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27/10/2006

Histoire du soldat : suite

La pensée du jour : "Wir werden jeden Tag ermordet und jeden Tag begehen wir einen Mord", Wolfgang BORCHERT, Draußen vor der Tür.

En lisant l'Histoire du soldat, j'ai repensé à cette pièce de Wolfgang Borchert, Draußen vor der Tür, dans laquelle il est question d'un soldat, Beckmann, qui rentre chez lui après la guerre et qui voit tout son passé anéanti. Le passage d'Histoire du soldat qui va suivre présente de nombreuses similitudes avec la pièce allemande, je trouve.

 

Bravo ! ça y est ! on est chez nous ; bonjour, madame Chappuis !

elle est dans son plantage, bonjour, comment ça va-t-il ?

elle n’entend pas, mais voilà Louis, Hé ! Louis !

il passe dans le pré sur son char à échelles, c’est Louis, c’est un vieil ami ;

 

hein, quoi ? qu’est-ce qu’il y a ? lui non plus qui ne répond pas ?

Hé ! Louis, tu ne me reconnais pas, ou quoi ?

Joseph, Joseph le soldat,

Joseph, tu te rappelles bien

(l’autre continue son chemin,

il continue aussi le sien) ;

et voilà la maison d’école, avec sa cloche et les engins,

Joseph, Joseph, vous vous rappelez bien !

 

voilà le four, l’auberge et partout des gens, à présent,

des hommes, des femmes, des enfants,

qu’est-ce qu’il y a ? qu’est-ce qu’il y a ?

est-ce qu’ils auraient peur de moi ?

vous vous rappelez bien pourtant, Joseph Dupraz !

 

Joseph !... Une première porte se ferme, une autre qui s’est fermée.
Et une, et une encore, et elles crient, étant rouillées.

Toutes ces portes qu’on entend.

Et lui alors : « Heureusement !... »

c’est qu’il pense à sa mère ; mais, le voyant venir,

elle se sauve en criant ;

et il pense : « J’ai ma fiancée… »

 

Mariée !

Deux enfants !

 

Grand silence. Puis sourdement.

 

Ah ! brigand ! bougre de brigand !

je sais qui tu es à présent.
Je comprends, j’y ai mis du temps.

 

Fort.

 

Ça n’est pas trois jours, c’est trois ans !...

 

Bas.

 

Ils m’ont pris pour un revenant,

je suis mort parmi les vivants.

 

Un temps. Puis fort.

 

 

Ah ! brigand ! bougre de brigand ! je l’ai écouté bêtement ; et c’est vrai que j’avais bien faim et que j’étais bien fatigué, ça n’explique pourtant pas pourquoi je l’ai écouté, est-ce qu’on fait attention à ce que les gens qu’on ne connaît pas vous disent ? on leur répond : « Je ne vous connais pas », au lieu de quoi, je l’ai écouté.

 

Le rideau se lève. Le décor représente le clocher du village vu à une certaine distance. On voit le diable en marchand de bestiaux. Appuyé sur sa canne au milieu de la scène, il attend.

 

 

J’aurais dû me méfier de lui, au lieu de quoi je l’ai écouté, bêtement je l’ai écouté et je lui ai donné mon violon ; ah ! malheureux que je suis ! et à présent qu’est-ce que je vais faire ? et à présent qu’est-ce que je vais faire ? et à présent qu’est-ce que je vais faire ?

 

Musique. Le rideau se baisse. Fin de la musique.

 

Le rideau se lève. Même décor. Le diable est toujours là, dans la même position.

 

 

26/10/2006

Les choses se précisent!!

Bon, bon, bon, je crois que je vais pouvoir aller voir Hubert à Troyes! Et peut-être même avec ma moitié! Oui, carrément! Il faut encore peaufiner notre affaire, mais il y a de bonnes chances pour que nous y allions! On embarque la marmaille (enfin, la môme, il n'y en a qu'une pour l'instant!), elle serait gardée le soir par sa mamie et une de ses tantes, et roule!

Je viens de voir, sur le site de la Fnac, que c'était Marie Cherrier qui faisait la première partie du concert du 3 novembre. J'aime assez ce qu'elle fait.

Et, si je me souviens bien, le 3 novembre, c'est la Saint Hubert! La grande classe! Je me dois d'y aller, à ce concert, non?!

