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05/12/2006

Léo Ferré : "Tu ne dis jamais rien"

Voici le texte de « Tu ne dis jamais rien », de Léo Ferré. A une soirée consacrée à celui que Romain Didier appelle joliment le « Français toscan de Monaco », Thiéfaine avait chanté, entre autres, cette chanson. Et cela m’avait vraiment émue… C’était à Lyon, en 2003, je crois…

 

 

Je vois le monde un peu comme on voit l’incroyable

L’incroyable c’est ça c’est ce qu’on ne voit pas

Des fleurs dans des crayons Debussy sur le sable

A Saint-Aubin-Sur-Mer que je ne connais pas

Les filles dans du fer au fond de l’habitude

Et des mineurs creusant dans leur ventre tout chaud

Des soutiens-gorge aux chats des patrons dans le Sud

A marner pour les ouvriers de chez Renault

Moi je vis donc ailleurs dans la dimension quatre

Avec la Bande dessinée chez mc 2

Je suis Demain je suis le chêne et je suis l’âtre

Viens chez moi mon amour viens chez moi y’a du feu

Je vole pour la peau sur l’aire des misères

Je suis un vieux Boeing de l’An quatre-vingt-neuf

Je pars la fleur aux dents pour la dernière guerre

 

Ma machine à écrire a un complet tout neuf

Je vois la stéréo dans l’œil d’une petite

Des pianos sur des ventres de fille à Paris

Un chimpanzé glacé qui chante ma musique

Avec moi doucement et toi tu n’as rien dit

 

Tu ne dis jamais rien tu ne dis jamais rien

Tu pleures quelquefois comme pleurent les bêtes

Sans savoir le pourquoi et qui ne disent rien

Comme toi l’œil ailleurs à me faire la fête

 

Dans ton ventre désert je vois des multitudes

Je suis Demain C’est Toi mon demain de ma vie

Je vois des fiancés perdus qui se dénudent

Au velours de ta voix qui passe sur la nuit

Je vois des odeurs tièdes sur des pavés de songe

A Paris quand je suis allongé dans son lit

A voir passer sur moi des filles et des éponges

Qui sanglotent du suc de l’âge de folie

Moi je vis donc ailleurs dans la dimension ixe

Avec la Bande dessinée chez un ami

Je suis Jamais je suis Toujours je suis l’Ixe

De la formule de l’amour et de l’ennui

Je vois des tramways bleus sur des rails d’enfants tristes

Des paravents chinois devant le vent du nord

Des objets sans objet des fenêtres d’artistes

D’où sortent le soleil le génie et la mort

Attends je vois tout près une étoile orpheline

Qui vient dans ta maison pour te parler de moi

Je la connais depuis longtemps c’est ma voisine

Mais sa lumière est illusoire comme moi

 

Et tu ne me dis rien tu ne dis jamais rien

Mais tu luis dans mon cœur comme luit cette étoile

Avec ses feux perdus dans des lointains chemins

Tu ne dis jamais rien comme font les étoiles

04/12/2006

La misère ambiante...

Bon, je l'avoue : je vais régulièrement me trimbaler sur les forums où cela cause d'Hubert. Et je me sens toute démunie en ce moment face à ce que j'aurais envie de nommer la misère ambiante... 655321 a écrit une chose chouette : "Je suis trop gentil, j'aime tout le monde". Eh bien moi à peu de choses près aussi! Mais je me permets quelques entorses à ce régime car, décidément, non, il y a des gens que je trouve à gerber, des gros gluants tout pourris qui attendent qu'on se casse la gueule pour jouir, des abrutis qui vous collent aux fesses sur la route et vous enverraient valdinguer dans le décor si vous ne tentiez pas d'arrondir les angles, des vieux qui ne veulent pas faire une petite place aux jeunes, des jeunes qui veulent foutre les vieux au rancart, sans autre forme de procès. Des gros pourris jusqu'à la moelle qui aiment venir piétiner les jolies roses que vous avez plantées et cultivées avec amour. Comme, finalement, il y en a un paquet, de tous ces gros imbéciles, ben, à bien y réfléchir, j'aime pas grand-monde ici-bas et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je préfère souvent la compagnie de mon chien à celle des êtres humains!

