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22/04/2006

Article sur Machin, paru le 20 avril dans L'Est Républicain

LE RETOUR DE MACHIN

Au terme d’une parenthèse de vingt années, retour du quatuor le plus délirant du folk

 

Les retrouvailles ont eu lieu lors du mémorable concert de Thiéfaine à Bercy. Ce soir de 1998, les quatre de Machin ont rejoint pour le final Hubert-Félix le temps d’une chanson… Comme au bon vieux temps, ces trois années où ils avaient enregistré avec lui, l’avaient accompagné sur scène tout en continuant en parallèle une carrière commencée au milieu des années 70.

Pas plus que Tony Carbonare, le bassiste devenu manager de qui chacun sait, les autres n’avaient lâché la rampe. Jean-Paul Simonin, batterie, Jean-Pierre Robert, guitare, Gilles Kusmeruk, violon et accordéon, avaient continué à évoluer dans le monde musical.

N’empêche que ce fameux Bercy bourré comme un œuf leur a donné l’envie de se retrouver. Pour le fun d’abord en dépoussiérant un répertoire qui, en son temps, avait fait quantité d’adeptes. Les joyeuses répétitions ne pouvaient finalement que déboucher sur un retour à la scène et, pourquoi pas, un CD. Il est sorti l’an dernier, rappelant qu’on avait peut-être enterré trop tôt Machin délirant comme jamais.

La parenthèse aura duré une vingtaine d’années. De quoi avoir un réel plaisir d’être à nouveau ensemble et de faire partager ce bonheur au public.

 

« Je suis un folkeux »

 

« En compile », le disque enregistré lors de prestations dans une dizaine de villes du grand Est, donne une idée de l’ambiance délirante balancée à coups de titres comme « Pacse-toi avec moi », « Sur la route de Rome », « Pour quelques centimètres de plus » et pour les connaisseurs « La cancoillote ».

On passe, ainsi, d’airs traditionnels revus sauce Machin à des ébauches de morceaux plus électriques. De quoi bouger et frapper dans les mains. Les mélodies de ce quatuor d’expérience ne peuvent qu’être bien troussées. Même s’il n’est plus d’actualité, « Le raffarindum » passe toujours bien la rampe. Ils conjuguent désormais au passé leur credo de jadis « Je suis un folkeux » mais assurent toujours avec la même flamme ce qui ressemble à un aller-retour en première classe dans une certaine musique.

Impossible de manquer, donc, leur passage à la salle des fêtes de Vandoeuvre ce vendredi à 20h30. Pour la bonne bouche, tout finira par un bal folk.

20/04/2006

"Le temps des visites au corbeau d'Allan Poe"

Le Corbeau, texte d’Edgar Allan Poe (1809-1849). La traduction que je vous propose ici est de Charles Baudelaire. (Désolée pour la forme. Les strophes ne sont pas toujours correctement marquées. J'ai fait je ne sais combien de modifications, mais elles n'ont pas été prises en compte. Stressant!)

Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la  porte de ma chambre. « C’est quelque visiteur, - murmurai-je, - qui frappe à la porte de ma chambre ; ce n’est que cela et rien de plus ».

Ah ! distinctement je me souviens que c’était dans le glacial décembre, et chaque tison brodait à son tour le plancher du reflet de son agonie. Ardemment je désirais le matin ; en vain m’étais-je efforcé de tirer de mes livres un sursis à ma tristesse, ma tristesse pour ma Lénore perdue, pour la
précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore, - et qu’ici on ne nommera jamais plus.


Et le soyeux, triste et vague bruissement des rideaux pourprés me pénétrait, me remplissait de terreurs fantastiques, inconnues pour moi jusqu’à ce jour ; si bien qu’enfin pour apaiser le battement de mon cœur, je me dressai, répétant : « C’est quelque visiteur attardé sollicitant l’entrée à la porte de ma chambre ; - c’est cela même, et rien de plus ».


Mon âme en ce moment se sentit plus forte. N’hésitant donc pas plus longtemps : « Monsieur, dis-je, ou madame, en vérité, j’implore votre pardon ; mais le fait est que je sommeillais et vous êtes venu frapper si doucement, si faiblement vous êtes venu frapper à la porte de ma chambre, qu’à peine étais-je certain de vous avoir entendu ». Et alors j’ouvris la porte toute grande ; - les ténèbres, et rien de plus.


Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps plein d’étonnement, de crainte, de doute, rêvant des rêves qu’aucun mortel n’a jamais osé rêver ; mais le silence ne fut pas troublé, et l’immobilité ne donna aucun signe, et le seul mot proféré fut un nom chuchoté : « Lénore ! »
C’était moi qui le chuchotais, et un écho à son tour murmura ce mot :
« Lénore ! » Purement cela, et rien de plus.


