31/08/2006
"Scandale mélancolique"
La pensée du jour : « Le bonheur : se réjouir de la lumière du ciel et du vert de la forêt ». Jean-Claude PIROTTE, Mont Afrique.
Le titre du dernier album de Thiéfaine est, je trouve, d’une puissance incroyable. « Scandale mélancolique » ! Cela ouvre des tas de portes. « Scandale » : on croit connaître toutes les définitions de ce mot, et voilà qu’un coup d’œil jeté au Petit Larousse 2006 nous en présente pas moins de cinq, que voici :
- Effet fâcheux, indignations produits dans l’opinion publique par un fait, un acte estimé contraire à la morale, aux usages. Agir sans craindre le scandale.
- Affaire malhonnête qui émeut l’opinion publique. Un scandale financier.
- Querelle bruyante, tapage. Faire du scandale.
- Fait qui heurte la conscience, le bon sens, la morale, suscite l’émotion, la révolte. Le scandale de la faim dans le monde.
- RELIG. Parole ou acte répréhensibles qui sont pour autrui une occasion de péché ou de dommage spirituel.
Le mot vient du grec « skandalon », qui signifie « piège, obstacle ».
Quant à « mélancolie », le mot vient du grec « melas », -« anos », noir, et « khôle », bile.
La mélancolie, chez Thiéfaine, rien de bien nouveau sous le soleil. J’ai déjà dit quelque part que la mélancolie est tellement familière à l’ami Hubert qu’il lui a même donné un petit nom, « mélanco ». Sans « le Soleil noir de la mélancolie », pour reprendre les mots de Gérard de NERVAL, la création artistique serait-elle possible ? Et surtout serait-elle aussi forte ?
Mélancolie. Le mot et surtout l’état qu’il désigne m’ont tellement obnubilée depuis l’arrivée, dans ma chaumière, de ce « scandale mélancolique », ou de cette « scandaleuse mélancolie », que j’ai même acheté un bouquin complet sur la question, Mélancolies de l’Antiquité au XXème siècle, d’Yves HERSANT. On y trouve quantité de beaux textes, aux titres aussi effrayants qu’enchanteurs : « L’ange du crépuscule », « Un fond ténébreux », « Le cœur à rien », « Les désordres de l’esprit », « La dialectique du désespoir », etc. Dans l’introduction, Yves HERSANT explique que chez les écrivains et artistes cités dans son anthologie, « la mélancolie se dépasse elle-même ; en s’écrivant, en se peignant, (…), elle se transcende ou se sublime ». Et de citer ces jolis mots de RILKE : « Un monde naquit de la plainte, un monde où tout fut recréé ».
Quelques lignes encore, toujours extraites de l’introduction : « Maladie du corps pour les uns, de l’âme pour les autres, de leur ‘jointure’ pour les plus lucides, la mélancolie est trop instable sémantiquement pour qu’on la considère comme un concept. Selon les locuteurs, elle nomme tour à tour un sentiment vague et rêveur, un malaise existentiel ou une folie des plus redoutables, dont l’issue est le suicide ». Le « Scandale mélancolique » de Thiéfaine ne pouvait donc, c’est logique, que déboucher sur un Suicide Tour !!!
Pour moi, la mélancolie thiéfainienne, c’est :
« J’ai traîné mes vingt siècles d’inutilité », « la vie c’est pas du bubble-gum et rien qu’le fait de respirer ça m’fout des crampes dans le sternum », « c’est depuis le début du monde que l’homme s’est déchiré », ce sont tant d’autres choses encore, c’est aussi et surtout ce qui m’a toujours réconciliée avec mes propres vagues à l’âme…
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30/08/2006
Pensée des morts
La pensée du jour (c’est décidé, j’en mettrai une chaque jour sur ce blog, cela pourra être aussi bien un extrait d’une chanson de Thiéfaine ou d’une chanson d’un autre chanteur, un extrait de livre, etc.). Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de citer Marie Desplechin : « J’aime bien la poésie en allemand, la puissance d’évocation est considérable » (magazine Lire, septembre 2006). Et c’est sur ces bonnes paroles que je balance aujourd’hui sur ce blog l’intégralité de :
PENSEE DES MORTS
Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon,
Voilà le vent qui s’élève
Et gémit dans le vallon,
Voilà l’errante hirondelle
Qui rase du bout de l’aile
L’eau dormante des marais,
Voilà l’enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.
