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31/12/2006

Romain Gary

Une fois de plus, je vais citer Chorus n°26! Voici ce que disait Thiéfaine à propos de Gary, dans le chapitre intitulé "Céline, Dylan, Ferré et les autres" :

"A la même époque, en complément de Céline, j'ai lu Romain Gary. J'ai adoré son humour chaleureux, de la même manière que j'avais adoré le cynisme de Céline. La preuve qu'on peut aimer deux personnages aussi éloignés l'un de l'autre".

Ah mais oui que l'on peut! Et comment!

Voici un peu de Romain Gary dans ce monde de brutes :

"J'en avais la chair de poule. Quand il vous arrive quelque chose de tellement bon que ça ne s'est jamais vu, sauf peut-être dans les temps légendaires, il faut se méfier, car on ne peut pas savoir ce que ça cache".

 

"Tous les soirs à sept heures j'allais attendre Aline rue Ménil. Elle me souriait toujours en passant, comme ça, amicalement. Et puis brusquement elle a cessé de me sourire et passait à côté, le regard tout droit devant elle, comme si elle ne me voyait pas. C'était bon signe, ça voulait dire que maintenant elle faisait vraiment attention à moi. Je ne voulais pas la draguer, je laissais grandir. C'est toujours bon d'avoir quelque chose qu'on peut imaginer. Il est vrai que des fois ça monte trop haut et après on se casse la gueule. Moi j'ai souvent remarqué qu'il y a quelque chose avec la réalité qui n'est pas encore au point".

 

"Il dit que la mortalité est un truc sans issue et que c'est pas la peine. Ce n'est pas vrai. Je n'y pense pas tout le temps, au contraire, c'est la mortalité qui pense à moi tout le temps".

 

"Quand on aime comme on respire, ils prennent tous ça pour une maladie respiratoire".

 

"C'est vrai que la sensibilité chez moi est l'ennemi du genre humain, si on pouvait s'en débarrasser, on serait enfin tranquille".

 

"J'ai toujours voulu être un salaud qui s'en fout sur toute la ligne et quand vous n'êtes pas un salaud c'est là que vous vous sentez un salaud, parce que les vrais salauds ne sentent rien du tout. Ce qui fait que la seule façon de ne pas se sentir un salaud c'est d'être un salaud".

 

"Si on commence à chercher tout ce qui manque... Il faut se limiter, parce qu'on ne peut pas manquer de tout à la fois".

 

"Et quand tu es heureux, mais alors ce qu'on appelle heureux, tu as encore plus peur parce que tu n'as pas l'habitude" (tiens, tiens, cela me rappelle les paroles de quelqu'un!!).

 

"Le stoïcisme, c'est quand on a tellement peur de tout perdre qu'on perd tout exprès, pour ne plus avoir peur".

"Je crois que ce n'est pas seulement la vieille clocharde, c'est tout le monde qui pousse devant lui un tandem vide".

 

"Tu devrais te laisser les cheveux encore plus longs. Pour qu'il y ait plus de toi".

 

"Il y a des temps, des époques où il ne faut pas être trop exigeant et savoir gré aux gens de ce qu'ils ne font pas contre vous".

 

"Chuck dit que c'est ainsi que le monde a été créé, que la Connerie soit et le monde fut, mais ce sont là des vues de l'esprit et moi je pense qu'il y a eu plutôt quelqu'un qui s'amusait sans penser à mal et c'est sorti comme ça, un gag qui a pris corps".

 

"J'ai fermé les yeux et j'ai presque prié. J'ai dit presque, parce que je ne l'ai pas fait, je suis cinéphile mais pas à ce point".

 

"J'étais claqué, j'avais envie de me lever et de tout changer, de prendre les choses en main et de sauver le monde, du début jusqu'à la fin, en réparant tout depuis le début qui a été mal fait jusqu'à présent et qui n'a pas été sans causer des torts, et de revoir tout ça en détail, en bricolant des améliorations, de revoir tout en détail, tous les douze volumes de l'Histoire universelle et de les sauver tous jusqu'au dernier des goélands".

 

"Comme quoi parfois tout finit bien. Je le dis vite en passant, car lorsque les choses s'arrangent, j'en ai de l'angoisse, je me demande toujours ce que l'avenir a en tête".

 

"Des fois, la pire des choses qui peut arriver aux questions, c'est la réponse".

