07/10/2014
Angélus : premières impressions
Angélus : nom masculin, du latin angelus, ange.
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(christianisme / avec une majuscule) Prière en latin, commençant par ce mot, récitée ou chantée le matin, à midi et le soir.
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Sonnerie de cloche annonçant cette prière.
Depuis hier, je lis et relis les paroles de cette chanson, j'écoute, je réécoute. Déjà, toute première impression d'ensemble : la musique épouse divinement bien les mots. Elle les accompagne, les porte, les fait virevolter magnifiquement. A la première écoute, la voix d'Hubert allant se percher dans les aigus durant le refrain (« au bras de la première beauté vierge ») m'a un peu dérangée. Puis je m'y suis habituée. Très vite, même. Ça change, l'ami Thiéfaine vient encore une fois nous surprendre, nous bousculer. Nous attendre à un tournant où nous ne l'attendions pas. Ça me plaît !
Quant au texte, il me semble intéressant pour l'ironie qui s'en dégage, du début jusqu'à la fin. Et jusque dans le titre ! Cela suinte la dérision, carrément ! Comment voir une prière dans cette moquerie adressée à Dieu ? Les clochers sont trompeurs : certes, la moindre petite commune en est dotée, mais les églises sont vides. J'ai l'impression que Thiéfaine dit ici à Dieu quelque chose du genre : « Tu ne sais plus quoi inventer pour te rendre intéressant. A part quelques illuminés, il ne te reste pas grand-chose en ce bas monde ! » Les églises sont désertes, seuls subsistent çà et là des « citoyens frigides ». Barjots aussi ? Faut-il voir ici une allusion à peine voilée à la Manif pour tous ? L'idée m'en a été soufflée par un commentaire de Valentin, mais je n'affirme rien, bien sûr ! Chacun verra dans ce texte ce que lui murmureront à l'oreille sa propre sensibilité, son propre vécu. On peut aussi ressentir telle ou telle chose un jour, puis voir sa perception évoluer au fil du temps. Je n'écoute plus Je t'en remets au vent comme je l'écoutais il y a vingt ans. Dans L'Etranger dans la glace, j'ai cru voir une réflexion personnelle sur la fuite du temps et le glissement inéluctable vers la vieillesse alors que Thiéfaine y parlait d'un de ses proches atteint de la maladie d'Alzheimer.
En écoutant Angélus, je ne peux m'empêcher de penser à la chanson de Souchon, Et si en plus y'a personne. Mais, là où Souchon ne fait que poser la question (« et si le ciel était vide ? »), Hubert semble affirmer avec une certitude inébranlable l'absence radicale de Dieu, en tout cas dans sa vie. Peut-être qu'à un moment donné, Dieu a existé pour lui. Il ne faut pas oublier que quand il était enfant, HFT voulait devenir prêtre ! A ce sujet, on lira ou relira avec délice le chapitre 3 de la biographie Hubert-Félix Thiéfaine, Jours d'orage, de Jean Théfaine. Et on se marrera sûrement à la lecture du passage où il est question de Gilberte Vacheret, une ex-voisine de Dole : quand elle entendait les « chansons salées » qu'écoutait le petit Hubert, elle se disait, comme beaucoup : « C'est pas possible qu'il va nous faire un curé, ce garçon-là » !
J'ai l'impression que dans cette chanson, Thiéfaine vient faire un pied de nez à Dieu, puis lui régler son compte, le liquider. Le tuer en duel une dernière fois, pour en finir à jamais. Aux bondieuseries, il préfère et a toujours préféré le charme vénéneux des beautés vierges tombées de cieux pas catholiques !
« Je te salue Seigneur » ne serait donc pas du tout une façon d'ouvrir dévotement une prière, mais plutôt une manière de claquer la porte, sans espoir de retour. « Je te salue Seigneur », c'est-à-dire : « Je suis venu te dire que je m'en vais ». Ce salut n'est pas un don de soi à Dieu, mais bel et bien un adieu définitif, irrévocable. Tant pis si ledit Dieu en a le cœur blessé, l'heure n'est plus à la pitié. L'heure est à l'ivresse et à la gueuse, aux succulences terrestres, « les dieux sont jaloux de nos corps, nous balayons l'éternité » !
11:40 | Lien permanent | Commentaires (69)
Du fond de l'inutile...
La pensée du jour : "Dieu existe
Je l'ai toujours trahi" (titre d'un livre de Françoise VERNY).