L’onde n’a plus le murmure
Dont elle enchantait les bois ;
Sous des rameaux sans verdure
Les oiseaux n’ont plus de voix ;
Le soir est près de l’aurore,
L’astre à peine vient d’éclore
Qu’il va terminer son tour,
Il jette par intervalle
Une heure de clarté pâle
Qu’on appelle encore un jour.
L’aube n’a plus de zéphire
Sous ses nuages dorés,
La pourpre du soir expire
Sur les flots décolorés,
La mer solitaire et vide
N’est plus qu’un désert aride
Où l’œil cherche en vain l’esquif,
Et sur la grève plus sourde
La vague orageuse et lourde
N’a qu’un murmure plaintif.
La brebis sur les collines
Ne trouve plus le gazon,
Son agneau laisse aux épines
Les débris de sa toison,
La flûte aux accords champêtres
Ne réjouit plus les hêtres
Des airs de joie ou d’amour,
Toute herbe aux champs est glanée :
Ainsi finit une année,
Ainsi finissent nos jours !
C’est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents ;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants :
Ils tombent alors par mille,
Comme la plume inutile
Que l’aigle abandonne aux airs,
Lorsque des plumes nouvelles
Viennent réchauffer ses ailes
A l’approche des hivers.
C’est alors que ma paupière
Vous vit pâlir et mourir,
Tendres fruits qu’à la lumière
Dieu n’a pas laissé mûrir !
Quoique jeune sur la terre,
Je suis déjà solitaire
Parmi ceux de ma saison,
Et quand je dis en moi-même :
Où sont ceux que ton cœur aime ?
Je regarde le gazon.
Leur tombe est sur la colline,
Mon pied la sait ; la voilà !
Mais leur essence divine,
Mais eux, Seigneur, sont-ils là ?
Jusqu’à l’indien rivage
Le ramier porte un message
Qu’il rapporte à nos climats ;
La voile passe et repasse,
Mais de son étroit espace
Leur âme ne revient pas.
Ah ! quand les vents de l’automne
Sifflent dans les rameaux morts,
Quand le brin d’herbe frissonne,
Quand le pin rend ses accords,
Quand la cloche des ténèbres
Balance ses glas funèbres,
La nuit, à travers les bois,
A chaque vent qui s’élève,
A chaque flot sur la grève,
Je dis : N’es-tu pas leur voix ?
Du moins si leur voix si pure
Est trop vague pour nos sens,
Leur âme en secret murmure
De plus intimes accents ;
Au fond des cœurs qui sommeillent,
Leurs souvenirs qui s’éveillent
Se pressent de tous côtés,
Comme d’arides feuillages
Que rapportent les orages
Au tronc qui les a portés !
C’est une mère ravie
A ses enfants dispersés,
Qui leur tend de l’autre vie
Ces bras qui les ont bercés ;
Des baisers sont sur sa bouche,
Sur ce sein qui fut leur couche
Son cœur les rappelle à soi ;
Des pleurs voilent son sourire,
Et son regard semble dire :
Vous aime-t-on comme moi ?
C’est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N’emporta qu’une pensée
De sa jeunesse au tombeau ;
Triste, hélas ! dans le ciel même,
Pour revoir celui qu’elle aime
Elle revient sur ses pas,
Et lui dit : Ma tombe est verte !
Sur cette terre déserte
Qu’attends-tu ? Je n’y suis pas !
C’est un ami de l’enfance,
Qu’aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre cœur ;
Il n’est plus ; notre âme est veuve,
Il nous suit dans notre épreuve
Et nous dit avec pitié :
Ami, si ton âme est pleine,
De ta joie ou de ta peine
Qui portera la moitié ?
C’est l’ombre pâle d’un père
Qui mourut en nous nommant ;
C’est une sœur, c’est un frère,
Qui nous devance un moment ;
Sous notre heureuse demeure,
Avec celui qui les pleure,
Hélas ! ils dormaient hier !
Et notre cœur doute encore,
Que le ver déjà dévore
Cette chair de notre chair !
L’enfant dont la mort cruelle
Vient de vider le berceau,
Qui tomba de la mamelle
Au lit glacé du tombeau ;
Tous ceux enfin dont la vie
Un jour ou l’autre ravie,
Emporte une part de nous,
Murmurent sous la poussière :
Vous qui voyez la lumière,
Vous souvenez-vous de nous ?
