16/09/2006
Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable
La pensée du jour : « Puis j’ai mis ma dernière tournée en me demandant si les morts se sentaient aussi seuls que les vivants », Hubert-Félix THIEFAINE.
Aujourd’hui, je vous propose encore du Romain Gary ! C’est plus fort que moi, j’adore cet écrivain ! Toutes les phrases qui vont suivre sont extraites du roman Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable.
« Depuis que l’homme rêve, il y a déjà eu tant d’appels au secours, tant de bouteilles jetées à la mer, qu’il est étonnant de voir encore la mer, on ne devrait plus voir que les bouteilles ».
« Jamais je n’avais aimé avec un don aussi total de moi-même. Je ne me souvenais même plus de mes autres amours, peut-être parce que le bonheur est toujours un crime passionnel : il supprime tous les précédents ».
« Jamais tu ne m’as demandé comme tant d’autres femmes : ‘A quoi penses-tu ?’ ce qui m’a toujours fait l’effet d’un passage de bulldozer ».
« Elle m’ouvrit la porte, vêtue de transparence, tenant encore dans ses bras un de ces bouquets de fleurs qui partent toujours à la recherche d’un cœur et ne trouvent qu’un vase ».
« Je ne sais si le jour déclinait ou s’il s’agissait d’une ombre plus profonde… »
« Il paraît qu’il ne faut pas avoir peur du bonheur. C’est seulement un bon moment à passer ».
« La conversation est une des formes les plus méconnues du silence ».
« un silence qui se prolonge un peu trop et que l’on interrompt avant qu’il ne devienne éloquent ».
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15/09/2006
Y'a d'la joie!!
La pensée du jour :
"A quoi te sert, Socrate, d'apprendre à jouer de la lyre puisque tu vas mourir?
-A jouer de la lyre avant de mourir".
Cité par Caroline THIVEL, dans son très beau livre Départs.
Hier, au Livre sur la Place, l’une des plus belles manifestations nancéiennes, je me suis acheté un livre épouvantable ! Je m’en délecte déjà !! Il s’agit de L’art de guillotiner les procréateurs, manifeste anti-nataliste. Dans ce livre assez saugrenu, Théophile de Giraud se demande si nous avons le droit de mettre des enfants au monde et, si oui, sous quelles conditions. En gros, ce n'est plus "alertez les bébés" du bon père Higelin, c'est carrément "arrêtez les bébés"!!! Des tas de citations se promènent dans ce bouquin et c’est sans grande surprise que l’on y retrouve Schopenhauer ou encore Antonin Artaud, nos deux optimistes de service !! Voici quelques phrases glanées çà et là :
« Je souffre affreusement de la vie.
Je sens l’appétit du ne pas être ». Antonin ARTAUD, Le suicide est-il une solution ?
« Le seul bonheur est de ne pas naître.
La fin du monde, voilà le salut ; préparer cette fin, voilà l’œuvre du sage ». Arthur SCHOPENHAUER, Entretien avec Challemel-Lacour.
« Notre état est si malheureux qu’un absolu non-être serait bien préférable ». Arthur SCHOPENHAUER, Le Monde comme Volonté et comme Représentation.
« Les Jours nous harcèlent et nous désarçonnent ;
Et cependant nous vivons,
Abominant notre vie, et nous épouvantant de mourir ». Lord BYRON, Manfred.
« Je n’étais pas né : je ne cherchais pas à naître, et n’aime guère la situation dans laquelle cette naissance m’a jeté. (…) Je voudrais n’avoir jamais vécu !
Donner naissance à ceux qui ne peuvent que souffrir durant de nombreuses années, puis mourir, il me semble que c’est simplement propager la mort, et multiplier le meurtre ». Lord BYRON, Caïn.
« J’ai reçu la vie comme une blessure, et j’ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C’est le châtiment que je lui inflige ». LAUTREAMONT, Les Chants de Maldoror.
« La vie m’est un fardeau, je désire la mort et j’abhorre l’existence.
Oh ! que ne suis-je jamais né ! » Johann Wolfgang von GOETHE, Faust.
Tout cela est bien gai, n’est-ce pas ?!! Vous croyez que la Maison Borniol fait toujours « 15 % de réduction sur suicide collectif » ?!!!!!
