04/11/2010
Chansons n°34 et n°35 : "Scènes de panique tranquille" et "Cabaret Sainte Lilith"
La pensée du jour : "Qu'il faut donc aimer quelqu'un pour le préférer à son absence !" Jean ROSTAND.
Question n°1 : Faut-il considérer "Scènes de panique tranquille" comme une chanson à part entière ? Ou n'est-ce pas plutôt une introduction à "Cabaret Sainte Lilith" ? Que chacun tranche. Moi je n'en sais rien !
"Cabaret Sainte Lilith" ... J'adore cette chanson. Je l'ai déjà dit, c'était le morceau interdit quand j'étais adolescente. J'avais tellement dit à mes parents, histoire de les amadouer et de les gagner à ma cause, que toutes les chansons de Thiéfaine regorgeaient de références littéraires, que je me sentais obligée de baisser le son à chaque fois qu'il chantait "Une p'tite canette, une p'tite fumette", etc. !!!! C'est un peu en souvenir de cette époque que j'ai eu envie de baptiser ce blog de ce nom-là. Et aussi parce que le mot "cabaret" m'évoquait bien des choses agréables. Genre un café où l'on échange des idées, tout en sirotant un verre...
Question n°2 : En ce moment, on entend parler partout de Philippe Manoeuvre et d'Antoine de Caunes pour les ouvrages qu'ils ont récemment consacrés au rock'n'roll. J'aimerais savoir si dans au moins un des bouquins, le nom de Thiéfaine est évoqué une seule fois. De Caunes parle de Gainsbourg dans son Dictionnaire amoureux du rock'n'roll : je pense, malgré toute l'admiration que j'ai pour cet artiste, qu'il a moins fait pour le rock français que Thiéfaine...
Bref... Je me suis déjà énervée tout rouge hier à cause de cela. Manoeuvre et De Caunes étaient invités au Fou du roi, et pas une seule fois le nom de Thiéfaine n'a été prononcé. Injuste oubli, je pense. Mais peut-être que ce n'était qu'une étourderie, qu'en une heure et demie d'émission on n'a pas le temps d'évoquer tous les grands du rock, peut-être que cette étourderie est réparée dans les ouvrages des deux messieurs ? Je vais aller vérifier cela assez vite dans la première librairie du coin !!!
Et maintenant place au rock'n'roll !
SCENES DE PANIQUE TRANQUILLE
valium / tranxène / nembutal / yogourts / acides ?
Fais-moi une place dans ton linceul
quand y en a pour un y en a pour deux
pour un coup de dents, j't'arrache les yeux
CABARET SAINTE-LILITH
y a toujours un cinglé au bout de son trimard
qui se crame les yeux sur un ours en chaleur
du côté de ces nuits où s'enfuit le hasard*
avec les doigts collés de foutre et de sueur
y a toujours un taxi qui se perd dans la brume
avec une reine morte en pâture aux fantômes
et de vieux corbeaux rances en marge du bitume
qui s'en viennent crever au détour de ta zone
Lilith ! Oh Lilith
y a toujours un pingouin qui souffle ses poumons
à travers un saxo branché sur du mélo
et des gosses exilés qui maquillent leurs noms
sur les fiches-transit d'hôtels hallucinos
y a toujours un pigeon qui s'envole en fumée
dans les couloirs visqueux d'un vieux rêve-agonie
et des cigares bandants sur les lèvres flippées
de dieux défigurés maquillés par tes nuits
oh ! Lilith
tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs roussis
les dingues de la déglingue
qui s'flinguent derrière ton zinc
Lilith ! Lilith !
Tu sais comment ça jouit
les mecs complètement stress
qui t'réclament aux toilettes
une p'tite canette / une p'tite fumette
une reniflette / une seringuette
une bonne branlette
et puis : ciao ... dodo
y a toujours une frangine qui se noie dans ses nerfs
au fond d'une arrière-salle d'un vieux boxon crado
et d'autres qui s'en vont respirer le grand air
sur une plage à Hambourg, à Belfast ou Glasgow
y a toujours un clébard de bar unijambiste
qui largue ses sachetons dans les w.c. pour dames
et des gonzes un peu raides
au bras de vieilles groupies
qui dégueulent en riant leurs canigous on ice
oh ! Lilith
tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs roussis
tu marches nulle part à genoux sur mes rames
avec des souvenirs à tringler du bourrin
tu descends le quartier où les mômes jouent aux dames
et me font voir la came dans le creux de leurs mains
mais j'ai perdu l'adresse des autres solitudes
à contempler la noïlle dans les yeux des passants
souvent t'en as croisé au bord de l'hébétude
qui ne pouvaient dormir sans leur dose de sang
Lilith !
Tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs finis
les dingues de la déglingue
qui s'flinguent derrière ton zinc
Lilith ! Lilith !