Ah ! vous pleurer est bonheur suprême,
Mânes chéris de quiconque a des pleurs !
Vous oublier c’est s’oublier soi-même :
N’êtes-vous pas un débris de nos cœurs ?
En avançant dans notre obscur voyage,
Du doux passé l’horizon est plus beau,
En deux moitiés notre âme se partage,
Et la meilleure appartient au tombeau !
Dieu du pardon ! leur Dieu ! Dieu de leurs pères !
Toi que leur bouche a si souvent nommé !
Entends pour eux les larmes de leurs frères !
Prions pour eux, nous qu’ils ont tant aimé !
Ils t’ont prié pendant leur courte vie,
Ils ont souri quand tu les as frappés !
Ils ont crié : Que ta main soit bénie !
Dieu, tout espoir ! les aurais-tu trompés ?
Et cependant pourquoi ce long silence ?
Nous auraient-ils oubliés sans retour ?
N’aiment-ils plus ? Ah ! ce doute t’offense !
Et toi, mon Dieu, n’es-tu pas tout amour ?
Mais, s’ils parlaient à l’ami qui les pleure,
S’ils nous disaient comme ils sont heureux,
De tes desseins nous devancerions l’heure,
Avant ton jour nous volerions vers eux.
Où vivent-ils ? Quel astre à leur paupière
Répand un jour plus durable et plus doux ?
Vont-ils peupler ces îles de lumière ?
Ou planent-ils entre le ciel et nous ?
Sont-ils noyés dans l’éternelle flamme ?
Ont-ils perdu ces doux noms d’ici-bas,
Ces noms de sœur et d’amante et de femme ?
A ces appels ne répondront-ils pas ?
Non, non, mon Dieu, si la céleste gloire
Leur eût ravi tout souvenir humain,
Tu nous aurais enlevé leur mémoire,
Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ?
Ah ! dans ton sein que leur âme se noie !
Mais garde-nous nos places dans leur cœur ;
Eux qui jadis ont goûté notre joie,
Pouvons-nous être heureux sans leur bonheur ?
Etends sur eux la main de ta clémence,
Ils ont péché ; mais le ciel est un don !
Ils ont souffert ; c’est une autre innocence !
Ils ont aimé ; c’est le sceau du pardon !
Ils furent ce que nous sommes,
Poussière, jouet du vent !
Fragiles comme des hommes,
Faibles comme le néant !
Si leurs pieds souvent glissèrent,
Si leurs lèvres transgressèrent
Quelque lettre de ta loi,
Ô Père ! ô Juge suprême !
Ah ! ne les vois pas eux-mêmes,
Ne regarde en eux que toi !
Si tu scrutes la poussière,
Elle s’enfuit à ta voix !
Si tu touches la lumière,
Elle ternira tes doigts !
Si ton œil divin les sonde,
Les colonnes de ce monde
Et des cieux chancelleront :
Si tu dis à l’innocence :
Monte et plaide en ma présence !
Tes vertus se voileront.
Mais toi, Seigneur, tu possèdes
Ta propre immortalité !
Tout le bonheur que tu cèdes
Accroît ta félicité !
Tu dis au soleil d’éclore,
Et le jour ruisselle encore !
Tu dis au printemps d’enfanter,
Et l’éternité docile,
Jetant les siècles par mille,
Les répand sans les compter !
Les mondes que tu répares
Devant toi vont rajeunir,
Et jamais tu ne sépares
Le passé de l’avenir ;
Tu vis ! et tu vis ! les âges,
Inégaux pour tes ouvrages,
Sont tous égaux sous ta main ;
Et jamais ta voix ne nomme,
Hélas ! ces trois mots de l’homme :
Hier, aujourd’hui, demain !
Ô Père de la nature,
Source, abîme de tout bien,
Rien à toi ne se mesure,
Ah ! ne te mesure à rien !
Mets, ô divine clémence,
Mets ton poids dans la balance,
Si tu pèses le néant !
Triomphe, ô vertu suprême !
En te contemplant toi-même,
Triomphe en nous pardonnant !
