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29/02/2012

"Je suis l'ado qui ne veut pas mourir idiot" (HFT dans Télérama n°3241, suite et fin)

La pensée du jour : "Il y a les choses qu'on fait parce qu'il faut pourtant qu'on mange

Et les soleils qu'on porte en soi comme une charrette d'oranges". Louis ARAGON

 

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Bergman, que vous admirez, disait beaucoup par les silences, vous, vous déversez des avalanches de mots...

J'essaie d'assommer les mots... pour trouver le silence. L'avalanche de mots, c'est mon côté oral. C'est ce que j'aime chez Céline, chez le Rimbaud d'Une saison en enfer, chez Lautréamont ou Miller, la littérature beat. Tous ces gens qui vomissent les mots. Ma nature, c'est l'oralité. J'aime mâcher, cracher, j'ai été alcoolique, j'ai sucé mon pouce enfant jusqu'à très tard, j'aime les poitrines des femmes, les lèvres, la bouche... D'où cette rafale de mots qui sort dès que je chante. C'est un vrai plaisir infantile.

 

Du coup, on ne comprend pas tout à vos textes...

Mais c'est une volonté ! Je veux du mystère. Comme les zones d'ombre chez Bergman. Il faut laisser deviner ou imaginer des choses. La télé, c'est le contraire : elle veut tout montrer, tout décortiquer. On n'en est même plus à la vie privée, on en est à la vie intime maintenant. On est en train de tuer l'imaginaire ! J'aime les avalanches de mots parce que, justement, on n'en comprend qu'un sur deux et qu'il faut, du coup, réécouter. Ferré, je peux encore l'écouter et découvrir des choses nouvelles.

 



Vous êtes un chanteur engagé ?

Je suis un chanteur engagé, mais je n'engage que moi ! Je sais à peu près où me situer, quoi voter, mais ça ne regarde personne. L'artistique et le politique, ça ne peut pas aller ensemble.

 



Mais vous avez des énervements ?

Les infos, la télé sont invivables. Je ne supporte pas la vulgarité des hommes politiques. Tout est ramené à des petites phrases sans intérêt. On n'en a rien à foutre, il faut avoir l'esprit plus large, ne pas s'arrêter à un mot. Il nous faudrait un Churchill ou un de Gaulle, des gens de cette stature... Des types qui nous élèvent. En ce moment, c'est le contraire. Aujourd'hui, tout est orienté vers le bas. Comme si on avait décidé que 65% des Français avaient un QI de 65 et que tout devait se situer à ce niveau-là. En chanson, ça donne des paroles de plus en plus terribles. C'est pour cela que j'en rajoute en compliquant mes textes, en les truffant de citations, de références, de grec, de latin, pour tirer un peu dans l'autre sens. Le titre de mon dernier album, Suppléments de mensonge, vient du Gai Savoir, de Nietzsche, qui lui était pour l'Übermensch... Là, on est underdog !

 

 

Comment entretient-on un esprit adolescent tout en mûrissant ?

L'adolescent, c'est le rebelle naïf. Quand je réagis face à tout ce qui nous entraîne vers le bas, je suis l'ado qui en veut plus, qui ne veut pas mourir idiot. Je ne sais rien, je sors de l'enfance. L'humanité vient de très loin, j'ai besoin de savoir d'où. C'est un désir dévorant d'en savoir plus, d'être curieux.

 

On entend dire que tout est plus dur pour un jeune musicien. Vous avez galéré, vous vous êtes fait tout seul. Est-ce toujours possible ?