Tu sais comment ça jouit
les mecs complètement stress
qui t'réclament aux toilettes
une p'tite canette / une p'tite fumette
une reniflette / une seringuette
une bonne branlette
et pis ... ça joue ! Ça jouit !
21:58 | Lien permanent | Commentaires (34)
03/11/2010
"On pleure pas parce qu'un train s'en va"... Pensées éparses autour de "Libido moriendi"...
La pensée du jour : "Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs". Stéphane MALLARME.
L'album « Scandale mélancolique » s'ouvre sur une chanson splendide, « Libido moriendi ». D'entrée de jeu, le ton est donné : la faucheuse fait une irruption fracassante dès le début de l'album, son ombre planera au-dessus de presque toutes les chansons...
« On pleure pas parce qu'un train s'en va (bis)
on reste là sur le quai
on attend ».
Ainsi commence la chanson. Un train qui s'en va : je ne peux m'empêcher de voir là l'image du grand départ, le définitif, celui pour lequel on a pris un billet-aller, sans le billet-retour. Ceux qui restent sur le quai attendent, pétrifiés. Et qu'attendent-ils ? Leur départ définitif à eux. « Et ça sent le sexe transi sous le rose de nos ecchymoses ». Même sous les blessures, les preuves les plus sûres de notre existence (comme chantait Renaud : « La souffrance, c'est très rassurant, ça n'arrive qu'aux vivants »), même sous les blessures, se cache déjà l'éternelle immobilité qui viendra nous piéger. « Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs », comme l'écrivait Stéphane Mallarmé . Eternelle immobilité au boulevard des allongés. Le sexe transi. Engourdi de froid. A jamais figé.
On attend que s'abatte « l'ouragan de nos souvenirs » sur « nos boîtes crâniennes en délire ». Ne dit-on pas que lorsque l'on s'enfonce dans la mort, on voit défiler le film de notre vie entière ? Plus loin, dans le texte, les images de mort se font plus précises. « On attend l'ange inquisiteur ». Du latin « inquirere », « rechercher ». L'ange inquisiteur, encore un oxymore sous la plume de Thiéfaine. Etre à la fois ange et inquisiteur, ce n'est pas commun, si ? Le voilà donc, l'ange qui nous recherche. Il se pointe dans « le calme froid de l'aurore ». Parmi les aboiements des chiens qui « flairent l'odeur sucrée de la mort »... Ne dit-on pas que parfois, les chiens hurlent à la mort ? Qu'ils sentent souvent des trucs qui nous échappent ? « L'odeur sucrée de la mort » : cette image ne cesse de me poursuivre. A chaque fois que j'écoute « Libido moriendi », je me la prends violemment en pleine face, j'imagine une odeur lourde, écœurante, qui planerait dans les airs comme un oiseau de mauvais augure...
Dans le dernier couplet, la mort vient asseoir sa présence de façon plus lourde encore. Elle est « l'ultime prédatrice ». Celle qui gagne toujours à la fin. A la fois vamp et araignée. Il y a là deux forces qui s'opposent : la vamp, c'est la femme fatale. De prédatrice, la mort se fait séductrice. Mais il ne faut pas oublier que « vamp » est l'abréviation de vampire. Et que si elle est là, cette charmeuse, ce n'est pas pour une partie de rigolade. De toute façon, elle est également araignée, ce qui ne laisse rien présager de bon !!! Mais je ne suis pas objective sur ce point : je suis une grande arachnophobe, une vraie, et ne peux donc associer des images positives au monstre velu ! Pourtant, je lis à l'instant dans mon livre Symboles et signes que l'araignée est chargée de symboles positifs dans certains pays : au Cameroun, elle représente l'assiduité et la sagesse. En Chine, une araignée au bout de son fil est un symbole de chance. En tout cas, pour moi, une prédatrice qui est un mélange de vampire et d'araignée suscite l'effroi ! C'est elle qui viendra déposer un dernier baiser sur nos peaux transies... Encore une fois, on est ici à la fois dans la séduction (le baiser) et dans la répulsion (l'acier du lady-smith). Dans « lady-smith », il y a « lady ». Beaucoup d'images féminines pour symboliser la mort : la camarde, la faucheuse (et je note ici que le mot allemand « Tod » est masculin, tout est question de langue !!). Une séductrice qui vous attend au tournant.
Les images de mort, de froid, d'effroi se multiplient dans ce texte soigneusement ciselé... Le froid est partout : dans le « sexe transi » du premier couplet, dans l'aurore, dans l'acier de l'ultime caresse...
L'album « Scandale mélancolique » est à mon sens celui qui empoigne le plus le thème de la mort. Se bat en duel avec lui. « Sich mit etwas herum=schlagen », dit-on en allemand, et je ne trouve pas d'expression assez forte en français pour dire cela... « Libido moriendi » n'est que le début d'une lente descente vers la « soufflerie où se terre le mystère inquiet »...