Bon, maintenant, mon homme dit que ce concert risque d'être réduit à une configuration festival. Du coup, il ne veut plus venir. Oui, mais moi, configuration festival ou grand jeu, j'ai envie d'y aller! Le grand jeu, de toute façon, je l'attends pour le Zénith. Le vrai feu d'artifice, quoi, pour finir en beauté cette si belle tournée...

Je crois que j'y vais!

Bon, Sév, tu as raison : cessons de réfléchir! Il FAUT que j'aille au concert de Troyes et c'est tout! Avant d'écrire cette note, j'ai repensé à cette très belle phrase d'Anatole France : "Si on réfléchit, on ne s'envolera jamais". J'ai toujours essayé de faire en sorte que ces mots dirigent ma vie. Alors, il faut foncer, une fois de plus! Et, bientôt, ici même, je pourrai me payer deux comptes à rebours : Troyes et Paris!!!!

J'y vais ou j'y vais pas?

La pensée du jour : "Mais quand sera-t-il minuit sur le monde? Il y a de fortes chances pour que nous ne le sachions qu'après le douzième coup. Toujours trop tard", Louis CALAFERTE.

Cela n'arrive qu'à moi : hier, une personne de mon entourage me téléphone : chaque année, elle participe aux Nuits de Champagne à Troyes. Elle me dit qu'il lui reste un billet pour le concert de Thiéfaine. J'en parle ensuite à ma moitié, qui me dit : "Mais vas-y!" Mon pauvre homme ne pourra pas m'accompagner, il a pris congé pour aller au Zénith le 17 novembre, ce qui est déjà bien. Mais moi... Mais moi... Je suis en vacances! Je pourrais donc aller à Troyes. Je trouve quelqu'un pour garder ma petite puce et le tour est joué. Bon, financièrement parlant, ce n'est pas raisonnable. Mais, en même temps, j'ai quelques réserves. A quoi bon en faire si je ne tape jamais dedans?! Bon, je réfléchis encore! Mettons tous les éléments dans la balance :

-Ce concert me ferait du bien après les semaines de stress que je viens de passer,

-La tournée d'Hubert s'achève et, bientôt, il ne me restera plus que les yeux pour pleurer,

-Je ne pars pas en vacances, je peux bien m'offrir quand même un petit "voyage pour les Galapagos",

-On n'a qu'une vie, flûte alors!

Finalement, je ne vois que des points positifs! Je crois que...

25/10/2006

Encore une note : je ne peux pas attendre, c'est urgent, mais n'en oubliez pas pour autant la note sur Romain Gary!!!

« Le coquelicot de ta bouche effleure le grain de ma peau »… Je suppose que vous avez déjà entendu cette mignonne ritournelle sur les ondes. Thiéfaine disait que d’une façon générale, il trouvait que les chanteurs ne parlaient pas assez des mouches. Pour ma part, j’ai toujours pensé que rendre hommage aux coquelicots serait une excellente idée (les mouches et les coquelicots, ce n'est pas vraiment la même chose, mais je voulais seulement dire que moi aussi, je trouvais qu'un thème n'avait pas été suffisamment exploité dans la chanson!!) ! Je trouve ces fleurs formidables. Apparemment, Yves Jamait, l’auteur de la chanson « Le coquelicot », est du même avis que moi. Ce qu’il dit de ces fleurs, j’aurais voulu savoir l’exprimer. Voici :

« J’aime cette fleur, car c’est une fleur rebelle qu’on ne peut pas mettre en pot ni en bouquet ». Et de poursuivre : « J’aime le rouge du coquelicot, cette couleur étendard. Et puis, le coquelicot, c’est aussi le pavot et cela ressemble à un sexe de femme ». En ce qui me concerne, j’adore aussi rien que le mot. Co-que-li-cot. Cela se sirote tranquillement, cela chante dans le palais, cela danse sur la langue !

