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25/06/2007

Sentiments numériques revisités

quand les ombres du soir chevauchent sur la lande
avec dans leurs passeports sherwood ou brocéliande
quand les elfes titubent sous l'alcool de sorgho
dans les cercles succubes de la lune en faisceaux
quand les vents de minuit décoiffent les serments
des amants sous les aulnes d'un hôtel flamand
quand tes visions nocturnes t'empêchent de rêver
& couvrent ton sommeil d'un voile inachevé
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

 

 

quand les chauves-souris flirtent avec les rossignols
dans les ruines d'un royaume où mon crâne est mongol
quand les syndicats brûlent nos rushes & nos démos
pour en finir avec le jugement des salauds
quand humpty dumpty jongle avec nos mots sans noms
dans le bourdonnement des câbles à haute tension
quand tu m'offres épuisée sous l'oeil d'une opaline
les charmes vénéneux de tes fragrances intimes
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

 

 

quand les théâtres antiques recèlent nos orgies
çatal hoyük airport / manco capac city
quand nos murs se recouvrent de hiéroglyphes indiens
avec nos voix blafardes en feed back au matin
quand tes mangoustes viennent avaler mes couleuvres
dans ces nuits tropicales où rugit le grand oeuvre
quand l'ange anthropophage nous guide sur la colline
pour un nouveau festin de nos chairs androgynes
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

 

 

quand les clochards opposent la classe & l'infini
à la vulgarité glauque de la bourgeoisie
quand les valets de cours / plaideurs pusillanimes
encombrent de leurs voix nos silences & nos rimes
quand aux détours d'un bar tu flingues aux lavabos
quelque juge emportant ma tête sur un plateau
quand tu branches les hélices de ma mémoire astrale
sur les capteurs-influx de ta flamme initiale
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

 

 

 

quand les traces de rorschach sur la tôle ondulée
servent aux maîtres à tester l'autochtone humilié
quand sur la moleskine des limousines en liesse
ils en rient en fumant la mucho cojones
quand les cris de l'amour croisent les crocs de la haine
dans l'encyclopédie des clameurs souterraines
quand je rentre amoché / fatigué / dézingué
en rêvant de mourir sur ton ventre mouillé
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

 

 

quand dans la lumière sale d'un miroir tamisé
tu croises l'oeil éphémère d'une salamandre ailée
quand dans les brumes étales de nos corps transparents
tu réveilles mes volcans lumineux du néant
quand mes pensées confuses s'éclairent au magnésium
sur les écrans-secrets de ton pandémonium
quand mes bougainvillées se mêlent aux herbes folles
dans ta chaleur biguine au crépuscule créole
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

 

 

quand les ombres du soir poursuivent sur la lande
le flash des feux arrières d'une soucoupe volante
quand le soleil se brûle aux contours de tes reins
parmi les masques obscurs d'un carnaval romain
quand l'ordre des humains nous sert dans son cocktail
5 milliards de versions différentes du réel
quand tu pleures essoufflée au creux de ma poitrine
avec le doux murmure des fréquences féminines
je n'ai plus de mots assez durs
pour te dire que je t'aime

 

 

Hubert-Félix Thiéfaine

 

 

 

Voilà une chanson truffée de mots que je ne connais pas ! "Pandémonium", par exemple, je ne vois pas du tout. Peut-être que ce mot est dans le dictionnaire mais je suis trop fatiguée pour aller vérifier. Je compte sur vous pour m'apporter vos lumières ! Humpty dumpty, j'en ai entendu parler dans "Dora l'exploratrice" (si, si !), mais il existe peut-être un autre Humpty dumpty ! Là encore, je compte sur vous. Et la "mucho cojones", alors, c'est quoi ?

Il me semble que c'est le 31 mars, à Paris, qu'Evadné m'a parlé avec passion de cette chanson, me disant qu'elle était construite comme le "Spleen" de Baudelaire qui m'accompagne partout et qui commence par ces mots : "Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle". Au cours de notre entretien, Evadné m'a même laissé entendre que pour une prochaine réunion autour de Thiéfaine, elle préparerait un topo sur ce texte. J'ai hâte d'y être !

21/06/2007

Redescente climatisée

Une chanson qui, lorsque je l'ai découverte il y a pas mal d'années, me fit presque le même effet que "Mathématiques souterraines". Nous en discutions il y a quelques mois avec 655321 et il me disait qu'il aimerait lancer la question suivante sur un forum : pourquoi une telle différence entre la version originale et la version live? Il est vrai que lorsqu'il l'a chantée en public, Thiéfaine a choisi de revêtir cette chanson de beaucoup d'obscurité, tant dans la musique que dans les modifications apportées au texte. "Mes verts paradis" sont devenus noirs, par exemple.

Quelle version préférez-vous? Quelles réflexions cette chanson vous inspire-t-elle? Enfin, pas de pensée du jour aujourd'hui, à vous de m'en dégoter une, je dois filer au cinéma!!!