 

Tous les passages cités sont extraits du magnifique roman L'angoisse du roi Salomon. En les tapant, je me suis dit, à propos de certains : "Ouh, celui-là, il sent la redite, je l'ai déjà mis sur le blog"! Je suis désolée, mais quand on aime Romain Gary comme j'aime Romain Gary, on ne compte pas!!!!

29/12/2006

Femme de Loth

j’écoute siffler le vent à 11500 mètres

pendant que ma voisine clignote sur mon vu-mètre

et j’imagine son cri, ses crimes et ses dentelles

moi qui m’croyais gazé v’là que j’déconne pour elle

 

météo-sex-appeal en matant la dérive

du Sèvres-Babylone correspondance Ninive

et je change à Sodome, à Gomorrhe j’ouvre un pack

avant de me tirer de c’putain d’Eden-park

ne te retourne pas (2)

 

j’ai ma bombe à étrons et j’ai mes droits de l’homme

et j’ai ma panoplie de pantin déglingué

et j’ai ces voix débiles qui m’gueulent dans l’hygiaphone

ne vous retournez pas la facture est salée

 

ne te retourne pas, lady…prends tes distances

la terre joue au bingo sa crise d’adolescence (2)

 

nous sommes les naufragés dans cet avion-taxi

avec nos yeux perdus vers d’autres galaxies

nous rêvons d’ascenseurs au bout d’un arc-en-ciel

où nos cerveaux malades sortiraient du sommeil

ne te retourne pas

 

 

 

Ouah ! Avec la dernière strophe, c’est le décollage, non ?! J’adore cette chanson !

Je me rends compte aujourd’hui que je n’ai peut-être pas avoué, quand on faisait le « jeu des erreurs », que j’ai longtemps compris « mémé au sex-appeal » au lieu de « météo-sex-appeal ». Et pourquoi pas, après tout ? Il existe des mémés très bien conservées, non ?!!

 

 

Voici à présent le passage de la Bible dans lequel il est question de Lot (ou Loth : les deux orthographes sont possibles) et de sa femme :

 

Destruction de Sodome

Vers le soir, les deux anges arrivèrent à Sodome. Lot était assis à la porte de la ville. En les voyant, il se leva pour aller à leur rencontre et se prosterna le visage contre terre : « Messeigneurs, leur dit-il, je vous en prie, venez chez votre serviteur pour y passer la nuit, et vous laver les pieds. Demain matin, vous poursuivrez votre route. » - « Non, répondirent-ils, nous passerons la nuit sur place ».

Mais Lot les pressa tant qu’ils vinrent chez lui et entrèrent dans la maison. Il leur prépara un festin, fit cuire des pains sans levain, et ils mangèrent.

Ils n’étaient pas encore couchés que les hommes de la ville, les hommes de Sodome, s’attroupèrent autour de la maison, depuis les jeunes gens jusqu’aux vieillards, toute la population. Ils appelèrent Lot : « Où sont, lui dirent-ils, les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit ? Amène-les-nous, pour que nous les connaissions. » Lot sortit vers eux sur le seuil de sa maison, et, fermant la porte derrière lui, il leur dit : « Je vous en prie, mes frères, ne commettez pas ce crime. Ecoutez, j’ai deux filles encore vierges. Je vais vous les amener, et vous leur ferez ce que vous voudrez. Mais ne faites rien à ces hommes, puisqu’ils sont venus s’abriter sous mon toit. » Ils répondirent : « Ote-toi de là ! » en ajoutant : « Voilà un individu qui n’est qu’un étranger chez nous, et il veut faire le juge ! Eh bien, nous t’en ferons voir plus qu’à eux. » Et, repoussant Lot avec violence, ils s’avancèrent pour enfoncer la porte. Mais les deux voyageurs étendirent la main et, faisant rentrer Lot dans la maison, ils refermèrent la porte. Ils frappèrent d’aveuglement les gens qui étaient au seuil de la maison, jeunes et vieux, qui s’efforcèrent en vain de trouver la porte.

