31/12/2024
2024 : un bilan. 2025 : des espérances (en deux mots !)
"dans l'ignorance où je suis
de ce que devient la vie
comme de ce qu'elle fut
je traîne le long des rues". Jean-Claude PIROTTE
Puisqu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même, en ce dernier jour de 2024, rêvons. Pour moi, cette année fut quasi parfaite, un truc de dingue :
-des concerts d'Hubert dans différents coins de la France, parfois en d'improbables lieux dont l'improbabilité était propre à rendre fous les GPS les plus compétents et les mieux expérimentés en matière de trous du cul du monde !
-une nouvelle rencontre, à Bois d'Amont justement, avec celui que d'aucuns appellent mon idole. Mais d'aucuns exagèrent souvent. Non, voyons, ce n'est pas mon idole, juste, pour reprendre les mots de Gary, une « impossibilité de respirer autrement ». Ici, on pense HFT, on se réveille HFT, on s'endort HFT (à 22h43 de préférence), on fait presque tout HFT. Jusque dans les toilettes où le brave Hubert, en guise de clin d'œil à une de ses chansons, est enfermé, sous forme de poster, avec la fille mineure des 80 chasseurs ! À Bois d'Amont, je me refis tirer le portrait en compagnie dudit brave Hubert, alors que je n'aime pas ça, alors qu'il n'aime pas ça : deux contrariétés réunies sur un cliché, qui dit mieux ?! Mais, sérieusement, c'était bien. Et l'aboutissement de plusieurs décennies d'une écoute bienveillante, recueillie, attentive. L'aboutissement d'une fidélité qui ne laisse pas de m'étonner. Mais je l'ai déjà écrit ici, je radote. La faute à mon grand âge. Ce n'est pas parce que la passion, parfois, me rend mes quinze ans, que je les ai réellement ! Ils ne me sont à chaque fois prêtés que pour quelques heures, le temps de l'attente d'un concert et le temps du concert lui-même. Dès le lendemain, mes je ne sais combien de lunes et de jours environ me sautent à la gueule dans un miroir auquel je ne m'aventurerais jamais à demander qui est la plus belle en ce royaume... Il est des réponses dont il vaut mieux éviter la formulation chez son interlocuteur. Et donc, dans ces cas-là, vive la politique de l'autruche : ne posons pas la question dont la réponse risquerait de fâcher grandement.
2024, ce fut Mondorf-les-Bains. Les retrouvailles avec Cindy et son mari. Deux inséparables (respect, respect) que je côtoyai souvent par le passé, au sortir d'un concert, sur un parking délicieusement glauque... 2024, ce fut l'Olympia et sa joyeuse ambiance, même dans le hall en sortant, même sur le trottoir bien après. 2024, ce fut Reims où toute une joyeuse clique, à laquelle je me mêlai, se retrouva avant et après le concert. Une chambre d'hôtel s'en souvient encore, ainsi qu'un étrange tire-bouchon qui n'aurait pas déplu à Hubert (private joke : Bételgeuse, t'en souviens-tu ?!!). Mais en tout bien tout honneur, croyez-moi. J'ai passé l'âge de bien des orgies puisqu'il n'y a qu'avant et pendant les concerts que j'ai à nouveau quinze ans, sinon j'ai mon âge réel et il est un peu minable (mais pas poussif pour autant, n'allez pas croire)... 2024, ce fut Besançon. Où je n'étais pas censée aller, mais où j'allai quand même, comme si souvent. Je dirais même que plus je ne suis pas censée faire quelque chose, plus je risque de faire ce quelque chose ! Esprit de contradiction, quand tu nous tiens ! 2024, ce fut aussi l'hésitation : vais-je ou non à un festival d'été ? Mais tous les festivals d'été étaient vraiment loin, et pour une fois la raison l'emporta. Plus je ne suis pas censée être raisonnable, et plus je le suis, allez donc savoir pourquoi ! 2024, ce fut cette dernière date teintée de mélancolie, cette date à la fois délicieuse et pitoyable-impitoyable. Dès les premiers kilomètres que je parcourus sur l'A31, entre Metz et Nancy, je sentis en moi les affres du compte à rebours qui venait de s'enclencher. J'arrivai à Bois d'Amont après un certain nombre d'heures que n'avait pas prévues mon GPS. 4h35, me disait-il... Et ta sœur, elle les fait à pied, les 4h35 entre Metz et Bois d'Amont ?! Je suis de ces rêveuses qui pensent qu'il n'est pas inutile de tancer son GPS quand il se fout de vous. Ah, Bois d'Amont et Erwan me jetant à la figure ces mots qu'il aurait mieux valu ne pas proférer en ma présence : « Ce soir, chaque note jouée sera la dernière ». Erwan, petit imprudent : tu venais là de réveiller mon spleen baudelairien et ma mélancolie lamartinienne, ces deux-là qui si souvent unissent leurs voix en moi, injuriant une horloge qui n'y est pourtant pour rien, bordel, que le temps passe sans jamais suspendre son vol !
2024, ce fut cela et plus encore. Ce fut, par exemple, un novembre moins catastrophique que prévu (je hais novembre, surtout depuis qu'il m'a amené une leucémie sur un plateau, ce con) puisqu'il nous offrit un somptueux bijou : le live d'Unplugged. Dont la somptuosité résonne très souvent ici, à en faire trembler les murs et moi-même (non, le voisin du dessous n'a toujours pas débarqué chez moi un fusil à la main : 2024, année de toutes les clémences).
Vraiment, 2024, c'était bien. À tel point que cela ne me dérangerait pas outre mesure de revivre, à partir de maintenant, cette année-là jusqu'à la fin de mes jours. Mais bon, soyons plus ambitieux que ça et demandons à 2025 de s'appliquer à faire mieux encore que 2024, demandons à 2025 de ne pas nous condamner aux vaines espérances, demandons à 2025 de les faire éclore, ces espérances, et en pagaille si possible : un nouvel album, une nouvelle tournée. Et ce qu'Hubert voudra. Parce que je ne suis pas loin de penser que ce qu'Hubert veut, Dieu le veut. D'aucuns disent que cet Hubert, c'est mon idole. Mais d'aucuns exagèrent souvent...
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29/12/2024
"Ce qu'on s'autorise à espérer"...
"J'ai besoin d'amour mais m'en passe". Georges PERROS
« Ce qu'on s'autorise à espérer prend racine quelque part » : depuis que j'ai lu ces mots sous la délicate plume d'Arthur Teboul, ils m'accompagnent comme un mantra, une prière. Je les ai trouvés tellement beaux que je les ai recopiés sur un petit bout de papier que j'ai posé sur mon bureau. Ne jamais oublier qu'un peu d'espoir peut faire germer de grandes choses... Et, comme nous allons bientôt entamer une nouvelle année, je me prends à rêver. Déjà, une certitude : le live Replugged sortira bientôt. Il me semble que c'est pour janvier et qu'il suffira de consulter régulièrement le site officiel pour obtenir confirmation de la nouvelle. Un jour, alors que nous ne nous y attendrons pas, nous découvrirons la pochette, et ce sera joie immense !
