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29/09/2006

Lilith version Primo Levi : suite et fin

La pensée du jour : "Mon Dieu, jamais je ne vous pardonnerai de ne pas exister", Christian BECK (le père de Béatrix BECK).

 

Toujours à propos de Lilith et toujours des extraits du recueil de Primo Levi :

 

« Et puis il y a aussi l’histoire de la semence. Lilith est friande de semence d’homme et se tient constamment à l’affût là où la semence peut se perdre : dans les draps en particulier. Toute la semence qui échappe à la seule destination admise, la matrice conjugale, elle s’en empare : toute celle que chaque homme a gaspillée dans sa vie, en rêve, par vice ou dans l’adultère. Tu imagines la quantité qu’elle reçoit : si bien qu’elle est toujours enceinte et ne cesse d’accoucher. Comme c’est une diablesse, elle accouche de diables, mais ils ne font pas grands dégâts, même si, probablement, ce n’est pas l’envie qui leur en manque. Ce sont de petits esprits malins, sans corps : ils font tourner le lait et le vin, courent la nuit dans les greniers et font des nœuds dans les cheveux des filles.
Mais ce sont quand même des fils d’homme : les fils de chaque homme, mais des fils illégitimes. Quand leur père meurt, ils viennent à l’enterrement en même temps que les fils légitimes, qui sont leurs demi-frères. Ils voltigent comme des papillons de nuit autour des cierges funéraires, piaillent et réclament leur part d’héritage. Tu ris, bien entendu, parce que tu es épicurien et que c’est à ton tour de rire. Mais un jour peut-être, tu sortiras d’ici, tu vivras, et tu auras l’occasion de voir, à certains enterrements, le rabbin et sa suite tourner sept fois autour du mort : eh bien, ça veut dire qu’il dresse une barrière autour du mort, pour que ses fils sans corps ne viennent pas le tourmenter.

Mais il me reste à te raconter l’histoire la plus bizarre de toutes, et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle soit bizarre, parce qu’elle est racontée dans les livres de la Kabbale, et que les Kabbalistes étaient des gens qui n’avaient peur de rien. Tu sais que Dieu a créé Adam et qu’ensuite, s’étant aperçu qu’il n’était pas bon pour l’homme de rester seul, il a mis une compagne à ses côtés. Eh bien, les Kabbalistes disaient que pour Dieu non plus il n’était pas bon d’être seul, et que dès le début il s’était choisi pour compagne la Shekinà, c’est-à-dire sa propre présence dans le Monde ; si bien que la Shekinà est devenue la femme de Dieu, et donc la mère de tous les peuples. Lorsque le Temple de Jérusalem a été détruit par les Romains et que nous avons été dispersés et réduits en esclavage, la Shekinà s’est mise en colère, s’est détachée de Dieu et nous a suivis dans notre exil. Je te dirai qu’à moi aussi il m’arrive de penser la même chose : que la Shekinà s’est faite esclave elle aussi, qu’elle est là auprès de nous, dans cet exil dans l’exil, dans cette maison de boue et de douleur.

Et Dieu est resté seul ; comme il arrive à plus d’un, il  n’a pas su résister à la solitude et à la tentation, et il a pris une maîtresse : et tu sais qui ? Elle, Lilith, la diablesse, et ça a provoqué un scandale inouï. Bref, il semblerait que les choses se soient passées comme dans une dispute, quand une offense appelle une autre offense encore plus grave, tant et si bien que la dispute n’en finit pas et grossit comme une avalanche. Parce qu’il faut que tu saches que cette indécente liaison n’est pas finie et ne finira pas de sitôt : d’un côté elle est la cause du mal qui existe sur terre ; de l’autre, elle en est l’effet. Tant que Dieu continuera de pécher avec Lilith, il y aura du sang et de la douleur sur la terre ; mais un jour viendra où un puissant, celui que nous attendons tous, fera mourir Lilith et mettra fin à la luxure de Dieu et à notre exil ».

 

Personnellement, j’aime beaucoup cette dernière version !

 

28/09/2006

Belle ambiance chez la "Happydeutschlehrerin"!!

