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10/10/2021

Géographie du vide : quelques impressions après d'intenses écoutes !

"On redevient toujours l'ombre qui sonne le glas

le trou noir qui dévore son étoile en faillite". Hubert-Félix THIÉFAINE

 

C'est la saison des chrysanthèmes et des « froides ténèbres ». La saison qui nous ramène à l'insondable silence qui entoure le marbre des tombes. Pas un mal qu'un nouvel album d'HFT nous arrive, telle une météorite, dans cette désolation.

Rembobinons le fil. Nous sommes le vendredi 8 octobre, c'est le jour tant attendu. Il est six heures du matin. Je découvre que l'intégralité de Géographie du vide est disponible sur YouTube. C'est plus fort que moi, je clique sur un morceau, puis deux, puis trois. D'abord Nuits blanches. Première impression : légèrement mitigée. J'adopte d'emblée le texte, mais la musique me semble en dissonance avec les mots que j'entends. Je suis déroutée. Pas grave, on verra plus tard. Je mets de côté. Je réserve, comme on dit en cuisine. Je clique sur L'idiot qu'on a toujours été. Des sons électro envahissent ma salle de bain. Là encore, je trouve les paroles gigantesques (je retiens « l'angle mort de mes saisons futures », « un vieux cadran fossile mesure le temps perdu »), « des visages austères qui ne reviendront plus »), mais la musique est loin de me convaincre. Allez, je réserve pour plus tard. Déjà deux chansons et je sens que ce nouvel album ne va pas s'offrir d'emblée, comme ça, à mon adhésion, qu'il va falloir escalader un peu pour en pénétrer (si tant est que cela soit possible) l'essence. Allez, cliquons sur un troisième morceau. Combien de jours encore. Alors là, c'est soudain le silence qui s'impose. Le CHOC. Pareil à ceux qui me vinrent, en d'autres temps, à la première écoute de Mathématiques souterraines, Autoroutes jeudi d'automne, Annihilation, et j'en passe parce qu'une liste exhaustive serait trop longue. Je sens que Combien de jours encore est la chanson élue parmi toutes les autres. Pour moi, en tout cas. Là, je ne réserve pas, je m'enivre, et à donf. Je n'écoute que cela sur la route sinueuse qui me mène au boulot. Dans ma salle de classe encore vide de tout élève, alors que j'allume l'ordinateur, j'écoute encore cette chanson. J'en suis fracassée. Carrément. Elle me parle, bien sûr, du temps qu'il reste à vivre et de l'horizon qui se rétrécit, mais aussi de tous ceux-là pour qui le temps s'est arrêté, pour qui le seul horizon possible est désormais la mémoire des vivants. Je pense à mon père, je pense à ma mère. Oui, il faut bien l'avouer, quand un artiste nous offre son œuvre, elle lui échappe. Une fois passée de notre côté, elle devient ce que notre vécu veut bien en faire, ce que notre imagination en saisit, ce que notre inconscient y lit !

Bon, il faut bien gagner sa vie, disait mon père, et c'est donc ce que je m'emploie à faire en ce vendredi qui devrait être férié pour tous ceux de la planète Thiéfaine. Mais bon, faut pas rêver avec les stakhanos qui nous gouvernent, tonitruants banquiers pour qui la poésie est un genre de peste bubonique qu'il convient d'endiguer... Alors j'accomplis en bon soldat les gestes quotidiens, je sais que dans quelques heures je débarquerai sur un autre astre, loin de toute contrainte.

11h30 : je rentre chez moi. J'ouvre le bel objet, fiévreusement. Comme il est beau, ce buste tout rapiécé ! Dans les morceaux recollés, je lis des cicatrices et des fêlures. Mais aussi la farouche volonté d'en découdre avec elles. Genre Phénix qui se serait réinventé sans même s'en apercevoir, après avoir fait voler son image en éclats.