Ensuite, je me dis qu'il est permis d'espérer, peut-être, d'autres nouvelles émanant de la planète HFT courant 2025. Un nouvel album ? Et pourqui pas ? L'annonce d'une tournée ?! Sait-on jamais ! J'ai, comme ça, des espoirs en pagaille que, parfois, la réalité dépasse, quand elle est bien lunée. Si, si, ça arrive !
En attendant, j'écoute encore et toujours Thiéfaine. Pas plus tard qu'hier. Pourtant, je ne voulais même pas ! J'étais dans la voiture avec mes filles, nous faisions un trajet de presque deux heures, je voulais écouter l'avant-dernier Louis Chedid. Louise s'y est fermement opposée : « Oh non, j'aime pas du tout, on met Renaud ou Thiéfaine ». Ce fut Thiéfaine. Allez, encore un petit coup de Mathématiques souterraines, la chanson que j'ai le plus écoutée au monde et dont, allez savoir par quel mystère et par quel miracle, je ne me suis jamais lassée. Je pense pouvoir affirmer que cela n'arrivera plus désormais. C'est comme ces couples qui ont tout traversé ensemble. On ne voit pas pourquoi quelque chose viendrait soudain les démanteler. Bon, ben, Mathématiques souterraines et moi, c'est pareil, c'est à la vie à la mort. Et le plus fou, c'est que si je ferme les yeux et me concentre bien, je retrouve, en écoutant cette chanson, les sentiments de la jeune fille de dix-neuf ans qui découvrait, éblouie, cette histoire de valise trempée, d'ascenseurs au fond des précipices et de caboulots.
Ensuite, dans la voiture, ce fut Sweet Amanite Phalloïde Queen, la chanson qui, pour moi, sera toujours liée à un ami trop tôt disparu. Avec qui je découvris Rimbaud et les Doors. C'est marrant, au départ, je n'aimais pas spécialement SAPQ (il fut un temps où, dans les commentaires au bas des notes de ce blog, une jeune femme signait comme ça : SAPQ). J'en ai vraiment saisi toute la puissance en l'entendant en concert. Elle est électrisante. « Manufacture de recyclage des mélancolies hors d'usage, ô sweet amanite phalloïde queen »...
D'autres chansons encore. Pour arriver à Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable. Un monument du répertoire thiéfainien ! Je ne sais pas si mes filles l'avaient déjà entendue en entier. J'ai eu un peu peur de les choquer au moment où Hubert déroulait la panoplie des maladies sexuellement transmissibles. Je me souviens d'un festival en Bretagne, il y a très longtemps : alors que je retournais à ma voiture, je surpris la conversation d'une jeune fille et de son amoureux. Elle lui disait : « Dis donc, le mec, il est un peu tordu. C'était gore par moments, surtout le passage où il parle de salpingite et compagnie ». On ne peut pas mettre l'œuvre de Thiéfaine entre toutes les oreilles, n'est-ce pas ?!
Mes filles n'ont pas été choquées outre mesure. Il faut dire qu'elles ont eu leur période rap et que, dans la clio IV, on a déjà eu vent de vertes et de pas mûres. Après ce jubilatoire Exercice de simple provocation, je me suis écriée : « Quand même, il n'y a qu'Hubert pour énumérer dans une chanson je ne sais combien de maladies vénériennes ». Et je me suis dit que j'allais écrire un petit billet sur ce blog, pour vous demander de compléter à votre gré la formule « Il n'y a qu'Hubert pour... ». Je dirais également : « Il n'y a qu'Hubert pour citer Hölderlin dans une chanson, il n'y a qu'Hubert pour parler de l'éjaculation précoce, il n'y a qu'Hubert pour chanter à la femme aimée qu'il n'a plus de mots assez durs pour lui dire qu'il l'aime ». Et j'ai de quoi allonger la liste, c'est juste que je n'ai pas le temps ce matin ! Allez, à vous !
Au retour, j'ai écouté une émission de radio vers laquelle un libraire de Nancy avait mis un lien à ma demande dans un de ses mails. Le libraire en question, c'est un certain Jean-Michel, qui a plusieurs qualités : d'abord, il me conseille toujours des auteurs un peu confidentiels dont je m'aperçois systématiquement qu'ils étaient faits pour moi. Ensuite, il aime beaucoup Thiéfaine. Dans l'émission dont je vous parle, il le cite (https://radiofajet.net/2024/10/03/caprices-de-lecture-avec-marie-houlbreque-et-sylvain-mangel/). Si le cœur vous en dit : c'est vers la 24ème minute (et peut-être bien la 27ème heure !). On entendra également Page noire, mais amputée de quelques précieuses minutes, wie schade.
Il y a trois jours, j'ai fini le livre de Sébastien Bataille. Je l'ai lu lentement, comme je m'en étais fait la promesse. J'ai pris des notes, je pense qu'elles donneront lieu à un billet que je posterai ici bientôt.
2024 s'achève donc. Il ne faut pas que 2025 nous trouve hagards et désespérés, malgré les mochetés qui ravagent ce monde. Au contraire. N'oublions pas : « Ce qu'on s'autorise à espérer prend racine quelque part ». Reste à savoir où !!!
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22/12/2024
Mes filles, Renaud, Thiéfaine et quelques autres !
"52 semaines par an.