655321, je t'ai piqué ton idée, j'espère que tu ne m'en voudras pas trop!!!

 

 

Redescente climatisée

Un autre paumé descend les rues de ton ghetto

Et tu pleures en essuyant ses yeux figés

Combien de mutants ayant rêvé ton numéro

Se sont perdus croyant l’avoir trouvé ?

Petite soeur-soleil au bout du quai désert

Petite gosse fugitive accrochée dans mes nerfs…

Je t’ai rêvée ce soir au fond d’une ambulance

Qui me raccompagnait vers mes « verts paradis »

Dans le dernier écho de ton dernier silence

J’ai gardé pour la route ma haine / ma rage et ma connerie

 

Un vieux soleil glacé retraverse la nuit

Et c’est le long retour au point zéro

La dernière étincelle a grillé mes circuits

Et soudain j’ai si froid dans ma peau…

Petite sœur-soleil au bout du quai désert

Petite sœur fugitive accrochée dans mes nerfs…

Maintenant je t’imagine dans un hôtel-garage

Essayant de marquer des points sur ta machine

Tes amants déglingués s’accrochent à tes mirages

Moi je suis en exil ton consul ivre mort

Bavant sur ta benzine

Hubert-Félix Thiéfaine

19/06/2007

Le bonheur (d'Emma) est dans le pré...

Voici ce soir un poème qui est à lui tout seul une pensée du jour :

 

LE BONHEUR

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite. Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.



Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite. Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.

 

Dans l'ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite, dans l'ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.

 

Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite, sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.



Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite, sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.

 

De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite, de pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.

Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite. Saute par-dessus la haie, cours-y vite ! Il a filé !

 

Paul FORT

 

Cette note s'intitule "Le bonheur (d'Emma) est dans le pré". Petit clin d'oeil au film "Le bonheur d'Emma" ("Emmas Glück") que je suis allée voir ce soir et qui est splendide. A voir très vite !

18/06/2007

"Et quand le pinocchio baveux poussera ma brouette à l'Ankou"...

La pensée du jour : "Il en est du bonheur comme de la santé : on ne le constate pas", Raymond RADIGUET.

 

Voici à présent un dernier extrait du Guide de la Bretagne mystérieuse, toujours à propos de l'Ankou :

 

Il existe des moyens d’entrer en relation avec l’Ankou et de connaître de lui le jour et l’heure de ses échéances. Ces moyens sont les intersignes, faits ou gestes annonciateurs de trépas. Certains d’entre eux ne posent aucun problème d’interprétation, leur évidence est aveuglante (ils peuvent même relever de la simple télépathie) : telle mère voit en rêve le naufrage où périt son fils.

La familiarité avec l’Ankou s’est manifestée, d’une manière remarquable, par la construction des ossuaires, où l’on rassemblait jadis les ossements retirés du cimetière. Ces édifices furent, durant des siècles, de véritables temples des défunts, où les paroissiens venaient méditer devant les crânes de leurs ancêtres. Toute une littérature en est née, sermons dominicaux, cantiques réalistes et sombres récits de veillées. Les sentences sculptées au fronton de ces curieux monuments ont répété leurs sinistres avertissements à des générations entières. Elles continuent à mettre en garde nos contemporains contre l’oubli de leurs fins dernières. « Je vous tue tous », proclame celle-ci. « Je suis le parrain de celui qui fera fin », affirme celle-là. Ailleurs, elle parle breton :

Maro han barn han ifern ien

Pa ho soign den e tle crena

« La mort, le jugement, l’enfer froid

Quand l’homme y songe, il doit trembler ».

Ou bien, un défunt s’adresse aux vivants en latin : Hodie mihi, cras tibi, « Aujourd’hui à moi, demain à toi ».

 

 

17/06/2007

Une petite adresse sympa

A aller voir le plus vite possible :

http://never-been95.spaces.live.com

 

16/06/2007

"Et quand le pinocchio baveux poussera ma brouette à l'Ankou"...

La pensée du jour : "Ne crois pas que tu t'es trompé de route, quand tu n'es pas allé assez loin", Claude AVELINE.

 

La moitié Bretonne que je suis ne résiste pas à l’envie de vous parler de l’Ankou, que Thiéfaine évoque dans sa chanson « Psychopompes / métempsychose et sportswear ». Voici un extrait du Guide de la Bretagne mystérieuse dans lequel il est question de l’Ankou :

« Rien n’est plus particulier à la Bretagne que la préoccupation et la familiarité de la mort. De tout temps, il semble que la terre d’Armorique ait été vouée aux divinités de l’au-delà. Aujourd’hui encore, le trépas n’y est considéré ni comme la fin de l’être ni comme le simple arrêt de la vie physiologique mais comme la rencontre avec un personnage surnaturel, connu dans tout le pays sous le nom d’Ankou.