Alphonse de Lamartine (1790-1869)
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29/08/2006
Le 4 octobre 2002 à Mâcon
Le 4 octobre 2002, à Mâcon, lors d’un concert acoustique auquel je n’étais malheureusement pas, Thiéfaine évoqua Lamartine et Musset. Pour ce qui est du premier, il fit même plus que l’évoquer : il chanta « Pensée des morts », poème de Lamartine mis en musique par Brassens. Thiéfaine expliqua, pour présenter la chanson, qu’il avait visité le château de Lamartine lors d’un voyage scolaire. Je mets en lien un site qui présente des lieux liés à la vie du poète :
http://www.macon-tourism.com/fr/decouverte-itineraire-lamartine.html
D’ailleurs, petite parenthèse, au passage, pour dire que j’ai visité dernièrement l’incroyable maison de Pierre Loti à Rochefort. Gigantesque ! On tombe amoureux sur-le-champ de l’âme de cet immense bonhomme !!! Enfin, moi, en tout cas !!
Bref, revenons à nos moutons ! A Mâcon, donc, Thiéfaine chanta « Pensée des morts ». Puisque par chez nous le ciel s’obstine à rester chargé comme en un jour de Toussaint, je vous livre le texte chanté par Hubert : c'est, pour ainsi dire, de circonstance! Après avoir retrouvé l’original dans les Méditations poétiques du cher Alphonse, j’ai pu constater que le poème en question avait été, dans la version Hubert (et sans doute Brassens, il faudra que je me renseigne), tronqué, ou que certaines strophes avaient été déplacées, etc. Voici d’abord le texte que Thiéfaine chanta à Mâcon. Suivra, quand j’en aurai le courage, la version originale (plusieurs pages) ! Attention : âmes sensibles, s’abstenir, le père Lamartine n’ayant pas écrit grand-chose de bien gai, que je sache !!!
PENSEE DES MORTS
Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon,
Voilà le vent qui se lève (version originale : s’élève)
Et gémit dans le vallon,
Voilà l’errante hirondelle
Qui rase du bout de l’aile
L’eau dormante des marais,
Voilà l’enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.
C’est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents ;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants :
Quoique jeune sur la terre,
Je suis déjà solitaire
Parmi ceux de ma saison,
Et quand je dis en moi-même :
Où sont ceux que ton cœur aime ?
Je regarde le gazon.
C’est alors que ma paupière
Vous vit pâlir et mourir,
Tendres fruits qu’à la lumière
Dieu n’a pas laissé mûrir !
Quoique jeune sur la terre,
Je suis déjà solitaire
Parmi ceux de ma saison,
Et quand je dis en moi-même :
Où sont ceux que ton cœur aime ?
Je regarde le gazon.
C’est un ami de l’enfance,
Qu’aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre cœur ;
Il n’est plus ; notre âme est veuve,
Il nous suit dans cette épreuve (version originale : notre épreuve)
Et nous dit avec pitié :
Ami, si ton âme est pleine,
De tes joies ou de tes peines (version originale : De ta joie ou de ta peine)
Qui portera la moitié ?
C’est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N’emporta qu’une pensée
De sa jeunesse au tombeau ;
Triste, hélas ! dans le ciel même,
Pour revoir celui qu’elle aime
Elle revient sur ses pas,
Et lui dit : Ma tombe est verte !
Sur cette terre déserte
Qu’attends-tu ? Je n’y suis pas !
C’est une mère ravie
A ses enfants dispersés,
Qui leur tend de l’autre vie
Ces bras qui les ont bercés ;
Des baisers sont sur sa bouche,
Sur ce sein qui fut leur couche
Son cœur les rappelle à soi ;
Des pleurs troublent son sourire, (version originale : voilent son sourire)
Et son regard semble dire :
Vous aime-t-on comme moi ?
C’est l’ombre pâle d’un père
Qui mourut en nous nommant ;
C’est une sœur, c’est un frère,
Qui nous devance un moment ;
Tous ceux enfin dont la vie
Un jour ou l’autre ravie,
Emporte une part de nous,
Murmurent sous la poussière :
Vous qui voyez la lumière,
De nous vous souvenez-vous ? (version originale : Vous souvenez-vous de nous ?)
Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon,
Voilà le vent qui se lève (version originale : s’élève)
Et gémit dans le vallon,
Voilà l’errante hirondelle
Qui rase du bout de l’aile
L’eau dormante des marais,
Voilà l’enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.
