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19/04/2019

A la lisère, le dernier album de Clarika

"Qu'il nous soit toujours donné de savoir reconnaître la beauté d'aujourd'hui". Julien GREEN

 

Connaissez-vous Clarika ? Je sais, on est loin de Thiéfaine. Encore que la belle quinquagénaire soit plus rock'n'roll qu'il n'y paraît ! On est parfois surpris en l'écoutant : ici, elle lâche un mot grivois auquel on ne s'attendait pas, là un aveu décapant qui ne peut que nous la rendre sympathique (« Je suis bad, j'suis qu'une buse, je déraille, telle une quiche en tenaille entre sa grande bêtise et son incompétence »). J'ai découvert cette chanteuse il y a plus de vingt ans. Elle venait de sortir alors un album intitulé ça s'peut pas, et la chanson éponyme était loin d'aller grattouiller des lieux communs : une femme s'adressait à son amoureux, lui disant qu'une fois arrivées droit sur elle l'arthrose et les morsures du temps, sans doute il ne l'aimerait plus (on trouve une très belle version de cette chanson sur YouTube, c'est un duo avec Bernard Lavilliers). Et puis il y avait ces petites ritournelles qui vous restaient dans les oreilles des heures durant, l'histoire d'un type bizarre qui mangeait des fleurs, ou encore celle d'un garçon certes bien fait de sa personne, mais dont la tête était tellement remplie d'air qu'on pouvait y faire de l'avion. Cela me plut d'emblée et je continuai à écouter la demoiselle. Qui devint une dame, en même temps que moi, à quelques années près. Toujours cet univers décalé, à part, proposant un patchwork étonnant : l'aveu d'une certaine fragilité, puis, deux chansons plus loin, tout le contraire, genre « t'vas voir ta gueule à la récré ». Des textes bien pensés, ciselés, une poésie toute de dentelle.

En 2014, Clarika nous livra un album peut-être encore plus personnel que les autres, De quoi faire battre mon cœur. Elle venait de se séparer de celui qui l'avait accompagnée durant vingt-cinq ans, dans la vie et dans son parcours artistique. Les chansons se firent plus graves, plus mélancoliques. L'album de la maturité, quoi, celle qui nous chope tous un jour ou l'autre et qui nous fait laisser quelques plumes dans l'affaire (d'où, peut-être, la pochette choisie par Clarika pour cet opus : on la voit se présentant un peu floue face à nous, un bouquet de plumes blanches au creux des mains).

Et là, en 2019, il y a quelques semaines, est sorti À la lisière, et c'est magnifique de la première chanson à la dernière, c'est surprenant encore, c'est vertigineux parfois. À la lisière d'on ne sait quoi (à nous de tricoter ce que l'on voudra autour de cette expression), il se passe des choses, un hiver s'en va, un printemps frémit, et le cœur palpite encore malgré les coups reçus. La chanson Venise fait intervenir une voix masculine pour répondre à celle de Clarika : il s'agit de celle de Pierre Lapointe, et c'est triste (mais c'est beau), c'est l'histoire d'un couple qui a fini par se perdre et qui ravale ses doux rêves de Sérénissime, en se disant que de toute façon, l'argent aurait manqué pour entreprendre un tel voyage. Il y a aussi une autre chanson sur les sentiments dont on ne peut ravoir à la machine « la blancheur qu'on croyait éternelle avant », comme dirait Souchon : cela s'appelle Le Désamour. Mais qu'on n'aille pas croire que Clarika se borne à évoquer des amours qui s'effilochent. Elle nous parle également d'une astronaute, du tableau La dentellière, d'un enfant fuyant avec ses parents un pays en guerre.

Et face à tout cela, vous savez quoi ? Eh bien, Clarika n'a même pas peur, même pas peur, et c'est d'ailleurs le titre de la deuxième chanson de l'album, dont on peut découvrir le clip un peu barge sur YouTube (tourné à Venise, comme c'est drôle !).

Et vous, c'est quoi, vos petites « infidélités » à Hubert ? Pour ma part, je les évoque ici régulièrement (Higelin, la Grande Sophie, Alex Beaupain, Charlélie Couture, Yves Jamait, Renaud, Arthur H et bien d'autres). Et puis il y a les plus "secrets" (ils sont nombreux), entre les chanteurs allemands, les Anglo-saxons, les Italiens ! Mais toujours je reviens à Hubert, en me disant que, rien à faire, son univers est celui qui me correspond le plus, qui parle la même langue que moi, qui me remet d'équerre !