Bref… Cette chanson m’a conquise illico la première fois que je l’ai entendue. Un petit tour sur le site officiel d’Yves Jamait m’a également donné envie d’en savoir davantage… Un ami qui l’a vu en concert m’en a parlé, me disant que ce type était extrêmement touchant. Ce que je veux bien croire, après de nombreuses écoutes de l’album "Le coquelicot", que j’ai en ma possession depuis une semaine. Yves Jamait a tout ce que j’aime : une voix qui sent la galère, la cent treizième cigarette sans dormir, les errances nocturnes dans les rues désertes d'une quelconque ville, l’alcool, bref la vie…

L’album s’ouvre sur « Le coquelicot », justement. Ensuite, c’est « Qu’est-ce que tu fous ». « Bien sûr il doit être adorable, charmant et gracieux, et flatter tes atours. Quand moi, je suis là, misérable, imbécile et envieux, espérant ton retour ». Très belle chanson sur le pauvre amant délaissé… J’adore aussi « L’adieu merdeux ». « Des adieux, j’en connais pas d’heureux, mais le tien, c’est vraiment le plus merdeux » ! J’adore aussi « Passe ». Et puis « Le carrousel ». Et puis tout l’album, enfin ! « Testostérone émoi » me fait bien marrer ! On trouve, dans cet album, une très belle chanson sur  Dijon . « Je te salue, ma belle Dijon, ô maîtresse burgonde ». Splendide ! Et puis il y a LA chanson, celle qui me fait chialer et que je ne peux pas écouter avant d’aller me mêler à la société, sinon ladite société m’enfermerait pour cause de trop grande sensibilité, voire sensiblerie. Ouais, je sais, je n’y peux rien ! Cette chanson, LA chanson, c’est « Vierzon ». Cela ressemble étrangement au « Nantes » de Barbara point de vue histoire, ou plutôt drame intime. C’est l’histoire d’un type aux allures de gavroche qui grandit sans son papa. Dans ma famille proche, quelqu’un a vécu une semblable histoire. Sauf que lui, c’est sans son papa et sans sa maman qu’il a grandi. Et quand je vois ce qu’il est devenu dans la vie, je n’ai qu’une envie, m’incliner et dire : « Putain, chapeau, papa » ! (Oui, éventuellement, je pourrais le dire sans le « putain », mais bon…)

Enfin, j'adore la bouille et l’allure d’Yves Jamait. Un béret sur la tête, l’œil vif, le sourire enfantin. Là encore, je m’incline !

Yves Jamait passe bientôt en concert dans ma ville. Je crois que cela tombera à point nommé, quelques semaines après le Zéntih d’Hubert, après lequel j’aurai besoin de me refaire une santé…

Et pour tous ceux que cela intéresse :

http://www.jamait.fr/accueil1.html

Romain Gary : encore, je n'y peux rien, j'adore!

La pensée du jour : "Quel est ce sentiment qui vous étreint quand vous quittez des gens en bagnole et que vous les voyez rapetisser dans la plaine jusqu'à, finalement, disparaître? C'est le monde trop vaste qui nous pèse et c'est l'adieu", Jack KEROUAC, Sur la route.

 

Donc, aujourd'hui encore, je vous propose du Romain Gary. Il reste, je crois, mon écrivain préféré, mon chouchou dans la littérature!

Avant de commencer, deux petits mots : Doc, je ne sais pas si tu as vu que Nicohiva, dans "Alors, Montpellier?", te demandait ce que tu avais pensé du concert du 20 octobre. Eventuellement, si le coeur t'en dit, tu peux aller mettre ton grain de sel dans les commentaires qui font suite à cette note!

Autre chose : je ne pense pas venir au concert de Troyes. Je vais me raisonner et patienter jusqu'au 17 novembre, concert auquel je n'aurais pas pensé pouvoir assister. On a frôlé la catastrophe, l'affaire d'Etat, bref le drame : le 16 novembre, j'ai une réunion parents-profs. J'ai eu chaud aux fesses!!! Donc, vraiment, ce Zénith, je le vois comme le plus grand cadeau que 2006 pouvait me faire! Enfin, sur ce coup-là, 2006, ce fut ma moitié!!!

 

Un peu de Romain Gary :

 

« La barrière du langage, c’est quand deux types parlent la même langue. Plus moyen de se comprendre ».

 

« Je me suis toujours imaginé tous ceux que je rencontrais ou qui ont vécu près de moi. Pour un professionnel de l’imagination, c’est plus facile et cela vous évite de vous fatiguer. Vous ne perdez plus votre temps à essayer de connaître vos proches, à vous pencher sur eux, à leur prêter vraiment attention. Vous les inventez. Après, lorsque vous avez une surprise, vous leur en voulez terriblement : ils vous ont déçu. En somme, ils n’étaient pas dignes de votre talent ».

