Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/10/2021

De l'audace avant toute chose !

« Sans prendre de risques, on est dans une situation un peu bourgeoise, on devient « Les Assis » de Rimbaud. Ça m'intéresse d'aller là où j'ai envie et non pas là où on me souhaite ». Hubert-Félix THIÉFAINE (extrait d'une interview donnée à L'Est Républicain).

 

Au début de mon précédent billet, je revenais sur ma rencontre avec l'œuvre de Thiéfaine. Je disais l'émerveillement qui fut le mien alors, mais aussi l'étonnement. Jamais je n'avais rien entendu de tel. Il y avait là tout ce que j'avais toujours souhaité entendre sans jamais oser le demander, certaine que cela n'existait pas. Des musiques frôlant parfois l'ivresse (je pense notamment à celles d'Alambic/sortie-Sud). Des paroles flirtant avec le surréalisme (« j'étais beau comme un passage à niveau » n'étant qu'un exemple que je choisis parmi tant d'autres possibles !). Une ironie grinçante pouvant aller, si ça lui chantait, jusqu'au glaçant. Des pochettes un tantinet flippantes. À quelques semaines de mes 19 ans, j'adoptai d'une seule pièce cette galaxie totalement foutraque qui se faisait volontiers le refuge des bancroches et des estropiés. Des dingues et des paumés, quoi. Mes amis, pour la plupart, me regardaient bizarrement quand j'évoquais Thiéfaine. Ils trouvaient que son univers était glauque. Je ne partageais mon incandescente passion qu'avec de rares initiés. HFT, c'était comme une substance illicite qu'on se refilait sous le manteau, dans une arrière-cour obscure.

Si je tente d'analyser les choses avec le recul que devraient pouvoir m'offrir 29 ans de fouilles menées sans relâche dans une œuvre complexe et multiple, je peux dire que ce qui me happa d'emblée, c'est l'audace absolue qui la caractérisait. Du jamais entendu nulle part ailleurs, comme je l'écrivais plus haut. Du vertigineux qui me retournait l'âme, me la mettait sens dessus dessous tout en me l'apaisant !

Nous étions en septembre 1992. Thiéfaine avait déjà, dans les différents albums qu'il avait commis jusque là, montré la multitude de cordes dont il savait orner son arc. Des ruptures me sautaient aux yeux. Dernières balises avant mutation n'était pas De l'amour, de l'art ou du cochon. Chroniques bluesymentales ne ressemblait pas vraiment à Soleil cherche futur. Pourtant, dans ce dédale fait de zigzags et de virages, je percevais une réelle cohérence. Incontestablement, c'était le même artiste qui s'exprimait d'album en album. Cela ne faisait aucun doute pour moi qui découvrais tout simultanément, L'Agence des amants de madame Müller en même temps que Nyctalopus Airline. Je comprenais qu'entre les deux, le chanteur avait parcouru du chemin. Qu'il s'était renouvelé tout en restant lui-même.