Ce soir ou un de ces jours, retournez donc chez "Happydeutschlehrerin"! Son blog a un goût de revenez-y, qu'elle y parle de ses aventures (ou mésaventures) professionnelles ou de ce cher Hubert! La veinarde va aller le voir à Béthune dans neuf jours et, moi qui ne sais toujours pas quand il me sera donné de revoir Thiéfaine en concert, je l'envie beaucoup!

Voici le lien :

http://happydeutschlehrerin.hautetfort.com/archive/2006/0...

Lilith

La pensée du jour : "Jai fini par acquérir durablement le sentiment de l'éphémère", Jean ROSTAND.

 

Saviez-vous que Primo Levi avait écrit un recueil de nouvelles intitulé Lilith ? J’ai dégoté ça dans une librairie tout à l’heure et me suis précipitée sur la nouvelle portant ce nom. En voici un extrait :

« C’est Lilith, me dit Tischler tout à coup.
-Tu la connais ? elle s’appelle comme ça ?

-Je ne la connais pas, je la reconnais. C’est elle Lilith, la première femme d’Adam. Tu ne la connais pas, l’histoire de Lilith ?

Je ne la connaissais pas, et Tischler rit avec indulgence : c’est bien connu, les juifs occidentaux, tous des épicuriens, des apicorsim, des mécréants. Et il continua :

-Si tu avais bien lu la Bible, tu te souviendrais que l’histoire de la création de la femme est racontée deux fois, de deux façons différentes : ah ! mais bien sûr, à vous autres, on vous apprend un peu d’hébreu à treize ans, et puis c’est terminé…

La situation commençait à prendre une tournure que j’aimais bien : celle du jeu, de la controverse entre le croyant et le sceptique, ignorant par définition, et à qui l’adversaire fait « grincer des dents » en lui démontrant son erreur. Je me prêtai au jeu, et répondis avec l’insolence de mise :

-Oui, il y a deux histoires, mais la deuxième n’est que le commentaire de la première.
-Faux.  Ça, c’est l’interprétation de ceux qui en restent aux apparences. Mais si tu lis comme il faut, et si tu réfléchis à ce que tu lis, tu t’apercevras que dans le premier récit il est écrit seulement : « Dieu les créa homme et femme » ; ça veut dire qu’il les a créés égaux l’un à l’autre, avec la même poussière. Tandis qu’à la page suivante, on lit que Dieu commence par former Adam, puis, pensant qu’il n’est pas bon pour l’homme de rester seul, prend une côte à Adam et de cette côte crée une femme ; ou plutôt une Männin, une hommesse, une femelle d’homme. Tu vois bien que là, il n’y a plus d’égalité qui tienne. Eh bien, il y en a qui croient qu’il s’agit non seulement de deux histoires, mais de deux femmes différentes, et que la première n’est pas Eve, la côte d’homme, mais Lilith. Seulement, l’histoire d’Eve est écrite et tout le monde la connaît, tandis que l’histoire de Lilith, on se contente de la raconter, si bien que peu de gens la connaissent. L’histoire, ou plutôt les histoires, car il y en a plusieurs… Je vais t’en raconter quelques-unes (…). La première histoire, c’est que le Seigneur non seulement les fit semblables, mais pétrit dans l’argile une forme unique, un Golem plus exactement, une forme sans forme. C’était une créature à deux dos, l’homme et la femme déjà unis ; puis il les sépara en deux, mais ils étaient impatients de s’unir à nouveau, et voilà Adam qui demande aussitôt à Lilith de se coucher par terre. Mais Lilith ne voulut rien savoir : pourquoi devrais-je me mettre dessous ? ne sommes-nous pas égaux, deux moitiés de la même pâte ? Adam chercha à user de la contrainte, mais comme ils étaient aussi de même force, il n’y parvint pas et finit par demander secours à Dieu : c’était un homme lui aussi, il lui donnerait raison. Et en effet Dieu lui donna raison, mais Lilith se rebella : ou les mêmes droits, ou rien ; et comme les deux hommes insistaient, elle blasphéma le nom du Seigneur, fut changée en diablesse et partit dans les airs comme une flèche pour aller s’établir au fond de la mer. Il y en a même qui prétendent en savoir plus, et qui racontent que Lilith habite très exactement au fond de la mer Rouge, mais que toutes les nuits elle prend son vol et tournoie de par le vaste monde, grattant à la vitre des maisons où il y a des nouveau-nés et cherchant à les étouffer. Il faut être très vigilant : si elle entre, on l’attrape avec une soucoupe renversée, et elle ne peut plus faire de mal.