Les deux hommes dirent à Lot : « Qui as-tu encore ici ? Gendres, fils et filles, tout ce qui est ton parent dans la ville, fais-les sortir de ce lieu. Car nous allons détruire cet endroit, parce que le cri qui s’élève de ses habitants est énorme devant le Seigneur, et que le Seigneur nous a envoyés pour les anéantir. Lot sortit pour parler à ses gendres, qui avaient épousé ses filles : « Levez-vous, leur dit-il, sortez d’ici ; car le Seigneur va détruire la ville. » Mais ses gendres s’imaginèrent qu’il plaisantait. Au lever de l’aurore, les anges pressèrent Lot en lui disant : « Lève-toi, prends ta femme et tes deux filles qui sont chez toi, afin de ne pas périr dans le châtiment de la ville. » Comme il tardait, ces hommes le saisirent par la main, lui, sa femme et ses deux filles, parce que le Seigneur voulait les épargner, et l’entraînèrent hors de la ville.
Lorsqu’ils les eurent fait sortir, un des anges dit : « Sauve-toi, si tu veux garder ta vie. Ne regarde pas en arrière, ne t’arrête nulle part dans la plaine ; fuis vers la montagne, sinon tu périras. » Lot leur dit : « Oh ! non, Seigneur ! Votre serviteur a déjà trouvé grâce à vos yeux et vous faites acte de grande bonté à mon égard en me conservant la vie ; mais je ne puis me sauver à la montagne, car le fléau m’atteindrait auparavant et je périrais. Voici une ville assez proche pour pouvoir m’y abriter. C’est une petite bourgade, je m’y réfugierai. Permettez que je le fasse – elle est si petite – et j’aurai la vie sauve. » Il lui dit : « Je t’accorde encore cette faveur, de ne pas détruire la ville dont tu parles. Hâte-toi de t’y réfugier, car je ne puis rien faire avant que tu y sois arrivé. » C’est pour cela qu’on a nommé cette ville Ségor.

Le soleil se levait sur la terre quand Lot entra dans Ségor. Alors le Seigneur fit tomber sur Sodome et Gomorrhe une pluie de soufre et de feu, venant du Seigneur, du ciel. Il anéantit ces villes et toute la plaine ainsi que tous les habitants des villes et la végétation du sol. La femme de Lot, qui avait regardé en arrière, devint une colonne de sel.

 

 

 

On comprend bien pourquoi, dans la chanson de Thiéfaine, il est question d’une « facture salée » ! Décidément, l’irrémédiable le fascine, entre ça et Eurydice !!

 

 

Pour finir, ces mots de Paul FORT : "Et j'la r'verrai plus. Elle est des villages. Le bon Dieu, comme ça, y veut des rencontres, y fait des amours, et puis y vous lâche. C'est le p'tit Jésus qui s'fout du monde".

28/12/2006

Thiéfaine et "le monde allemand"

Toujours dans Chorus n°26 (hiver 1998-1999), Thiéfaine évoquait ses goûts littéraires en long, en large et en travers, ce qui m'a donné envie de creuser et m'a permis de découvrir, par exemple, Bukowski. Et Kerouac il y a quelques mois. Hubert cite également Crumley et Jim Harrison. Crumley, jamais entendu parler! Jim Harrison, je ne connais que de nom. Si l'un de vous a déjà lu ces auteurs, qu'il n'hésite pas à me conseiller des titres!

Et puis, dans cet interview, il y a un passage qui me chavire évidemment plus que tous les autres : "Dans le monde allemand, aussi, il y en a qui me parlent. Comme les romantiques. Hölderlin, Heine et surtout Goethe, auquel j'ai emprunté un passage dans l'album Météo für Nada". 

Voilà qui m'autorise à vous servir de nouveau un peu de littérature allemande sur ce blogos!! Un petit Goethe, cela vous dit?! Voilà un auteur que j'ai découvert tardivement. Je crois qu'il m'a toujours effrayée par son côté monumental. Et puis, il y a quelques années, son West-östlicher Divan était au programme de l'agrégation. Je me suis soudain amourachée de l'homme vieillissant, toujours aussi disposé, pourtant, à étreindre la vie. Voici donc :

DREISTIGKEIT

Worauf kommt es überall an

Dass der Mensch gesundet?

Jeder höret gern den Schall an

Der zum Ton sich rundet.

 

Alles weg was deinen Lauf stört!

Nur kein düster Streben!

Eh er singt und eh er aufhört

Muss der Dichter leben.

 

Und so mag des Lebens Erzklang

Durch die Seele dröhnen!

Fühlt der Dichter sich das Herz bang

Wird sich selbst versöhnen.

 

Ce qui donne en français (dans la traduction d'Henri Lichtenberger) :

VOEU AUDACIEUX

Qu'est-ce qui fait qu'en tout lieu,

Chacun se sente heureux

Et que chacun prête l'oreille

Quand les mots s'ordonnent en harmonie?