8 octobre 2021. Presque trois décennies ont passé sur l'enchantement originel, sans jamais parvenir à lui coller une seule ride. Pas même un cheveu blanc. Que faut-il retenir de ce nouvel opus (nyctal-opus !!) qui en a déconcerté plus d'un, que ce soit parmi les fans de la première heure ou les récemment atterris sur la galaxie dont je parlais dans un autre paragraphe ? Eh bien, je dirais qu'il faut en retenir, une fois encore, la belle impertinence. Avec Hubert, ce n'est pas « on prend les mêmes et on recommence » ! Décliner indéfiniment Alambic/sortie-Sud et arpenter jusqu'à l'épuisement des territoires déjà explorés, très peu pour lui. Cela ne lui dit rien qui vaille de se tenir assis bien droit, comme dans le poème de Rimbaud. Assis veut dire immobile et frileux. Fonctionnaire, en somme, dans tout ce que cela a de pas très palpitant. Non, à 73 ans, Thiéfaine a choisi de troquer le fauteuil moelleux contre un sous-marin en folie ! Cap sur des profondeurs laissées vierges jusqu'à présent. Expédition dans les abysses, à des lieues de ce qu'il a déjà fait. Cela peut paraître inconfortable, voire incompréhensible, à certains. C'est qu'Hubert ne nous emmènera jamais que là où il a décidé d'aller lui-même. On suit ou on ne suit pas. Bon, ben moi je suis. Ce n'est pas que je sois le bon toutou à son maîmaître, mais il se trouve que cet album, je l'adore, du début à la fin, et que je n'ai pas eu à me forcer. En l'écoutant dans son ensemble, j'y ai perçu la même cohérence que celle que j'évoquais plus haut. Une grande liberté de ton aussi. J'adore que Géographie du vide s'ouvre sur Du soleil dans ma rue. Avec le premier vers, tu te crois rendu aux abords d'un été rougeoyant et tu te réjouis, toi qu'enchantent les canicules. Sauf que le deuxième vers te renverse, tel un couperet : Ok, du soleil, « mais je ne sais pas quoi en faire ». N'est-ce pas là un excellent résumé de l'œuvre tout entière ? Avec le premier vers, on a frôlé l'optimisme. Que c'en était même inquiétant ! Hubert ne nous a pas habitués à ça. Avec le deuxième vers, Hubert redevient Hubert. Faudrait tout de même pas aller croire qu'un miracle nous l'aurait réconcilié avec les « conneries de barbecues » ! Du soleil dans ma rue, c'est la chanson qui dit l'incompatibilité d'humeur entre HFT et la lumière. Tout l'album est un festival de choses inattendues. Jusqu'à la dernière chanson, Elle danse, dont le chanteur a dit qu'elle était un peu sa Madame Bovary. C'est-à-dire que sans doute, elle parle de lui, avec la pudeur que permet l'emploi du pronom personnel féminin, sorte de voile jeté sur la douleur. D'accord, il y a incompatibilité d'humeur entre lui et la lumière, mais cela ne l'a jamais empêché de danser. Peut-être même que c'est cela qui l'a fait danser. Genre sagesse tirée de Sénèque (« La vie, ce n'est pas d'attendre que l'orage passe, c'est d'apprendre à danser sous la pluie »).

Géographie du vide ou l'art de ne pas être là où on était attendu. L'art d'envoyer des pieds-de-nez, quand ce ne sont pas des doigts d'honneur, au déjà-vu. L'art de lui dire « je t'emmerde », mais avec une somptueuse élégance. Géographie du vide ou l'audace poussée à l'extrême (et notre chanteur a 73 ans, je le répète !).

Septembre 1992, octobre 2021 : à presque trente ans de distance, le même uppercut envoyé dans la face. Et vous savez quoi ? Je tendrais bien l'autre joue, manière de dire que j'en redemande !

Commentaires

Bravo et Merci , Cath , pour cet excellent billet qui exprime tout mon ressenti !

Bravo et Respect à Hubert pour son immense Liberté d'être , jusqu'à la prise de risques de perdre certains anciens de son public ...
" Elle danse ", une chanson que j'adore, à l'instar de Lorelei, de la môme kaléidoscope qui sont un peu lui , comme il l'a avoué, il y a des années, en itv ... ;

Écrit par : brigitte | 17/10/2021

merci katell..
j'ai eu honte de thiefaine la premiere fois de ma vie, en covoiturage j'ai enlevé la clé usb de géographie du vide ( que je n'ai pas acheté car c'est de la daube pour ma part)
j'ai beau me forcer, quelques titres (2) me font encore genre ben wouai quoi mais moi je m'emmerde à les écouter..
peut etre que je les écoute d'une autre façon, moi ça me prend au trippes ou je zappe..c'est comme les pizzas aux anchois avec olives ou sans..
vivement le grand rex en espérant te faire un gros chek ...