C’est la langue bretonne qui nous donne de lui le meilleur aperçu. Il est le proche parent d’Anken, « le chagrin », et d’Ankoun, « l’oubli ». Ajoutons que l’Anankè des Grecs, la dure « nécessité », ne lui est pas étrangère.

On le représente généralement sous l’aspect d’un squelette tenant une faux, et les récits qui parlent de lui le voilent souvent d’un suaire. Il circule la nuit, dans les chemins creux, sur un chariot dont les essieux grincent : ce funèbre convoi est le terrifiant Karrig an Ankou., « le char de l’Ankou », que personne n’a jamais vu sans perdre la vie sur-le-champ. Dans certaines régions du littoral, une embarcation, le bag noz, « bateau de nuit », remplace le sinistre véhicule : le capitaine en est le premier mort de l’année, ou le plus jeune, ou le plus âgé. De même que Karrig an Ankou, le bag noz joue le rôle d’un intersigne accordé à celui qui en a la vision : c’est une annonce de mort prochaine.

La personnalité de l’Ankou n’est pas exactement définie. Il s’agit d’un être masculin dont le rôle essentiel est d’emporter dans l’Au-delà ceux dont l’heure dernière est arrivée ».

 

15/06/2007

Louis Calaferte

La pensée du jour : "Je pose

la mort

au front bleu de la rose

et linceulise l'univers", Louis CALAFERTE.

 

Tommie, voici deux poèmes qui te donneront un avant-goût de ce qui t'attend dans Rag-time. Grâce à toi, je m'y suis replongée ce matin. C'est d'une grande beauté!

 

"Je suis planté de ruines

                          massacres

                           trous béants

                           suppliances

                            fureurs

On ne distingue plus son passé devant soi

On a perdu les villes

                                C'est le cri

                                et la peur

                                tocsins de la Passion

Je hurle         

         qu'ai-je à dire

                            personne ne m'entend

Je crache des goudrons

J'ai des amours reptiles

                                 C'est Dieu défiguré

                                  après sa longue absence

                                  Il pleure à tout écho

J'habite des naufrages

Où les jeunes épouses ont des lèvres d'oursins

                                  C'est la brume

                                   un cancer

                  Il tonne à tout écho

 

J'y cajole mes doux cadavres

                                    mes biches

                                    mes remords

Qui saurait sinon moi vous parler

                                               ô mes morts

Je suis cloué au mur par les fusils du temps"

 

 

 

 "Sous les ponts a passé tant d'eau

ils sont jeunes moi je suis vieux

voici l'âge silencieux

je sens l'automne dans mes os

 

Rien désormais ne me ressemble

soûlé d'indolente tristesse

je regarde mon temps qui cesse

la mort et moi partons ensemble

 

Ce que j'aimais ne m'aime plus

les désirs perdent leur raison

tout penche à la morte-saison

et mes chemins sont parcourus

 

Je sens l'automne dans mes os".

14/06/2007

René Char

"L'approche est toujours plus belle que l'arrivée", ALAIN-FOURNIER.


Aujourd'hui, René Char aurait eu cent ans. Voici deux textes de ce poète. Merci à Evadné, qui m'a envoyé ces deux trésors et m'a suggéré la note de ce jour!

Si vous avez un moment, branchez-vous sur France Inter de 13 heures 30 à 14 heures! Dans "Deux mille ans d'histoire", il sera question de René Char, justement. Auparavant, à 13 heures, vous pouvez retrouver Gainsbourg sur France3, me semble-t-il, dans un "Trente millions d'amis" datant de 1976 ou 1979 (je ne sais plus). Enfin, ce soir, ne ratez pas le très beau film qui va passer sur Arte : "Sophie Scholl, die letzten Tage". Il y est question du triste destin de Sophie Scholl (magnifiquement interprétée par Julia Jentsch) qui fit partie du mouvement de résistance à Hitler, "Die weiße Rose".

 

Allégeance:

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?

Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?


 

 


A une sérénité crispée


Tu es mon amour depuis tant d'années,

Mon vertige devant tant d'attente,

Que rien ne peut vieillir, froidir ;

Même ce qui attendait notre mort,

Ou lentement sut nous combattre,

Même ce qui nous est étranger,

Et mes éclipses et mes retours.



Fermée comme un volet de buis,

Une extrême chance compacte

Est notre chaîne de montagnes,

Notre comprimante splendeur.



Je dis chance, ô ma martelée ;

Chacun de nous peut recevoir

La part de mystère de l'autre

Sans en répandre le secret ;

Et la douleur qui vient d'ailleurs

Trouve enfin sa séparation

Dans la chair de notre unité,

Trouve enfin sa route solaire

Au centre de notre nuée

Qu'elle déchire et recommence.



Je dis chance comme je le sens.

Tu as élevé le sommet

Que devra franchir mon attente

Quand demain disparaîtra.