 

Arrière, ce qui gêne ta course!

Pas de tristesse ni de deuil!

Avant d'ouvrir son chant, avant de le cesser,

Il faut que le poète vive.

 

Et qu'ainsi la corde d'airain de la vie

Fasse vibrer ton âme!

Si le poète sent son coeur angoissé,

Il trouvera de lui-même l'apaisement.

 

 

Et, pour finir, cette phrase d'Anaïs Nin :

"Je marche au-devant de moi-même dans l'attente perpétuelle d'un miracle".

 

Deux ou trois bricoles

La pensée du jour : "Dans les interviews, je suis souvent embarrassé, parce que j'ai des attitudes diverses et contradictoires. Je peux me coucher à 5 heures du matin, ou me lever à 5 heures du matin. Je peux avoir un besoin intense de la ville et par ailleurs habiter à la campagne - et m'en trouver bien; être quelqu'un de très poli, d'hypocrite même, et vivre mon côté sauvage, inconscient; être idéaliste et en même temps avoir envie de me vautrer dans le sordide", Hubert-Félix THIEFAINE (Hubert-Félix Thiéfaine, Pascale Bigot).

 

A la page 61 de ce livre, je tombe ce matin sur ce passage : "Dans Météo für Nada, on voit un cap'tain M'achab en mal de Moby Dick, un Corto Maltese à la poursuite de graals perdus". Ah, la piste que j'ai évoquée dernièrement sur le "Petit Hubert illustré" ne serait peut-être pas fausse. Je me disais que cette histoire de "cap'tain M'achab" était peut-être une allusion au capitaine Achab. Pour plus d'informations, allez là :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Moby_Dick

Soph, si tu passes par le cabaret un de ces quatre matins, dis-moi ce que tu penses du CD de Jamait!!!

26/12/2006

Histoire du soldat : enfin la suite!

La pensée du jour : "Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi. Et puis le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu'en faire?" Jonathan LITTELL.

 

Il y a environ six milliards d'années, je vous avais proposé, ici même, un extrait de l'Histoire du soldat. Pour ceux qui auraient oublié de quoi il s'agit, voici une petite piqûre de rappel : Thiéfaine a joué le rôle du diable dans Histoire du soldat. C'était en 2004, me semble-t-il, à Dijon. Il y a quelques mois, j'ai acheté le livre de Ramuz, afin d'en livrer l'intégralité ici. J'ai cela en stock dans mon ordinateur, mais la dernière note concernant cette Histoire du soldat remonte au 2 novembre 2006! On peut se rafraîchir la mémoire en consultant les archives! Je vais profiter des vacances pour balancer, sur ce blog, la fin de cette pièce! 

 

LE DIABLE, avec la voix qu’il a dans la lecture.

 

En voilà-t-il pas des façons

pour un pauvre petit violon !...

 

LE SOLDAT, levant la tête.

Va-t’en, je te dis, va-t’en !...

 

Il se remet à lire.

LE DIABLE, apparaissant de l’autre côté de la scène. Même voix.

Je vois qu’on y revient pourtant !

On commence par dire non,

Puis on se fait une raison…

 

Le soldat se redresse brusquement, prend le livre et le jette à terre.

 

LE DIABLE, passant la tête par la porte du fond. Voix de fausset et comme s’il s’agissait d’un autre personnage.

 

Est-ce qu’il est permis d’entrer ?

 

LE SOLDAT

Qu’est-ce que vous voulez ?

 

LE DIABLE

On voudrait vous parler…

 

S’avançant à petits pas.

 

Mais permettez !...

 

Ramassant le livre qu’il tend au soldat.

 

quelque chose, monsieur, que vous avez laissé tomber.

 

LE SOLDAT, prenant le livre.

Est-ce tout ?

 

LE DIABLE

Monsieur, on va vous expliquer…

J’ai mon carton sur le palier,

des raretés, monsieur, des curiosités…

 

LE SOLDAT

Non, merci.

LE DIABLE

Oh ! mon bon monsieur, par pitié…

 

LE SOLDAT, sortant sa bourse.

Alors faisons vite ; tenez…

 

LE DIABLE

Monsieur, on a sa dignité.

Rien qu’on ne l’ait d’abord gagné.
On fait son métier, son petit métier.

Mon carton est sur le palier.
Si j’allais vous le chercher ?...

 

Il sort brusquement. La musique commence. Petits airs au bord du ruisseau. Le diable rentre avec le sac du soldat, qu’il pose à terre.