Délicate Suricate, que diras-tu de cette avalanche de tristesse ?!!!! Bienvenue sur le blog des candidats au suicide !!!!!
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14/09/2006
"J'ai appris hier..."
D'abord, avant d'aborder la vie d'Antonin Artaud, ces quelques mots de Charles JULIET :
"si dérisoire
ce qui m'est donné
au regard
de ce qu'escomptait
ma soif".
1896 : Naissance d’Antoine Marie Joseph Artaud, dit Antonin, le 4 septembre à Marseille. Durant son enfance, il est au contact des langues entendues dans sa famille : grec, turc, italien.
« Me croirez-vous, Henri Thomas, si je vous dis que je ne viens pas de ce monde-ci, que je ne suis pas comme les autres hommes nés d’un père et d’une mère, que je me souviens de la suite infinie de mes vies avant ma soi-disant naissance à Marseille le 4 septembre 1896, 4 rue du Jardin-des-Plantes, et que l’ailleurs d’où je viens n’est pas le ciel mais quelque chose comme l’enfer de la terre à perpétuité. » (Lettre à Henri Thomas, 15 mars 1946).
1905 : Mort accidentelle à sept mois de sa petite sœur Germaine à laquelle il était très attaché. Ses parents auront en tout huit enfants dont trois seulement survécurent.
1910 : Elève au collège du Sacré-Cœur de Marseille, dirigé par des maristes. Il fonde avec des camarades une petite revue où il publie, sous le pseudonyme de Louis des Attides, ses premiers poèmes inspirés de Baudelaire et Edgar Poe.
1914 : Crise dépressive lors de sa dernière année de collège. Il ne se présente pas à la deuxième partie du baccalauréat, détruit ses écrits. Il est ajourné au conseil de révision. Il songe à devenir prêtre.
1915-1919 : Effectue plusieurs séjours dans des maisons de santé (dépressions, troubles « nerveux »). Prend pour la première fois de l’opium en 1919 pour lutter, écrira-t-il, contre « des états de douleurs errantes et d’angoisses ».
1920 : Il s’installe à Paris, confié par sa famille au docteur Toulouse. Il devient figurant de théâtre. Il est rapidement engagé dans la compagnie de Charles Dullin où il joue plusieurs petits rôles. Rencontre avec la comédienne Génica Athanasiou, à laquelle le lie une passion orageuse jusqu’en 1927.
1923 : Parution de son premier recueil de poèmes, Tric-trac du ciel.
1924 : Il envoie ses poèmes à Jacques Rivière ; parution de la Correspondance avec Jacques Rivière dans la NRF. Il rencontre André Breton et commence à collaborer à La Révolution surréaliste.
1925 : Publie dans de très nombreuses revues. Publication du Pèse-nerfs et de L’ombilic des limbes. Début du tournage du Napoléon d’Abel Gance (rôle de Marat).
1926 : Parution de « Fragments d’un Journal d’Enfer » dans la revue Commerce. Publication du manifeste du « Théâtre Alfred Jarry » qu’il fonde avec Roger Vitrac et Robert Aron. En novembre, il est exclu du groupe surréaliste en même temps que Philippe Soupault.
1927-1930 : De 1927 à 1929 ont lieu quatre spectacles du Théâtre Alfred Jarry. Les difficultés financières et le manque de soutien le contraignent pourtant à interrompre l’expérience de ce qui fut selon Robert Aron « le seul théâtre surréaliste qui ait tenté de s’établir à Paris ». Parallèlement, il tourne dans plusieurs films.
1932 : Son état de santé ne cesse d’empirer : il traverse des crises aiguës de souffrance et d’angoisse qui le conduisent à prendre des doses de plus en plus importantes de laudanum. A plusieurs reprises, il tente des cures de désintoxication, essaie des séances d’acupuncture, s’adresse en désespoir de cause à des voyantes et thaumaturges divers.
1933-1934 : Rencontre Anaïs Nin pour laquelle il éprouve une brève et fulgurante passion. Publication de Héliogabale ou l’Anarchiste couronné.