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27/08/2006
542 lunes et 7 jours environ
De retour de vacances et plongée sans transition dans la grisaille… Ciel baudelairien au-dessus de ma tête ! Je prendrais bien un petit Thiéfaine, histoire de me remettre d’aplomb. Aujourd’hui, ce sera « 542 lunes et 7 jours environ », qui reste une de mes chansons préférées !
"la terre est un Macdo recouvert de Ketchup
où l’homo cannibale fait des gloupses et des beurps
où les clowns en treillis font gémir la musique
entre les staccatos des armes automatiques
j’y suis né d’une vidange de carter séminal
dans le garage intime d’une fleur sentimentale
quand j’ai ouvert les yeux la lumière vagabonde
filait à 300 000 kilomètres à la seconde
j’ai failli me tirer mais j’ai fait bof areuh
j’suis qu’un intérimaire dans la continuité de l’espèce
et coucou beuh !
542 lunes et 7 jours environ
que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron
542 lunes et 7 jours environ
et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con
une fille dans chaque port et un porc qui sommeille
dans chaque salaud qui rêve d’une crampette au soleil
et les meufs ça couinait juteuses et parfumées
dans le bleu carnaval des printemps cutanés
j’en ai connu des chaudes à la bouche animale
à g’noux dans les toilettes ou dans la sciure des stalles
hélas pour mon malheur j’en ai connu des pires
qui voulaient que j’leur cause en mourant d’un soupir
et puis je t’ai connue mais j’vais pas trop charrier
attendu que j’suis lâche et que ton flingue est chargé
oh ma
sweet yéyéyé sweet lady
542 lunes et 7 jours environ
que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron
542 lunes et 7 jours environ
et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con
la geisha funéraire s’tape des rassis crémeux
chaque fois que j’raye un jour d’une croix sur mon pieu
pourtant j’contrôle mes viandes, je surveille mes systoles
et me tiens à l’écart des odeurs de formol
mais un jour faut partir et finir aux enchères
entre les gants stériles d’une sœur hospitalière
et je me vois déjà guignol au p ‘tit matin
traînant mon vieux flight-case dans le cimetière des chiens
oh meine kleine Mutter
mehr Licht !*
542 lunes et 7 jours environ
que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron
542 lunes et 7 jours environ
et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con"
*J’ai déjà parlé de ce « mehr Licht ». Ce sont les derniers mots qu’aurait dits Goethe. Cela me fait penser que je mettrais bien un poème ou deux de l’ami Goethe sur ce blog. Par exemple, je pourrais traduire le passage du Satyros cité dans « Diogène série 87 ». Je vais voir.
08:40 | Lien permanent | Commentaires (0)
18/08/2006
L'étranger dans la glace
descendre dans la soufflerie
où se terre le mystère inquiet
des ondes et de l'asymétrie
des paramètres au coeur violet
je vois des voiles d'aluminium
au fond de mon regard distrait
des odeurs de mercurochrome
sur le registre de mes plaies
le vent glacé sur mon sourire
laisse une traînée de buée
quand je regarde l'avenir
au fond de mes yeux nécrosés
le vide a des lueurs d'espoir
qui laisse une ombre inachevée
sur les pages moisies de l'histoire
où je traîne ma frise argentée
mais mon regard s'efface
je suis l'étranger dans la glace
mais ma mémoire s'efface
la brume adoucit les contours
des ratures sur mes triolets
la valse des nuits et des jours
se perd dans un murmure discret
les matins bleus de ma jeunesse
s'irisent en flou multicolore
sur les molécules en détresse
dans le gris des laboratoires
mais mon regard s'efface
je suis l'étranger dans la glace
mais ma mémoire s'efface
Paroles : Hubert-Félix THIEFAINE
Quelle chanson magnifique! Comme dirait ma moitié, c'est un peu "Animal en cinquantaine", cette fois-ci!
A propos du temps qui passe, voici un très beau texte de Jean-Roger Caussimon : "J'entends passer le Temps" (la chanson a été interprétée par Léo Ferré).
J'entends, j'entends
Passer le Temps
Le Temps muet, aveugle et sourd
Un roulement sur un tambour
Une fontaine sur la place
Les aboiements d'un chien perdu...
Le Temps passe...
Et ne revient plus!