 

Regardez, monsieur, regardez !...

 

De plus en plus vite.

 

Des bagues, des montres, des colliers ?

Non ?

 

Signe du soldat.

 

Des dentelles ? Non ? Dites non sans vous gêner…

C’est vrai, vous n’êtes pas marié…

On fait son métier, son petit métier…

Et une médaille en argent doré ?...

 

Signe du soldat. Comme avec étonnement.

 

Non ? Toujours non ?... Mais j’ai trouvé !

Un beau portrait tout encadré ?...

 

Le soldat se tourne vers lui.

 

Ah ! voilà qui a l’air de vous intéresser.

Est-ce encore non ?... est-ce encore non ?...

 

Il sort le violon du soldat et le présente au public.

 

Et si on vous offrait un petit violon ?

 

Le soldat se lève. Le diable est tourné vers le public et parle par-dessus son épaule tout en se retirant.

 

LE SOLDAT

Combien ?

 

Le soldat se met à le suivre.

 

Combien ? Je vous dis.

 

Le soldat se précipite sur lui. Le diable cache le violon derrière son dos.

 

LE DIABLE

On s’arrange toujours entre amis.

 

Tendant le violon.

 

Je vous permets de l’essayer,

nous conviendrons du prix après.

 

Le soldat s’empare du violon. Il essaie de jouer, le violon reste muet.
Le soldat se retourne, le diable a disparu.
Le soldat jette de toutes ses forces le violon dans la coulisse.
Il revient à son bureau. La musique joue toujours. Il prend le livre, il le déchire en mille morceaux.

 

Le rideau se baisse. Fin de la musique.

 

"Syndrome albatros"

 

Clown masqué décryptant les arcanes de la nuit

dans les eaux troubles et noires des amours-commando

tu croises des regards alourdis par l'oubli

et des ombres affolées sous la terreur des mots

toi qui voulais baiser la terre dans son ghetto

tu en reviens meurtri, vidé par sa violence

et tu fuis ce vieux monstre à l'écaille indigo

comme on fuit les cauch'mars souterrains de l'enfance

de crise en délirium; de fièvre en mélodrame

franchissant la frontière aux fresques nécrophiles

tu cherches dans les cercles où se perdent les âmes

les amants fous, maudits, couchés sur le grésil

et dans le froid torride des heures écartelées

tu retranscris l'enfer sur la braise de tes gammes

fier de ton déshonneur de poète estropié

tu jouis comme un phénix ivre mort sous les flammes

puis en busard blessé cerné par les corbeaux

tu remontes vers l'azur, flashant de mille éclats

et malgré les brûlures qui t'écorchent la peau

tu fixes dans la brume : Terra Prohibida

doux chaman en exil, interdit de sabbat

tu pressens de là-haut les fastes avenirs

comme cette odeur de mort qui précède les combats

et marque le début des vocations martyres

mais loin de ces orages, vibrant de solitude

t'inventes un labyrinthe aux couleurs d'arc-en-ciel

et tu t'en vas couler tes flots d'incertitude

dans la bleue transparence d'un soleil torrentiel

vois la fille océane des vagues providentielles

qui t'appelle dans le vert des cathédrales marines

c'est une fille albatros, ta petite soeur jumelle

qui t'appelle et te veut dans son rêve androgyne.

 

Hubert-Félix Thiéfaine

 

 

L'albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.

 

A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.

 

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!

Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!

L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

 

Le Poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l'archer;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

 

Charles Baudelaire

 

 

Et la pensée du jour, ou plutôt de la nuit, en cette heure tardive :

"L'homme qu'on voudrait être. L'homme qu'on croit être. L'homme qu'on est. Où est la suture, qui réalise idéalement le point d'identité?" Louis CALAFERTE.

24/12/2006

Joyeux Noël

Joyeux Noël les commerçants les amis des p'tits enfants

qui proposent joyeusement les nouveaux jeux de chez Nathan :

un soldat qui va à la guerre avec sa troupe de militaires

un jeu révolutionnaire où faut tuer les gars à terre

Pi c'est si beau les étincelles dans les yeux d'la p'tite demoiselle

qui rêve de barbie Matel, l'en devient même son modèle

et voilà les jeux sont vendus et le monde on l'reconnaît plus

y'a qu'des poupées plein les rues et la violence ne choque plus

Joyeux Noël... Joyeux Noël...