1935 : Il prépare le recueil de ses textes sur le théâtre, Le Théâtre et son double, qui paraîtra finalement en 1938.
1936 : Séjour au Mexique. Il passe le mois de septembre avec les Indiens de la sierra Tarahumara ; il dira y avoir été initié au rite du peyotl.
1937 : Projet de mariage puis rupture avec Cécile Schramme. Il entreprend successivement deux cures de désintoxication. Depuis son retour du Mexique, il apparaît de plus en plus exalté et parle de révélations qu’on lui aurait faites sur sa vie. Il décide que son nom doit disparaître. Parution des Nouvelles Révélations de l’Etre, signées Le Révélé.
Du 14 août au 29 septembre, il effectue un voyage en Irlande à la rencontre des anciennes cultures druidiques. Il est emprisonné à Dublin sans doute pour vagabondage et trouble à l’ordre public. Rapatrié de force sur un navire, il est remis à la police du Havre et interné d’office à Sotteville-lès-Rouen.
1938 : Il est transféré à Sainte-Anne où il est vu, entre autres, par Jacques Lacan qui l’aurait déclaré définitivement perdu pour la littérature.
1939-1943 : Séjour à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, près de Paris. Considéré comme incurable, il ne reçoit aucun traitement. Il écrit de très nombreuses lettres aux médecins, à sa famille, à ses amis, à diverses personnalités du monde politique. Il se dit persécuté par les « Initiés » et réclame sans cesse qu’on vienne le délivrer. En novembre 1942, sa mère obtient, grâce à l’aide de Robert Desnos, le transfert de son fils en zone « libre », dans le service du docteur Ferdière à Rodez, où les restrictions (alimentaires, en particulier) sont moins sévères.
1943-mai 1946 : Séjour à l’hôpital psychiatrique de Rodez où ses conditions de vie s’améliorent. Il revient peu à peu à l’écriture littéraire. Il subit plusieurs séries d’électrochocs, thérapie qu’on supposait à l’époque d’une grande efficacité mais dont la violence le terrorise.
Dans le cadre de l’art-thérapie prôné par le docteur Ferdière, il adapte en français des textes de Lewis Carroll et d’Edgar Poe. Il écrit beaucoup et, à partir du début de l’année 1945, il commence à réaliser de grands dessins en couleurs. Il écrit et dessine tous les jours dans de petits cahiers d’écolier qui deviendront les Cahiers de Rodez, puis les Cahiers du retour à Paris - activité qui durera jusqu’à sa mort.
1946 : Libéré de l’asile, il arrive à Paris le 26 mai. Les amis qui ont organisé son retour l’installent à Ivry, en pensionnaire libre, dans la maison de santé du docteur Delmas.
1947 : Le 13 janvier, devant une salle comble, Artaud lit ses derniers poèmes, raconte sa vie d’interné, accuse la société de l’avoir envoûté.
En février, une exposition Van Gogh s’ouvre au musée de l’Orangerie à Paris. Artaud écrit en un mois l’un de ses plus beaux textes : Van Gogh le suicidé de la société.
Le 24 février, il écrivait à Jean Paulhan : « Ma vie de tous les instants est une lutte incessante contre la mort ». Il absorbe d’énormes quantités de laudanum pour soulager ses douleurs.
1948 : Une consultation à la Salpêtrière révèle un cancer inopérable du rectum. Interdiction le 11 février de l’émission radiophonique qu’il avait enregistrée : Pour en finir avec le jugement de Dieu.
Le 4 mars, il est trouvé mort, assis au pied de son lit, par le personnel de la maison de santé, probablement d’une surdose accidentelle d’hydrate de chloral, une drogue dont il connaissait encore mal les effets. Le 8 mars, il est enterré civilement au cimetière communal d’Ivry.
Ses restes sont transférés par sa famille en avril 1975 au cimetière Saint-Pierre de Marseille.
Tiens, dans cette biographie parue dans le Magazine littéraire de septembre 2004, il est question de Van Gogh, de Baudelaire, d’Edgar Allan Poe, de laudanum, de Dublin ! Inévitablement, on pense au « Jeu de la folie », non?!
Pour finir, quelques mots d’Antonin Artaud :
« Je suis un abîme complet ».