Mais quand même : j'aime beaucoup Eric Issartel, j'aime beaucoup Mélusine, j'aime beaucoup Lunar Caustic. Je crois savoir (mais je ferais peut-être mieux de la boucler) qu'on a affaire ici à des êtres sensés et sensibles. Du coup, de temps à autre, les sensibilités se froissent, pour un mot de trop, pour je ne sais quoi. Quand je vois les proportions prises par "l'affaire du fanzine", j'ai sincèrement mal aux tripes pour toutes les personnes impliquées. Parce que je pense qu'aucune ne mérite de se prendre des coups dans la bobine...

Pour ma part, je ne parviens pas à écrire sur les forums : j'ai toujours peur de regretter le petit mot de trop, justement, peur d'aller, sans faire exprès, déverser au mauvais moment la petite goutte qui fera déborder le vase chez quelqu'un... Ici, j'ai l'impression de vaguement contrôler les choses. Si un de mes écrits me semble trop fougueux ou trop je ne sais quoi, je peux le faire disparaître à jamais, et cela me convient bien! Bref... Ce soir, et pour longtemps visiblement, Lunar Caustic est aux abonnés absents, et cela m'attriste. Je comprends son accablement et son amertume. Moi aussi, je dépense un fric fou pour aller voir Hubert et quand, par exemple, il ne se montre pas courtois avec son public, je me sens flouée quelque part dans mon admiration (et dans mon porte-monnaie, un peu aussi, même si c'est assez bas comme réaction, pourront me rétorquer certains)... Je crois que tous, à notre façon, nous mettons dans notre passion pour Thiéfaine une bonne partie de notre petite substance. Ce que je trouve regrettable, c'est que parfois cette passion, au lieu de nous unir, nous amène à nous entre-déchirer...

Bon, je sens qu'aussitôt que j'aurai publié cette note, j'aurai envie de la retirer du blog! Et peut-être même que je le ferai!

René Barjavel

Voilà un auteur que j'adore! Je me replonge très souvent dans ses écrits, notamment son Journal d'un homme simple, Les années de la Lune, Les années de la Liberté, Les années de l'Homme, Si j'étais Dieu, La faim du tigre, Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester. Sans oublier La charrette bleue! Ah, et il faut que je relise Tarendol, et L'enchanteur, et ceci, et cela!!

Voici ce soir quelques phrases picorées ici ou là chez ce grand sage!

"Le bonheur n'est pas une denrée qui se cherche du bout du groin comme une truffe, et qui se mange. C'est une lumière intérieure qu'il faut savoir allumer et préserver des courants d'air. Mais généralement on ouvre soi-même les fenêtres et les portes..."

 

"Au printemps, un rossignol se pose sur un cerisier. Le cerisier devient amoureux du rossignol, et le rossignol du cerisier. Le cerisier dit au rossignol:

-Ouvre tes bourgeons, fleuris avec moi...

Le rossignol répond au cerisier :

-Ouvre tes ailes, vole avec moi...

Ils sont mal partis, vous ne trouvez pas?

Comme la plupart des couples, rossignol-cerisier, cheval-alouette, ortie-hanneton, pantalon-tambour. C'est ainsi que le hasard et le printemps, en général, les assortissent. Ils ont tous les mêmes chances de bonheur. Elles sont au nombre de trois.
La première, déjà très difficile, est que le cerisier accepte que le rossignol reste rossignol, et que le rossignol accepte que le cerisier reste cerisier.
La deuxième est que le rossignol fleurisse.
La troisième, que le cerisier s'envole.
Cela peut arriver.
Il y faut assez d'amour".

 

"Le secret de la vraie liberté, c'est de ne se croire ni grand ni petit, de savoir qu'on est seulement un rouage de l'univers, insignifiant mais irremplaçable, d'accepter de tourner, avec ou sans huile, et d'être heureux de savoir que cela sert à quelque chose de trop grand pour que nous puissions le comprendre".

 

"Si, dans un moment de lucidité, nous ouvrons assez franchement les yeux sur nous-mêmes, chacun de nous peut découvrir au fond de son coeur un grouillement de crapauds et de vipères, parmi lesquels fleurissent les roses. Nous sommes tous des monstres et des jardins fleuris. Plus ou moins monstre, plus ou moins jardin, il n'y a pas d'égalité dans le mélange. L'égalité, c'est celle du choix entre la rose et le scorpion, même si la rose est seule au milieu des griffes".