Rentrant dans ma chambre, et sentant en moi toute mon âme incendiée, j’entendis bientôt un coup un peu plus fort que le premier. « Sûrement, - dis-je, - sûrement, il y a quelque chose aux jalousies de ma fenêtre ; voyons donc ce que c’est, et explorons ce mystère ; - c’est le vent, et rien de plus ».


Je poussai alors le volet, et, avec un tumultueux battement d’ailes, entra un majestueux corbeau digne des anciens jours.
Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta pas, il n’hésita pas une minute ; mais avec la mine d’un lord ou d’une lady, il se percha au-dessus de la porte de ma chambre ; il se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre ; -il se percha, s’installa, et rien de plus.


Alors, cet oiseau d’ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire : « Bien que ta tête, - lui dis-je, - soit sans huppe et sans cimier, tu n’es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la nuit plutonienne ! »
Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Je fus émerveillé que ce disgracieux volatile entendît si facilement la parole,
bien que sa réponse n’eût pas un bien grand sens et ne me fût pas d’un grand secours ; car nous devons convenir que jamais il ne fut donné à un homme vivant de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre,
un oiseau ou une bête sur un buste sculpté au-dessus de la porte de sa chambre, se nommant d’un nom tel que
-Jamais plus !


Mais le corbeau, perché solitairement sur le buste placide, ne proféra que ce mot unique, comme si dans ce mot unique il répandait toute son âme.
Il ne prononça rien de plus ; il ne remua pas une plume, -
Jusqu’à ce que je me prisse à murmurer faiblement : « D’autres amis se sont déjà envolés loin de moi, vers le matin, lui aussi, il me quittera comme mes anciennes espérances déjà envolées ». L’oiseau dit alors :
« Jamais plus ! »

Tressaillant au bruit de cette réponse jetée avec tant d’à-propos : Sans doute, - dis-je, - ce qu’il prononce est tout son bagage de savoir, qu’il a pris chez quelque maître infortuné que le Malheur impitoyable a poursuivi ardemment, sans répit, jusqu’à ce que le De profundis de son espérance eût pris ce mélancolique refrain :
« Jamais –
jamais plus ! »

Mais le corbeau induisant encore toute ma triste âme à sourire, je roulai tout de suite un siège à coussins en face de l’oiseau et du buste et de la porte ; alors, m’enfonçant dans le velours, je m’appliquai à enchaîner les idées aux idées, cherchant ce que cet augural oiseau des anciens jours, ce que ce triste, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau des anciens jours voulait faire entendre en croassant son
-          Jamais plus !

Je me tenais ainsi, rêvant, conjecturant, mais n’adressant plus une syllabe à l’oiseau, dont les yeux ardents me brûlaient maintenant jusqu’au fond du cœur : je cherchai à deviner cela, et plus encore, ma tête reposant à l’aise sur le velours du coussin que caressait la lumière de la lampe, ce velours violet caressé par la lumière de la lampe que sa tête, à Elle, ne pressera plus, - ah, jamais plus !

Alors, il me sembla que l’air s’épaississait, parfumé par un encensoir invisible que balançaient les séraphins dont les pas frôlaient le tapis de ma chambre.
« Infortuné ! – m’écriai-je, - ton Dieu t’a donné par ses anges, il t’a envoyé du répit, du répit et du népenthès dans tes ressouvenirs de Lénore ! Bois, oh ! bois ce bon népenthès, et oublie cette Lénore perdue ! »
Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète ! – dis-je, - être de malheur ! oiseau du démon ! mais toujours prophète ! que tu sois un envoyé du tentateur, ou que la tempête t’ait simplement échoué, naufragé, mais encore intrépide, sur cette terre déserte, ensorcelée, dans ce logis par l’Horreur hanté, - dis-moi sincèrement, je t’en supplie, existe-t-il, existe-t-il ici un baume de Judée ? Dis, dis, je t’en supplie ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète ! – dis-je, - être de malheur ! oiseau du démon ! toujours prophète ! par ce ciel tendu sur nos têtes, par ce Dieu que tous deux nous adorons, dis à cette âme chargée de douleur si, dans le Paradis lointain, elle pourra embrasser une fille sainte que les anges nomment Lénore, embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore ».
Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Que cette parole soit le signal de notre séparation, oiseau ou démon !  – hurlai-je en me redressant. – Rentre dans la tempête, retourne au rivage de la nuit plutonienne ; ne laisse pas ici une seule plume noire comme souvenir du mensonge que ton âme a proféré ; laisse ma solitude inviolée ; quitte ce buste au-dessus de ma porte ; arrache ton bec de mon cœur et précipite ton spectre loin de ma porte ! »
Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Et le corbeau, immuable, est toujours installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre ; et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve ; et la lumière de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre sur le plancher ; et mon âme, hors du cercle de cette ombre qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus s’élever, - jamais plus !

