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29/11/2019

Il y a presque une semaine, déjà : l'Olympia...

"Tu traînes dans mes nuits comme on traîne à la messe

quand on n'a plus la foi et qu'on ne le sait pas

quand on traîne à genoux aux pieds d'une prêtresse 

à résoudre une énigme qui n'existe pas". Hubert-Félix THIÉFAINE

 

 

Les Bretons ont pour habitude d'appeler novembre le mois noir. Quelque chose de cette tradition doit être passée dans mes veines car novembre est le mois que je déteste entre tous. Sauf quand il est, comme celui qui s'achève et celui de 2018, parsemé de petites pierres blanches. L'an dernier, je vivais, à peu près à la même époque, une odyssée HFT concentrée sur quatre soirs, formant un pont doré, entre un mercredi et un samedi. Et cette année, donc, l'Olympia.

Tentons de nous replonger dans l'ambiance de ce beau samedi que l'impitoyable marche du temps voudrait déjà reléguer aux oubliettes. L'écriture comme bouclier contre les assauts de ce « dieu fort inquiétant » qu'est Saturne...

Me voici donc, zonant dans l'après-midi aux alentours de la salle sise au numéro 28 du boulevard des Capucines. L'air de rien, j'observe la foule qui attend déjà de pied ferme. Cette fois, je ne vais pas m'y associer car j'ai une place assise. Entre nous soit dit : la connerie, ce truc ! Je le sais pourtant pour l'avoir expérimenté plusieurs fois : vivre un concert de Thiéfaine assis(e) et/ou de loin, c'est, à mes yeux, ne pas le vivre du tout. Mais le jour où j'ai acheté mon billet pour l'Olympia, il ne restait déjà plus aucune place dans la fosse. Prise de panique, je me suis jetée sur le premier machin qu'on me proposait, à savoir une place dans les gradins. Sur un strapontin, de surcroît. Strapontin : je n'y avais même pas fait attention. Bon sang, on dirait bien que mon étourderie me voue à claquer tôt ou tard vraiment connement, et sans avoir anticipé ! Bref... Le seul avantage qu'il y ait à être placé(e) ? Le fait de ne pas avoir à attendre dans le froid. Mais c'est bien le seul, vous verrez.

J'arrive donc, sur le mode de la flânerie, vers 20h20. Flânerie, flânerie : en apparence seulement. Car, intérieurement, j'ai déjà craqué, comme dans la chanson. C'est à croire que j'ai un lien de parenté avec le bardé de névroses de L'Agence ! En moi, l'effervescence est à son comble. Je m'installe sur mon foutu strapontin et les ennuis commencent. J'avise illico les proportions gargantuesques du monsieur qui est devant moi. Bon, à la réflexion, il n'était peut-être pas si grand que ça, mais l'énervement me fait faire d'une mouche un éléphant et d'un type de taille normale un géant incontournable. Je m'interroge : comment vais-je pouvoir éviter sa tête pendant le concert ? Je n'ai pas réellement le temps de cogiter, les lumières s'éteignent, l'intro retentit et me voilà partie pour 1968, en compagnie d'un séminariste à moto. Tout de même, je suis bien loin de la fosse, de cette braise incandescente que j'affectionne tout particulièrement. J'enrage. Un peu d'abord, puis beaucoup : deux personnes, arrivées en retard, m'obligent à détourner mon regard de la scène. Voilà qu'au moment où Hubert va dire « trois fois », j'ai la lumière de l'ouvreuse en pleine poire : les places qui étaient censées être occupées par les retardataires (tout près de moi, comme par hasard) sont déjà prises, et il faut déloger ceux qui ont posé leur séant là où ils n'avaient aucun droit de le faire. Je fulmine. Je soupire tellement fort que l'ouvreuse se sent obligée de s'excuser. Me voilà vénère, comme diraient mes filles.