« L’absurde me marchait sur les pieds ».
« Là où d’autres proposent des œuvres je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit. La vie est de brûler des questions. Je ne conçois pas d’œuvre comme détachée de la vie. Je ne conçois pas non plus l’esprit comme détaché de lui-même. Chacune de mes œuvres, chacun des plans de moi-même, chacune des floraisons glacières de mon âme intérieure bave sur moi. Je me retrouve autant dans une lettre écrite pour expliquer le rétrécissement de mon être et le châtrage insensé de ma vie, que dans un essai extérieur à moi-même, et qui m’apparaît comme une grossesse indifférente de mon esprit ».
« Ma vie mentale est toute traversée de doutes mesquins et de certitudes péremptoires qui s’expriment en mots lucides et cohérents. Et mes faiblesses sont d’une contexture plus tremblante, elles sont elles-mêmes larvaires et mal formulées. Elles ont des racines vivantes, des racines d’angoisse qui touchent au cœur de la vie ».
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13/09/2006
Louis Calaferte
Voilà encore un auteur que j'aime beaucoup. Il me semble que c'est lui qui se définissait comme un "mortimiste". Ce soir, voici encore quelques mots de lui (et tant pis si je m'éloigne du sujet, mais, comme Romain Gary, je revendique haut et fort mon droit au "hors de propos"!!) :
"Simple, mais vrai contentement, que d'entrer au moment du coucher, dans la chambre agréablement aménagée et décorée. L'odeur de lessive des draps propres. Tiédeur de la pièce chauffée par le soleil de la journée, où flottent comme en traces légères les saveurs de la campagne.
Ce sont des sensations de cette nature, des minutes aussi fugaces, mais profondément ressenties, qui sont le bonheur; qu'il faut s'appliquer à savourer.
Ce sont ces instants, ces détails infimes que, plus tard, l'on regrette, qui vous bouleversent aux larmes lorsqu'ils sont à jamais disparus".
"On ne connaît rien de ceux qui nous entourent, de ceux qui nous sont chers. On les regarde sans les voir, on les entend sans les comprendre, on les aime sans les pénétrer : ils disparaissent, étrangers à nous comme à eux nous le sommes; et, après nous, ce désert se prolonge".
"On songe, par ces magnifiques journées de beau temps, à tous les malheurs qui nous pourraient accabler".
"Le grand bouquet, sur la commode de l'entrée, est fané. Nous mourons de vivre".
"Je suis criblé d'orages".
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12/09/2006
Emile Ajar, alias Romain Gary
La pensée du jour : "L'os de la réalité m'étrangle" (Louis CALAFERTE, Satori).
Toutes les phrases qui suivent sont tirées de Gros-Câlin, roman signé Emile Ajar :
« Je me suis d’ailleurs toujours demandé pourquoi le printemps se manifeste seulement dans la nature et jamais chez nous. Ce serait merveilleux si on pouvait donner naissance vers avril-mai à quelque chose de proprement dit ».
« En général, l’homme et la femme qui sont prédestinés ne se rencontrent pas, c’est ce qu’on appelle destin, justement ».
« Mon grand problème, monsieur l’angoisse, c’est le commissaire ».
« On voit donc que je sais parfaitement à chaque instant où j’en suis et c’est d’ailleurs là tout mon problème ».
« J’avais tellement besoin d’une étreinte amicale que j’ai failli me pendre ».
« J’ai commencé à m’intéresser aux nombres, pour me sentir moins seul. A quatorze ans, je passais des nuits blanches à compter jusqu’à des millions, dans l’espoir de rencontrer quelqu’un, dans le tas ».
« Et ma température est, aussi étrange que cela puisse paraître, 36°6, alors que je sens quelque chose comme 5° au-dessous de zéro. Je pense que ce manque de chaleur pourra être remédié un jour par la découverte de nouvelles sources d’énergie indépendantes des Arabes, et que la science ayant réponse à tout, il suffira de se brancher sur une prise de courant pour se sentir aimé ».
« J’étonnerai en disant que la Cordillère des Andes doit être très belle. Mais je le dis hors de propos pour montrer que je suis libre. Je tiens à ma liberté par-dessus tout ».