Il s'agit de savoir jusqu'où on peut aller pour assouvir son rêve de gosse. On ne peut pas lutter contre un désir fou. Quelle que soit l'époque. La musique est là, elle ne demande qu'à être « exploitée » d'une manière ou d'une autre. Je ne supporte pas d'entendre que c'est « la faute aux autres » ou « la faute à pas de chance ». Je sais que mes qualités de Jurassien, tenace et pugnace, m'ont aidé, mais, au départ, il y a une envie, un choix. Je connais mal Sartre, mais il a dit « la liberté, c'est le choix ». Je voulais être libre. En 1973, j'ai choisi de ne faire que chanter. C'était une affaire de vie et de mort. En 1975-1976, j'ai vraiment failli crever, mais je n'échangerais pas ma vie pour celle d'un autre. Des cauchemars et des angoisses, j'en ai eu. Mais j'ai voulu être un missionnaire et un aventurier et, quelque part, je l'ai été. C'était un travail de furieux. Vouloir à l'époque être chanteur à Paris, quand t'es fils de prolo de province, c'était sans doute plus dur qu'aujourd'hui où l'on est « mondialement » informé, au fait des choses...

 

 

Vous avez la réputation de quelqu'un de très solitaire...
Aujourd'hui, j'habite au milieu de la forêt et je mets la radio le matin, juste pour vérifier que le monde existe encore autour de moi. Je regarde les chevreuils passer, je leur parle et je suis bien. Je me sens apaisé quand je suis seul. Je ne m'ennuie pas, alors que la vie sociale me fatigue. La solitude est souvent connotée de façon négative. Chez moi, c'est tout le contraire, elle est immensément riche et synonyme d'épanouissement.

 



Peut-on dire de vous, qui appréciez Nietzsche, que « ce qui ne vous a pas tué vous a rendu plus fort » ?

C'est plutôt « lève-toi ou crève ». Il y a toujours ce besoin d'aller au-delà, même si on sait qu'on va en chier, à l'intuition. En entrant dans la société, on a tendance à remplacer l'intuition par des règles. En devenant artiste, j'ai choisi de la conserver. On peut aussi appeler ça les larmes, ces choses qui nous dirigent, un peu floues, qui viennent soit de nos vie d'ange ou d'animal, plutôt animal, d'ailleurs. Quand je pars, je ne sais pas où je vais, mais le mets le cap plein nord. Pour mes chansons, c'est pareil.

 

 

Comment faut-il entendre le titre de votre tournée, « Homo Plebis Ultimae Tour » ? Tournée du « dernier homme » (Sénèque) ou ultime tournée ?

Gardons l'ambiguïté, laissons les latinistes travailler...

 

 

Pourquoi vous présenter nu sur la pochette de Suppléments de mensonge ?

Après une vie assez décadente et destructrice, des décennies de réveils douloureux dûs à l'alcool avalé pour tromper mes angoisses, j'ai conscience que je m'en sors plutôt bien. Je suis heureux d'avoir retrouvé un corps qui fonctionne et de me sentir bien dedans. Heureux d'aller mieux aussi dans ma tronche, même si tout n'est pas tout à fait réglé. Je suis un rescapé, un survivant.

 

Propos recueillis par Hugo Cassavetti et Olivier Milot

26/02/2012

"Je suis l'ado qui ne veut pas mourir idiot" (HFT dans Télérama n°3241, suite)

La pensée du jour : "Le ciel déjà prend goût de terre

Puisqu'on est des morts sursitaires

Tous les calculs que nous ferons

Auront une balle en plein front". Louis ARAGON

 

 

 

Pourquoi entrez-vous au petit séminaire en cinquième ?

Je ne supportais plus l'école, j'étais toujours mal, il fallait que je parte. Parallèlement, j'ai sombré dans une réflexion existentielle. J'ai fini par faire une vraie crise mystique. Je voulais devenir missionnaire, alors j'ai demandé à entrer au petit séminaire. J'y suis resté quatre ans avant d'aller chez les Jésuites pour y passer un bac philo, avec latin et grec.

 

 

A quel moment le rock entre-t-il dans votre vie ?

Dès mon entrée au petit séminaire ! A l'étude, un garçon lisait Salut les copains et possédait tous les 45 tours de l'époque : Johnny Hallyday, Les Shadows, Claude François... Il m'a initié à la musique. Une révélation. Trois semaines après mon arrivée, je montais mon groupe, Les Caïds Boys. Je chantais Kili Watch, de Johnny, et je me mettais à écrire des chansons. En quelques semaines, j'avais changé de vocation !