520 pour 10 ans : 2600 pour 50 ans. C'est vite dépensé". Henri CALET
Parfois, les enfants, ça pousse pas tout à fait droit. Ça ne va pas dans la direction qu'on avait envisagée pour eux. Et c'est bien normal : à chacun ses expériences. Vous croyez que mes parents désiraient follement que je devienne prof ? Pas vraiment. Mon père me voyait déjà embrasser une belle carrière chez Siemens, comme lui, genre secrétaire trilingue, études à Munich, etc. Il m'avait même ramené un dossier de candidature. Dossier que je remplis consciencieusement, pour faire plaisir à papa. Cependant, au moment de lui rendre le truc, je m'écriai : « En fait, j'veux pas faire ça. Je veux être prof, à tout prix ». Je n'oublierai jamais le regard que mon père posa alors sur moi. Un regard où je pus lire à la fois une infime déception, mais aussi une certaine fierté, je crois. Ma ténacité lui en imposa, me semble-t-il. Il ne manqua pas, toutefois, de me dire que la voie dans laquelle je m'engageais était bien souvent exempte de toute reconnaissance. « Regarde ta mère », ajouta-t-il. Car ma mère était enseignante, c'est même à elle que je dois ma « vocation ». Quand j'étais enfant, j'adorais l'observer quand elle préparait les activités qu'elle allait proposer à ses élèves. Elle fit l'essentiel de sa carrière en maternelle et je vous arrête tout de suite si vous pensez que c'est la planque : absolument pas ! Jusqu'à l'année de sa retraite, ma mère se lança des défis, se renouvela, se réinventa. Je me souviens lui avoir dit un jour : « Moi aussi, plus tard, je veux avoir un métier qui me donnera du travail à la maison ». Eh bien, me voilà servie ! Le boulot ne manque pas, n'en déplaise à tous les connards (oui, je n'hésite pas à employer ce mot poétique) qui chantent sur tous les toits que prof c'est six mois de vacances par an et des semaines de travail pépères. Ouais, ben viens voir tâter l'ambiance d'une salle de classe, viens voir un peu regarder en face, si tu oses, les défis auxquels ce métier te confronte chaque jour. C'est drôle, ce sont toujours ceux qui la ramènent là-dessus qui, si on leur proposait un job dans l'Éduc'nat ', se carapateraient par la première porte de sortie. Voire n'entreraient même pas ! Étonnant, n'est-ce pas ? Je croyais que prof c'était la belle vie... Bref... Quand je me plaignais auprès de mon père de l'image déplorable qu'une frange assez con-séquente de la population avait de nous, les enseignants, il répondait invariablement : « Tu sais bien que ce ne sont pas les meilleurs qui vous critiquent ». Sage papa, il me manque...
Mais je me suis égarée et … un peu énervée. Parce que ça commence à me les briser menu menu (oui, bon, je n'en ai pas, mais imaginons) que mes collègues et moi soyons pris pour des moins que rien, des flemmards, des branquignoles. J'ai décidé de ne plus lire les putains de commentaires se déchaînant sur les profs sur les réseaux : pas envie de gerber quinze fois par jour !
Mais je voulais parler des enfants, tout ça... De cette manière qu'ils ont de s'éloigner de leur tuteur sans en avoir l'air. Par exemple : un jour, alors que j'écoutais l'album La bande à Renaud, sur lequel Thiéfaine interprétait En cloque, j'entendis une petite voix, celle de ma fille Louise, me demander : « Mais qui a écrit ces chansons ? ». À la réponse que je lui fis, elle s'exclama : « Moi je veux découvrir ces chansons chantées par Renaud, d'accord ? ». Oui, bien sûr que j'étais d'accord, même si j'avais acheté ce disque uniquement pour la participation d'Hubert. Cependant, je ne renie jamais mes anciennes amours. Je sortis mes vieux albums de Renaud. Louise en devint fan en deux temps trois mouvements. Elle se transforma même en dictionnaire d'argot pour les nuls ! Un jour, elle me demanda si je savais ce qu'était un paddock. Je pensais qu'elle l'ignorait. « Mais non, maman, voyons, je le sais : c'est un lit » ! Une autre fois, je la surpris en train de jouer à la maîtresse et d'apprendre Société tu m'auras pas à ses élèves fictifs dont les parents, fort heureusement fictifs eux aussi, ne tarderaient pas à porter plainte contre cette maîtresse Louise décidément trop rebelle et pas assez dans les clous. Enfin si, ceux d'un perfecto ! Perfecto qu'elle me fit acheter, d'ailleurs, alors qu'elle n'avait pas dix ans. Ainsi qu'un bandana rouge. C'est équipée de la sorte qu'elle alla à son premier concert de Renaud. Elle me fit également tout un sketch pour entrer en contact avec monsieur Séchan. Alors je lui proposai de tenter de lui écrire à La Closerie des lilas, où il avait ses quartiers à une époque. Peut-être les y a-t-il encore maintenant, je ne sais pas. Dans son courrier, Louise précisait : « J'ai huit ans et je suis ta plus grande fan ». C'est dingue, cette manie qu'on a tous de vouloir être le plus grand fan de celui-ci ou de celle-là. Tenez, moi, par exemple : je suis la plus grande fan d'Hubert-Félix Thiéfaine, ok ?!
Bref... Et puis, les années passèrent et l'amour de Louise se tassa. Sembla se tasser, plutôt. Un jour, elle devait avoir quinze ans, elle remit Renaud dans la voiture. Elle connaissait encore toutes les chansons par cœur. Et moi aussi. Ça me vient de l'enfance. Parce que quand j'avais dix ans, j'étais la plus grande fan de Renaud, je vous jure !
Quelle joie, ce jour-là, de chanter avec ma fille La teigne, Ma gonzesse, Manu, Mistral gagnant, Où c'est qu'j'ai mis mon flingue, It is not because you are. J'ai toujours dit que si j'avais été prof d'anglais, j'aurais systématiquement fait écouter cette chanson à mes élèves à chaque rentrée pour aboutir à la conclusion suivante : « J'espère qu'après avoir suivi mes cours, vous parlerez mieux anglais que monsieur Séchan ». Moi aussi, j'aurais eu des plaintes des parents, parce que « and make love very beaucoup », cela aurait outragé quelques âmes sensibles, je suppose. Bon, la question ne se pose pas : I'm a German teacher !!!
Tout cela pour dire que Louise non plus ne renie pas ses anciennes amours et que ça me fait vachement plaisir. Régulièrement, nous nous faisons nos petits trips Renaud, la Grande Sophie, Higelin et Thiéfaine. Parce que oui, elle aime aussi celui dont sa mère est la plus grande fan ! Faut dire qu'elle avait plutôt intérêt, sinon je l'aurais répudiée sans hésitation !
Parfois, les enfants, ça vous fait croire que ça va pas pousser comme vous l'auriez souhaité. Et puis, un matin, l'air de rien, ça vous dit : « Je t'en remets au vent est ma chanson préférée de Thiéfaine » (signé : Louise). Ou alors : « J'adore La Ruelle des morts, je l'écoute au moins une fois par jour » (signé : Clara). Alors, parce que vous êtes leur plus grande fan, vous les regardez avec une tendresse et un amour infinis. Et vous vous dites : « J'ai pas tout raté dans ma vie » !
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15/12/2024
Toutes les fois où j'ai vu Hubert : mise à jour de la liste !
