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Satyros...
La pensée du jour : "Je sais qu'il manquera toujours quelqu'un en bout de table"... CALI.
Non, mon cher Doc, je ne t'ai pas oublié ! La traduction demandée est faite depuis un petit moment déjà. J'attendais seulement que l'amie allemande chargée de la relire me donne son avis. Elle est toujours indulgente avec moi et trouve que j'ai fait du bon boulot, mais je ne suis pas satisfaite de ma traduction de "bekleiben"... Enfin, tant pis, j'ai opté pour "rester". C'est l'idée de "persister" (fortdauern), quelque chose comme ça.
Petite précision pour tous ceux qui ne sont pas le Doc : Ce qui va suivre est un extrait du "Satyros", de Goethe. Ces mots sont dits par Jürgen Frenz à la fin de "Diogène série 87" :
Johann Wolfgang von Goethe
Satyros : Von euch Schurken keinen Spott !
Ich tät euch Eseln eine Ehr an,
Wie mein Vater Jupiter vor mir getan;
Wollt eure dummen Köpf belehren
Und euren Weibern die Mücken wehren,
Die ihr nicht gedenkt ihnen zu vertreiben;
So mögt ihr denn im Dreck bekleiben.
Ich zieh meine Hand von euch ab,
Lasse zu edlern Sterblichen mich herab.
Vous, gredins, ne vous moquez pas !
Je vous ferais un honneur à vous, les ânes,
Comme l'a fait mon père Jupiter avant moi;
Il voulait instruire vos têtes idiotes
Et défendre vos femmes contre les mouches
Que vous ne songiez pas à écarter d'elles;
Alors restez donc dans la fange.
Je retire ma main de vous,
Je m'abaisse vers d'autres mortels plus nobles.
12/12/2009 | Lien permanent | Commentaires (23)
542 lunes et 7 jours environ
De retour de vacances et plongée sans transition dans la grisaille… Ciel baudelairien au-dessus de ma tête ! Je prendrais bien un petit Thiéfaine, histoire de me remettre d’aplomb. Aujourd’hui, ce sera « 542 lunes et 7 jours environ », qui reste une de mes chansons préférées !
"la terre est un Macdo recouvert de Ketchup
où l’homo cannibale fait des gloupses et des beurps
où les clowns en treillis font gémir la musique
entre les staccatos des armes automatiques
j’y suis né d’une vidange de carter séminal
dans le garage intime d’une fleur sentimentale
quand j’ai ouvert les yeux la lumière vagabonde
filait à 300 000 kilomètres à la seconde
j’ai failli me tirer mais j’ai fait bof areuh
j’suis qu’un intérimaire dans la continuité de l’espèce
et coucou beuh !
542 lunes et 7 jours environ
que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron
542 lunes et 7 jours environ
et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con
une fille dans chaque port et un porc qui sommeille
dans chaque salaud qui rêve d’une crampette au soleil
et les meufs ça couinait juteuses et parfumées
dans le bleu carnaval des printemps cutanés
j’en ai connu des chaudes à la bouche animale
à g’noux dans les toilettes ou dans la sciure des stalles
hélas pour mon malheur j’en ai connu des pires
qui voulaient que j’leur cause en mourant d’un soupir
et puis je t’ai connue mais j’vais pas trop charrier
attendu que j’suis lâche et que ton flingue est chargé
oh ma
sweet yéyéyé sweet lady
542 lunes et 7 jours environ
que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron
542 lunes et 7 jours environ
et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con
la geisha funéraire s’tape des rassis crémeux
chaque fois que j’raye un jour d’une croix sur mon pieu
pourtant j’contrôle mes viandes, je surveille mes systoles
et me tiens à l’écart des odeurs de formol
mais un jour faut partir et finir aux enchères
entre les gants stériles d’une sœur hospitalière
et je me vois déjà guignol au p ‘tit matin
traînant mon vieux flight-case dans le cimetière des chiens
oh meine kleine Mutter
mehr Licht !*
542 lunes et 7 jours environ
que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron
542 lunes et 7 jours environ
et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con"
*J’ai déjà parlé de ce « mehr Licht ». Ce sont les derniers mots qu’aurait dits Goethe. Cela me fait penser que je mettrais bien un poème ou deux de l’ami Goethe sur ce blog. Par exemple, je pourrais traduire le passage du Satyros cité dans « Diogène série 87 ». Je vais voir.