J'entends, j'entends
Passer le Temps
Comme il va vite et comme il court!
Déjà le soleil tourne court
Et ma fenêtre sur l'impasse
S'assombrit du soir revenu...
Le Temps passe...
Et ne revient plus!
J'entends, j'entends
Passer le Temps
Dans la prison, dans le couvent
Partout sur la rose des vents
J'entends qu'au loin c'est marée basse
Et bientôt j'entendrai le flux...
Le Temps passe...
Et ne revient plus!
J'entends, j'entends
Passer le Temps
Mon pas léger, mon coeur battant
C'était hier, adieu printemps!
Et vole en éclats cette glace
Où je crois voir un inconnu!
Le Temps passe...
Et ne revient plus!
J'entends, j'entends
Passer le Temps
Le Temps muet, aveugle et sourd
Un roulement sur un tambour
Une fontaine sur la place
Les aboiements d'un chien perdu...
Le Temps passe...
Et ne revient plus!
Et ne revient plus!
14:35 | Lien permanent | Commentaires (1)
Diogène le Cynique
Philosophe grec (Sinope 413-323 avant J.C.). Il méprisait les richesses et les conventions sociales et logeait habituellement dans un tonneau. Alexandre le Grand, à Corinthe, lui ayant demandé s'il désirait quelque chose : "Oui, répondit Diogène, que tu t'ôtes de mon soleil". Il professait un si grand dédain pour l'humanité qu'on le rencontra un jour, dans les rues d'Athènes, en plein midi, une lanterne à la main, déclarant : "Je cherche un homme".
Source : Dictionnaire de la philosophie, Librairie Larousse, 1984.
Certains exigent donc que l'on s'ôte de leur soleil, et d'autres vous disent : "Casse-toi de mon ombre tu fous du soleil sur mes pompes"!!!!
14:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/08/2006
Gérard de Nerval
Encore quelques mots sur Gérard de Nerval (tirés du Dictionnaire de la mort des grands hommes, d’Isabelle BRICARD) :
Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval.
MORT : 25/26 janvier 1855 (à 47 ans).
CAUSE : suicide.
LIEU : 4, rue de la Vieille-Lanterne, à Paris.
INHUMATION : cimetière du Père-Lachaise, à Paris.
Le 26 janvier 1855, vers cinq heures du matin, un sergent de ville vint prévenir le commissaire de police du quartier Saint-Merry qu’on avait découvert un homme pendu –et gelé- à la grille d’une fenêtre, au numéro 4 de la rue de la Vieille-Lanterne, une rue mal famée. On trouva dans ses poches un passeport pour l’Orient, une lettre, une pièce de deux sous, les dernières pages d’Aurélia écrites dans la journée et qui se terminaient par ces mots : « Courage frère ! C’est la dernière étape »… et deux reçus d’un asile de nuit. En effet, vers la fin de sa vie, Gérard de Nerval n’avait plus de domicile fixe : il vagabondait, couchant dans des asiles de nuit, chez des amis, ou même parfois à la belle étoile. Il s’était pendu avec un lacet qu’il avait souvent montré à ses amis, en affirmant qu’il s’agissait de la ceinture de Madame de Maintenon ou de la jarretière de la reine de Saba !
En raison des mains soignées du corps, le commissaire classa l’individu dans la catégorie des « bourgeois » et songea à un crime, mais le docteur Pau, médecin légiste, conclut à un suicide. Comme il avait été trouvé sur la voie publique, le cadavre du sieur Labrunie fut, conformément à la loi, déposé à la morgue. Après avoir reçu la douche réglementaire, il fut exposé nu, trois jours durant, aux regards du public, « avec les précautions dues à la décence et aux bonnes mœurs ».
Grâce à ses relations, Arsène Houssaye obtint que l’Etat fournisse le corbillard et les croquemorts pour les obsèques du poète qui eurent lieu le 30 janvier à l’église métropolitaine de Notre-Dame, le clergé ayant admis la version d’une mort accidentelle. La rue de la Vieille-Lanterne disparut dans les grands travaux d’Haussmann. On construisit à son emplacement le théâtre Sarah-Bernhardt et le trou du souffleur occupait précisément l’endroit où s’était pendu le poète.
Et encore un poème de Gérard de Nerval :
Les Cydalises
Où sont nos amoureuses ?