 

"Nous avons vaincu la variole, le choléra, la mortalité infantile, pas encore la vanité. Quand tous les hommes seront devenus intelligents et modestes, il n'y aura plus d'accidents sur la route.

En attendant, je prends le train".

03/12/2006

Sensation

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,

Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :

Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :

Mais l'amour infini me montera dans l'âme,

Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,

Par la Nature, - heureux comme avec une femme.

 

Mars 1870, Arthur Rimbaud.

 

J'adore ce poème! Il a été mis en musique dernièrement par Jean-Louis Aubert, et j'adore aussi!

3615 code TA VIE!!!

La pensée du jour : "Ce qui est laid, c'est que sur cette terre il ne suffise pas d'être tendre et naïf pour être accueilli à bras ouverts", Albert COHEN.

 

Aujourd’hui, attention, je vais vous raconter ma vie ! Le lien avec Thiéfaine est ténu, peut-être, mais il existe tout de même.

Comme dirait l’ami Ferré, « la vie est louche » et ne laissera jamais de m’étonner, ce qui est peut-être déjà pas mal ! Il y a quelques mois, elle m’a fait un cadeau incroyable : elle a remis sur mon chemin celle qui avait été ma meilleure amie pendant des années… Petit retour en arrière : quand j’étais enfant, j’habitais dans un bled paumé. Mais, dans cette cambrousse assez triste, vivait aussi Christelle. C’est surtout au lycée que notre amitié s’est totalement épanouie. En classe, nous étions toujours assises l’une à côté de l’autre. Les profs nous confondaient systématiquement, et cela nous faisait bien rire ! Pour moi, Christelle était Christ. Pour elle, je m’appelais Cath.

Je me souviens de nos petites folies : nous fumions en cachette ce que nous appelions nos « Melca ». Un soir, Christelle m’avait téléphoné et expliqué qu’elle n’en avait plus une seule. A peut-être onze heures du soir, j’avais foncé chez elle pour lui apporter les précieuses cigarettes ! Quand nous voulions faire des sorties pas très catholiques, nous nous mettions d’accord : « si mes parents téléphonent, je suis chez toi, je rentre à telle heure ». Nous ne nous sommes fait choper qu’une fois !

Bref, c’était la grande vie, l’amitié exclusive à laquelle seule l’adolescence peut donner naissance…

Mais le premier avril 1992, et ce n'était malheureusement pas un poisson, Christelle m’expliquait qu’elle avait soudain besoin de prendre l’air… Que le temps renforcerait peut-être notre amitié, mais qu’il fallait faire une pause. Soudain, dans ma petite vie, le monde s’écroula. Littéralement. Je restai abasourdie pendant de longs mois. Pas un jour sans que je me demande (je devrais mettre un imparfait du subjonctif ici, mais bon !) : « dis, quand reviendras-tu ? ». Mais rien, jamais rien… Chaque premier avril sonnait pour moi comme une très mauvaise plaisanterie.

En 1993, je partis vivre au fin fond de l’Allemagne de l’Est. Je dus revenir assez rapidement parce que ma grand-mère allait très mal. J’eus juste le temps de la revoir. Le lendemain, elle mourait, avec, je crois, le sentiment du devoir accompli, puisqu’elle avait pu revoir la petite-fille avec laquelle elle entretenait une relation privilégiée… A l’enterrement de ma grand-mère, Christelle était là. Comme si elle avait voulu me dire que quand même, pour les moments douloureux, je pouvais encore compter sur elle. Mais déjà il me fallait regagner mes pénates germaniques…

Par la suite, revenue en France, je revis Christelle à plusieurs occasions. Comme nos parents habitent toujours dans le même village, les fêtes ou les mariages d’amis communs nous remettaient souvent en présence l’une de l’autre. Nous échangions toujours quelques mots, mais sans plus…