« D’ailleurs, je n’attendais nullement qu’il mette son bras autour de mes épaules, en me jetant un de ces ‘ça va ?’ qui permettent aux gens de se désintéresser de vous en deux mots et de vaquer à eux-mêmes ».
« Je sais également qu’il existe des amours réciproques, mais je ne prétends pas au luxe. Quelqu’un à aimer, c’est de première nécessité.
« Je ne sais quelle forme prendra la fin de l’impossible, mais je vous assure que dans notre état actuel avec ordre des choses, ça manque de caresses ».
« Il m’arrive souvent de me sentir de trop, comme tous ceux qui se sentent pas assez ».
« On disait jadis que les murs ont des oreilles qui vous écoutent, mais ce n’est pas vrai, les murs s’en foutent complètement, ils sont là, c’est tout ».
« Je ne sais si on mesure suffisamment toute l’importance qu’un événement peut prendre, lorsqu’il risque de ne pas se produire ».
« Je croisais mes bras sur ma poitrine avec une telle force que j’en éprouvai une véritable présence affective. Les bras sont d’une importance capitale pour la chaleur du réconfort ».
« Je note rapidement et en passant que j’aspire de tout mon souffle respiratoire à une langue étrangère. Une langue tout autre et sans précédent, avec possibilités ».
« Je me suis calmé peu à peu, et je fis un petit somme pour me récupérer. Je me récupérai du reste sans peine, indemne, avec toutes mes mutilations intactes et en bon état de marche ».
« Moins on existe et plus on est de trop. La caractéristique du plus petit, c’est son côté excédentaire. Dès que je me rapproche du néant, je deviens en excédent. Dès qu’on se sent de moins en moins, il y a à quoi bon et pourquoi foutre ».
« Je désire au contraire une montre qui aurait besoin de moi et qui cesserait de battre, si je l’oubliais ».
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10/09/2006
Un peu de Baudelaire
"Il fait beau à hurler. A ne pas croire au mal". Marie FOUGERE, Les lettres de Mauve.
Oui, en ce jour de grand soleil, le texte suivant tombe à point nommé:
L’étranger
-Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
-Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
-Tes amis ?
-Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
-Ta patrie ?
-J’ignore sous quelle latitude elle est située.
-La beauté ?
-Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle .
-L’or ?
-Je le hais comme vous haïssez Dieu.
-Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
-J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !
Charles BAUDELAIRE
16:10 | Lien permanent | Commentaires (0)
09/09/2006
La mélancolie par Ferré, puis par Miossec
La pensée du jour : "Rencontrer un être et le qualifier d'exception ne prouve pas une affection débordante envers le genre humain" (René FALLET). Ben non, mais, que veux-tu, mon cher René, faire preuve d'une affection débordante envers le genre humain, ce serait insensé!!
La mélancolie version Ferré
C’est un’rue barrée
C’est c’qu’on peut pas dire
C’est dix ans d’purée
Dans un souvenir
C’est ce qu’on voudrait
Sans devoir choisir
La mélancolie
C’est un chat perdu
Qu’on croit retrouvé
C’est un chien de plus
Dans le monde qu’on sait
C’est un nom de rue
Où l’on va jamais
La mélancolie
C’est se r’trouver seul
Plac’de l’Opéra
Quand le flic t’engueule
Et qu’il ne sait pas
Que tu le dégueules
En rentrant chez toi
C’est décontracté
Ouvrir la télé
Et r’garder distrait
Un Zitron’ pressé
T’parler du tiercé
Que tu n’as pas joué
La mélancolie
La mélancolie
C’est voir un mendiant
Chez l’conseil fiscal
C’est voir deux amants
Qui lis’nt le journal
C’est voir sa maman
Chaqu’fois qu’on s’voit mal
La mélancolie
C’est revoir Garbo
Dans la Rein’Christine
C’est revoir Charlot