 

« Elle pleurait tellement que j’ai eu envie de pisser ».

 

« Je me suis fait un vrai malheur avec ce chien. Je me suis mis à l’aimer comme c’est pas permis ».

 

« Je crois que c’est les injustes qui dorment le mieux, parce qu’ils s’en foutent, alors que les justes ne peuvent pas fermer l’œil et se font du mauvais sang pour tout ».

 

« C’est toujours dans les yeux que les gens sont les plus tristes ».

 

« Les vrais croyants sont des personnes qui croient en Dieu, comme monsieur Hamil, qui me parlait de Dieu tout le temps et il m’expliquait que ce sont des choses qu’il faut apprendre quand on est jeune et qu’on est capable d’apprendre n’importe quoi ».

 

« Mais je tiens pas tellement à être heureux, je préfère encore la vie ».

 

« Madame Rosa dit que la vie peut être très belle mais qu’on ne l’a pas encore vraiment trouvée et qu’en attendant il faut bien vivre ».

 

« Je me suis mis à chialer mais je voyais bien que je parlais pour ne rien dire ».

 

« « J’en avais la chair de poule. Quand il vous arrive quelque chose de tellement bon que ça ne s’est jamais vu, sauf peut-être dans les temps légendaires, il faut se méfier, car on ne peut pas savoir ce que ça cache ».

« Je suis un autodidacte de l’angoisse ».

 

« Je  crois que le temps était passé beaucoup plus qu’elle ne le sentait et dans ces cas il n’y a plus de correspondant au numéro que vous avez demandé ».

 

« Quand on aime comme on respire, ils prennent tous ça pour une maladie respiratoire ».

 

23/10/2006

Histoire du soldat : suite

La pensée du jour : "Je porte des gris-gris au cou, des lunettes et une âme plus compliquée que des déclarations d'impôts", René FALLET.

 

Bon, alors, si j'ai bien compris, Sév attend avec impatience la suite des aventures du soldat Joseph! Je sens que je vais devoir mettre ici l'intégralité de l'Histoire du soldat! Cela ne me gêne pas! Nous en sommes déjà à la page 17, mine de rien, et la pièce n'en compte que 47! Donc, Sév, si tu veux "ton" Histoire du soldat en long, en large et en travers, c'est possible!

 

Voici la suite de ce que j'ai posté hier :

 

LE LECTEUR

A terme, à vue, cours des changes,

Bourse du samedi 31… Quel jour est-ce qu’on est ? on est un mercredi, le mercredi 28… C’est un livre qui est en avance.

C’est un livre qui dit les choses avant le temps, drôle ça !...

 

LE DIABLE

brusquement, après avoir inutilement essayé de jouer.

 

 

Dis donc, tu vas venir chez moi.

 

LE SOLDAT

Pour quoi faire ?

 

LE DIABLE, montrant le violon.

Tu ne vois pas ?

Je n’ai pas encore le coup.

Tu me donnes vite deux ou trois leçons

et je te ramène à la maison.

 

LE SOLDAT

Où est-ce que c’est ça, chez vous ?

 

LE DIABLE

Tout près d’ici, de tes côtés.

 

LE SOLDAT
C’est que je n’ai que quinze jours,

rien que quinze jours de congé.

 

LE DIABLE

Ce sera pour toi à peine un détour.
Et puis j’ai ma voiture : tu seras rendu plus vite qu’à pied.

 

LE SOLDAT

Et ma fiancée qui m’attend.

 

LE DIABLE

Puisque tu arriveras à temps…

 

LE SOLDAT

On sera logé ?

 

LE DIABLE

Logé, nourri, soigné, rafraîchi, dorloté,

ma voiture pour te ramener,

deux ou trois jours, un tout petit détour,

après quoi riche pour toujours…

 

LE SOLDAT

Qu’est-ce qu’on aura à manger ?

 

LE DIABLE
La cuisine est au beurre et de première qualité.

LE SOLDAT

On aura de quoi boire ?

 

LE DIABLE

Rien que du vin bouché.

LE SOLDAT

Et on aura de quoi fumer ?

 

LE DIABLE
Des cigares à bagues en papier doré.

 

Le rideau se baisse.

LE LECTEUR

Eh bien ! c’est comme vous voudrez.