27/08/2006 | Lien permanent
Méthode de dissection : ”Météo für nada”
La pensée du jour : Eh bien citons donc ce que ma fille Clara nous a dit hier : "Je veux écouter 'j'ai volé un arbre à un clown'" !!!
Année de parution : 1987
Pochette : Elle est assez sobre et assez sombre aussi. Une photo en noir et blanc nous montre le visage de l'ami Hubert, une partie du visage plongée dans l'obscurité, l'autre dans la lumière. Un symbole ? Une façon de mettre en relief le côté obscur et le côté lumineux d'une même personne ?
Titres :
Dies olé sparadrap joey
Zone chaude, môme
Precox ejaculator
Narine narchande
Affaire Rimbaud
Bipède à station verticale
Sweet amanite phalloïde queen
Diogène série 87
Errer humanum est
Les phrases que j'aime particulièrement :
« Douc'ment les filles faut pas flipper
la bidoche est faite pour saigner ».
« Si un jour je r'trouve la mémoire
et 2-3 bières pour ma moquette
j'balanc'rai à la série noire
un truc à faire chialer Hammet ».
« Je n'sais pas si tu viens d'un continent perdu
ou bien si t'es tombée
d'une comète inconnue
mais j'crois qu'il était temps que tu me prennes
en main
j'ai cru mourir de froid chez mes contemporains ».
«A chercher le Pérou sur ma radio-inca
j'ai trouvé la fréquence que je n'attendais pas ».
« Météorite in love tu vois je vole aussi
en reniflant d'un oeil tes bas sur le tapis ».
« J'voulais t'offrir une nuit d'enfer
7,5 sur l'échelle de Richter ».
« Paraît qu'je viens d'une catastrophe
mais les dieux sont pas très bavards ».
« Parfois... parfois...
j'ai la nostalgie d'la gadoue ».
« J'suis l'animal bluesymental
aux vieux relents d'amour gothique ».
« Câblé sur X moins zéro
à l'heure des infos galactiques
je mets mon badge « ecce homo »
et j'suis fier d'être un con cosmique ».
« Manufacture de recyclage
des mélancolies hors d'usage ».
« A toujours vouloir être ailleurs
pyromanes de nos têtes brûlées
on confond les batt'ments de coeur
avec nos diesels encrassés
à toujours voir la paille plantée
dans la narine de son voisin
on oublie la poutre embusquée
qui va nous tomber sur les reins ».
« On fait Nankin-Ouagadougou
pour apprendre le volapük
et on se r'trouve comme kangourou
dans un zoo qui prend les tucs ».
« Pas prendre pour un courrier du coeur
les pulsions des glandes endocrines ».
« Bourlinguer ... errer
Errer humanum est ».
Les p'tites références à l'Allemagne :
Evoquons en premier lieu ce passage entier en allemand qu'on entend sur « Diogène série 87 » : il s'agit d'un extrait du Satyros de Goethe. Il faudra que j'y consacre une note entière.
Il y a aussi « für » dans le titre. Et le « volapük », il me semble que c'est un Allemand qui l'a inventé. Oui, un petit tour sur Wikipédia vient de me le confirmer.
Ma chanson préférée sur cet album ? Impossible de le dire ! J'aime énormément le texte de « Errer humanum est ». Chaque mot est à sa place, la vie humaine, dans ce qu'elle a d'absurde et de grotesque, est passée au peigne fin de la désespérance thiéfainesque (« aplatis comme de vieilles pizzas », « on se r'trouve comme kangourou dans un zoo qui prend les tucs »). Oui, j'ai un petit faible pour le texte de cette chanson-là. Mais je ne voudrais pas être injuste avec les autres. Car, en fait, j'aime toutes les chansons de ce splendide « Météo pour rien » ! Je pense avoir écouté six milliards de fois « Affaire Rimbaud ». D'ailleurs, quand j'étais jeune, je rêvais de mourir en écoutant cette chanson-là, genre dans ma voiture, la tête coincée dans un strapontin et qu'on n'en cause plus ! Et que la suite me laisse amnésique...
Voilà. A vous !
02/05/2009 | Lien permanent | Commentaires (5)
Article pour le fanzine
La pensée du jour : "L'amour est éternel tant qu'il dure", Henri DE REGNIER.
Je viens de taper un petit quelque chose pour le fanzine. Bien entendu, je prends toutes vos propositions de modifications ou autres. Faites-moi vos suggestions, s'il vous plaît!
Petite précision : sur le blog, je mets vos pseudos habituels mais, dans l'article, je donnerai vos prénoms, cela me paraît beaucoup plus sympa.