A l’âge de Chaplin
C’est Victor Hugo
Et Léopoldine
La mélancolie
C’est sous la teinture
Avoir les ch’veux blancs
C’est sous la parure
Fair’la part des ans
Et sous la blessure
Voir passer le temps
C’est un chimpanzé
Au zoo d’Anvers
Qui meurt à moitié
Qui meurt à l’envers
Qui donn’rait ses pieds
Pour un revolver
La mélancolie
La mélancolie
C’est les yeux des chiens
Quand il pleut des os
C’est les bras du Bien
Quand le Mal est beau
C’est quelquefois rien
C’est quelquefois trop
La mélancolie
C’est regarder l’eau
D’un dernier regard
Et faire la peau
Au divin hasard
Et rentrer penaud
Et rentrer peinard
C’est avoir le noir
Sans savoir très bien
Ce qu’il faudrait voir
Entre loup et chien
C’est un désespoir
Qu’a pas les moyens
La mélancolie
La mélancolie
La mélancolie version Miossec
La mélancolie
Qui vient qui coule
Qui vous enfonce tout doucement
Qui vous enroule
Qui vous blottit
Qui vous protège des ouragans
La mélancolie qui vient qui cogne
A la porte si souvent
Que l’on s’y abandonne
Que l’on se roule même dedans
La mélancolie
De nos meilleures années
Nos compagnes nos conneries
Ne doivent pas un jour s’oublier
Nos mélancolies
Se mélangent mon ange
S’emmêlent
Dans nos vies de petits blancs
Dans tous ces souvenirs d’école
Et de tout le tremblement
La mélancolie
Comme une anomalie
Qui démolit tout doucement
Qui vous demande qui vous explique
Qu’on n’est plus des enfants
La mélancolie
Qui coule de source
Qui colle au corps
Et qui vous crée des putains d’emmerdements
La mélancolie c’est communiste
Tout le monde y a droit de temps en temps
La mélancolie n’est pas capitaliste
C’est même gratuit pour les perdants
La mélancolie c’est pacifiste
On ne lui rentre jamais dedans
La mélancolie oh tu sais ça existe
Elle se prend même avec des gants
La mélancolie c’est pour les syndicalistes
Il faut juste sa carte de permanent
Miossec est Breton, Brestois plus exactement. Ce n'est pas sa seule qualité! J'adore son dernier album!
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07/09/2006
François Villon : en référence à "Télégramme 2003"
La petite pensée du jour (que j’adore) : “Wenn du einem Menschen begegnest, soll er mit einem Lächeln weitergehen, und sein Puls soll um drei Grade stärker schlagen, weil du ihm eine Ahnung von seinen verborgenen Kräften und den in ihm schlummernden Ideen verschafft hast“ (Fred WANDER). En français, cela donne (en nettement moins joli!!!!!) : « Lorsque tu rencontres quelqu’un, il doit repartir avec le sourire et son pouls doit battre trois fois plus fort, parce que tu lui auras fait pressentir ses forces cachées et les idées qui sommeillent en lui ». C’est vrai, il y a comme ça parfois des rencontres qui vous donnent des ailes…
François Villon : 1431-1489 ? Voilà les dates que donne mon Grand livre de la poésie française, mais le Petit Larousse indique, sans point d’interrogation : 1431-1463.
Né en 1431 dans une famille pauvre, François Villon est vite pris en charge par « Maître Guillaume de Villon / Qui m’a été plus doux que mère ». L’enfant, qui s’appelait Montcorbier, prend le nom du bon chapelain et termine, sans fougue, à 20 ans, des études apparemment laborieuses. Il se contente du titre de « maître ès arts » et refuse d’aller plus loin dans l’une des trois voies « nobles », la théologie, la médecine et le droit. Pour gagner sa vie, il devient copiste, tout en recevant les ordres mineurs et en gardant des liens très forts avec cette Université qui occupe alors à Paris une bonne partie de la rive gauche. Là est son royaume et, en 1452, il participe aux graves troubles qui éclatent alors entre les étudiants, protégés par les privilèges de l’Université, et les archers du roi.