"Quarante années pesantes. Des années qui tombent, par jours, lourdement sur la gueule et qui abîment. Barda d'ans". Henri CALET
J'ai déjà évoqué ici ma boîte Pampers qui contient tous mes trésors liés à HFT. Billets de concerts, dédicaces, articles de journaux, revues, fanzines datant d'une époque malheureusement révolue où Thiéfaine jouissait d'un fan-club, dont je faisais partie, cela ne va-t-il pas sans dire ? La boîte Pampers s'offrit à moi il y a bien longtemps, alors que mes filles étaient encore petites et nous plaçaient, leur père et moi, dans l'obligation d'acheter régulièrement des couches en grande quantité. Enfermer mes précieux souvenirs HFT dans ce carton, l'idée m'amusa immédiatement. Comme mon chanteur préféré (pour ne pas dire adulé, voire adoré !), j'aime les univers qui s'entrechoquent. Ça donne naissance à de délicieuses collisions. Bref... Sur ledit carton qui m'a suivie lors de je ne sais combien de déménagements, devenant toujours plus lourd et presque débordant (il m'en faudra bientôt un autre, mais il ne portera pas l'estampillage Pampers, les temps ayant décidément trop changé, peut-être faudra-t-il accepter que ce soit un emballage Tena, du nom du spécialiste des fuites urinaires ?!!!), j'ai écrit, je ne sais plus quand : « Hubert !!! ». Oui, avec trois points d'exclamation, je ne sais pas pourquoi. Peut-être mon esprit tordu a-t-il voulu souligner malicieusement, le jour où ma main prit un marqueur indélébile pour tracer le prénom suivi de la ponctuation, le côté incongru de la chose : l'univers d'HFT se télescopant avec celui de la petite enfance. Et pourquoi pas ?! Je note encore (toujours malicieusement) qu'aucun des hommes ayant traversé ma vie ne bénéficia de cette mise en carton ! Devrais-je dire en boîte ?! N'est pas Hubert-Félix Thiéfaine qui veut, avec ou sans trait d'union !!!
Et donc, dans le merveilleux carton, se trouvent mes billets de concerts, ainsi qu'une liste manuscrite des concerts en question. Elle s'arrête brutalement au 28 mai 2022, c'est-à-dire aux Moissons Rock de Juvigny. La suite ayant été quelque peu chamboulée par les événements que vous savez. Ce matin, j'entreprends donc de remettre bon ordre à tout cela. J'ai égaré quelques billets de concert, je dois l'avouer (honte à moi). Je vais m'aider du site officiel, sur lequel Hugo Thiéfaine a, habilement, pris le soin de répertorier toutes les dates. C'est parti !
Vendredi 27 octobre 1995 : Salle des fêtes, Sarreguemines (le début d'une immense aventure et d'une non moins immense liste !).
Mercredi 25 novembre 1998 : Saint-Avold.
Dimanche 11 juillet 1999 : Eurockéennes, Belfort (là où, totalement ignorante et innocente, j'étais allée en jupe, le regrettant amèrement dès les premiers pas que je fis sur le site où se perdaient toutes sortes de vomis liquides, l'un d'eux venant, à la fin de la soirée, maculer mes gambettes ! Ah, les maladresses de la débutante !!!).
Mercredi 3 novembre 1999 : Salle Elsa Triolet, Longlaville (où je me rendis en compagnie d'un mec sur lequel j'avais de vagues vues, lesquelles devinrent tristement précises lorsqu'il me dit, à la fin du concert : « Ouais, c'était bien, mais je préfère Francis Cabrel » : là , il fut clair que jamais je ne pourrais aimer ce mec à mourir...).
Samedi 27 octobre 2001 : Galaxie, Amnéville (c'est ce soir-là que mon amoureux de l'époque me fit une scène mémorable parce que, rentrant d'un séjour de douze jours en Allemagne, je lui préférai Hubert : à peine le temps de poser la valise dans l'entrée et de me faire un sandwich, et je fonçais au Galaxie, sans le moindre scrupule).
Jeudi 13 décembre 2001 : Zénith, Nancy.
Samedi 3 août 2002 : Champ des lutins, Gomené.
Vendredi 20 septembre 2002 : Les Arènes, Metz (c'est là que je rencontrai celui qui devait devenir le papa de mes filles - lui, il ne préférait pas Francis Cabrel à HFT- ainsi que son frère, et également le Doc si mes souvenirs sont bons).
Samedi 25 octobre 2003 : Salle Rameau, Lyon (hommage à Léo Ferré).
Mercredi 26 mai 2004 : Grand Théâtre, Dijon (Histoire du soldat, de Stravinsky, le texte étant de Ramuz).
Samedi 31 juillet 2004 : Festival de bouche à oreille, Savigna (dans le Jura où je passais mes vacances d'été, comme par hasard !).
Mardi 16 novembre 2004 : Théâtre municipal, Thionville.
Mercredi 17 novembre 2004 : Salle Poirel, Nancy (un de mes meilleurs souvenirs : je revois encore la salle se levant, comme d'un commun accord, pour acclamer Hubert).
Jeudi 18 novembre 2004 : Théâtre de la Rotonde, Thaon-les-Vosges.
Jeudi 2 décembre 2004 : Arsenal, Metz (et je fis, grâce au Doc, un passage éclair dans les loges, où ma timidité me rendit lamentablement lamentable).
Vendredi 10 mars 2006 : Rockhal, Esch-sur-Alzette (Luxembourg … De l'avantage de vivre en Lorraine !).
Samedi 18 mars 2006 : La Cigale, Paris.
Mardi 4 avril 2006 : Zénith, Nancy.
Jeudi 6 avril 2006 : Zénith, Dijon.
Dimanche 30 avril 2006 : Salle Acropolis, Voujeaucourt.
Vendredi 11 août 2006 : Festival du chien à plumes, Villegusien (où je me fis copieusement embarquer dans différents pogos dont mon corps ne sortit pas indemne).
Samedi 7 octobre 2006 : Théâtre de Béthune.
Vendredi 3 novembre 2006 : Nuits de Champagne, Troyes.
Vendredi 17 novembre 2006 : Zénith de Paris.
Samedi 28 juin 2008 : Olympia de Paris (avec Paul Personne).
Vendredi 11 juillet 2008 : Lac de Madine (avec Paul Personne).
Mars 2011 : rencontre à la FNAC Saint-Lazare, à Paris.
Mercredi 19 octobre 2011 : Zénith de Nancy.
6 juin 2011 : Concert privé à la Flèche d'or de Paris.
Samedi 22 octobre 2011 : Bercy, Paris (celui-là, contrairement à Bercy 1998, je ne le loupai pas !).
Vendredi 18 novembre 2011 : Micropolis, Besançon (et la télé franc-comtoise était venue interviewer les fans qui se trouvaient au tout début de la file d'attente, fans dont je faisais partie. Je restai imperturbablement muette, me contentant d'acquiescer quand les autres prirent la parole. Moi aussi, dans mon genre, je peux être un caillou catatonique).
Vendredi 26 octobre 2012 : La Passerelle, Florange.
Samedi 21 décembre 2013 : Galaxie, Amnéville (soirée Pop rock party, Hubert n'y interpréta que deux ou trois chansons).
Samedi 11 avril 2015 : La Cartonnerie, Reims.
Vendredi 2 octobre 2015 : Zénith de Nancy.
Samedi 3 octobre 2015 : Galaxie, Amnéville.
Samedi 17 octobre 2015 : Palais des Sports, Paris.
Samedi 21 novembre 2015 : Zénith de Paris.
Mercredi 2 mars 2016 : Strasbourg (à La laiterie, je crois).