Message pour Tommie : mille mercis pour les photos, nous les avons toutes bien reçues. Je n'ai pas eu le temps de te l'écrire en message privé car je cours dix lièvres à la fois en ce moment : je me prépare à partir en Allemagne la semaine prochaine, je dois m'occuper du baptême de ma fille, préparer des cours, faire des lessives, etc.!!!
Voici donc :
Samedi 31 mars 2007 : Maison du Délice, Paris. Voilà, ils sont tous là, les dingues et les paumés dont les "hémisphères cérebelleux" sont, comme les miens, peuplés de personnages loufoques : la fille du coupeur de joints, Lorelei Sebasto Cha, la vierge au dodge WC 51, et j’en passe. Ils sont une douzaine à avoir répondu à l’appel. Il y a quelques mois, l’association de poésie « Rencontres européennes » nous avait sollicités pour que nous venions présenter à ses membres des bouts de l’univers, de la vie et de l’oeuvre de Thiéfaine. Voilà, c’est le grand jour ! C’est aujourd’hui que nous allons tenter de relever ce défi.
15 heures. Jean-Jacques Kelner, le « maître de cérémonie », dit quelques mots pour donner un peu la couleur de cet après-midi. En gros, qu’on se le tienne pour dit, cela va thiéfainer à bloc !!
Ensuite, c’est moi qui vais au micro. Je remercie l’association qui a rendu possible cette rencontre entre un petit cercle d’initiés et des néophytes (ou presque : certains ont pris soin de se renseigner au préalable sur Thiéfaine, une personne est même venue avec un CD-compilation qui, à ma grande joie, ira se balader par la suite dans d’autres mains !).
Pour ouvrir cette réunion, je cite les mots que Ferré disait à propos d’Hubert et qui commencent par « C’était chez moi, en Italie, il y a quelques années ».
Puis, place à la musique avec Yoann et Uther, qui nous jouent « Orphée nonante huit ».
Un peu crispée, je reprends le micro, pour présenter l’œuvre et la vie de Thiéfaine. Dans mon topo, j’ai essayé de mêler le plus possible la vie et l’œuvre d’HFT, justement. Je me suis beaucoup appuyée sur les travaux de Pascale Bigot et de Jean Théfaine, en ajoutant autant que possible mon grain de sel, ne me gênant pas, par exemple, pour caser un peu partout des extraits de chansons que j’aime particulièrement. J’aurais pu en dire deux fois plus. C’est d’ailleurs la réflexion que je me suis faite dernièrement en réécoutant Hubert. Je n’ai pas assez insisté sur des morceaux d’anthologie, comme « Sentiments numériques revisités », « Des adieux », « Critique du chapitre 3 ». Mais, sept pages, je trouvais que c’était déjà pas mal.
Ensuite, JPADPS (« Jeune prof d’allemand dynamique pas sadique » !) s’est lancée dans une magnifique envolée sur l’influence de la culture allemande dans l’œuvre de Thiéfaine. Dans un brillantissime exposé, elle évoque, très à son aise, les phrases ou mots allemands qui parsèment l’œuvre de Thiéfaine. Très justement, elle fait remarquer que bien souvent, les mots allemands sont là pour exprimer l’angoisse ou quelque chose d’étrange. Elle évoque ensuite l’incontournable « Wunderkind » de « Septembre rose ». Elle nous parle également de l’histoire allemande et de la façon dont elle est traitée par Thiéfaine. Elle prend appui sur différentes chansons : « Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable », « L’homme politique, le roll-mops et la cuve à mazout », « Dans quel état terre ». A propos de cette chanson, elle note la juxtaposition du bien et du mal que l’on y trouve : « 2 000 après J.C. sur les calendriers, 50 et des poussières après Adolf Hitler ». Viennent ensuite les références littéraires et musicales : entre autres, Hölderlin, Nietzsche, Goethe, Beethoven. JPADPS évoque les destins plutôt tragiques de ces êtres d’exception, soulignant que seul Goethe s’en tire bien dans cette sombre histoire !! Elle nous lit successivement en allemand et en français l’extrait du Satyros que l’on peut entendre à la fin de la chanson « Diogène série 87 ». Très habilement, elle dit qu’il n’est pas anodin que Thiéfaine ait choisi, dans sa chanson, de mêler ces deux personnages : Diogène, le philosophe grec, recherchait la sagesse dans le dénuement le plus total. Satyros, lui, déclare : « Je vis seul, je me suis retiré de la ville ». JPADPS nous présente Thiéfaine comme une sorte de Diogène moderne qui, ici, dénonce le star-system et sa vacuité. L’exposé s’achève sur l’évocation de « Portrait de femme en 1922 », où JPADPS trouve d’étranges ressemblances avec la nouvelle de Stefan Zweig, Amok. Son exposé donne envie d’aller creuser encore un peu plus du côté de chez Goethe et compagnie !