 

Que vous reste-t-il du petit séminaire ?

De l'autodiscipline et une forme de culpabilisation. Au séminaire, on vivait comme des moines. Lever à 6 heures, coucher à 21 heures. Le reste du temps était consacré aux cours, à la religion et à l'étude. Aujourd'hui encore, si je me lève et que je ne me mets pas au travail, je ne suis pas bien. Un comble : je n'ai pas choisi d'être artiste pour travailler quinze heures par jour, merde ! Mais je bosse toujours deux heures au réveil. Après, seulement, j'ai gagné le droit de faire autre chose.

 

 

A quel moment basculez-vous dans la carrière musicale ?

Entre 15 et 20 ans, j'ai tâté de tout : peinture, photo, théâtre, écriture de romans ou de poèmes. Au bout du compte, j'ai opté pour la musique, mais l'important n'est pas tant le choix d'une discipline, c'est ce qu'il y a avant, le désir de création. Après, une fois qu'on a choisi sa voie, il faut s'y tenir. Bob Dylan avait un titre d'album : Bringing it all back home. Moi aussi, je ramène tout à la maison. Le facteur Cheval, une de mes idoles, a mis toute sa vie dans son Palais, c'est un peu ce que j'essaie de faire. Pourquoi m'éparpiller, alors que je peux tout mettre dans quelque chose que je commence à maîtriser ?

 

 

 

Vos albums sont nourris de références littéraires. Vous avez plongé dans la lecture dès l'école ?

Non, je n'ai lu que deux livres dans toute ma scolarité. Le goût de la lecture m'est venu plus tard, au milieu des années 1970, quand je me suis installé à Paris. On m'avait prêté une chambre dans laquelle traînait un seul livre, La République, de Platon, en latin. Je m'ennuyais, alors j'ai passé des heures à le traduire. A cette époque, je crevais de faim, et j'ai répondu à une annonce de Gallimard qui cherchait des vendeurs. On m'a fait passer un examen, j'ai été d'une nullité crasse. J'étais tellement vexé de mon inculture que j'ai commencé à dévorer Faulkner, Henry Miller... Mais ce n'est pas tout à fait un hasard. A l'école, j'avais quand même découvert l'existence de Baudelaire, Rimbaud, Villon, Verlaine, et même de poètes grecs ou latins, comme Ovide. A l'époque, ça me suffisait pour écrire. Je m'essayais à la rédaction de chansons comiques, mais c'était franchement dramatique ! C'était le début des années 1960, on baignait dans le yéyé. En 1963, les Beatles ont débarqué, puis le Swinging London. J'ai commencé à me nourrir des textes de Dylan ou des Stones. Dylan a été une révélation. Il y a d'abord eu Like a rolling stone, puis l'album Blonde on Blonde que j'écoute encore aujourd'hui. C'est au-delà de la musique. Et puis Jacques Brel et surtout Léo Ferré sont entrés dans ma vie. Et avec eux, le français. Adolescent, j'avais deux cahiers : un où j'écrivais des poèmes, l'autre où j'écrivais des chansons. Avec Ferré et Dylan qui avaient déjà bien taillé la route, je n'ai plus fait qu'un seul cahier.

 

 

C'est avec la chanson L'Ascenseur de 22h43 que vous dites avoir trouvé votre style...
Au début des années 1970, je suis sous l'influence de Ferré, je tente de l'imiter, et ça me gêne même si j'ai déjà des moments d'illumination à la Thiéfaine. En 1973, je décide d'arrêter tous les petits boulots et de ne plus me consacrer qu'à la chanson. Je réussis à décrocher des passages le soir dans des cabarets. Je ne sais plus où loger, je n'ai pas vraiment à bouffer, alors je m'annihile dans l'écriture. Sur scène, je teste L'Ascenseur de 22h43, mais je ne la sens pas encore aboutie. Un jour, je prends un café en terrasse en bas du Sacré-Cœur, et je réalise ce qui ne va pas dans la chanson. Je la corrige, le soir même je la joue, et le public marche. Je sais désormais où je vais.