Samedi 4 juin 2016 : Jardin du Michel, Bulligny (où il faisait un temps de chien : souvenirs de gadoue !!!).
Samedi 15 octobre 2016 : Théâtre de Thionville.
Samedi 19 novembre 2016 : Zénith de Paris.
Jeudi 8 novembre 2018 : Les Arènes, Metz.
Vendredi 9 novembre 2018 : Accor Arena, Paris (que moi je préférais quand ça s'appelait Bercy).
Samedi 10 novembre 2018 : Zénith de Dijon.
Dimanche 21 juillet 2019 : Vieilles Charrues, Carhaix.
Samedi 10 août 2019 : Festival Musiques et Terrasses, Verdun (encore un magnifique souvenir, les quais longeant la Meuse débordant d'une foule en délire).
Samedi 23 novembre 2019 : Olympia, Paris.
Samedi 29 janvier 2022 : Grand Rex, Paris.
Vendredi 8 avril 2022 : Palais des Congrès, Vittel (retour en voiture sous des trombes d'eau, puis de la neige, puis des trombes d'eau, puis de la neige : faut-il aimer Hubert pour accepter de se laisser maltraiter ainsi par les éléments ?!).
Dimanche 10 avril 2022 : La Barroise, Bar-le-Duc.
Vendredi 6 mai 2022 : Théâtre de Thionville.
Samedi 7 mai 2022 : Centre culturel Jean Lhôte, Neuves-Maisons.
Dimanche 8 mai 2022 : Eden, Sausheim.
Samedi 28 mai 2022 : Moissons Rock, Juvigny.
Puis, je m'enfonce dans une faille spatio-temporelle … pour revenir à la vie, tout doucement :
Vendredi 10 mars 2023 : Galaxie, Amnéville (avec le masque FFP2 sur la tronche, les infections pouvant me renvoyer directos à l'hosto).
Mercredi 18 octobre 2023 : NJP, Nancy (c'est là que commence ma « fièvre résurrectionnelle » !).
Vendredi 25 octobre 2023 : Nuits de Champagne, Troyes.
Vendredi 24 novembre 2023 : Les Fuseaux, Saint-Dizier (et, après le concert, un passage dans les loges dont je n'oublierai jamais l'intensité).
Mercredi 17 décembre 2023 : Cuvée givrée, Colmar.
Vendredi 5 avril 2024 : Casino 2000, Mondorf-les-Bains (Luxembourg … De l'avantage de vivre en Lorraine : bis !).
Vendredi 17 mai 2024 : Olympia, Paris.
Samedi 25 mai 2024 : Arena, Reims.
Samedi 1er juin 2024 : Micropolis, Besançon.
Samedi 7 septembre 2024 : La Tourbière, Bois d'Amont.
Depuis, mon marqueur indélébile s'ennuie... Le carton Pampers ne grossit pas, que c'en est désespérant... Bon, petit récapitulatif pour vous éviter de compter : j'ai vu Thiéfaine 65 fois. Croyez-vous que je sois du genre à me contenter de si peu ?!!! J'attends la suite. Envie d'être obligée d'inaugurer un nouveau carton, et tant pis s'il est estampillé Tena !!! On est fan ou on ne l'est pas, le grand âge n'a rien à voir avec ça !!!
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12/12/2024
"Vagabond dans ta rue"...
"Moi je voulais être chanteur, c'était mon rêve de gosse. Le monde est déjà assez absurde, qu'on me laisse au moins faire ce que j'ai envie de faire !" Hubert-Félix THIÉFAINE
Je sais, il faudrait que je me calme avec Thiéfaine. 51 ans, toutes mes dents (sauf les dents de sagesse, hasard ou coïncidence ?!) et toujours cette même folie chevillée au corps. Quand j'avais une vingtaine d'années, on me disait : « Tu verras, ça te passera quand tu auras un mec dans ta vie ». J'eus un mec dans ma vie (et même plusieurs, successivement, s'entend) et … ça ne me passa pas. HFT fit même quelques jaloux. Il faut dire qu'il eut toujours la priorité sur tous mes agendas. « Comment ça, on doit fêter les deux ans de notre relation ? C'est carrément impossible, j'ai un concert de Thiéfaine prévu ce jour-là ». Et de suer à grosses gouttes, peur que le mec en question ne me séquestre ou que sais-je encore. Je passai quelques mauvais quarts d'heure, assaillie de reproches et de griefs, mais jamais, au grand jamais je ne cédai. Et je m'en foutais des engueulades, je ne les écoutais que d'une oreille (l'autre se régalait d'une chanson de Thiéfaine) et n'y participais que pour la forme : au fond de moi, ma décision était prise depuis belle lurette : le concert avant tout le reste. Non mais, fêter une relation, et puis quoi encore ? De toute façon, je savais pertinemment qu'elle ne passerait pas la saison à venir, elle avait déjà un pied dans la tombe. Et la maison Borniol de se ramener avec son équarrisseur...
Quand j'atteignis la trentaine, plusieurs amis me dirent : « Oh, Thiéfaine, ça te passera quand tu auras des enfants ». J'eus des enfants et … ça ne me passa pas. J'en ai vécu des aventures rocambolesques : allez, les mômes sous le bras, on les dépose en lieu sûr (quand même) avant le concert, et c'est parti. Dès leur plus jeune âge, mes filles surent qu'on ne plaisantait pas avec les concerts de monsieur Hubert-Félix Thiéfaine ! Elles ne sont aucunement traumatisées, me semble-t-il. Au contraire. Ça fait pas de mal aux bambins de voir que leurs parents ont aussi leur vie à mener, en dehors de la cellule familiale.
Mais il n'y a pas que les concerts. Il y a aussi les sorties d'albums, les revues et/ou les livres qui sont consacrés à HFT. Et qui atterrissent à peu près tous autant qu'ils sont chez moi. Même que je les ai déménagés cet été ! Au moment où il fallut faire un peu de vide (je passais d'une maison à un appartement), pas question de balancer la plus infime chose ayant trait à HFT.
Et il y a également toutes ces semaines, nombreuses au calendrier, où il me faut écouter Thiéfaine du matin au soir. C'est pour mon équilibre mental, que voulez-vous. Il m'arrive de faire des pauses et de me prendre de passion pour un autre chanteur, une autre chanteuse, oui. Mais, dans ces moments-là, je pense toujours à cette strophe de la chanson Photographie d'un rêveur :
« Si parfois je ruisselle
comme un vieux troubadour
sous les yeux maternels
d'une barmaid trop glamour
c'est pour mieux revenir
vagabond dans ta rue »...
Thiéfaine forever ! Je ne cherche même plus à comprendre et j'ai cessé d'interroger tous les docteurs du monde pour savoir si c'est grave ou pas. Ma conclusion est simple : après tout, je ne fais de mal à personne, alors où est le problème ?