Il arrive aussi qu’elle entre dans le corps d’un homme, et l’homme devient alors possédé ; dans ce cas, le meilleur remède est de l’amener devant un notaire ou un tribunal rabbinique et de faire dresser un acte en bonne et due forme par lequel l’homme déclare qu’il entend répudier la diablesse ».

 

Voilà pour la première version. D’autres suivront !

 

27/09/2006

"Histoire du soldat" (de Stravinsky, sur un livret de Ramuz)

La pensée du jour : "Je poursuis l'absolu. Comme il galope!", Louis SCUTENAIRE.

 

Tiens, sur le forum de Planète Thiéfaine, Droïde demandait comment avait été la prestation théâtrale d’Hubert dans « Histoire du soldat ». J’ai eu la chance d’assister à une des représentations de cette pièce et j’ai trouvé que l’ami Hubert était très bon dans ce rôle taillé pour lui (il était le diable !). D’ailleurs, je pense que Thiéfaine a vraiment ce que l’on appelle une gueule et que le théâtre aurait pu faire appel à lui plus souvent. Et, personnellement, je lui trouve un petit air de Mel Gibson (mais Hubert est cent fois plus beau !!). Bon, trêve de plaisanterie, voici un résumé de cette « Histoire du soldat » :

 

Première partie :

Un soldat, épuisé, rentre chez lui après la guerre. Il s’arrête et sort de son paquetage un petit violon que le Diable lui échange contre un livre censé contenir la réponse à toute question. Le soldat accepte de lui apprendre à jouer du violon. Au bout de ce que le soldat croit être trois jours, il rentre chez lui. Mais trois années se sont écoulées. Au village, tous le prennent pour un fantôme. Le soldat comprend qui était le vieillard ; il veut le tuer, mais celui-ci lui rappelle qu’il a échangé son violon contre un livre. Lisant ce livre, le soldat s’enrichit sans pour autant trouver le bonheur.

 

Deuxième partie :

Le soldat marche, au hasard. Apprenant que le roi donne la main de sa fille malade à qui la guérira, il tente sa chance. Le soldat joue aux cartes avec le Diable et regagne son violon. Il entre dans la chambre de la princesse et joue. Celle-ci s’éveille, se lève et se met à danser. Le soldat et la princesse s’embrassent et regagnent le village du soldat, où celui-ci retombe entre les mains du Diable.

 

Source : Quatre siècles d’opéra, Marie-Christine VILA (citée dans le livret fourni à l’entrée le jour de la représentation).

 

Justement, il y a peu, je repensais à cette histoire et me disais qu’il faudrait que je cite ici quelques passages de ce texte magnifique. Il faut d’abord que je me le procure ! Bientôt, bientôt…

 

Petite Suricate, ne t’affole pas, je reviens bientôt avec Nietzsche qui t’est cher !

Coucou à 655321 qui était à Dijon avec nous pour voir et entendre « Histoire du soldat ».

 

24/09/2006

Petit jeu (pas que pour Petit-jour) : suite

Bon, toujours dans la famille « dérapages », ma moitié et moi en avons retrouvé des vertes et des pas mûres ! J’espère que monsieur viendra bientôt avouer ses hontes !!! 

 

Dans « 113ème cigarette sans dormir », encore, je pensais qu’Hubert disait « s’il vous reste un pot d’margarine j’en aurai besoin pour ma gonade ». Ouais, carrément, un pot complet, pour sa gonade !!

 

A ma stupéfaction, j’apprends que dans « Cabaret Sainte Lilith », il ne s’agit pas de « cormorans », mais de « corbeaux rances » !