 

 

 

24/02/2012

"Je suis l'ado qui ne veut pas mourir idiot" (HFT dans Télérama n°3241)

La pensée du jour : "Autrefois, ma grand-mère me désignait comme un enfant débrouillard et moi, roi du malentendu, je croyais être un enfant des brouillards, perdu au milieu de ses origines". Eric FOTTORINO

 

Voici aujourd'hui une partie de l'interview qu'HFT a accordée dernièrement à Télérama (voir n°3241). Merci à Aclh de m'avoir informée de la publication de ce numéro.

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Chanteur poète, éternel enfant blessé, Thiéfaine a bâti une relation unique avec son public, loin du show-biz. Tout arrive : le voici nominé trois fois aux Victoires de la musique.

 

Hubert-Félix Thiéfaine, 63 ans, trente ans et des poussières de carrière depuis son premier album, ne connaît pas la crise. Solitaire, envers et contre tous, il a tracé dans la marge un chemin couronné de succès, inversement proportionnel à l'attention que les médias lui ont prêtée. Aujourd'hui, la prose si particulière du Jurassien, torrent de mots et d'images où se bousculent les références littéraires et cinématographiques, les inventions poétiques, le grec et le latin, est enfin salué par tous. Suppléments de mensonge, son dernier album, toujours lyrique mais quelque peu apaisé, lui vaut trois nominations aux Victoires de la musique. Comme si cet éternel révolté, férocement indépendant et à l'abri des modes, était devenu, faute de combattants, un des derniers repères vivants dans une industrie musicale en déroute. L'homme de l'Est, qui vit à l'écart de la société en pleine forêt, est tout sauf un misanthrope. Hubert-Félix Thiéfaine, forçat de la scène et de l'écriture, en disciple de Ferré, est un individualiste au service des autres. Rencontre avec un éternel enfant blessé qui n'en finit pas de se soigner.

 

 

Vos êtes nominé aux Victoires de la musique dans les catégories « Artiste masculin de l'année, » « Album / chanson de l'année » et « Spectacle / tournée de l'année ». Laquelle vous ferait le plus plaisir ?

Si j'avais été la révélation féminine, j'aurais tiqué. Là, c'est assez complet. Les trois correspondent à mon job : auteur, compositeur, interprète. Une pour Hubert, l'autre pour Félix et la troisième à Thiéfaine. Je suis déjà heureux d'être parmi les quatre nominés. Après, premier, ça contraint à monter sur scène, à remercier, et pour un mec réservé comme moi, ce n'est pas facile.

 

 

Suppléments de mensonge n'est pas votre premier album qui se vend bien, mais c'est le premier à le faire en pleine lumière...

C'est le plus médiatisé. La plupart de mes albums précédents tournaient déjà autour de 300 000 ventes. La différence, c'est qu'entre-temps le monde a changé. Continuer à bien vendre en pleine crise du disque me permet de garder le cap. Chaque album est une balise, certaines sont là pour permettre de grands virages, d'autres pour marquer le temps. Suppléments de mensonge correspond à un changement de vie.

 

 

Un changement de vie lié au « burn-out » que vous avez fait à l'été 2008 ?

Oui. Ma guérison a été très longue, et quand je me suis senti mieux, j'avais vraiment envie de passer à autre chose, de ne pas revenir en arrière, d'écrire des textes plus compatibles avec mon nouvel état d'esprit.

 

Ce nouvel état d'esprit vous a amené à La Ruelle des morts, chanson où vous racontez votre enfance de façon limpide, sans vous cacher derrière la carapace des mots ?