Puis, Tommie nous livre sa puissante réécriture de « Syndrome albatros », après nous avoir fait écouter cette chanson. Elle évoque la tristesse de nos vies, la solitude du poète, les échappatoires que l’on s’invente pour ne pas rester englués dans notre désespoir d’albatros. Le poète, insoumis, incompris, apparaît comme celui qui dénonce le mal et un monde où il y a plus de sang et de larmes que d’amour et d’espoir. Tommie nous décompose très bien cette « architecture de la douleur ». Nous sommes cloués par ses mots d’une grande sincérité !
Yoann et Uther nous interprètent ensuite magistralement « Les dingues et les paumés », ce qui, d’ailleurs, se marie plutôt bien avec le thème précédent !
Lilith051 vient ensuite nous lire « L’étranger dans la glace » et nous exposer son ressenti face à cette chanson. Elle souligne l’abondance des images de froid et de mort (« le vent glacé », « mes yeux nécrosés », « paramètres au cœur violet »). L’émotion est à son comble, la p’tite Lilith a la sensibilité à fleur de peau ! Jean-Jacques et Philippe, de l’association «Rencontres européennes », nous lisent ensuite, à leur façon, « Demain les kids » et « Redescente climatisée ». Moment d’échange. Pour nous, les habitués de l’univers de Thiéfaine, c’était bien de voir quelle couleur et quel ton les « non initiés » pouvaient bien mettre sur les mots de cet artiste.
Enfin, Yoann et Uther ont repris respectivement leur guitare et leur basse, pour nous interpréter «Autoroutes jeudi d’automne » (et tous les « thiéfaineux » présents de crier « stop » au moment voulu, comme pendant les concerts de la dernière tournée !!), « Affaire Rimbaud », « Confessions d’un never been » et … « La fille du coupeur de joints » ! Nous avons copié Thiéfaine puisque nous aussi, nous avons fini sur cette balade ! Qui a eu le don, comme le dit Evadné, de nous éjecter de nos chaises ! La réunion s’est donc achevée en feu d’artifice !
Pour prolonger la magie, nous avons été quatorze à dîner ensemble dans un restaurant du même quartier. La soirée aussi s’est montrée riche en surprises : Sam a sorti sa précieuse guitare (signée par HFT, s’il vous plaît !) et nous a interprété plusieurs chansons. Ou plutôt : nous avons été une tablée entière à chanter !!
Nous nous sommes quittés vers une heure du matin. Extinction du feu d’artifice ! Terminus. Tout le monde descend. Mais, déjà, l’envie de reprendre « place dans le grand feu » nous titille tous !
05/04/2007 | Lien permanent | Commentaires (21)
Goethe et aussi chanson n°43 : ”Ad orgasmum aeternum”
La pensée du jour : "Denn ich bin ein Mensch gewesen
Und das heißt ein Kämpfer sein". GOETHE.
Les allusions à la culture allemande ne manquent pas dans l'œuvre de Thiéfaine, nous avons pu nous en rendre compte ensemble, ici même ! Pas un seul album où il ne soit pas question d'une ville allemande (Berlin, Hambourg), d'un auteur allemand (Hölderlin, Nietzsche), etc. Impressionnant !
Goethe apparaît trois fois dans l'œuvre de Thiéfaine, sauf erreur de ma part. De différentes façons :
Première référence dans l'album « Météo für Nada » : dans la chanson « Diogène série 87 », on entend un extrait du Satyros, lu par un Allemand.
Une deuxième fois dans l'album « Chroniques bluesymentales », et plus particulièrement dans la chanson « 542 lunes et sept jours environ ». « Mehr Licht », ce sont les derniers mots que Goethe prononça (voir une de mes premières notes ici).
Troisième allusion (plus ou moins) dans la chanson « Confessions d'un never been », où il est question cette fois du mouvement Sturm und Drang, dont Goethe fut un des membres en sa jeunesse.