 

Ma grosse honte, c’est « La queue » !!! Oui, moi, « Bastille à Nation », quand j’étais jeune, très jeune, je croyais que ça s’écrivait en un mot. Des « bastianations » par devant, par derrière, j’imaginais un truc bien salace, une pratique sexuelle genre sado qui n’était pas encore arrivée dans ma rase campagne !!! Et, honte à moi une fois de plus, j’ai même cherché ce mot dans le dictionnaire !!! Et je ne comprends toujours pas pourquoi il n’existe pas !!!

 

Dans « Whiskeuses images again », je pensais que la mangeuse d’ordures avait le cul coincé dans le caniveau, chose tout à fait plausible, après tout !!!!

 

Je ne suis pas bien fière non plus de ma « mémé au sex-appeal » dans « Femme de Loth » !!!

 

Voilà, en vrac, les trucs qui me sont revenus ! Il y en a d’autres, mais je ne peux pas tous les répertorier, je fais un tri ! Certains pourront dire : « M’enfin, les CD sont vendus avec des livrets, on peut lire les textes ». Ben oui, mais non ! Finalement, écouter les chansons sans avoir forcément les paroles sous les yeux, cela ouvre l’imagination (cf. les « bastianations ») !!!

 

Au fait, je croyais jusqu’à ce soir que c’étaient les poules qui étaient en rut. Eh bien non, ce sont les poux !!!

Petit jeu (pas que pour Petit-jour!)

En ce dimanche un peu maussade, vous aurez bien quelques minutes, même maigrelettes, à consacrer à mon petit jeu. C'est simple, dites-moi s'il vous est déjà arrivé de comprendre de traviole des paroles de Thiéfaine. Allez, cela peut être drôle et donner lieu, parfois, à des "réécritures" assez cocasses!

En ce qui me concerne, dans "Narcisse 81", j'ai longtemps cru qu'Hubert disait :

"Le futur te sniffe par le bout

Te plantant sur un long tréteau".

Ben, pourquoi pas?!

Et le refrain, donc! J'ai longtemps imaginé une sombre histoire d'inceste puisque pour moi, il était clair qu'il chantait :

"Y a des traces de pneu sur ton flipp

et ta p'tite soeur qui s'tape ton fils"!!!

Je dois en avoir d'autres du même tonneau, j'y réfléchirai encore! Et vous, vous en avez?!

Vie de Nietzsche : première partie

La pensée du jour : "L'homme est une corde tendue entre l'animal et le surhumain - une corde par-dessus un abîme", NIETZSCHE (Ainsi parlait Zarathoustra).

 

Friedrich Wilhelm NIETZSCHE : né le 15 octobre 1844 (jour de la fête du roi Frédéric-Guillaume IV, d’où ses prénoms) à Roecken, en Prusse, et mort à Weimar le 25 août 1900. Nietzsche avait quatre ans lorsque son père mourut accidentellement, encore très jeune, et le souvenir de cette fin dramatique et prématurée sera pour lui déterminant, d’autant plus que la mort de son père sera suivie de celle de son jeune frère. Sa mère quittera avec lui Roecken pour Naumbourg-sur-Saale. A douze ans, il entra au collège de Pforta. A 17 ans, il décida de ne pas se faire pasteur et, à 18 ans, entra à l’Université de Bonn où il vécut isolé. En 1863, étudiant à l’Université de Leipzig, il fut bouleversé par la lecture du Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer ; et il écrivit à sa sœur : « Que cherchons-nous ? Le repos, le bonheur ? Non, rien que la vérité, toute effrayante et mauvaise qu’elle puisse être… » A cette époque, il se lia avec Erwin Rohde qui demeura longtemps son meilleur ami. Il admirait Bismarck. Incorporé dans l’armée en 1867, il fut renvoyé chez lui après une chute de cheval. On lui demanda des études historiques pour une revue importante de Berlin. Mais il s’intéressait à tout, sauf à la politique. « Décidément, disait-il, je ne suis pas un animal politique ». Après la lecture de Schopenhauer, le deuxième événement important de sa jeunesse fut sa rencontre avec Wagner, pour lequel il avait la plus grande admiration. Aussi accepta-t-il, avant d’avoir obtenu tous ses diplômes, d’être nommé professeur de philologie grecque à Bâle (1868), ce qui lui permettait de voir plus facilement Wagner qui habitait Triebschen, sur le bord du lac des Quatre-Cantons, avec Cosima, la fille de Liszt, qu’il venait d’enlever et d’épouser. Nietzsche devint un assidu de leur maison et un ami intime.