Pour bien commencer cette journée, voici le texte d'Angélus. J'ai bien envie de vous livrer bientôt les réflexions (encore en germe !) que m'inspirent ces paroles. Je viens de relire le chapitre 3 de la biographie que Jean Théfaine a consacrée à Hubert-Félix Thiéfaine (titre du chapitre : "Petit séminaire, quatre ans fermes", cela vous plante déjà le décor !). Il y a des idées à piocher là-dedans, c'est sûr ! Et puis les "clochards lucides" m'évoquent les "clochards célestes" de Kerouac, mais, là encore, je dois creuser... Je reviens dès que possible m'écrouler dans l'alchimie de cet Angélus que je trouve décidément très bon, très "secouant", comme j'aime...
Angélus
Je te salue Seigneur
Du fond de l'inutile
A travers la tendresse
De mes cauchemars d'enfant
Le calme désespoir
De mon bonheur tranquille
Et la sérénité
De mon joyeux néant
Et je m'en vais ce soir
Paisible et silencieux
Au bras de la première beauté vierge
Tombée des cieux
Oui je m'en vais ce soir
Paisible et silencieux
Au bras de la première beauté vierge
Tombée des cieux
Oui je m'en vais ce soir
Pendant que mes ennemis
Amnistient leurs consciences
Que mes anciens amis
Font tomber leurs sentences
Les citoyens frigides
Tremblent dans leurs cervelles
Quand les clochards lucides
Retournent à leurs poubelles
Et je m'en vais ce soir
Paisible et silencieux
Au bras de la première beauté vierge
Tombée des cieux
Oui je m'en vais ce soir
Paisible et silencieux
Au bras de la première beauté vierge
Tombée des cieux
Oui je m'en vais ce soir
Je te salue Seigneur
Du fond de tes abîmes
De tes clochers trompeurs
De tes églises vides
Je suis ton cœur blessé
Le fruit de ta déprime
Je suis ton assassin
Je suis ton déicide
Et je m'en vais ce soir
Paisible et silencieux
Au bras de la première beauté vierge
Tombée des cieux
Oui je m'en vais ce soir
Paisible et silencieux
Au bras de la première beauté vierge
Tombée des cieux
Oui je m'en vais ce soir
Oui je m'en vais ce soir
Oui je m'en vais ce soir
Paroles : Hubert-Félix THIEFAINE
Musique : Yan PECHIN
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09:40 | Lien permanent | Commentaires (7)
06/10/2014
Interview de Thiéfaine dans Le Parisien
La pensée du jour : "On ne réussit dans le monde qu'en étant frivole". Louis CALAFERTE
Petite interview de Thiéfaine parue ce matin dans Le Parisien. La voici :
Il est très attendu. Et pas seulement des irréductibles qui le suivent depuis quatre décennies. A 66 ans, Hubert-Félix Thiéfaine vient de terminer Stratégie de l'inespoir qui sortira le 24 novembre et que nous avons pu écouter en avant-première. Un grand cru, réalisé en partie avec son fils Lucas, précédé du single Angélus, en guise de mise en bouche à découvrir aujourd'hui.
Ce dix-septième disque arrive trois ans après le triomphe de Suppléments de mensonge qui a conduit Thiéfaine jusqu'à Bercy et aux Victoires de la musique où il a été consacré album et artiste de l'année. Pour son retour, il nous a accordé sa première interview.
"Je me méfie du succès"
J'ai commencé à travailler sur ce nouveau disque très vite après la sortie du précédent en mars 2011. Suppléments de mensonge a marché tout de suite très fort. ça m'a un peu foutu les jetons. Je me méfie du succès, je préfère durer plutôt que d'avoir le tube qui tue. Alors, je me suis remis à écrire pendant la tournée. C'était possible parce que j'ai changé de vie. Avant j'avais besoin d'être un peu décadent. ça me démolissait tous les jours. Et j'ai fini en burn-out (NDLR : en 2008). A l'époque, j'avais des fins de soirée ... douloureuses après les concerts. Et je mettais du temps à m'en remettre. Maintenant je dîne, je bouquine et je vais me coucher. Désormais, j'ai une vie le matin. Je n'aime pas travailler dans l'urgence. Je suis plus en forme. La tournée de près de deux ans s'est terminée en juin 2013 paisiblement. J'aurais même pu continuer.
"Ce monde-là ne m'intéresse pas"
Si je vais bien physiquement, en tant qu'humain, je ne peux pas me sentir bien. Le titre du nouvel album, Stratégie de l'inespoir, est lié à ça. L'inespoir, ça n'existe pas. Ce n'est ni positif, ni négatif. Quand on parle de situation inespérée, il y a quelque chose de positif. Là, l'inespoir paraît plutôt négatif. Et en même temps ce n'est pas le désespoir. J'aime bien cette idée. Je suis assez joueur, je pars des mots que j'aime et je les emboîte comme des Lego. Une des nouvelles chansons s'appelle Médiocratie parce que je trouve l'époque assez médiocre. On est dans un monde d'épiciers encore plus qu'avant. Tout tourne autour du commerce. Si quelque chose marche, c'est bien, si ça ne marche pas, c'est pas bien. Ce monde-là ne m'intéresse pas, les réseaux sociaux, la télé. J'ai du mal à être devant mon poste. Alors je me fabrique mes choses, mon monde avec les chansons.