J'ai écrit ce texte après avoir accompagné mon père à la gare, ceci expliquerait-il cela ? Sans aucun doute ! Moi, quand un train s'en va, je pleure ! Et je pense à cette chanson. Thiéfaine m'habite, me hante, me poursuit ! C'est grave, docteur ?!!
09:35 | Lien permanent | Commentaires (9)
02/11/2010
Golden blog awards
Bonjour à tous,
Vous aimez ce blog ? C'est peut-être le moment de le faire savoir !!! Je l'ai inscrit aux "golden blog awards", dans la catégorie "culture". Après bien des péripéties (étape 1 : je m'inscris et me dis très vite que c'est bizarre car le blog n'apparaît toujours pas dans la liste des candidatures, même au bout de plusieurs jours / étape 2 : j'écris à un des organisateurs pour lui demander de vérifier si ma candidature a été prise en compte ou non / étape 3 : l'organisateur en question me répond, il me dit que c'est cuit et qu'il est trop tard pour s'inscrire / étape 4 : je suis très déçue / étape 5 : Lorelei2, partie "contrôler" le site, m'apprend à l'instant que ma candidature a été prise en compte !!!), après bien des péripéties, donc, le Cabaret est bel et bien inscrit à ce concours ! A vous de jouer ! Si vous le souhaitez, bien sûr !!!!
http://www.golden-blog-awards.fr/
Cabaret Sainte Lilith 2 novembre 2010
Blog de : Katell
Depuis quatre ans et demi, ce blog est un lieu d’échanges pour tous ceux qui aiment la chanson française en général et Hubert-Félix Thiéfaine en particulier. On y trouvera par exemple les paroles de ses chansons, ainsi que des analyses des références culturelles présentes dans ses textes.
16:25 | Lien permanent | Commentaires (12)
01/11/2010
Chanson n°33 : "Taxiphonant d'un pack de Kro"
La pensée du jour (elle colle bien au texte de cette chanson n°33, je trouve) : "J'avais tellement besoin d'une étreinte amicale que j'ai failli me pendre". Romain GARY
Encore une chanson qui montre que Thiéfaine a le génie des titres ! Et pas seulement... Voilà une chanson dont la thématique n'est pas bien gaie et nous ramène à nos impasses. Une chanson qui montre qu'il y a comme une espèce d'incompatibilité d'humeur fondamentale entre l'homme et son destin... J'en veux pour preuve cette phrase qui résume tout : « La vie c'est pas du bubble-gum et rien qu'le fait de respirer ça m'fout des crampes dans le sternum »...
« Voici le s.o.s. d'un terrien en détresse », pourrait-on dire. « J'suis dans un train fantôme bloqué sur une voie de garage »... Ne le sommes-nous pas tous autant que nous sommes, bloqués sur une voie de garage ? Obligés de finir notre tapioca alors que ça fait bientôt deux mille ans que nous sommes arrivés à satiété ! Obligés de manger des sucres d'orge alors que nous n'aimons pas ça ! Je vois dans ces phrases-là de jolies pirouettes pour parler de la condition humaine. On nous gave de trucs insipides ou carrément dégoûtants dont nous n'avons nullement envie !
Chanson extrêmement, foncièrement triste, non ?
Il faudrait que je consacre une note à S.O.S. amitié. J'y pense depuis quelque temps, d'autant qu'en ce moment, l'on voit fleurir un peu partout des publicités pour cette association. « L'abus de solitude est dangereux pour la vie » est un des slogans de S.O.S. amitié.
Thiéfaine, amené à parler dans une interview de ce qui serait le paradis pour lui, avait répondu : « Un monde où je serais tout seul ». « Et l'enfer ? », poursuivit le journaliste. « Un monde où je serais tout seul »...
Taxiphonant d'un pack de Kro
allô s.o.s amitié
allô s.o.s. amitié
excusez-moi de vous déranger
mais si j'peux encore vous causer
c'est qu'mon pétard est enrayé
allô s.o.s amitié
allô s.o.s. Amitié
je crois bien que ça vient du chargeur
est-ce que vous pouvez m'envoyer
assez rapidement le dépanneur ?
allô s.o.s amitié
la vie c'est pas du bubble-gum
et rien qu'le fait de respirer
ça m'fout des crampes
dans le sternum !
allô s.o.s amitié
allô s.o.s. amitié
allô, allô
les mannequins des cortèges officiels ont goudronné
ma tendresse et la famille Duraton veut m'obliger
à finir mon tapioca alors que ça fait bientôt
2 000 ans que j'ai plus faim
allô s.o.s. amitié
allô
j'suis dans un train fantôme bloqué
sur une voie de garage
est-ce que ma carte vermeille
me donne droit au sleeping ?
allô ici s.o.s. amitié
vous êtes sur répondeur automatique
et vous avez trente secondes pour vous pendre !
10:34 | Lien permanent | Commentaires (14)