L'album tourne dans la chaîne. Je suis déroutée, encore une fois. Mais je sens que c'est un mal pour un bien. Me voilà face à une œuvre inattendue, d'une extrême audace, pas une fille facile. Je tombe illico sous le charme de Vers la folie, dont je trouve l'ambiance et le thème flippants, caractéristiques souvent croisées dans l'univers d'HFT et qui ne sont pas pour me déplaire. Reykjavik prend tout de suite, dans mon esprit, des allures d'Automne à Tanger. Lui ou je, c'est du pareil au même pour dire l'étrangeté d'être ici plutôt que là. J'ai l'impression qu'un pont unit ces deux chansons, ne me demandez pas trop pourquoi. Sans doute parce que je sens que celui qui s'exprime ici est en butte à une anormalité qui le tient à l'écart de tout ce qui l'entoure.

Autre pont, peut-être complètement injustifié : Prière pour Ba'al Azabab me rappelle les accents loufoques de L'Agence des amants de madame Müller. On dirait que celui qui gueulait « je ne suis pas le mari de madame Müller » est revenu pour nous chanter avec délices les orgies maléfiques qui le piègent dans leurs filets. Et comme j'aime cette prière inversée : « Ne me délivrez pas du mal » ! C'est l'anachorète d'Exercice de simple provocation qui serait redevenu cénobite, ou quoi ?!

Voilà pour les premières impressions. Nous sommes toujours vendredi 8 octobre et je dois aller chercher ma fille aînée à l'internat. Je me mets en route un peu plus tôt qu'il ne faudrait, histoire de pouvoir aller faire mon traditionnel petit tour à la FNAC. Au rayon musique française, c'est l'album d'Hubert qui m'accueille. Il est en bonne place, à l'entrée dudit rayon. Mais aucune affiche ne surplombe les différents produits présents ici : coffrets, vinyles, CD. Je m'en étonne auprès d'un des employés du magasin. Il est lui-même étonné : il n'a rien reçu, aucune affiche. Il me dit de repasser dans quelques jours, on ne sait jamais. Ce que je compte faire, évidemment !

Bref... Et nous voilà dimanche. De nombreuses écoutes de Géographie du vide m'ont permis d'apprivoiser cet album. Plus encore : elles m'ont permis de l'adopter, totalement. Je suis scotchée par la hardiesse de l'ensemble. Ce n'est pas qu'Hubert ait souhaité rompre avec le rock, c'est plutôt, je crois, qu'il a souhaité tâter de tout à fait autre chose. Se réinventer. Au début, le truc me semblait bancal et les musiques pas vraiment adaptées au propos. Je retire ce que j'ai dit et pensé. C'est finalement une superbe orfèvrerie. À l'heure qu'il est, seule la musique de L'idiot qu'on a toujours été me reste encore impénétrable. Mais je réserve pour d'autres ivresses, que je crois possibles !

Tout le reste m'a conquise. Hubert-Félix Thiéfaine, 73 ans, et une féroce insoumission pour tout bagage. Avec Géographie du vide, on a droit à ce qu'on n'attendait pas. On prend ou on laisse, c'est selon. Moi je prends. À pleines mains !

Commentaires

Et pardon pour les chansons pas citées ci-dessus, et que j'aime pourtant : Du soleil dans ma rue, Page noire, Fotheringhay 1587, La fin du roman, Eux (encore une chanson sur l'étrangeté, la marge ?), Elle danse. Leur tour viendra, promis !

Écrit par : Katell | 10/10/2021

@ ... :

.../...

, ...

Écrit par : Doc & J.P mais pas pépé | 10/10/2021

@ glas et gland

Je ne sonne le glas que pour moi et ce depuis 1989, toutefois il n'est il n'est pas encore né le cochon qui me mangera !

;-) à Françoise

https://www.thiefaine.com/livre-dor/le-doc/

, ...

Écrit par : Doc & J.P mais pas pépé | 10/10/2021

L'Océan se trouve toujours au bout :-)

https://thiefaine.com/livre-dor/

, ...

Écrit par : Docky | 10/10/2021

.../...