Et donc, en ce moment, je ne suis pas dans une période où mon attention est fixée sur un autre chanteur ou une autre chanteuse. Non, je suis dans mon cycle « vagabond dans ta rue ». Ce qui veut dire : Thiéfaine du matin au soir. À en casser les oreilles de mon voisin (qui n'a toujours pas débarqué ici avec un fusil, moi je dis respect !). À en parfaire cette surdité que j'observe sur ma personne depuis quelques années. Ben tant pis, un jour, moi aussi je serai porteuse d'appareils qui sifflent...
Pour en remettre une couche sur ce programme auditif déjà bien monomaniaque, je suis en train de relire l'excellente biographie que Sébastien Bataille a consacrée à notre artiste. J'y redécouvre des tas de choses. Je me force à lire doucement, à prendre des notes, à entourer les passages qui me paraissent importants. J'en livrerai quelques-uns ici bientôt. Pour le moment, que dirais-je de quelques minutes rien que pour moi sur le canapé, à écouter le live Unplugged ?!
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07/12/2024
Une lecture : Le Déversoir, d'Arthur Teboul
"Nous déplorons si souvent que la poésie ait déserté le champ du quotidien qu'il nous revient de l'y ramener". Arthur TEBOUL
J'ai toujours aimé la poésie. Les mots, je ne sais pas pourquoi, ça me fait des trucs puissants dans tout le corps et l'âme, et ce depuis l'enfance. Ma mère aimait à me répéter que quand j'étais petite, je pleurais à chaque fois qu'elle me récitait « La biche brame au clair de lune », un poème de Maurice Rollinat. C'est que, par le pouvoir des mots, je me fondais totalement dans le chagrin de la biche. Ce chagrin, il devenait le mien. Je devenais la biche elle-même. C'est sûr que ce genre de tempérament ne pouvait pas donner naissance à une mathématicienne ! Je crois que je suis tout sauf cartésienne et ce n'est pas grave, c'est l'intention qui compte. En ce qui me concerne, l'intention n'est pas à son comble, dirons-nous. Je me sens comme cet « homme énigmatique » dont parle Baudelaire dans les Petits poèmes en prose : « « J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas...là-bas...les merveilleux nuages ! ». Et je ne me soucie pas de leurs noms, pourtant diablement poétiques. Je sais qu'ils finissent tous en « us », mais ça ne va guère plus loin.
Et donc, avec ce tempérament, je ne peux qu'adhérer au « plus secret espoir » d'Arthur Teboul, à savoir qu'un jour, peut-être, « entre le sandwich et le café », on pourra, dans un lieu dédié, aller se faire faire un poème, « comme on va se faire faire les ongles ». Arthur Teboul a même donné corps à cet espoir : en mars 2023, il a ouvert, à Paris, un cabinet de poèmes minute, le Déversoir. Pendant une semaine, du matin au soir, il a accueilli des visiteurs désireux de se faire tailler un poème sur mesure. Comme j'aurais adoré être de ces chanceux ! Mais on ne peut pas être partout, et c'est ailleurs que je suis allée ramasser du lyrisme. Parfois, j'ai même tenté de le faire entrer dans mon appareil photo. Je crois tellement à la magie de la poésie que depuis l'adolescence, je dors entourée de livres de poèmes et de portraits de poètes. Cet été, quelle ne fut pas ma joie lorsque, bien avant de déposer mes casseroles et autres ustensiles sans grande importance dans mon nouveau chez-moi, j'installai, près de mon lit, ma bibliothèque de poésie, ornée d'un portrait de Baudelaire. Je dors en somptueuse compagnie, c'est moi qui vous le dis ! La présence de cette bibliothèque tout près de mon sommeil me rassure. Depuis mon oreiller, il me suffit de tendre la main et hop, me voilà augmentée d'un recueil de poèmes. Ça peut être Louis Calaferte, ça peut être Claude Roy. Mais j'aime aussi Philippe Jaccottet, Jean-Claude Pirotte, Guy Goffette, Paul Valet, Charles Juliet, Georges Perros, ou Reverdy, Rimbaud, Verlaine, Baudelaire (bien sûr, bien sûr), Aragon, Éluard, ou encore Lamartine pour pleurer sur ce fichu temps qui, malgré toutes les supplications du monde, ne suspendra jamais son vol !
C'est un peu comme si, dans ma chambre, je m'étais fabriqué mon petit déversoir rien qu'à moi. Car lire de la poésie me permet de me délester de mes fardeaux. Il m'arrive aussi d'écrire des poèmes, mais ça c'est top secret, je ne les publie jamais nulle part, c'est un dialogue avec moi-même et nul autre.
Hier, étant donné que mon grand week-end venait de commencer et que je m'étais mise à jour dans mes préparations de cours et corrections de copies, je me suis payé un luxe incroyable : après avoir bu mon café, je suis allée me recoucher, avec le livre d'Arthur Teboul, Le Déversoir, justement. Et je m'y suis enfouie comme on plonge dans de délicieux abîmes. Ça ressemble à de l'écriture automatique, avec des passages sibyllins dans lesquels on peut faire entrer ce que l'on veut, de sa propre expérience, de sa propre façon d'accueillir le monde. Et c'est grande liberté qui vous est offerte soudain sur un plateau, et ce n'est pas si fréquent. C'est comme avec certaines chansons de Thiéfaine : personne n'en a vraiment la clé, et ça ouvre sur tous les possibles imaginables, voire inimaginables. J'adore ça !
Et puis, parfois, dans Le Déversoir, de magnifiques fulgurances. Comme celle-ci, qui m'a accompagnée toute la journée, hier : « Ce qu'on s'autorise à espérer
Prend racine quelque part ».
Et aussi : -« J'aimerais bien revenir en arrière, là où prolifère la rosée du matin »,
-« Retourne à tes affaires sensibles car demain tu ne sais pas s'il faudra vivre ou mourir »,
-« Lumière et sourire sont de la même étoffe pour qui sait toucher ».
Ou encore, à propos d'un poème que l'auteur a égaré : « Je l'aimais beaucoup. Évidemment je l'aime encore plus depuis que je l'ai perdu » (et cela vaut pour tout, même pour les êtres, n'est-ce pas, avez-vous remarqué ?).
Moi aussi, mon cher Arthur (est-ce hasard si vous portez le même prénom que Rimbaud ? Ça m'étonnerait !), je crois à la magie de la poésie et je suis certaine qu'un monde rempli de déversoirs où l'on pourrait venir se faire faire un poème à toute heure du jour (et même de la nuit, tiens) serait un monde plus joyeusement habitable.
En attendant qu'il advienne, ce monde (je crois que ce n'est pas demain la veille, mais bon, comme l'écrivait Aragon, « il est permis de rêver. Il est recommandé de rêver »), je vais aller me recoucher, un recueil de poèmes à la main !
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01/12/2024
Par un dimanche de grisaille...