Écrit par : le fan | 17/10/2021

Katell, je partage ton ressenti. Cet album , je le kiffe du début à la fin aussi. Sûrement son album le plus risqué et le plus déroutant, un peu comme dernières balises en 1981 et défloration 13 en 2001. Oui, Hubert nous déroute tous les vingt ans. Vivement 2041.
C'est sûr, cet opus est difficile d'accès et nécessite de nombreuses écoutes pour en percevoir la finesse et la qualité musicale.
Le changement radical , c'est la musique souvent le point faible de plusieurs albums. Ici, le travail de son fils à la réalisation est essentiel. Les variantes instrumentales, l'audace musicale et les changements de rythme (Prière , l'idiot), les références new wave ( Cure et New Order), me séduisent. C'était déjà le cas sur le précédent album mais sur celui-ci , on sent bien que le fiston a pris les rênes que son père lui a intelligemment laissées.
Et les textes, on en parle. De page noire à combien de jours encore, Hubert est à son sommet.
Tant mieux pour nous . 1981-2021- Toujours séduit.

Écrit par : rené force4 | 17/10/2021

@ rené force4 :

Superbe commentaire que le tien, non pas que j'y adhère tel quel, ou plus précisément ce qui suit pour préciser ce que je ressens :

J'ai :

1/ le même pathos structurel que l'Artiste ( dixit. Hubert de vive voix ) , de fait Hubert vit que je vis et je sais à minima en ce qui concerne les résultats qu'elle produit, résultats communs à toutes les personnes ayant cette structure dans sa forme la plus aiguë.

2/ nous avons 1 an d'écart, Hubert étant l'ainé.

3/ je connais très bien Lucas. [ ;-) à toi Delphine ]

De fait, à l'image de la chanson - Petit Matin 4.10 Heure D'été - je connais à minima une personne qui est entrée en résonnance avec cette chanson lors de sa sortie et peut-être un peu plus en ce moment, d'ailleurs il me faut lui téléphoner à ce propos.

Cette chanson s'intercale entre Scandale mélancolique (2005) et Stratégie de l'inespoir (2014) , entre les 2 il y a la T.S d'Hubert en 2008 ' résultat ' entre autres de l'intermède Amicalement Blues.

Je pourrais faire un état des lieux en ce qui concerne Hubert, ce que je ferais via ce nouvel album si je le voulais mais je ne le veux pas !

Le 8 octobre j'ai qualifié cet album à sa 1ère écoute [ Delphine je t'ai menti : il me fallait l'écouter :-) ] :

-----> # d'état des lieux d'Hubert et + # , ou de véritable 17ème album d'HFT ( le fou a chanté dix sept fois .. )

P. -S : je dois faire 44 dates sur 45 en 2022 et 15 dates sur 15 dates en 2023 ( dates annoncées .. ) , toutefois ..

, ...

Écrit par : le Doc. & Jean-Pierre Zéni | 18/10/2021

Cath. je te cite ton EXERGUE :

« Sans prendre de risques, on est dans une situation un peu bourgeoise, on devient « Les Assis » de Rimbaud. Ça m'intéresse d'aller là où j'ai envie et non pas là où on me souhaite ». Hubert-Félix THIÉFAINE (extrait d'une interview donnée à L'Est Républicain).

C'EST BEAU ! MAIS ...

, ...

Écrit par : le Doc. & Jean-Pierre Zéni | 18/10/2021

Salut tout le monde, salut lefan !

Pas mal quand même le co-voiturage sous HFT !!
J'imagine quand même certains flottement selon les paroles et les passagers (de toutes façons, ils n'ont pas le choix : Portières sécurité enfants et 160 au compteurs ! Allez, tous en choeurs !!).

Bon, c'est vrai que si tu n'avais jamais écouté l'album, j'imagine l'embardée que tu as du faire en arrachant la clef USB en hurlant (regards inquiets des passagers…).

Allez, remets du scoth sur la clef et laisse du temps au temps… (mais je comprends aussi ta position : coup de cœur immédiat ou pas...).