Elles sont au tombeau :
Elles sont plus heureuses,
Dans un séjour plus beau !
Elles sont près des anges,
Dans le fond du ciel bleu,
Et chantent les louanges
De la mère de Dieu !
Ô blanche fiancée !
Ô jeune vierge en fleur !
Amante délaissée,
Que flétrit la douleur !
L’éternité profonde
Souriait dans vos yeux…
Flambeaux éteints du monde,
Rallumez-vous aux cieux !
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14/08/2006
Un extrait d'Hypérion (Hölderlin) : d'abord en allemand, ensuite en français
Encore un extrait d’Hypérion. Je le mets d’abord en allemand, puis en donnerai la traduction. Si vous ne souhaitez pas lire Hölderlin dans le texte, rendez-vous directement à la traduction, ne passez pas par la case départ et ne touchez pas … c’est combien maintenant ? euh, ben, je ne sais pas, alors ne touchez pas 20 000 francs !
„Ich habe nichts, wovon ich sagen möchte, es sei mein eigen.
Fern und tot sind meine Geliebten, und ich vernehme durch keine Stimme von ihnen nichts mehr. Mein Geschäft auf Erden ist aus. Ich bin voll Willens an die Arbeit gegangen, habe geblutet darüber, und die Welt um keinen Pfennig reicher gemacht. Ruhmlos und einsam kehr ich zurück und wandre durch mein Vaterland, das, wie ein Totengarten, weit umher liegt, und mich erwartet vielleicht das Messer des Jägers, der uns Griechen, wie das Wild des Waldes, sich zur Lust hält.
Aber du scheinst noch, Sonne des Himmels! Du grünst noch, heilige Erde! Noch rauschen die Ströme ins Wasser, und schattige Bäume säuseln im Mittag. Der Wonnegesang des Frühlings singt meine sterblichen Gedanken in Schlaf. Die Fülle der allebendigen Welt ernährt und sättiget mit Trunkenheit mein darbend Wesen.
O selige Natur! Ich weiß nicht, wie mir geschiehet, wenn ich mein Auge erhebe vor deiner Schöne, aber alle Lust des Himmels ist in den Tränen, die ich weine vor dir, der Geliebte vor der Geliebten!
Mein ganzes Wesen vestummt und lauscht, wenn die zarte Welle der Luft mir um die Brust spielt. Verloren ins weite Blau, blick ich oft hinauf auf den Äther und hinein ins heilige Meer, und mir ist, als öffnet’ ein verwandter Geist mir die Arme, als löste der Schmerz der Einsamkeit sich auf ins Leben der Gottheit.
Eines zu sein mit Allem, das ist das Leben der Gottheit, das ist der Himmel des Menschen. Eines zu sein mit Allem, was lebt, in seliger Selbstvergessenheit wiederzukehren ins All der Natur, das ist der Gipfel der Gedanken und Freuden, das ist die heilige Bergeshöhe, der Ort der ewigen Ruhe, wo der Mittag seine Schwüle und der Donner seine Stimme verliert und das kochende Meer der Woge des Kornfelds gleicht.
Eines zu sein mit Allem, was lebt. Mit diesem Worte legt die Tugend den zürnenden Harnisch, der Geist des Menschen den Zepter weg, und alle Gedanken schwingen vor dem Bilde der ewigeinen Welt, wie die Regeln des ringenden Künstlers vor seiner Urania, und das eherne Schicksal entsagt der Herrschaft, und aus dem Bunde der Wesen schwindet der Tod, und Unzertrennlichkeit und ewige Jugend beseliget, verschönert die Welt.
Auf dieser Höhe steh ich oft, mein Bellarmin! Aber ein Moment des Besinnens wirft mich herab. Ich denke nach und finde mich, wie ich zuvor war, allein, mit allen Schmerzen der Sterblichkeit, und meines Herzens Asyl, die ewigeinige Welt, ist hin; die Natur verschließt die Arme, und ich stehe, wie ein Fremdling, vor ihr, und verstehe sie nicht.
Ach! Wär ich nie in eure Schulen gegangen! Die Wissenschaft, der ich in den Schacht hinunter folgte, von der ich, jugendlich töricht, die Bestätigung meiner reinen Freude erwartete, die hat mir alles verdorben.