Il me semble que c'est tout. Pour la petite histoire, j'ai commencé à apprécier Goethe il y a six ans seulement, lorsque je préparais l'agreg et que les poèmes qu'il écrivit sur ses vieux jours étaient au programme. Auparavant, j'avais lu Die Leiden des jungen Werther ... pour très vite leur préférer Die neuen Leiden des jungen W., d'Ulrich Plenzdorf ! J'ai lu Die Leiden des jungen Werther quand j'avais 17 ans. Il faut croire que je n'avais pas la maturité nécessaire pour piger. Pourtant, ce roman épistolaire est magnifique, j'ai pu l'apprécier plus tard, en le relisant. Ensuite, j'ai lu des extraits de Faust. Jamais le Faust en entier. L'immense honte pour une prof d'allemand !!! Mais j'assume ! J'ai toujours préféré me plonger dans Kleist, plus tourmenté, plus sombre... Quand même : en deuxième année de fac, j'avais lu Götz von Berlichingen, quand on étudiait le Sturm und Drang justement, et j'avais beaucoup aimé cette œuvre.
Et puis, lorsque je suis partie faire mes études en Allemagne, à Leipzig, j'ai eu un prof de poésie tout à fait révolutionnaire, qui détestait Goethe, allant jusqu'à dire qu'il n'avait écrit que de la merde ou presque, qu'il ne fallait garder que ses poèmes et jeter le reste !! Comme toutes les filles de la promo, j'étais secrètement amoureuse de ce prof incroyable, véritable poète, qui ne se gênait pas pour dire en plein cours qu'il avait déjà testé pas mal de drogues !!!!! Alors, du coup, je me suis dit : « Oui, c'est vrai, ça, jetons Goethe !! » Et puis, il y a six ans, il y eut cette rencontre. Avec l'homme vieillissant se retournant sur sa vie. Au programme d'agreg, il y avait West-östlicher Divan. J'ouvre le recueil :
« Nord und West und Süd zersplittern,
Throne bersten, Reiche zittern,
Flüchte du, im reinen Osten
Patriarchenluft zu kosten;
Unter Lieben, Trinken, Singen
Soll dich Chisers Quell verjüngen ».
Tout de suite, ça le fait ! L'allemand, en poésie comme en tout d'ailleurs, ça sonne bien ! Moi, ça me prend aux tripes, j'adore ! J'ai dû être une des amoureuses de Goethe dans une vie antérieure !!!!!
Bref, alors là, Goethe, j'en suis tombée raide dingue. De sa poésie, surtout. Raide dingue aussi de l'homme vieillissant étreignant encore et toujours la vie avec le même élan !
Je peux vous mettre un topo sur sa vie si cela vous tente. Mais il ne faudrait pas que ce soit trop austère non plus, hein...
Allez, encore quelques extraits du recueil West-östlicher Divan :
« Eh er singt und eh er aufhört
Muss der Dichter leben ».
« Und solang du das nicht hast,
Dieses : Stirb und werde !
Bist du nur ein trüber Gast
Auf der dunklen Erde ».
« Wunderlichstes Buch der Bücher
Ist das Buch der Liebe;
Aufmerksam hab ich's gelesen :
Wenig Blätter Freuden,
Ganze Hefte Leiden ».
Et maintenant : « Ad orgasmum aeternum » !
Dans cité X y'a une barmaid
qui lave mon linge entre deux raids
si un jour elle apprend mon tilt
au bout d'un flip tourné trop vite
je veux pas qu'on lui renvoie mes scores
ni ma loterie ni mon passeport
mais je veux qu'on lui rende ses lasers
avec mes cendres et mes poussières
et j'aimerais qu'elle tire la chasse d'eau
pour que mes tripes et mon cerveau
enfin redevenus lumière
retournent baiser vers la mer
je reviendrai comme un vieux junkie
m'écrouler dans ton alchimie
delirium visions chromatiques
amour no-limit éthylique
je reviendrai comme un vieux paria
me déchirer dans ton karma
retrouver nos mains androgynes
dans ta zone couleur benzédrine
je reviendrai fixer ta chaleur
dans la chambre au ventilateur
où tes ombres sucent les paumés
entre deux caisses de s.t.p.
je reviendrai te lécher les glandes
dans la tendresse d'un no man's land
et te jouer de l'harmonica
sur un décapsuleur coma
je reviendrai jouir sous ton volcan
battre nos cartes avec le vent
je reviendrai taxer ta mémoire
dans la nuit du dernier espoir
je reviendrai chercher notre enfance
assassinée par la démence
et lui coller des lunettes noires
le blues est au fond du couloir
je reviendrai narguer tes dieux
déguisé en voleur de feu
et crever d'un dernier amour
le foie bouffé par tes vautours
19/11/2010 | Lien permanent | Commentaires (8)
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