Vous suivez ? Je perdis donc Christelle en avril 92, et c’est en septembre de la même année que je découvris celui qui devait bouleverser ma vision du monde  et me remettre d’aplomb : Thiéfaine ! Il me fallait bien cet « alcool fort » après le grand chagrin qui avait obscurci ma vie… Thiéfaine, je l’ai connu grâce à … un ex de Christelle !! Qui se trouvait également être le grand ami de mon ex à moi !!! Et j’ai toujours regretté que nous n’ayons pas pu découvrir Thiéfaine ensemble, ma Christ et moi… Nous en serons restées à Gainsbourg et à Renaud… Pour ma part, je crois que c’est aussi par chagrin que je me suis balancée à fond comme ça dans Thiéfaine… Au cœur de la détresse, le monsieur me chantait que je n’étais pas seule, quand S.O.S. amitié m’avait laissée en rade…

Bien sûr, par la suite, je connus d’autres amitiés. Mais je ne m’y abandonnai jamais complètement, je me forçais à une certaine retenue. Pour me protéger, mais aussi parce que de toute façon, Christelle avait quand même gardé la première place dans mon p’tit cœur de guimauve !

En 2003, Christelle organisa une grande fête pour ses trente ans. Et elle m’invita ! J’y allai dans l’attente d’un miracle, je crois, dans l’espoir de voir « rejaillir le feu de l’ancien volcan ». Mais rien. Ce soir-là, Christelle s’affairait dans tous les sens, normal. Et nous n’eûmes pas le temps d’échanger plus de trois mots ! Je repartis bien triste. Et nous en restâmes là.

Mais je disais en introduction que la vie est louche : en mai de cette année, il y avait une brocante dans le village de mes parents. J’y allai. Et sur qui tombai-je parmi tous les exposants ? Je vous le donne en mille ! Ben oui : Christelle ! Elle vendait, entre autres, des cartes qu’elle avait confectionnées elle-même. N’oubliant pas mon goût très prononcé pour les échanges épistolaires, elle m’offrit une de ces cartes et une enveloppe. Et, ce jour-là, je ne sais pas pourquoi, nous nous sommes réellement retrouvées. J’avais l’impression que nous reprenions la conversation là où nous l’avions interrompue… Que le lien ne s’était jamais effiloché…

Décidément, la vie nous réserve parfois de sacrées surprises ! Je crois que ce jour de mai 2006, j’ai vécu ce qu’inconsciemment j’avais attendu pendant de longues années…

Depuis, Christ et moi sommes en contact régulier. Nous nous écrivons souvent. Elle a même pensé à mon anniversaire ! Et, en janvier 2007, elle viendra manger à la maison avec son homme ! Je pense qu’il ne serait pas idiot, ce jour-là, de se mettre un bon Thiéfaine en musique de fond !! Et du Renaud, et du Gainsbourg aussi !!

Mille excuses pour cet immense étalage ! Sam dira (avec raison) que ce texte n’a pas grand-chose à faire sur mon blog ! Je sais, on est un peu loin de Thiéfaine. Mais cela faisait longtemps que je voulais écrire quelque chose sur cette amitié si forte, et tant pis si cela détonne ici !

 

02/12/2006

Une charogne

La pensée du jour : "Toute l'amertume de la mer me remonte", Louis ARAGON.

 

Voici "Une charogne", de l'ami Charles Baudelaire. Avertissement : âmes sensibles s'abstenir!

 

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d'été si doux,

Au détour d'un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux,

 

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,

Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d'exhalaisons.

 

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,

Comme afin de la cuire à point,

Et de rendre au centuple à la grande Nature

Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

 

Et le ciel regardait la carcasse superbe

Comme une fleur s'épanouir.

La puanteur était si forte, que sur l'herbe

Vous crûtes vous évanouir.

 

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,

D'où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide

Le long de ces vivants haillons.

 

Tout cela descendait, montait comme une vague,

Ou s'élançait en pétillant;

On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,

Vivait en se multipliant.

 

Et ce monde rendait une étrange musique,

Comme l'eau courante et le vent,

Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique

Agite et tourne dans son van.

 

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,

Une ébauche lente à venir,

Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève

Seulement par le souvenir.

 

Derrière les rochers une chienne inquiète

Nous regardait d'un oeil fâché,

Epiant le moment de reprendre au squelette

Le morceau qu'elle avait lâché.

 

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

A cette horrible infection,

Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion!

 

Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,

Après les derniers sacrements,

Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,

Moisir parmi les ossements.

 

Alors, ô ma beauté! dites à la vermine

Qui vous mangera de baisers,

Que j'ai gardé la forme et l'essence divine

De mes amours décomposés!