C’est comme vous voudrez, je vous dis ;

et il a suivi le vieux chez lui,

qui se trouve avoir dit l’exacte vérité,

c’est-à-dire que Joseph a eu à boire et à manger,

et a été soigné comme il n’avait jamais été,

et montra au vieux à jouer

et le livre lui fut montré.

 

Deux jours valant bien le détour,

puis vint le matin du troisième jour.
Tout à coup, il vit le vieux qui entrait,

et le vieux lui dit : « Es-tu prêt ?
Mais d’abord as-tu bien dormi ? »

 

Et Joseph qui répond que oui.

« Et est-ce qu’on a tenu ce qu’on t’avait promis ? »

Et Joseph qui répond que oui.

 

« Alors tu es content ? » « Oh ! oui. » « Eh bien, dit le vieux, allons-y ! »

 

Ils montèrent dans la voiture, la voiture partit. 

 

Mais tout à coup Joseph s’accroche des deux mains

au rebord en cuir des coussins ;

« Attention ! tiens-toi ! tiens-toi bien

c’est que mes chevaux vont bon train » ;

 

il voudrait se lever, il voudrait sauter, pas moyen ;

 

la calèche est montée en l’air,

elle prend le ciel en travers ;

 

« Es-tu content ? es-tu toujours content ? »

elle glisse en l’air au-dessus des champs,

combien de temps ? il n’y a plus de temps…

 

Musique. Airs de marche, comme au début de la première lecture.

 

 

Entre Denges et Denezy,

un soldat qui rentre au pays. A pris sa route à travers champs,

Va toujours et va plus avant…

 

Fin des airs de marche.

 

 

22/10/2006

Histoire du soldat : "et je vois devant moi le diable en personne"

La petite pensée du jour : "Dès que nous sommes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes par nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous imposent", François MAURIAC.

 

Reprenons l’Histoire du soldat là où nous l’avions laissée. Cette fois, le diable fait son apparition. Allez, lisez ses répliques en essayant d’imaginer la voix d’Hubert :

 

LE SOLDAT, accordant le violon.

On voit que c’est du bon marché,

il faut tout le temps l’accorder…

 

Le soldat se met à jouer. Musique. Petits airs au bord du ruisseau. Entre le diable. C’est un petit vieux qui tient à la main un filet à papillons. Tout à coup, il tombe en arrêt. La musique continue. Le diable s’approche du soldat par derrière. Fin de la musique.

 

 

LE DIABLE
Donnez-moi votre violon.

 

 

LE SOLDAT

Non !

 

LE DIABLE

Vendez-le-moi.

 

LE SOLDAT

Non !

 

LE DIABLE

posant son filet à papillons et prenant dans la main droite le livre qu’il a sous le bras gauche.

 

Changez-le-moi contre ce livre.

LE SOLDAT

Je ne sais pas lire.

LE DIABLE

Vous ne savez pas lire ? ça ne fait rien.
C’est un livre… on n’a pas besoin de savoir lire pour le lire.

C’est un livre, je vais vous dire,

Qui se lit tout seul ; il se lit pour vous.
On n’a qu’à l’ouvrir, on sait tout.
C’est un livre… c’est un coffre-fort…

On n’a qu’à l’ouvrir, on tire dehors…

Des titres !

Des billets !

DE L’OR !

 

LE SOLDAT
Faudrait me le montrer d’abord.

LE DIABLE

Je suis parfaitement d’accord.

 

Il tend le livre au soldat, qui se met à lire, bougeant les lèvres et suivant les lignes avec le doigt.

 

 

LE LECTEUR

A terme, à vue, cours des changes…
Pas moyen d’y rien comprendre.

LE SOLDAT
Je lis, c’est vrai, mais je ne comprends pas.

 

LE DIABLE

Essayez toujours, ça viendra.

 

LE SOLDAT

Et puis aussi, monsieur, si ce livre vaut tant d’argent, mon violon, à moi, il m’a coûté dix francs.

 

LE DIABLE

Ce que c’est quand même que l’honnêteté !

Elle va vous récompenser

en vous faisant faire une bonne affaire.
L’occasion n’est pas ordinaire.
Dites que oui, profitez-en…

 

LE SOLDAT

Oh ! bien, si vous y tenez tant !

 

Il donne le violon au diable et se met à lire dans le livre.