Une fois la fièvre retombée, Villon se sent incapable de rester copiste ou de devenir maître d’école. Nostalgique des combats de rue contre les archers et de cette longue fête tragi-comique où tout semblait permis, il va maintenant, insoumis et marginal, divaguer, vagabonder… et voler. Au lieu de se retrouver du côté des maîtres, de l’argent et du savoir, il s’éloigne du chapelain pour se rapprocher des mauvais lieux et des tavernes. Avec ses amis, il chante, joue, triche, court les filles. Quoi de meilleur que passer le temps gaiement, en escroquant son voisin et en se moquant des bourgeois et des arrivistes ? La « reconstruction » de la France après la guerre de Cent Ans (qui vient juste de se terminer) n’intéresse pas plus Villon et ses amis que celle de 1945 n’intéressera les « zazous »… Les filles, bien entendu, doivent suivre le mouvement et on entend Villon reprocher à Catherine d’envoyer « les hommes paistre », conseiller à Blanche de prendre « à destre et à senestre » et à Guillemette et à Jehanneton de ne pas attendre d’être « vieilles flétries » pour offrir leurs appas. Regardez, leur dit-il, la Belle Heaulmière : hier, c’étaient « petits tétins » et « fermes cuisses » ; ce ne sont plus aujourd’hui que « mamelles retraites » et « cuisses grivelées comme saucisses » !*
Le 5 juin 1455, Villon, au cours d’une rixe, tue un prêtre, Philippe Sermoise. Il fuit Paris et, au bout de six mois, obtient une lettre de rémission. Mais gare à la récidive ! Loin de s’amender, le poète recommence ses folies et, le soir de Noël 1456, François Villon s’empare avec d’autres « clercs » du trésor du collège de Navarre – puis part en éclaireur pour Angers mettre au point, semble-t-il, un autre « coup ». Mais la police de Paris, grâce au bavardage d’un de ses complices, apprend le nom des voleurs et Villon reste alors seul à Angers, où il apparaît un moment à la cour du duc d’Anjou. Après quoi il mène une vie vagabonde : on le voit à Blois à la cour de Charles d’Orléans, prince poète qui fut pendant 25 ans prisonnier des Anglais**, ou vivant avec les derniers coquillards, redoutables brigands de grand chemin, activement recherchés par les gens du roi…
En juillet 1460, il est en prison à Orléans, puis amnistié ; un an après, il est à nouveau prisonnier à Meung-sur-Loire, dans un cul-de-basse-fosse, tenaillé par la faim et les dents « plus longues que râteau ». Nouvelle amnistie, après laquelle il revient enfin à Paris, où il revoit Catherine, qui lui fait « mâcher des groseilles » (avaler des couleuvres) et la Grosse Margot, qui maintenant, hélas ! aime faire « brouer au mince », c’est-à-dire « cracher au bassinet »… (C’est d’un glauque !!).
On retrouve cet incorrigible à la prison du Châtelet en octobre 1462. Libéré sous forte amende, il est mêlé peu après à un autre fait divers et à nouveau arrêté. Cette fois, l’affaire est grave : rixe avec un riche commerçant de la rue Saint-Jacques, qui a été violemment molesté. Villon, qui s’attend au pire, écrit la « Ballade des Pendus »… Deux de ses complices seront de fait exécutés ; Villon est condamné au bannissement. Il quitte Paris en janvier 1463. On n’entendra plus parler de lui jusqu’en 1489, date à laquelle un libraire parisien éditera un recueil posthume de ses vers, parmi les plus beaux qu’on ait jamais écrits sur le temps qui passe, l’espérance déchue et le péché des hommes.
Source : Le grand livre de la poésie française, Marcel JULLIAN.
*Enfin, François, un peu de tenue, voyons ! Alors déjà à ton époque on gonflait les femmes avec ce foutu « jeune et ferme à tout prix » !!! Et toi, les testicules, à l’heure des bilans, tu ne les aurais pas eus trop pendouillants, ramollis, desséchés ? Non mais des fois !!! Pardon pour les personnes chastes et pures qui viennent traîner leurs guêtres sur ce blog ! Mais, d’abord, y a-t-il des personnes chastes et pures qui viennent traîner leurs guêtres sur ce blog ?!!!
**Dans « Télégramme 2003 », la phrase « Villon prisonnier de la tour / qui s’ra ton Charles d’Orléans » serait-elle interrogative ? Je comprends ça comme ça : qui s’ra ton Charles d’Orléans ? = Qui t’accueillera pour te permettre de faire encore de l’art malgré ton passé ? Mais je ne suis pas sûre de ce que j’avance !
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