Je sortais d'une expérience où j'ai rencontré des gens qui m'ont aidé, accompagné. J'étais encore dans cette chaleur humaine quand j'ai écrit cette chanson. D'habitude, quand je regarde en arrière, je mets beaucoup d'acidité dans mes souvenirs d'enfance, je m'arrête à une période où j'ai beaucoup souffert. Celle où j'ai dû quitter l'école paroissiale où m'avaient mis mes parents pour entrer en primaire à l'école publique. Venant du privé, on m'a d'emblée mis dans une classe inférieure et ma mère a dû se battre pour que je réintègre une scolarité normale. Ça a été l'enfer, mes maîtres ont été cruels avec moi et ont entraîné les autres gosses à l'être également. J'ai subi un harcèlement destructeur et traumatisant dont je conserve des séquelles, comme cette incapacité à croire en moi. Pour la première fois, je suis remonté plus loin. J'ai été frotter là où ça faisait du bien, retrouver l'ambiance familiale chaleureuse et douce dans laquelle j'ai grandi. C'est ce que raconte La Ruelle des morts.

 

Y avait-il une culture familiale de la musique ?

Disons une culture populaire et provinciale. Les jours de marché, ma mère allait écouter les chanteurs de rue et achetait leurs partitions. Elle avait des cartons entiers de chansons réalistes du début de siècle. Elle nous berçait avec du Berthe Sylva. Quand votre mère vous endort avec Les Roses blanches, ça ne s'oublie pas... Mon père, lui, faisait du théâtre. Il avait une troupe amateur qui jouait du Feydeau ou du Labiche.

 

 

 

La suite dans les jours qui viennent. En attendant, pensée envieuse (mais surtout affectueuse ... quand même !) pour ceux qui vont voir HFT ce soir à Saint-Brieuc ! Si, parmi ces veinards, il y en a un ou une que ça tente de mettre ici un compte rendu de ce concert, qu'il ou elle me fasse signe !

 

 

 

 

18/02/2012

La place du fantôme, le dernier LGS

La pensée du jour : "Ne m'oublie pas sur la ligne douze du métro". Sophie HURIAUX

 

 

Dès le premier titre, elle nous dit « bye bye » !! Et pourtant, on n'a pas envie de la quitter, bien au contraire. Ce «bye bye etc » a un goût de revenez-y ! Comme tout le dernier album de la grande Sophie, d'ailleurs... Je l'écoute en boucle depuis hier.

 

La grande Sophie et moi, c'est une longue histoire. J'ai découvert la demoiselle avec son album précédent, Des vagues et des ruisseaux. Là, j'ai rencontré une voix, un univers... Depuis, j'ai toujours rêvé de voir LGS sur scène (au fait : la coïncidence des trois initiales LGS-HFT n'est pas pour me déplaire). Bientôt, bientôt... Je devais la voir prochainement à Vandoeuvre-lès-Nancy, mais il semblerait que le concert en question ait été repoussé au huit juin. Avec la grande Sophie, une fois découvert l'album Des vagues et des ruisseaux, il m'est arrivé la même chose qu'avec Thiéfaine : envie de me procurer d'un seul coup tout ce qu'elle avait fait ! J'ai chez moi tous ses CD.

 

Et j'ai eu la chance de voir Sophie la semaine dernière à Paris, au cours de l'enregistrement de l'émission « Le pont des artistes » (c'est ce soir sur France Inter : écoutez, écoutez !!!). J'ai apprécié l'attention qu'elle portait aux autres invités. Ce n'est pas si courant...

 

Et là, cet album, La place du fantôme... Une grande claque. C'est à la fois tout à fait autre chose et tout à fait le même univers... Beaucoup de prouesses vocales, beaucoup de maturité (la grande Sophie a dit au « Pont des artistes » que c'était l'album de la maturité XXL, il y a quelque chose de cet ordre-là, en effet, par exemple dans Tu fais ton âge ou dans Sucrer les fraises).

 

Des chansons que j'aime particulièrement ?

