écrivis en 1996. Ce soir, alors que je cherchais un tout autre texte dans un de mes vieux cahiers, je suis tombée sur ce poème et, même s'il est sans valeur aucune, il m'a profondément émue. La jeune femme âgée de 23 ans que j'étais alors avait déjà la thiéfainomanie chevillée au corps !

Voici donc ledit poème :

 

Samedi 14 décembre 1996. 17h30. En écoutant Thiéfaine... En regardant la nuit tomber...

 

Thiéfaine

 

Thiéfaine, ça s'écoute dans la pénombre

Quand les spectres sortent du royaume des ombres

Quand la vie nous laisse là, pantois,

Avec ces questions auxquelles elle ne répond pas

 

Thiéfaine, ça s'écoute dans une chambre obscure

Quand le sang s'échappe de nos blessures

Quand le silence insupportable meurtrit

Un cœur qui se tord de douleur et d'ennui

 

Thiéfaine, ça se savoure dans la solitude

Et quand j'ai besoin de reprendre ma latitude

C'est toujours Thiéfaine qui sait m'apaiser

Et me créer un monde loin de la réalité

 

Thiéfaine, ça s'écoute plutôt la nuit

Quand les étoiles rient de nos insomnies

Quand le ciel nous nargue de sa sérénité

Et nous laisse seul parmi des fantômes brisés

 

Thiéfaine, ça s'écoute quand tout dort

Seuls, alors, hurlent ses "vive la mort"

Thiéfaine, ça s'écoute dans les ténèbres

Quand la vie prend des accents funèbres

 

Thiéfaine, alligator de mes nuits solitaires

Borniol apaisant de mes errances en mer

Rimbaud du troisième millénaire

Compagnon d'infortune, mon soleil, mon frère...

 

Je sais, je n'ai honte de rien !! A la relecture de ce poème, je ne peux qu'abonder encore plus dans le sens de Georges Perros : "Je n'aime pas ce que j'écris. Mais j'écris" ! Je me rends compte aussi de l'influence de Baudelaire, que je lisais énormément à cette époque, et le vers de la fin me ramène étrangement à son "hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère" !

"Souvenir, souvenir, que me veux-tu ?", c'est la question que pose le titre de ce billet. Je crois que ce souvenir de 1996 veut me dire, simplement, que vingt-trois ans ou quarante-trois sur le paletot, même petite folie plantée dans le cœur !!!