En 1870, il consacra ses loisirs à l’étude des origines de la tragédie grecque. A l’annonce de la victoire allemande, il s’engagea et fut envoyé en France comme ambulancier, puis à Karlsruhe où il tomba malade. En 1871, il publia le résultat de ses travaux sous le titre : La Naissance de la tragédie ou hellénisme et pessimisme, sans obtenir de succès. Depuis Winckelmann, la critique classique ne reconnaissait qu’un aspect de l’art grec, celui qui symbolise Apollon, art fait de mesure et de pondération, qui est l’objet d’une contemplation sereine s’élevant au-dessus d’un monde condamné à la souffrance. Nietzsche lui oppose un autre aspect, symbolisé par Dionysos (Dieu de la Végétation, en particulier de la Vigne et du Vin) : c’est l’extase dans laquelle plonge la vue du vouloir-vivre universel, et qui permet d’échapper à la souffrance non pas en la niant, mais en niant sa cause qui est ce vouloir-vivre lui-même poussé à son point suprême. L’influence de Wagner, combinée avec celle de Schopenhauer, est prédominante alors, et durera même après que le premier se fut installé à Bayreuth grâce à l’amitié que lui portait le roi de Bavière, Louis II. Une première crise intellectuelle éclata pour Nietzsche lorsqu’il se détacha du pessimisme de Schopenhauer et de l’esthétisme de Wagner et qu’il commença à répudier l’art comme moyen d’évasion. C’est alors qu’il publia les premières Considérations inactuelles où l’histoire est dénoncée comme un poison pour l’être sain et joyeux de vivre. L’Université de Bâle lui ayant accordé un congé, il partit en Italie avec deux amis, et il y retrouva Wagner dont l’esprit était alors occupé par le sujet de Parsifal. Pour Nietzsche, cet opéra marque le point culminant de la dégénérescence européenne : la négation du vouloir-vivre n’est autre qu’une extinction de l’instinct vital. C’est l’idée qu’il développa dans Humain, trop humain (1878) et Le Voyageur et son ombre (1880). A ce moment, il lisait les moralistes français, surtout La Rochefoucauld, Chamfort, et aussi Pascal. Il admirait leur lucidité et leur amour de la vérité pour elle-même, leur rigueur et leur clarté. A partir de 1879, tombé malade, il abandonna sa chaire de philologie et commença une vie errante. Sa sœur l’emmena d’abord dans l’Engadine où il retourna chaque été, l’altitude lui était bienfaisante. Désormais, il sera toujours égrotant et forcé de vivre avec la pension de quatre mille francs par an que lui verse l’Université de Bâle. Les livres qu’il publiera n’auront aucun succès et ses amis l’abandonneront, excepté l’un d’eux, Peter Gast. Après un court séjour à Naumbourg dont le climat ne lui réussit pas, il décide de se rendre de nouveau en Italie, séduit cette fois par Venise où habitait Peter Gast. C’est dans cette atmosphère que naissent les aphorismes composant Aurore dont le sous-titre est alors : L’Ombre de Venise et dont le titre est emprunté à un passage des Védas : « Il y a beaucoup d’aurores qui n’ont pas encore lui » - passage lu par Nietzsche dans le livre d’Oldenberg sur Bouddha paru à l’époque. Nietzsche, après une nouvelle tentative de séjour à Naumbourg, passa l’hiver à Gênes où il vécut de la vie populaire. Son livre parut en 1881. A cette époque, il repartit pour l’Engadine et, au début d’août, y connut l’extase très singulière du Retour éternel.