 

-Suzanne. Sans doute ma préférée de tout l'album. On ne sait pas bien à qui s'adresse cette chanson qui est aussi et surtout un cri déchirant (« Réponds-moi, Suzanne »). Suzanne ou le fantôme qui, bien qu'absent, prend toute la place ? Va savoir... Désormais, tout comme Leonard Cohen, LGS aura sa Suzanne à elle, une Suzanne qui n'a rien à envier à la grande qui l'a précédée...

 

-Ma radio. Il paraît que la grande Sophie se réveille avec la radio, qu'elle a un poste dans toutes les pièces et que suivant l'endroit où elle se trouve, ce n'est pas la même station qu'elle écoute.

 

-Ne m'oublie pas : cette chanson, vous l'avez peut-être déjà entendue. Si c'est le cas, je suis bien certaine qu'elle vous a ensuite trotté longuement dans la tête !

 

-Peut-être jamais, balade mélancolique dédiée à un amour qui a sans doute été et ne sera peut-être jamais plus, sauf, éventuellement, «dans une autre vie, une autre fois, un autre monde, un autre endroit, une autre chance ». Va savoir...

 

-Sucrer les fraises serait un peu à la grande Sophie ce qu'est Animal en quarantaine à HFT... Une réflexion sur le temps qui passe (tout comme Tu fais ton âge), sur la mort, et c'est triste, et c'est doux à la fois... (Je note d'ailleurs que c'est Animal en quarantaine que la grande Sophie chantait sur le CD-hommage à Thiéfaine, Les fils du coupeur de joints).

 

Voilà un album qui vous porte, vous transporte... Vers vos fantômes, vers les places qu'ils ont laissées immensément vides, immensément inoccupées, immensément absurdes... Merci, Sophie, de nous réconcilier un moment avec nos drames... De nous en parler comme on le ferait entre amis, autour d'un café qui réchauffe.

 

Voilà un album qui vous berce, vous promène, vous « trémousse » aussi, parfois ! Car il n'y a pas que de la mélancolie par ici, il y a aussi du rythme ! Et on peut d'ailleurs savamment marier les deux, c'est un des talents de la miss Sophie !

 

Voilà un album qui vous réconcilie avec vos rides !! Il n'y a plus de honte à faire son âge !!

 

09/02/2012

Suppléments de mensonge : Chanson n°11, Quebec November Hôtel

La pensée du jour : "Qu'est-ce que toute vie ? Soleils brefs et sommeil.

Tout ce que tu penses, emploie-le

A ne pas trop penser". Fernando PESSOA

 

 

"It is like being mailed into space". Sylvia Plath (dans le livret de l'album, cette phrase est citée avant les paroles de la chanson "Quebec November Hotel").

 

QUEBEC NOVEMBER HOTEL

 

Le ciel bleu sur le Saint Laurent

semble jaillir de l'océan

et je me refais la banane

les yeux masqués sous mes Ray Ban

2700 tours cap nord-est

balises à l'ouest d'Halifax

Nouveau Brunswick je fais de mon best

pour me recentrer sur mon axe

 

Fox Quebec November Hôtel

je gèle ben raide dans mon Dornier

Fox Quebec November Hôtel

Ok je monte à 2000 pieds

 

direction Saint-Pierre-et-Miquelon

je slow bine face à la mousson

je toffe les runs j'sus sur le go

ben d'équerre dans mon lumbago

faut qu'je pense à mes aiguillages

à ma benzine faut que j'abreuve

mes 700 cheveaux dans les nuages

avant la tempête à Terre-Neuve

 

Fox Quebec November Hôtel

je gèle ben raide dans mon Dornier

Fox Quebec November Hôtel

Ok je monte à 2000 pieds

Fox Quebec November Hôtel

je gèle ben raide dans mon Dornier

Fox Quebec November Hôtel

Ok je monte à 2000 pieds

 

(H.F. Thiéfaine / Dominique Dalcan)

 

Voilà une chanson que personnellement, je n'aime pas des masses... Qu'en est-il pour vous ?

En vrac : -Aujourd'hui, à 11 heures, ne manquez pas "Les affranchis" sur France Inter, Thiéfaine y sera l'un des invités !