Réponse aux commentaires de 655321 et de Povtip

Mille mercis à ceux qui ont mis des commentaires au bas de certaines notes ! J’aimerais vraiment que ce blog soit, comme son nom l’indique, un cabaret, donc aussi un lieu où l’on échange des idées !  

Je suis tout à fait d’accord avec 655321 : moi aussi, je suis loin d’avoir compris tout HFT. Et cela n’est pas pour me déplaire, j’adore trouver soudain un sens possible à un texte que j’écoute depuis des années sans le comprendre ! Et j’aime aussi me laisser bercer par des paroles que je ne comprends pas !

Povtip, ton commentaire me va également ! Moi aussi, je considère Thiéfaine comme un véritable poète.

J’ai peu d’idées ce soir. De plus, je suis encore confrontée à des problèmes techniques : je voulais mettre ce billet dans les commentaires, impossible. Je crée donc une nouvelle note. Dommage, j’aurais vraiment voulu répondre directement après vos commentaires. Mais, malheureusement, je ne possède pas encore complètement tous les rouages de la machine !

J’ai recopié hier le poème « Le corbeau ». Magnifique. Je vais le mettre aussi sur le blog.

Demain soir, je vais voir le groupe Machin en concert. Je me réjouis, je vous raconterai !

18/04/2006

Pourquoi j'aime Thiéfaine en douze points que j'aimerais pouvoir exprimer de façon percutante mais ça va être coton!

J’aime Thiéfaine parce que :

-il a une écriture à nulle autre pareille dans le paysage musical français,

-il est, à ma connaissance, le seul chanteur français qui parle de poètes allemands ou qui case des mots allemands dans ses chansons,

-il est resté fidèle à ses idéaux, quoi qu’en disent certains (voir les forums où ça cause d’Hubert),

-il parvient à rassembler des gens qui viennent d’univers très différents : il n’est que d’observer les foules bigarrées qui viennent l’applaudir en concert pour avoir une idée de ce mélange des genres,

-son univers est complètement à part, sa poésie me file des électrochocs,

-il chante comme personne la mistoufle, « la dèche, le twist et le reste »,

-il a le génie des titres (j’y reviendrai plus longuement bientôt),

-lorsque j’écoute « Alligators 427 », toute seule la nuit, cela me fiche presque les chocottes, preuve que cette chanson a atteint son but (merde, si « le monde est aux fantômes, aux hyènes et aux vautours », il y a de quoi pétocher à mort, non ?)

-il « raccommode les yeux crevés » et « rafistole les chromosomes »,

-j’ai appris plein de mots grâce à lui (par exemple « sycophante », « caboulot », « systole »),

-pour les beaux yeux de son public qui lui réclame « L’étranger dans la glace » sur la présente tournée, il renonce aux caves de Reims et se cloître et bosse comme un dingue, toujours pour les beaux yeux de son public, afin d’avoir bien en main ce morceau fabuleux,

-il m’a donné envie de lire les Chants de Maldoror, le poème « Le corbeau », d’Edgar Allan Poe, Malcolm Lowry, et j’en oublie sans doute.

Bien entendu, à ces différents points pourront s’en ajouter d’autres au fil du temps !

Et vous, pourquoi aimez-vous Thiéfaine (en autant de points que vous voulez) ?!

 

"Oh meine kleine Mutter mehr Licht!"

« Mehr Licht ! » veut dire « plus de lumière ! ». On dit souvent que ces mots furent les derniers que prononça le grand Goethe. Apparemment, l’écrivain voulait simplement signifier par là qu’il souhaitait voir entrer plus de lumière dans la pièce où il agonisait. On cite ces propos dans un sens tout différent pour dire : « Plus de clarté intellectuelle, plus de savoir, de vérité ! ».

Dans le génial Dictionnaire de la mort des grands hommes (Isabelle BRICARD, Le cherche-midi éditeur, 1995), on apprend que « ces mots très « goethiens » que la postérité a conservés et révère comme les « dernières paroles de Goethe » ne sont en fait que les avant-dernières paroles de Goethe, les dernières étant moins « goethiennes » mais plus touchantes. Tandis qu’il délirait dans cette inconscience qui le conduisait paisiblement vers la mort, Goethe serrait entre ses mains la main de sa belle-fille, Ottilie. Son souffle était si faible qu’on ne savait pas s’il vivait encore. Ottilie voulut dégager sa main, mais Goethe la serra en murmurant : « Allons, petite femme, laisse-moi encore un moment ta chère petite patte ». A onze heures et demie du matin, l’étreinte se desserra ».  

Alors, quels furent vraiment les derniers mots de Goethe ?! Nous n’étions pas là pour les entendre !

17/04/2006

Scorpions, mandragores, pourceaux et crapauds!