"C'était bien que les Victoires pensent à moi"
Je ne cherche pas les récompenses, mais là, ça remettait les pendules à l'heure en 2012 quand j'ai eu deux Victoires de la musique. Et ça fait plaisir aux gens qui me suivent depuis longtemps. C'était une récompense pour eux aussi. Et c'était bien qu'on pense à moi alors que j'ai fait bouger le public depuis trente ans. En 1982, je jouais devant 3 000-4 000 personnes chaque soir. En 1998, j'ai rempli Bercy qui était complet un mois avant le jour J et la télé n'en a pas parlé. Ce qui a changé après les Victoires 2012, c'est les demandes de concert. J'ai dû être programmé dans 50 festivals l'été suivant. Je n'en avais jamais fait autant. On a parcouru près de 130 000 kilomètres en voiture. Sans parler des trains et des avions. En 2015, on va commencer par des petites salles puis des endroits plus grands. A Paris, je serai au Palais des Sports, les 16 et 17 octobre 2015 (NDLR : places en vente à partir du 16 octobre), l'un des rares endroits où je n'ai pas joué.
Propos recueillis par Emmanuel MAROLLE
10:34 | Lien permanent | Commentaires (9)
04/10/2014
Pour qui sonne l'angélus...
La pensée du jour : "La création littéraire devint pour moi ce qu'elle est toujours, à ses grands moments d'authenticité, une feinte pour tenter d'échapper à l'intolérable, une façon de rendre l'âme pour demeurer vivant..." Romain GARY
"Je te salue, Seigneur,
Du fond de l'inutile
A travers la tendresse
De mes cauchemars d'enfant
Le calme désespoir
De mon bonheur tranquille
Et la sérénité de mon joyeux néant
Et je m'en vais ce soir
Paisible et silencieux
Au bras de la première beauté vierge
Tombée des cieux
Oui je m'en vais ce soir
Paisible et silencieux
Au bras de la première beauté vierge
Tombée des cieux
Oui je m'en vais ce soir".
Alors, cet angélus, comment résonne-t-il en vous ?
Je l'ai écouté plusieurs fois, comme vous, j'imagine ! La première écoute m'a pas mal déconcertée, je ne saurais trop dire pourquoi. Sans doute parce que je ne m'attendais pas à ça ! Mais, jusqu'à présent, il en a toujours été ainsi avec chaque nouvel album de Thiéfaine. Chacun, à sa façon, m'a bousculée, par son audace, sa façon de trancher avec le précédent, pour finalement s'inscrire au fil du temps dans une œuvre riche, foisonnante et plutôt homogène, traversée par les mêmes obsessions, habitée par la même difficulté de vivre depuis des décennies.
Bousculée, donc, étonnée, mais déjà prête à accueillir avec ferveur et reconnaissance le joyau qui va nous tomber des cieux dans quelques semaines... Je te salue Hubert !
11:19 | Lien permanent | Commentaires (19)
02/10/2014
Enfin une bonne nouvelle dans ce monde de brutes !
La pensée du jour : "L'écriture a cette vertu de nous faire exister quand nous n'existons plus pour personne". Georges PERROS
Oui, c'est sans doute cela, le pouvoir magique de l'écriture : nous faire exister ! Je fais pour la millième fois cette expérience miraculeuse : depuis quelques semaines, j'écris, j'écris, j'écris. Pas ici, désolée. Mais dans des cahiers, sur des bouts de papier épars, sur mon ordinateur, j'écris. Et pour la première fois je suis certaine que ce projet qui me porte et me permet de prendre du recul par rapport à mille coups bas reçus dernièrement, oui, je suis bien certaine que ce projet va aboutir !
Il n'y a pas que cela qui me porte : il y a encore et toujours l'ami Hubert, dont j'ai désespéré comme vous d'avoir des nouvelles un jour ! Et voilà qu'il est question d'un album à venir ! Feu d'artifice dans les cœurs ! Il me semble avoir compris que cela s'appellerait soit Angélus, soit Stratégie de l'inespoir. Stratégie de l'inespoir, j'adore déjà, à fond la gomme !! Et je crois que cette merveille (car ce sera une merveille, à n'en pas douter !) sortira le 24 novembre !
21:42 | Lien permanent | Commentaires (12)