Ich bin bei euch so recht vernünftig geworden, habe gründlich mich unterscheiden gelernt von dem, was mich umgibt, bin nun vereinzelt in der schönen Welt, bin so ausgeworfen aus dem Garten der Natur, wo ich wuchs und blühte, und vertrockne an der Mittagssonne.
O ein Gott ist der Mensch, wenn er träumt, ein Bettler, wenn er nachdenkt, und wenn die Begeisterung hin ist, steht er da, wie ein missratener Sohn, den der Vater aus dem Hause stieß, und betrachtet die ärmlichen Pfennige, die ihm das Mitleid auf den Weg gab“.
« Je n’ai rien dont je puisse dire : ceci est mien.
Lointains et morts sont ceux que j’ai aimés, et aucune voix ne me les fait plus désormais entendre. J’ai achevé ce que j’avais à faire ici-bas. Je me suis mis au travail avec toute ma volonté, j’y ai saigné et je n’ai en rien enrichi le monde.
Sans gloire et solitaire, je reviens et parcours ma patrie, qui, tel le jardin des morts, s’étend autour de moi et peut-être m’attend le couteau du chasseur qui prend son plaisir à nous autres Grecs comme il fait du gibier de la forêt.
Mais tu brilles encore, soleil du ciel ! Tu es toujours verte, terre sacrée ! Les fleuves murmurants se jettent encore dans la mer et les arbres ombreux bruissent encore à midi. Les chants de joie du printemps endorment mes pensées mortelles. La plénitude du monde qui est toute vie nourrit et comble d’ivresse mon être misérable.
O bienheureuse nature ! Je ne sais ce qui m’arrive lorsque j’élève mes yeux devant ta beauté : toutes les joies célestes sont dans les larmes que je pleure devant toi, moi l’aimé devant l’aimée.
Tout mon être fait silence lorsque les tendres vagues de l’air jouent autour de ma poitrine. Perdu dans les immensités bleues, je lève souvent mon regard vers l’éther, je le baisse vers la mer sainte et il me semble qu’un esprit proche du mien m’ouvre les bras et que les souffrances de la solitude se dissolvent dans la vie de la divinité.
Ne faire qu’un avec le Tout, telle est la vie de la divinité, tel est le paradis de l’homme. Ne faire qu’un avec tout ce qui vit, retourner dans le Tout de la nature et y trouver le bonheur de l’oubli de soi, telle est la plus haute des pensées, la plus haute des joies, c’est le sommet sacré de la montagne, le lieu de l’éternel repos où le midi perd ses orages et le tonnerre sa voix, où la mer bouillonnante ressemble aux vagues d’un champ de blé.
Ne faire qu’un avec tout ce qui vit. A ce mot, la vertu dépose sa cuirasse de colère, l’esprit de l’homme dépose son sceptre et toutes les pensées s’estompent devant l’image du monde éternellement un, comme s’estompent aussi devant son Uranie les lois imposées à l’artiste qui lutte et le destin d’airain renonce à la maîtrise du monde et la mort s’éloigne de l’alliance des êtres et une union parfaite et une jeunesse éternelle comble le monde de félicité et de beauté.
Je me tiens souvent sur ces sommets, cher Bellarmin ! Mais un moment de réflexion me jette à terre. Je songe et je me retrouve seul, comme je l’étais auparavant, avec toutes les douleurs de l’être mortel et le refuge de mon cœur, le monde éternellement un, s’enfuit ; la nature me ferme ses bras et je reste devant elle comme un étranger et ne la comprends pas.
Ah ! Que je regrette d’avoir écouté vos enseignements ! La science que j’ai suivie jusque dans ses profondeurs, dont j’attendais, fol adolescent, la confirmation de mes joies pures, la science m’a gâté toute chose.
Je suis devenu si parfaitement raisonnable grâce à vous, j’ai appris à me distinguer si profondément de tout ce qui m’entoure et je suis maintenant isolé dans ce monde si beau, je suis exclu du jardin de la nature où je croissais et m’épanouissais et je me dessèche au soleil de midi.
Oh ! L’homme est un dieu lorsqu’il rêve, un mendiant lorsqu’il pense et, lorsque l’enthousiasme s’est enfui, il ressemble à un fils chétif que le père a chassé de la maison et il contemple les misérables pièces de monnaie que la pitié lui a données pour sa route ».
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