"J'ai eu des périodes d'interrogation avant l'âge de dix ans. Je passais de longues heures à me demander à quoi servait la vie et ce que je foutais là. Je n'aimais ni l'école, ni l'existence. Donc très tôt, j'ai commencé à être désespéré". Hubert-Félix THIÉFAINE (Voilà qui me rappelle étrangement quelqu'un, ou plutôt quelqu'une !!!).
J'ai passé une partie de la semaine qui vient de s'écouler à regretter amèrement de ne pas être allée dire à Nikola tout le bien que j'avais pensé de sa prestation avant Grand Corps Malade, puis aux côtés de celui-ci. Je me doute que cela n'aurait pas changé la face du monde, ni la vie de Nikola. Bien sûr que non, je ne suis pas prétentieuse à ce point-là. Mais tout de même. J'aurais dû, j'aurais pu. Pourquoi ne suis-je pas allée voir Nikola après le concert ? Parce que je ne voulais pas embêter mon amie Stéphanie qui m'accompagnait ce soir-là. Elle voulait rentrer assez vite et je me suis dit « tant pis ». Alors que je devrais savoir que les « tant pis », chez moi, tournent souvent au vinaigre de l'obsession. Bon, pas grave, passons... Je vais surveiller le brave Niko et je me promets d'aller le revoir en concert. Et d'aller lui dire quelques mots juste après. Je l'ai fait écouter à mes filles et elles ont bien aimé. Voilà donc une idée de sortie commune, et il faut savoir en apprécier la perspective, le suc non encore advenu. N'ai-je pas déjà écrit mille fois ici à quel point attendre me ravissait, et peut-être plus que l'attente comblée ? Je pourrais écrire des pages et des pages sur le sujet. Attente comblée veut dire plus d'attente. Un pan de la magie s'écroule dès lors que le désir embrasse son contentement ! Il arrive aussi, je suppose, que le contentement embrase le désir, mais, comme aurait dit Gary, je ne suis pas cinéphile à ce point-là ! Ce genre de truc, ça n'arrive que dans les films où l'eau de rose coule à flots comme une conne.
Me voilà philosophe ou quoi en ce dimanche de grisaille comme la Lorraine sait si bien en pondre à la pelle dès qu'arrive l'automne ? Bon, mais la grisaille ne me cueille pas toujours fâchée au réveil. Parfois, elle m'incite juste à rester chez moi, à lire, à écrire, à écouter de la musique.
Ce qui fait que j'ai passé une autre partie de la semaine à m'imprégner du double CD Unplugged, sorti le 15 novembre. Depuis le 22 du même mois, tous les vendredis j'y pense et je me dis : « Il a déjà une semaine, il a déjà quinze jours ». Oui, je suis comme ça, j'ai comme qui dirait un calendrier à la place du cœur !
Il y a quelques heures, en écoutant Je t'en remets au vent, j'ai eu une sorte de révélation : cette chanson, comme un cordon ombilical... Explications : ma mère aimait beaucoup Je t'en remets au vent. J'ai déjà raconté ici le coup de la cassette qu'elle s'était faite, avec je ne sais combien de fois ce morceau sur la face A. Pour s'en enivrer à son gré, sans avoir à rembobiner régulièrement le flacon source d'ivresse ! J'ai écrit « ma mère aimait beaucoup Je t'en remets au vent ». Je crois que j'aurais été plus proche de la vérité en écrivant que de toute la discographie de Thiéfaine, ma mère n'aimait réellement que Je t'en remets au vent ! Il ne faut pas lui en vouloir (à ma mère, s'entend), elle avait été bercée par des chansons plus sages, plus conventionnelles. Un moment, je pensai que La dèche, le twist et le reste pourrait l'émouvoir, mais la « masure bidon », le « vol plané à deux mille » et toute cette anthologie du malheur, non, très peu pour elle, c'était trop éloigné de son univers.
Plus tard, en lisant la biographie que Sébastien Bataille a consacrée à Thiéfaine, je devais apprendre que Je t'en remets au vent reliait, d'une certaine manière, le chanteur à sa mère : « Je t'en remets au vent est la seule chanson du catalogue officiel qu'Alice aura entendue, raison pour laquelle ce morceau revêt depuis une dimension affective particulière pour lui ». Quelle ne fut pas ma stupéfaction en voyant s'étaler, noir sur blanc, à la page 57 de ladite biographie, un de ces hasards objectifs chers à André Breton !
Chose encore plus dingue : un jour que j'étais en voiture avec ma fille Louise, elle me confia que Je t'en remets au vent était sa chanson préférée du répertoire d'HFT. Lorsqu'elle me dit que la bouleversait particulièrement le passage « à mettre sa vie en musique, on en oublie parfois de vivre », je ne cachai ni mon émotion, ni ma grande fierté. Comme c'est chouette d'avoir une ado qui vous dit ça (et même pas sous la torture, je vous le promets). J'expliquai à Louise combien cette chanson était à jamais liée à ma mère et combien j'aurais désormais l'impression que Je t'en remets au vent était un pont qui nous unissait magiquement toutes les trois, elle, ma mère et moi. Ce qu'une œuvre peut faire, n'est-ce pas ?
Voilà. C'est tout ce que j'avais à dire en ce dimanche de grisaille. Je t'en remets au vent ou une histoire de cordon ombilical...
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24/11/2024
Grand Corps Malade à la Rockhal hier soir : y être était une splendeur !
"J'ai atteint cet âge où je me dis que la télé c'était mieux avant... que le rap c'était mieux avant... que moi c'était mieux avant". Grand Corps Malade
Voilà un automne flamboyant. Moi qui hais novembre, je peux dire que celui-là dépasse toutes mes inespérances. Je n'en attendais rien et il m'offre tant... Un magnifique double CD de la tournée Unplugged, le dernier Cure, des concerts. Sans oublier tout ce que je ne dis pas ici !
Hier, Grand Corps Malade était à la Rockhal, à Esch-sur-Alzette, au Luxembourg. Et moi aussi ! En un décor à la Soleil cherche futur : la salle de concert se trouve en effet en face de hauts fourneaux qui rappellent un jamais plus sidérurgique, comme d'autres endroits de l'autre côté de la frontière, en Lorraine. Ce n'est pas beau, et pourtant ça a de l'allure, ça a un je ne sais quoi de troublant et d'envoûtant. J'adore les lieux comme ça, âpres, pas faciles à apprivoiser. C'est mon spectaculaire à moi.