-Quand retournez-vous voir HFT ? Pour ma part, ce sera dans un peu moins d'un mois : le 8 mars, au Galaxie, à Amnéville.

 

 

01/02/2012

Extrait de Chanson magazine n°14 (suite et fin de l'interview)

La pensée du jour : "J'aime trop mes doutes et mes contradictions pour m'accrocher à des mots d'ordre". Hubert-Félix THIEFAINE

 

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« Un vendredi 13 à 5 heures »... ça fait quoi d'écrire une chanson sur sa mort ?

 

Ça fait marrer. Je trouve amusant de penser à ma mort. C'est rassurant. Je crois que c'est un signe de santé : prendre du recul par rapport à soi-même, par rapport à ses prétentions. C'est dire comme Higelin : « J'suis qu'un grain de poussière ». L'idée de la mort, c'est un refuge.

 

 

Tu vois ça comme un refuge ?

Le ventre maternel étant à sens unique :... J'espère trouver le même confort dans la mort.

 

 

 

Tu m'as dit rassurant tout à l'heure.

C'est absolument rassurant !!! Si tu me donnais l'immortalité, je crois que je me flinguerais sur-le-champ. Tandis que 70 ans, c'est pénible, mais ça reste vivable ! Je suis toujours surpris par les personnes qui se sentent provoquées à chaque fois que je parle un peu de la mort. Et ces gens-là ne me semblent pas très vivants, en fait ! Ayant nié cette idée, ils sont complètement paniqués dès que la mort arrive très près d'eux... Enfin, c'était juste une parenthèse, je n'aime pas parler des autres... Et puis merde ! Je ne sais pas pourquoi on insiste : ma chanson est suffisamment claire ! Pour une fois !

 

 

 

Il y a ou il y a eu une quelconque recherche mystique de ta part ?

Aïe ! Aïe ! Aïe ! Je ne sais pas si le mot mystique est approprié. Peut-être à 12 ans quand j'hésitais entre footballeur, pompier, ou Saint François d'Assise. Excuse-moi, je ne sais plus ce que le mot mystique veut dire !

 

 

 

Il t'est arrivé de te fondre dans une idéologie quelle qu'elle soit ?

Non merci, sans façon !

 

 

Tu n'as jamais mordu à quoi que ce soit ?

Il m'est parfois arrivé d'être sympathisant... Mais toujours de façon momentanée... J'aime trop penser par moi-même... J'aime trop mes doutes et mes contradictions pour m'accrocher à des mots d'ordre. A ce niveau, je préfère déconner tout seul.

 

« Alligators 427 », « 113ème cigarette sans dormir », « Chambre 2023... » Il y a toujours beaucoup de chiffres dans tes chansons...
J'ai toujours été nul en math ! C'est une façon de me rattraper ! J'essaie d'utiliser les chiffres autrement... Il y a une magie des chiffres qui me trouble. Par magie, j'entends tous ces événements inexplicables et curieux qui surgissent parfois dans ma vie, notamment quand je suis disponible... Ce que j'appelle « effets magiques »... et ça se passe comme s'il y avait une logique quelque part... que je ne comprends évidemment pas... ça semble absurde de dire ça en 85...

 

Dans « Femme de Loth », je dis : « où nos cerveaux malades sortiraient du sommeil »... Pour moi, c'est imaginer que l'humain n'est pas encore abouti, que son cerveau est comme un moteur en rôdage et qu'un jour, peut-être, il va finir par se débrider... Toutes ces choses que j'appelle aujourd'hui « effets magiques » parce que incompréhensibles, pourraient alors devenir aussi claires que le fait d'admettre que la terre est ronde !

 

Propos recueillis par Catherine Monfajon

 

Voilà. Cette fois, c'est fini, vous avez l'interview dans son intégralité. Merci à l'internaute qui me l'a envoyée si gentiment et m'a juste demandé une petite chose en retour : évoquer la salle "A thou bout d'chant", située à Lyon. C'est chose faite !