En tout cas, je constate une chose (pour toi et PK -? ou quelqu'un d'autre ?), c'est que cela n'entame pas votre envie de concert. On essayera de se faire un check aussi au Grand Rex (tu me reconnaitras, je porterai mon éternel masque chirugical - à cran d'arrêt).

Bon, sinon, j'en profite pour vous mettre, en lien, les références du prochain ouvrage collectif à paraitre, le 1er novembre, chez RKI. Pas trouvé ou le commander aussi, avec le code ISBN, votre libraire favori pourra s'en charger.

Merci Jean-Christophe (Grizzly) !

https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/annonces.html?id_declaration=10000000720912&titre_livre=THI%C3%89FAINE_CHRIST_ROCK

Salutations numériques !

Écrit par : Seb | 20/10/2021

Désolé des fautes d'accords et autres : J'émerge....

Écrit par : Seb | 20/10/2021

"Du vertigineux qui me retournait l'âme, me la mettait sens dessus dessous tout en me l'apaisant !"
...oui Katell, ce sont les termes exacts (selon moi)....

Écrit par : delphine | 20/10/2021

@ Le Doc
Tu mens mal ;)

Écrit par : delphine | 20/10/2021

Tu l'as reçu ton album, Delphine ??
Le colis a franchi les Alpes :-)

Écrit par : Seb | 20/10/2021

@Seb
Ouiii ! je l'ai reçu samedi 16. Et depuis, le CD n'est pas sorti de ma petite chaîne stéréo, qui a un bon son quand même.
On apprécie bien mieux la musique, les détails des arrangements. Et pour Noël je vais demander une platine au Père Noël (je ne crois plus en lui mais il ne le sait pas !).

Écrit par : delphine | 20/10/2021

Et surtout, le plaisir de tenir l'objet (livret, etc...).
Cool !

Écrit par : Seb | 20/10/2021

Et surtout, le plaisir de tenir l'objet (livret, etc...).
Cool !

Écrit par : Seb | 20/10/2021

@Seb
Il y a juste la K7 dont je ne sais vraiment pas que faire. Je n'ai plus de quoi l'écouter et contrairement aux vinyles, je ne vois pas trop l'intérêt niveau son.
Par contre le vinyle spécial avec juste Page noire dessus, et au verso des signes mystérieux gravés, ça c'est vraiment magnifique comme objet.
Une fois encore Hubert me fait faire qqch que je n'avais pas prévu : acheter une platine ;)

Écrit par : delphine | 20/10/2021

Ah oui, là on est sur du High Level !!
Le coffret carrément...Mazette...
Tu m'étonnes qu'il ai mis du temps :-)

Moi, j'attends sagement que le Officiel Hubert's WorldWideWebsite Incorporated, me nomme officiellement gagnant du coffret par KO (il ne peut en être autrement !).

Salutations numériques transalpines !

Écrit par : Seb | 20/10/2021

slt seb, celui dont les écrits me font délirer.

En fait j'avais déja entendu l'album, mais j'avais oublié d'enlever la clé, donc j'étais déja en mode forçage, obligation d'écoute, mais bon pas moyen ça passe pas...

hft était (oui j'ai la corde au cou) dans ma jeunesse une arme redoutable pour séduire les filles, un petit mix des dingues et paumés suivi d'un mathématique (toute allusion à une vie réelle serait du pur hasard), etc, etc, tu lui met le coup de grace sur je t'en remet au vent et hop ..

Donc tu comprendras ma déception...

oui bien sur le grand rex, hate de te voir...

Écrit par : le fan | 20/10/2021

Salut lefan

Ahah !!
Et même avec Fotheringhay, ça ne le fait pas ??

"Faut dire que maintenant les starlettes, ça d'vient micheton à dégommer" :-)

Salutations numériques !

Écrit par : Seb | 20/10/2021

Les commentaires sont fermés.