Fin de la première partie, suite au prochain numéro !

Source : Dictionnaire des auteurs, déjà cité X fois ici !

 

Voici la maison où vécut Nietzsche à Naumbourg, ville magnifique que j'ai eu la chance de visiter quand j'habitais au fin fond de l'Allemagne de l'Est!!!

 

medium_maison_Nietzsche.jpg

 

23/09/2006

Les Cahiers de Cioran

La pensée du jour : "Organiser une expédition pour explorer le banal", Louis SCUTENAIRE.

 

Les Cahiers 1957-1972 de Cioran sont d’une grande beauté. La quatrième de couverture résume bien tout ce que l’on peut trouver dans ces écrits :

« Ces cahiers, que Cioran a tenus pendant quinze ans, ne constituent pas un journal relatant son existence quotidienne. En marge des livres qu’il a publiés à cette époque ou par la suite, ce sont d’abord des cahiers d’exercices où s’accumulent les notations les plus diverses : souvenirs de lectures ; impressions musicales ; portraits ou plutôt esquisses d’amis –dont les plus chers, Ionesco, Michaux, Beckett- et d’ennemis (protégés par l’anonymat) ; évocations de balades, fréquentes, dans Paris et à la campagne, d’où ce « philosophe de la rue » rapporte toujours quelque anecdote ou image frappante. Surtout, lui qui se qualifiait « l’homme le plus désoeuvré de Paris » s’abandonne ici librement à ses caprices et à ses obsessions. Ecartelé entre la nostalgie et l’effroi, tombant d’une bouffée de violence dans un accès de cafard, Cioran ne se lasse pas de réunir et d’affûter les attendus d’un impossible règlement de comptes avec l’univers tout entier et avec lui-même. Et, comme dans ses essais, ce « fanatique du pire » offre le paradoxe, savoureux pour ses lecteurs, d’un pessimisme radical s’exprimant dans un style vif, allègre et, pour tout dire, requinquant ».

 

Voici quelques minces extraits de ces 999 pages !

 

« La nuit circule dans mes veines ».

 

« J’appelle poésie ce qui vous frappe comme un couteau au cœur ».

 

« J’ai peint la terrasse, murs et grille, pendant quatre heures, durant lesquelles je n’ai pensé à rien. Autant de gagné ».

 

« La chose la plus nécessaire et la plus inconcevable est qu’un dieu ait pitié de nous ».

 

« Je me dis parfois : personne ne parle de toi. C’est comme si tu étais mort depuis longtemps.

Et puis j’ai honte de cette aigreur. Tout ce que j’ai à faire, c’est de continuer comme si de rien n’était – et de travailler pour mériter mon propre respect. Car ce n’est pas le mépris des autres, c’est le sien propre qui fait mal. Tant que je serai mal avec moi-même, les applaudissements des dieux eux-mêmes ne pourront me faire fléchir en ma faveur.

Il faut être bien avec soi, se conformer à l’idée qu’on s’était faite au départ de ses propres capacités et ne pas les trahir par veulerie, nonchalance et dégoût de soi ».

 

« La mélancolie ne serait-elle pas un signe de vieillissement précoce ? Si cela est vrai, je suis sénile depuis toujours ».

 

« Le cafard est universel. Même les poux doivent le connaître. Aucun moyen de s’en prémunir ».

 

« J’écrirai sur ma porte :

Toute visite est une agression.

ou

N’entrez pas, soyez charitable.

ou

Tout visage me dérange.

ou

Je n’y suis jamais.
ou

Maudit soit qui sonne.

ou

Je ne connais personne.

ou

Fou dangereux ».

 

« Qui êtes-vous ? Je suis l’homme que tout dérange. Je veux qu’on me laisse tranquille, qu’on ne s’occupe pas de moi, qu’on ne s’intéresse pas à moi. Je m’emploie à susciter à mon égard une incuriosité totale. Et cependant… »

 

 

« Chez moi, ‘l’horreur et l’extase de la vie’ sont absolument simultanées, une expérience de chaque instant ».

 

« Premier devoir de chacun, au lever : rougir de soi ».