Une fois les retardataires installés, je me dis : « Allez, ça va le faire. Tu es un peu loin du volcan, certes, mais cette tournée, tu l'as vue plus d'une fois, tu en connais tous les rouages et les secrets ». Méthode Coué : vouée à l'échec quand j'ai de toute façon une autre idée en tête. Le monsieur devant moi ne se contente pas d'être grand (je pense qu'il l'était quand même, un peu) : voilà qu'il brandit un portable destiné à filmer le concert. Je vais devenir maboule, la tête coincée dans un strapontin, et tous les sangs en ébullition. Je pense à ma fille aînée, qui a coutume de dire que même si je n'en ai pas l'air comme ça, au fond de moi, je suis une rageuse. Cela me donne des ailes. J'élabore une stratégie qui me permettra de m'approcher subrepticement (et subtilement si possible) de la marmite dansante où cela bout, où cela frit, où il fait bon être. Au préalable, dans la semaine qui vient de s'écouler, j'ai lu par le menu le règlement de l'Olympia. Je n'ai que cela à foutre avant une inspection ! En fait, j'avais déjà ma petite idée tordue : y aurait-il moyen de rejoindre la fosse ? Non, c'est strictement interdit, est-il stipulé dans ledit règlement. Me voilà cuite. Mais, tout de même, un étage en dessous, il y a des gens debout. Ils devaient sûrement avoir, au départ, des places assises. Il y a peut-être un espoir. Je passe plus de temps à les regarder qu'à fixer la scène. Tant pis, ce sera pour plus tard, quand je serai vraiment installée comme il se doit. Entre deux chansons, hop, je rassemble mes affaires, et je me tire. Me voilà debout, à l'étage qui surplombe la fosse, et je respire déjà un air plus vivifiant. Ah, comme j'ai eu raison d'écouter la rageuse en moi ! Comme j'ai eu raison de penser à ma fille qui me connaît si bien ! Je me mets à chanter sans retenue, et je peux enfin ouvrir tous les pores de ma peau aux si belles chansons de cette tournée. Toutes celles que j'aime y sont, ou presque. Comme beaucoup d'irréductibles, je réclame depuis près de vingt ans l'interpétation de Vendôme sur scène. Quelques jours avant l'Olympia, j'ai eu vent d'un truc : peut-être bien que nous allons avoir droit à LA chanson espérée depuis des lustres. J'en suis même sûre, car Facebook m'a bien eue sur ce coup-là, affichant en premier, dans le fil d'actualités, les dernières nouvelles concernant HFT, et notamment un certain concert à Montbéliard. Bon, j'avoue que j'aurais aimé que la surprise demeure intacte, absolument intouchée jusqu'au bout. Pour ne pas la bousiller tout à fait, cette surprise, je me suis interdit de regarder les vidéos qui circulaient sur Internet. Ah, ces outils technologiques : des flingueurs quand même... Bref, je sais donc que nous entendrons sûrement Vendôme, mais je ne sais ni à quel moment du concert, ni comment ce titre sera interprété. Et soudain, voilà que le joyau sort de son écrin : Hubert s'installe, seul avec sa guitare, sur le canapé qui se trouve sur scène. Des notes retentissent que je n'identifie pas. Et puis d'un coup, cette voix venue des profondeurs... « Tu traînes dans mes nuits comme on traîne à la messe quand on n'a plus la foi et qu'on ne le sait pas ». Cette chanson, j'ai dû l'écouter des milliards de fois. Elle me renverse. C'est, selon moi, une des plus belles du répertoire d'HFT. Et la voilà devant nous, offerte par l'artiste. Émouvant d'application sur ce coup-là. Je suis bouleversée car qui dit Vendôme en cette fin de tournée dit, en gros, « j'ai tenu compte de votre demande ». Je perçois ce cadeau comme une marque de respect et de reconnaissance envers le public. Pas vous ?

Et la soirée passe. Je suis toujours debout, entre deux eaux (gradins et fosse). Le public est beau : recueilli durant les morceaux tendres, et électrisé dès que ça bouge un peu. Sweet Amanite Phalloïde Queen déclenche la même avalanche de folie que partout où je l'ai entendue au cours de cette tournée. Franchement, y'a pas à dire : nous sommes un public d'enfer !

Au bout d'un moment, voyant ceux d'en bas en transe, je me dis que je ne suis toujours pas assez près du cœur qui palpite : je descends de quelques marches. Et j'aperçois quelqu'un qui me fait signe, quelqu'un que j'ai rencontré au concert de Verdun. Il y a un siège inoccupé à ses côtés, au balcon, pile au-dessus de la scène. C'est là que je finis la soirée, certaine d'avoir enfin trouvé la place qui me revenait de plein droit ! Non mais ! Nous ne restons pas longtemps assis. Et, d'ailleurs, toute la salle est debout, comme unie (ou communie) en une seule et même prière. Certains musiciens ne cachent pas leur émotion : à la fin d'Un automne à Tanger, j'ai vu Lucas refouler ses larmes. Plus tard, c'est Alice qui quittera la scène plein de sanglots. Ben ouais quoi, c'est une page qui se tourne, une de plus sous nos doigts inaptes à retenir les choses de cette vie...

La fille du coupeur de joints embrase le public. On voudrait que cette ritournelle n'en finisse jamais de verser son miel dans nos oreilles. Puisque c'est une balade qui pourrait tourner ad vitam aeternam, n'y aurait-il pas moyen, vraiment ? Je suis peut-être stupide, mais c'est ce moment précis que je choisis pour pleurer à chaudes larmes. C'est que, quand même, cette Fille, ce soir, signe la fin d'une sacrée aventure. Dans quelques instants, tout s'éteindra, et chacun repartira dans sa solitude.