Reprenons le dernier passage que j’ai extrait des Chants de Maldoror :

 

« Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau ».

 

 

Je trouve que Thiéfaine est un peu dans le même registre dans « Les dingues et les paumés » :

 

« Dans leurs chambres blindées leurs fleurs sont carnivores

 

et quand leurs monstres crient trop près de la sortie

 

ils accouchent de scorpions et pleurent des mandragores ».

 

On reste en tout cas dans le végétal et l’animal !!

 

"Ils ont cru s'enivrer des Chants de Maldoror"...

Isidore Ducasse, connu en poésie sous le pseudonyme de comte de Lautréamont, est né en Uruguay, à Montevideo, en 1846. Il fut très tôt orphelin de mère. Son père, grand séducteur, travaillait au consulat de France. Très vite, l’adolescent ombrageux déconcerte ce bon vivant aimable et frivole qui l’embarque en 1869 sur un bateau en partance pour Bordeaux … sous le prétexte de lui offrir des études dignes de son brillant esprit scientifique. Après trois années d’internat à Tarbes et Pau, le jeune homme arrive à Paris. Il a dix-sept ans.
Des sept années qui lui restent à vivre, nous ne savons presque rien, sinon qu’il a habité dans de fort modestes meublés, dont il déménageait souvent. S’est-il livré, en cette tumultueuse fin de règne de Napoléon III, à des activités révolutionnaires ? Les voisins se plaignaient-ils du tapage de son piano qui résonnait à toute heure du jour et de la nuit ? Ou bien fuyait-il la police chargée de surveiller ses fréquentations subversives ? La guerre éclate, mettant fin à ses projets littéraires. Sa santé déjà précaire ne résiste pas à la vie désordonnée qu’il mène. Il meurt poitrinaire le 24 novembre 1870, laissant planer sur sa vie un mystère qui n’a jamais été totalement éclairci.
Les Chants de Maldoror, défendus par Léon Bloy, et par Rémy de Gourmont, seront réimprimés, de façon confidentielle, en 1874 et en 1890. Et c’est Blaise Cendrars qui, au début du XXème siècle, les fera reparaître. Les Surréalistes se chargeront alors de les faire connaître et de révéler l’œuvre énigmatique de Lautréamont au grand public.

 

Sources : Le grand livre de la poésie française, Marcel JULLIAN, éditions Fixot, 1988.
Les chants de Maldoror et autres œuvres, Comte de Lautréamont, Bookking International, Paris, 1995.

 

Quelques extraits des Chants de Maldoror :
« En descendant du grand au petit, chaque homme vit comme un sauvage dans sa tanière, et en sort rarement pour visiter son semblable, accroupi pareillement dans une autre tanière. La grande famille universelle des humains est une utopie digne de la logique la plus médiocre ».

 

« Ma poésie ne consistera qu’à attaquer, par tous les moyens, l’homme, cette bête fauve, et le Créateur, qui n’aurait pas dû engendrer une pareille vermine. Les volumes s’entasseront sur les volumes, jusqu’à la fin de ma vie, et, cependant, l’on n’y verra que cette seule idée, toujours présente à ma conscience ! »

 

« Quand une comète, pendant la nuit, apparaît subitement dans une région du ciel, après quatre-vingts ans d’absence, elle montre aux habitants terrestres et aux grillons sa queue brillante et vaporeuse. Sans doute, elle n’a pas conscience de ce long voyage ; il n’en est pas ainsi de moi : accoudé sur le chevet de mon lit, pendant que les dentelures d’un horizon aride et morne s’élèvent en vigueur sur le fond de mon âme, je m’absorbe dans les rêves de la compassion et je rougis pour l’homme ! »

 

« Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau ».
 

 

Cela donne une petite idée du style (succulent) de Lautréamont !

 

 

15/04/2006

L'obsession des glandes?

Dans la revue « Chorus » hiver 1998-99, un dossier complet était consacré à Thiéfaine.

 

Dans la rubrique « Jeu de mots », à « Erotisme », on trouve ces mots d’Hubert :

 

« C’est une histoire de glandes, plus le fantasme. L’amour, c’est une histoire de glandes sublimées. L’érotisme, c’est une histoire de glandes fantasmées ».

 

Et puis, bien avant, il y avait eu aussi : « Pas prendre pour un courrier du cœur les pulsions des glandes endocrines » !

 

Définition de l’amour version 2005 : « ce chagrin des glandes » !

 

Et à propos de « glander », cette fois, on trouve dans le même « Chorus » :

 

Jean Théfaine : « Ne rien foutre, ce serait quoi concrètement ? »

 

Réponse de Thiéfaine : « Je serais un grand contemplatif. Je me shooterais toute la journée avec plein d’images, en les oubliant deux secondes après. Je cultiverais l’inutilité ».