 

Joyeux Noël la p'tite maman qui pense bien faire pour ses enfants

en dépensant beaucoup d'argent parce qu'elle veut les voir contents

parce qu'elle a du coeur elle pense quand même à ceux qu'ont pas d'vacances

parce qu'elle a des sous elle dépense et réduit son coeur au silence

Alors elle entre dans l'grand Auchan où t'as du parfum envoûtant

d'la musique et des pubs en grand, pi elle obéit aux slogans

alors si c'est ça les valeurs, les cadeaux font le bonheur

remplis l'grand panier en ferraille et nourris ceux que tu affames

Joyeux Noël... Joyeux Noël...

 

Joyeux Noël au monde des grands, c'lui qui pourrit les enfants

joyeux Noël à ces titans qu'ont rien compris à l'instant

joyeux Noël joyeux parents, les adeptes du dernier moment

qui foncent contre leur temps vers la corvée des cadeaux manquants

C'lui du p'tit neveu qu'ils voient jamais ou d'la grand-mère du cousin d'André

pour qui ils prennent pour pas s'faire chier le livre le plus vendu d'l'année

alors vient l'heure des cadeaux, le sourire se prépare tôt

on dit "il fallait pas, c'est trop", pi on l'oublie près du gâteau

Joyeux Noël... Joyeux Noël...

 

C'est la joyeuse consommation d'une fête de moutons

qui aiment les huîtres et les marrons parce que c'est la tradition

période de pub et de billets autour d'un Père Noël truqué

Saint Nicolas a pas marché, il passe moins bien à la télé

C'est l'hiver joyeux de Noël, les lumières de la ville s'éveillent

et profitant qu'on s'émerveille y'en a qui font marcher l'oseille

mais je suppose que l'on oublie, du moins jusqu'à la fin d'la nuit

c'est vrai qu'c'est moins facile de s'dire qu'on nourrit la grande tirelire

Joyeux Noël... Joyeux Noël

 

Marie Cherrier

 

 

Alors, naïve, la p'tite Marie?!!!

J'adore cette chanson!

Joyeux Noël à vous, quand même, amis du blog et d'ailleurs!!!

23/12/2006

"A part ça tout va bien comme dit Schopenhauer"...

La pensée du jour : "Je me suis fait un vrai malheur avec ce chien. Je me suis mis à l'aimer comme c'est pas permis", Romain GARY.

 

Aujourd'hui, rien que pour les beaux yeux d'Evadné, voici quelques aphorismes de Schopenhauer. En allemand, s'il vous plaît!

"Die Freunde nennen sich aufrichtig, die Feinde sind es".

 

"Einsamkeit ist das Los aller hervorragenden Geister".

 

"Heiraten bedeutet, seine Rechte halbieren und seine Pflichten verdoppeln".

 

"Höflichkeit ist wie ein Luftkissen, es mag wohl nichts drin sein, aber es mildert die Stöße des Lebens".

 

"Meistens belehrt erst der Verlust uns über den Wert der Dinge".

 

"Der Reichtum gleicht dem Seewasser : je mehr man davon trinkt, desto durstiger wird man".

 

"All unser Übel kommt daher, dass wir nicht allein sein können".

 

 

Voilà, chère Evadné, tu as toutes les vacances pour méditer ces aphorismes et les traduire!!!!

 

Et voici, en français cette fois, un extrait du Monde comme volonté et représentation :

 

"Cet effort qui constitue le centre, l'essence de chaque chose, c'est au fond le même, nous l'avons depuis longtemps reconnu, qui en nous, manifesté avec la dernière clarté, à la lumière de la pleine conscience, prend le nom de volonté. Est-elle arrêtée par quelque obstacle dressé entre elle et son but du moment : voilà la souffrance. Si elle atteint ce but, c'est la satisfaction, le bien-être, le bonheur. Ces termes, nous pouvons les étendre aux êtres du monde sans intelligence; ces derniers sont faibles, mais, quant à l'essentiel, identiques à nous. Or, nous ne les pouvons concevoir que dans un état de perpétuelle douleur, sans bonheur durable. Tout désir naît d'un manque, d'un état qui ne nous satisfait pas; donc il est souffrant, tant qu'il n'est pas satisfait. Or, nulle satisfaction n'est de durée; elle n'est que le point de départ d'un désir nouveau. Nous voyons le désir partout arrêté, partout en lutte, donc toujours à l'état de souffrance; pas de terme dernier à l'effort; donc pas de mesure, pas de terme à la souffrance".