Après nous avoir fait chanter Dernière station à tue-tête, Hubert nous salue et nous remercie chaleureusement. Il dit que le moteur de cette histoire qui dure depuis quarante ans, c'est nous, et l'on se sent tout chose soudainement. On se dit que c'est vrai, sans doute, chacun de nous a apporté sa petite pierre à l'édifice. Chacun est venu comme il était dans ce cirque un peu pervers, et il en est ressorti, à chaque fois, ragaillardi. On en redemanderait volontiers, mais l'heure n'est déjà plus aux rappels. Elle est aux adieux, elle est au cafard. Et merde, on finit toujours sur l'éternel quai de gare, c'est donc vrai.

17/11/2019

La tension monte...

"Chacun se tient en vie selon ses moyens". Anne PAULY

 

Bon ben, oui, clairement, la tension monte. Il y a comme une étincelle qui flotte dans les airs et qu'un rien suffirait à embraser. Tiens, je suis à peu près certaine que vous êtes comme moi et que le ou les concerts à venir (qui a la chance d'assister aux deux, d'ailleurs ?) vous mettent un peu, beaucoup, passionnément, dans tous vos états. De mon côté, j'ai encore du mal à y croire, et je m'efforce de chasser de mon esprit peu lumineux les scénarios catastrophe que j'excelle à échafauder. Je vous en livre quelques-uns : je vais tomber malade pile dans la nuit de vendredi à samedi (je me bourre de vitamines C, de probiotiques, d'oranges pressées : prière de ne pas rire) ; samedi matin, il y aura une telle couche de neige ou de verglas sur le sol lorrain que je ne pourrai pas rejoindre la gare de Metz (la météo annonce un redoux pluvieux, mais peut-on croire les prévisions ?) ; la SNCF va se mettre en grève à partir de jeudi et condamner tous les trains Metz-Paris pour au moins une semaine (j'ai calculé : je pourrai toujours prendre ma voiture, sauf en cas de neige ou de verglas. En partant aux aurores, c'est jouable, mais une bonne partie du beau programme prévu avant le concert tombe à l'eau. Zut, alors qu'il est si alléchant ! Et pour peu que les gilets jaunes s'en mêlent, je suis condamnée à errer sempiternellement, la mort dans l'âme, sur quelque cauchemardesque rond-point de province). Que montrent ces trouilles inopinées que la raison déserte ? Que je suis une fan un peu cloche ? Peut-être. Dans ce cas, j'assume pleinement, parce que je considère que sans passion, la vie serait une erreur. Pour en revenir à cette notion de fan pathétique : tout dépend de quel point de vue on se place. De même qu'on est toujours le con ou le vieux de quelqu'un, on est sûrement toujours le pathétique de quelqu'un, celui dont les marottes demeurent incompréhensibles aux yeux de bien d'autres. Et alors, où est le problème ? Personnellement, je ne vois pas pourquoi une existence serait plus pathétique ou moins pathétique qu'une autre. Ne le sont-elles pas toutes au bout du compte ? N'est-ce pas un peu cela que nous dit Hubert dans bon nombre de ses chansons ? Tenez, prenez Errer humanum est, par exemple. Ces foutues errances qui nous trimbalent d'un point de la planète à l'autre et qui finissent par nous aplatir comme « de vieilles pizzas lâchées d'un soyouz en détresse », ne sont-elles pas une somptueuse, mais triste, ô combien triste métaphore de nos vies, toutes vouées au pathétique ? Il me semble que l'on peut faire une lecture quasi métaphysique de bien des chansons d'Hubert. Je ne dis pas que j'ai raison, je crois d'ailleurs que la grande chance que nous donne cette œuvre, c'est de ne jamais s'offrir d'un seul bloc immuable, avec tous les codes fournis de surcroît. Non, c'est bien plus complexe que cela. Des codes, il n'y en a pas. Des interprétations possibles : une pléthore. Chacun se fera la sienne en fonction de son vécu, de son histoire, de sa sensibilité. D'autres passeront leur chemin en disant que c'est trop sombre pour eux, trop labyrinthique, trop délirant. Et on ne leur en voudra pas, j'espère, parce que cette œuvre, entre mille autres choses, nous aura appris, j'espère encore, la tolérance. Bref...

 

Depuis quelques jours, j'ai fermé tous les accès à Facebook. Dans la mesure du possible, car chassez ce machin-là, il revient au galop, et j'ai quand même laissé venir à moi, à propos de l'Olympia, une ou deux infos que j'aurais aimé ne pas connaître au préalable. Préservez-vous bien, les amis, jusqu'à vendredi ou samedi, car à mon avis les surprises qu'Hubert nous réserve méritent de rester dans leurs limbes fantomatiques jusqu'au bouquet final. Elles vont décoiffer, je crois ! Bon, normalement, si tout va bien, si aucun obstacle ne se met en travers de ma route d'ici là : à samedi ! Et à ceux qui ne seront pas de la fête, je promets (si tout va bien, si aucun obstacle, etc.) un compte rendu aussi pointilleux que possible.