Écrit par : Doc & J.P mais pas pépé | 11/10/2021

Ahhhh…
Je me prends à rêver d'un 19eme album entièrement co-écrit Thiéfaine/Mélies…
Quelle osmose !
Allez Hubert, tu peux le faire ! A l'arrache…Façon Alambic Sortie Sud !

Combien de jours encore…Mmmmm…
Dans la lignée, également, d' En remontant le fleuve.

Bien content aussi, sur Eux, de retrouver les Cure :-)

Tu as raison, Katell, certains titres demandent un peu de temps.
Quand seront-t-ils dans une vingtaine (?) d'années ?

En tout cas, hâte d'entendre certains titres arrangés façon Live…

Salutations numériques !

PS : Bon, va falloir que je me le procure ce Laurel Canyon !

Écrit par : Seb | 11/10/2021

Qu'en (seront ils...).
C'est le réveil...

Écrit par : Seb | 11/10/2021

Bien heureuse que cela te plaise finalement Katell !
Sur les groupes FB je lis moult réactions, mais je constate que partout Combien de temps encore est plébiscité. Cela me fait immensément plaisir car la musique a été composée, comme celle de Page Noire, par Arman Méliès, qui est une de mes belles découvertes récentes. Alors quand deux talents se rejoignent dans un morceau aussi beau et aussi apprécié, c'est "que du bonheur".
J'aime aussi beaucoup Vers la folie qui est à la fois simple et puissant, et terriblement moderne dans le chant, je trouve que là HFT se réinvente vraiment.
J'adore aussi Reykjavik.
J'ai éprouvé quelques difficultés avec la musique de L'idiot..., que je trouve trop chargée, trop complexe, alors que le texte est génial, un de ses plus grands textes.

Écrit par : delphine | 11/10/2021

@Seb
Pourrais-tu m'éclairer sur le lien entre Cure et Eux ? je ne connais pas du tout les Cure (honte à moi je sais je sais) donc.... help ;)

Écrit par : delphine | 11/10/2021

Salut Delphine

C'est juste que la batterie et l'effet sur la guitare (flanger) est très marquée New Wave.

Ce qui est très bien d'ailleurs !

Je double-valide ton commentaire concernant Mélies (et aussi sur l'Idiot...) !!!

Salutations numériques

Écrit par : Seb | 11/10/2021

@ ... :

... The Cure ou mon groupe préféré, une autre aventure vécue avec ma fille qui a rejoins mon peloton de tête !

... Je ne parle pas l'anglais ou ' l'essentiel ' car ce qui m'intéresse est à l'image de l'œuvre d'Hubert, ce qui m'intéresse est l'humain qui se dissimule derrière le langage.

, à bas les masques et osez le réel !


, ...

Écrit par : le Doc. et Môa | 11/10/2021

Coucou tout le monde ! Une interview extrêmement intéressante :
https://diacritik.com/2021/10/08/hubert-felix-thiefaine-lentretien/

Écrit par : Katell | 11/10/2021

Merci Katell

Très bonne ITW qui change des re-dites.
Journaliste High-Level !

Ah, Tangerine Dream...

Intéressant aussi, "Du soleil dans ma rue". Je pensais HFT plus "déconnecté" (...).

Bon, sinon, vraiment "Combien de jours encore" me torpille... J'en suis à genou, du sang et de la bave aux lèvres...

Salutations numériques !

Écrit par : Seb | 12/10/2021

@ Seb : effectivement mais attention car toutefois !

@ ... :

Pour moi 2 mots se détache de cet ITW dont l'un est un prénom : Hugo** et STORYTELLING ! ( ou les histoires dans l'histoire* .. )

** qui se sert de ses études en - philosophie des sciences - et s'en sert pour le marketing d'HFT ou son père :-) & qui préfigurait déjà depuis à minima 2011 ..

* celle qui m'intéresse à l'image de l'hystérie de conversion ..

Serviteur,

P. -S : je vais aller voir l'ancrage de mon voilier nommé ' Désir ' en hommage à HENRI LABORIT ..

, ...