La dernière fois que j'ai mis les pieds à la Rockhal, c'était pour les débuts de la tournée Scandale mélancolique, d'HFT. Et je vous saurais gré de ne pas dire « voilà qui ne te rajeunit pas », ce serait pure indélicatesse (indigne de vous de surcroît). Et moi, l'indélicatesse, j'aime tellement pas ça que j'ai envie d'y coller des battes de baseball dans la tronche, non mais ! Vous n'iriez tout de même pas jusqu'à insinuer que je me fais vieille, n'est-ce pas ? D'ailleurs, Grand Corps Malade, lui, a la délicatesse de dire que c'est pas de la vieillesse, mais de la sagesse. Alors prenez-en de la graine, svp. Je trouve que je suis sacrément sage, purée, je m'épate de jour en jour avec cette sagesse qui n'en finit pas de s'étoffer !
Le concert est annoncé pour 19h. Or, à 18h58, nous sommes encore en train d'attendre dans le froid, mon amie Stéphanie, moi-même et quelques autres. La dame qui est dans la file derrière nous nous dit qu'elle est frigorifiée (nous le sommes tous) et que si les portes ne s'ouvrent pas à 19h tapantes, elle décédera, sans autre forme de procès, là, sous nos yeux hagards. Elle est comme une Cendrillon en mal de carrosse à l'approche de minuit. Elle me fait peur. Qu'elle décède là, sous nos yeux hagards, serait, comme dirait l'autre, ballot. Ah, ouf, les portes s'ouvrent. Il est 18h59. À 19h, Cendrillon pénètre dans le hall. Elle ne mourra pas ce soir. Je vous dis que ce mois de novembre est drôlement méritant !
C'est un certain Nikola qui assure la première partie de Grand Corps Malade. Il arrive sur scène à 20h. Moi qui pensais que la soirée démarrerait à 19h et qu'avant minuit j'aurais enfilé mes charentaises et descendu une petite tisane estampillée nuit calme, je remballe mes rêves de tranquillité quinquagénaire (j'avoue que j'aime de plus en plus les concerts qui commencent à 19h !). Pas grave, il y a mieux à faire que dormir en ce samedi 23 novembre !
Nikola a une incroyable présence sur scène. Comme Grand Corps Malade, il manie les mots avec une admirable dextérité. Sa voix est puissante, elle vous résonne dans le corps. Ses textes ne sont pas absolument jouasses, mais de ce point de vue, rien ne saurait effrayer une fan de Thiéfaine, n'est-ce pas ? D'ailleurs, je crois que j'ai un problème avec les chansons trop joyeuses. C'est comme une tisane nuit calme : c'est bien joli, mais ça ne sert pas à grand-chose. Enfin en ce qui me concerne. Chacun fait bien ce qui lui plaît.
Mais moi, ce que j'aime, c'est qu'on me parle de défaites plutôt que de fêtes. De flèches qui manquent leur cible. De gens qui se prennent les pieds dans le tapis et se vautrent sur le plancher. Question d'affinités. Ça ressemble plus à mon vécu.
Dès les premières secondes, je me demande pourquoi j'ai relégué pendant si longtemps Grand Corps Malade dans de sinistres oubliettes. J'ai parfois de ces malencontreuses infidélités... La dernière fois que j'ai vu cet artiste sur scène, c'était en 2008, et je vous saurais gré de ne pas vous exclamer lamentablement : « Voilà qui ne te rajeunit pas ». L'indélicatesse, vous savez ce que j'en fais !
Grand Corps Malade nous dit que nous, public, nous lui ressemblons. Que nos histoires sont un peu les siennes. Et inversement (donc, que ses histoires sont un peu les nôtres, si vous avez suivi). Que nous sommes, en quelque sorte, son reflet. Comme il est le nôtre. Nous allons être face à face comme des miroirs, le temps du concert. Oh, mais trop bien !
Au fil de la soirée, je redécouvre une œuvre riche, dense, multiple. Des chansons défilent où il est question du temps qui passe, de la protéiforme et cosmopolite Saint-Denis, de l'enfance. De tout ce qui constitue une vie, avec ses splendeurs et ses misères. Des frissons me parcourent régulièrement le corps. Faut dire que je suis un peu sensible. Et que le vécu de Grand Corps Malade est, en effet, comme un reflet du mien. Les enfants qui grandissent trop vite, je connais. La sagesse qui n'en finit pas de s'étoffer : même constat. L'urgence qui réside dans l'instant présent : idem. « Remettre à aujourd'hui ce qu'on pensait faire demain », chante GCM. Voilà une formule qui me sied comme un gant et que je vais faire mienne, tiens ! En fait, je l'ai déjà intégrée à ma vie depuis un certain temps, mais je n'aurais pas su le dire comme ça, si chouettement. C'est un reflet sacrément doué que j'ai en face de moi ce soir. Comme une meilleure part de moi-même. Je m'en sens grandie, carrément.
Là où je ne peux suivre Grand Corps Malade malgré ma bonne volonté, là où mon reflet a ses limites, si vous voulez, c'est quand il nous parle de l'amour totalement dingue qui l'unit à sa femme. 20 ans d'amour, c'est l'amour fol, chantait Brel. Bon, ben moi, déjà cinq jours, je trouve que ce n'est pas si mal. Je ne peux accompagner GCM dans ces merveilleux méandres qu'il nous dépeint, la rencontre comme une évidence, un premier baiser échangé à Deauville et dont le souvenir ricoche dans chaque nouveau baiser, oh yeah. Ouah, respect ! Je ne peux suivre, je ne peux comprendre, mais j'admire. Et, quelque part, je jalouse, je l'avoue. Comme ça doit être top d'être la femme pour qui un homme a écrit Je serai là ou Dimanche soir ! Comme ça doit être top d'être celui qui a pondu ça pour une femme ! Voilà des déclarations qui ont de la gueule ! Rien à voir avec ce triste épisode de mes années collège où mon amoureux de l'époque me remit, ému, un poème. Ça s'appelait Barbara et sortait tout droit d'un recueil de Jacques Prévert. Le mec claironna qu'il avait écrit ça pour moi. Il croyait que je n'y verrais que du feu (en plus, je ne m'appelle même pas Barbara). Je fus furax et le lui dis, après quoi je rompis. Non mais, espèce d'imposteur de mes deux si j'en avais ! Voilà le genre de déclaration que je reçois depuis l'adolescence. Ça décourage... Grand Corps Malade, dans une chanson, nous explique qu'en fait un homme, c'est toujours pris dans un triangle infernal qui cafouille pas mal : la tête, le cœur et les couilles. Ah, ben voilà le fameux mode d'emploi que je cherchais ! Ça explique bien des choses. Et bien des déconvenues !
Bref, pour en revenir au concert : j'en suis sortie scotchée, bouleversée, transcendée. En plus, Grand Corps Malade a beaucoup d'humour. Et des musiciens du tonnerre. Qu'il sait honorer régulièrement, comme il honore les techniciens (tout ce petit monde finira sur scène à la fin de la soirée).
Dans la foulée, avant de quitter la Rockhal et de rejoindre mes charentaises, j'ai acheté l'album Plus de reflets au merchandising. Parce que moi, des reflets comme ceux-là, il est clair que j'en veux plus !
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