Écrit par : le Doc. & Jean-Pierre Zéni | 12/10/2021

Le clip de La fin du roman à visionner dès demain 12h sur le site d’Hubert…

Écrit par : Bételgeuse | 12/10/2021

Mon ami Ivan Stoetzel a fait un reportage sur Denis LAVANT !

, Denis que voici côté face :

https://thiefaine.com/livre-dor/

, ...

Écrit par : le Doc. & Jean-Pierre Zéni | 12/10/2021

Les Cure, j'adore aussi ! J'écoutais beaucoup quand j'étais jeune et je devrais m'y remettre, tiens ! Cette foutue prédilection que j'ai pour la chanson française (et même allemande, désolée !!!)... Je n'ai pas perçu tous les parallèles que tu fais apparaître, Seb, il faut dire que ma culture musicale est limitée. Je compte bien me rattraper un jour, mais quand ?!!
Moi aussi, je suis dans un drôle d'état quand j'écoute Combien de jours encore. Je pense que nous ne sommes pas les seuls !
Oui, Bételgeuse, clip à voir demain ! Cela tombe presque le jour de mon anniversaire, je me sens choyée !!!
Très bonne émission à voir sur RTBF : "Hep taxi".

Écrit par : Katell | 13/10/2021

Seb : ça y est, je vois le lien avec les Cure, je suis en train d'écouter "Eux", et cela me saute aux oreilles, grâce à toi !

Écrit par : Katell | 13/10/2021

Il y a bien longtemps que je n’avais écrit dans ce blog, ce n’est pas faute de le visiter régulièrement. Toujours difficile de trouver les mots pour exprimer les émotions provoquées par l’œuvre de Thiefaine, il me faudrait être entièrement disponible. Mais aujourd’hui je ne peux résister à partager cette découverte, ou plutôt initiation, à la Géographie du vide.
La musique m’a d’abord déroutée, puis j’ai entendu Combien de jours encore qui m’a emportée immédiatement avec sa mélodie envoutante, ce texte grandiose, puis j’ai été fascinée par Reykjavik et son ambiance onirique, sa « parade étrange d’allégories sans voix », et peu à peu je me suis imprégnée de tout cet univers. L’idiot qu’on a toujours été continue à me déconcerter (je trouve certains passages très beaux, mais j’ai parfois l’impression que la musique n’est pas en phase avec le texte), je me suis dit que c’était sans doute une note ironique qui m’échappait encore ; la fresque musicale évoquée par Katell, c’est tout à fait ça, avec quelques facéties au passage. Et moi aussi j’ai tout de suite pensé à Ferré quand j’ai entendu « la musique c’est la mort…. ». (Je cogite encore sur « les mots sont des trous sanglants dans le silence »).
Et dans nuits blanches les sonorités me rappellent le Genesis des années 70 qui a bercé mon adolescence, en particulier le solo de claviers à la fin (d’ailleurs j’ai lu quelque part que l’enregistrement de l‘album devait initialement se faire dans les studios de Peter Gabriel…). Et maintenant je perçois aussi les accents Cure dans Eux.
Alors je me demande si on n’est pas aussi en train de voyager dans l’espace temps musical.
Passé le téléscopage musical, c’est la beauté des mots, la richesse des textes qui m’a subjuguée, j’y vois de multiples lectures, des références qui s’entrechoquent. C’est tellement dense qu’il me faudra beaucoup plus de temps pour en parler.
Et en effet vous n’êtes pas les seuls à vous trouver dans un drôle d’état à l’écoute de Combien de jours encore…
Et là je dois retourner à des activités plus triviales auxquelles je n’ai pas encore réussi à m’échapper. Il faudra « réapprendre à devenir fou ».
A bientôt j’espère !

Écrit par : Sylvia | 15/10/2021

Sylvia, je suis très heureuse de te retrouver sur ce blog. Merci d'avoir fui quelques instants tes triviales activités pour venir déposer ici tes impressions, que je partage totalement. Cet album mérite de faire couler beaucoup d'encre, il explore l'inexploré, il va loin, très loin dans l'audace !

Écrit par : Katell | 17/10/2021

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